Robert Le Vigan

Robert Le Vigan - nom de scène de Robert Coquillaud - né à Paris 18e le [1] et mort à Tandil (Argentine) le , est un acteur français remarqué pour ses seconds rôles dans les films français des années trente et quarante, dont La Bandera, Le Quai des brumes ou Goupi Mains Rouges. Dirigé par Julien Duvivier, il incarne Jésus Christ dans Golgotha en 1935, considérée comme l'une de ses compositions les plus inspirées.

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Après la Libération, son implication dans la collaboration lui vaut d'être condamné à la dégradation nationale et à dix ans de travaux forcés. Bénéficiant d'une libération conditionnelle après trois ans de travail dans un camp, il passe en Espagne puis s'exile en Argentine. Il y meurt dans le dénuement.

Biographie

Jeunesse

Robert Charles Alexandre Coquillaud nait au 42 rue de la Charbonnière, à Paris dans le 18e. Son père est médecin-vétérinaire. La légende raconte que Robert aurait choisi son surnom  Le Vigan  à la suite de l'apprentissage rabâché des départements[réf. nécessaire], notamment du Gard, préfecture Nîmes, sous-préfectures : Alès et Le Vigan. Surnommé « La Vigue » par son ami Louis-Ferdinand Céline, il n'aurait, en fait, jamais mis les pieds dans cette ville.

Refusant de prendre la relève de son père, Robert Le Vigan s'intéresse très tôt à l'art dramatique. Il est reçu au concours d'entrée au Conservatoire de Paris. Second prix de comédie en première année, il quitte le Conservatoire en apprenant qu'il ne pourrait jamais obtenir le premier prix du fait de son engagement militaire. Le music-hall est le seul refuge pour obtenir quelques emplois honorables et subsister, il se retrouve employé dans des petits rôles qui lui permettent de faire ses classes. Il rencontre Marcel Dalio avec qui il court le cachet. Il interprète Molière et Regnard en Belgique.

Il effectue son service en fantassin au 167e régiment d'infanterie situé à Wiesbaden en zone française. Libéré de ses obligations militaires, il reprend quelques tournées en province, interprétant Molière et George Bernard Shaw dans les troupes de Gaston Baty et Louis Jouvet. En 1927, il tourne avec Arletty dans des sketches.

Avant la Seconde Guerre mondiale

Julien Duvivier le remarque dans une pièce de Jules Romains Donogoo. Il l'engage et lui donne un rôle dans Les Cinq Gentlemen maudits, rôle qui le cantonne dans des emplois équivoques et de méchants. Il tourne ensuite La Bandera, Les Bas-fonds et Le Quai des brumes, films qui le rendent célèbre. Il interprète le rôle du Christ dans Golgotha. Colette dit, après l'avoir vu jouer, que Le Vigan est un acteur « saisissant, immatériel, sans artifice, quasi céleste ». Entre deux contrats il fréquente des cercles où se retrouvent le peintre Gen Paul, l'écrivain Marcel Aymé, le dessinateur Poulbot, et Louis-Ferdinand Céline avec qui il se lie d'amitié. En 1938 sort le film de Christian-Jaque, Les Disparus de Saint-Agil, dans lequel Le Vigan fait une composition.

Sous l'Occupation

En 1939, c'est la drôle de guerre ; mobilisé comme conducteur dans une unité de transmissions, il profite de quelques permissions pour retrouver ses amis comédiens à Nice.

Le Vigan fait un détour par Oran pour y rejoindre sa femme Alphonsine Lassauce[réf. nécessaire] - épousée en - avec laquelle il partage dix ans de relation commune. Sans emploi, il regagne Marseille, ville d'où le comédien Albert Préjean l'avait fait partir pour l'Algérie.

L'armistice signé, il remonte à Paris. Durant l'Occupation, il participe sur Radio-Paris - contrôlée par les Allemands - à une émission-revue Au rythme du temps dirigée par le collaborationniste Georges Oltramare dit « Charles Dieudonné » dans laquelle Le Vigan, avec des comédiens comme Maurice Rémy et des journalistes, joue des saynètes basées sur les actualités[2]. Cette émission lui donne l'occasion de manifester avec bruit sa fougue antisémite, ce qui lui vaudra par la suite d'être en tête de la liste noire des comités d'épuration.

Collaborateur notoire, il envoie des lettres de délation à la Gestapo concernant le milieu artistique. Il tourne L'Assassinat du père Noël (1941), film de Christian-Jaque, et rédige une lettre dans laquelle il mentionne sa grande joie d'avoir collaboré à cette réalisation, produite par Alfred Greven pour la Continental (compagnie à capitaux allemands), ce qui lui sera reproché lors de son procès. Il tourne aussi dans Romance de Paris et interprète « Goupi Tonkin » dans Goupi Mains Rouges.

En 1943, il divorce d'Alphonsine Lassauce et adhère au Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot. Il rejoint Louis-Ferdinand Céline à Sigmaringen en 1944. Cette fuite en Allemagne en compagnie de l'écrivain, pour échapper à l'épuration, a été décrite en détail par Céline dans D'un château l'autre (1957), Nord (1960) et Rigodon (1969), romans autobiographiques dont Le Vigan est un des protagonistes aux côtés de Lili et du chat Bébert. Il devient speaker au poste « Ici la France », recevant 1 100 marks par mois, jusqu'au , date à laquelle il cherche à passer en Suisse[3].

À son retour en France, l'acteur est incarcéré à la prison de Fresnes et condamné par la Cour de justice de la Seine, en , à la dégradation nationale et à dix ans de travaux forcés, pour faits de collaboration. Lors de son procès, le réalisateur Julien Duvivier, ainsi que les acteurs Louis Jouvet, Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault tentent de le sauver en le décrivant irresponsable. Duvivier déclare ainsi : « Je ne puis dire que je le considère comme un homme parfaitement normal. Il est susceptible de subir des entraînements que rien de sensé ne peut justifier ». C'est ce que plaide aussi son avocat, Me Pierre Charpentier, s'appuyant sur le rapport d'un médecin aliéniste[4].

Après la Guerre

Libéré sous condition en 1948, il choisit l'exil. Il gagne l'Espagne, puis l'Argentine où il tourne encore dans quelques films, en 1951 et 1952. Il s'y remarie le avec Olympe Bellemer.

Il vit ensuite dans la misère. Il meurt en Argentine le 12 octobre 1972, à 72 ans. Il avait renoncé à tout retour en France, au point que François Truffaut, le contactant à la fin des années 1960 pour le réhabiliter comme comédien, n'avait pu le soustraire à sa retraite.

À propos de Robert Le Vigan, Jean Tulard a écrit « qu'il ne s'était jamais remis d'avoir incarné Jésus dans le film Golgotha de Duvivier »[5] et aussi « On s'accorde, les passions apaisées, à reconnaître l'immensité de son talent »[6].

Filmographie

Théâtre

Notes et références

  1. Archives de l’état civil de Paris en ligne, acte de naissance N° 18e/152/1900
  2. Pascal Ory, Les Collaborateurs, Paris, éd. du Seuil, coll. « Points/Histoire », 1976 (ISBN 2-02-005427-2), p. 80.
  3. Le Monde, 16 novembre 1946, "L'acteur Le Vigan comparaît demain en cour de justice", Le Monde, 1er octobre 1945
  4. Le Monde, 16 novembre 1946, "L'acteur Le Vigan comparaît demain en cour de justice", Le Monde, 18 novembre 1946, "Le Vigan devant ses juges", Le Monde, 19 novembre 1946, "Le procès de Le Vigan ou le paradoxe de l'accusé"
  5. Jean Tulard, Guide de Films F O, Éditions Bouquins Robert Laffont, 2002, p. 1312, citation : « Le Vigan ne se remit pas d'avoir tenu ce rôle. »»
  6. Jean Tulard, Dictionnaire du cinéma - les acteurs, 2001, Éditions Robert Laffont, p. 647, citation : « À l'écran, il était capable d'être le Christ (Golgotha) ou Mazarin (Jérôme Perreau), un marin contestataire (Les Mutinés de l'Elseneur) ou un dictateur sud-américain (Ernest le rebelle. […] On s'accorde, les passions apaisées, à reconnaître l'immensité de son talent. »

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

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