Sigmaringen
Sigmaringen est une ville située dans le sud de l'Allemagne, dans le land du Bade-Wurtemberg, sur le Danube.
Sigmaringen | |||
Le château de Sigmaringen, en 2015. | |||
Héraldique |
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Administration | |||
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Pays | Allemagne | ||
Land | Bade-Wurtemberg | ||
District (Regierungsbezirk) |
Tübingen | ||
Arrondissement (Landkreis) |
Sigmaringen | ||
Nombre de quartiers (Ortsteile) |
6 | ||
Bourgmestre (Bürgermeister) |
Thomas Schärer 2010-2014 |
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Partis au pouvoir | CDU | ||
Code postal | 72488 | ||
Code communal (Gemeindeschlüssel) |
08 4 37 104 | ||
Indicatif téléphonique | +49-07570, +49-07571 et +49-07577 |
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Immatriculation | SIG | ||
Démographie | |||
Population | 18 271 hab. (31 décembre 2015) | ||
Densité | 197 hab./km2 | ||
Géographie | |||
Coordonnées | 48° 05′ 12″ nord, 9° 12′ 59″ est | ||
Altitude | 584 m Min. 578 m Max. 794 m |
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Superficie | 9 284 ha = 92,84 km2 | ||
Localisation | |||
Géolocalisation sur la carte : Bade-Wurtemberg
Géolocalisation sur la carte : Allemagne
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Liens | |||
Site web | www.sigmaringen.de | ||
Mentionnée dès 1077, elle est successivement capitale de la principauté de Hohenzollern-Sigmaringen, puis de la province de Hohenzollern. Elle est réputée pour son château, parfaitement préservé, qui servit de siège au gouvernement en exil du régime de Vichy à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le château n'a de féodal que le site et l'allure d'ensemble. Les bâtiments et leur décoration intérieure sont des pastiches de différents styles.
C'est le lieu de naissance des rois de Roumanie Carol Ier et Ferdinand Ier, ainsi que du capucin et martyr saint Fidèle de Sigmaringen (1577-1622).
Histoire
Appartenances historiques
Duché de Souabe 915-1052 |
L’enclave française (1944-1945)
Les princes de Hohenzollern, suspects depuis la défection de leur cousin le jeune roi Michel Ier de Roumanie, sont placés en résidence surveillée le 20 juillet 1944 et le château est réquisitionné.
Le 7 septembre 1944[1], fuyant l'avancée des troupes alliées en France, alors que l'Allemagne est en flammes et que le régime de Vichy n'existe plus, un millier de Français collaborateurs (parmi lesquels une centaine d'« officiels » du régime de Vichy, quelques centaines de membres de la Milice française et de militants des partis collaborationnistes et la rédaction du journal Je suis partout) mais aussi des attentistes s'exilent à Sigmaringen. Le maréchal Pétain et Pierre Laval emmenés, contre leur gré, par les Allemands dans leur retraite en août 1944 y ont résidé jusqu'en avril 1945. La commission gouvernementale, présidée par Fernand de Brinon et censée incarner la continuité du régime vichyste, y est constituée, composée d'anciens membres des gouvernements de Vichy mais certains qui ont suivi Pétain à Sigmaringen ont refusé d'y participer. Cette commission est entourée d'un aréopage collaborationniste dont Louis-Ferdinand Céline[1]. Le château reçoit le statut d'extraterritorialité[2] et devient une enclave française, où le drapeau tricolore est hissé devant le château[3], Pétain ayant fait décrocher celui qui avait été placé au sommet, à côté des armes des Hohenzollern[4]. Les visiteurs sont même obligés de présenter une pièce d’identité, puisqu’ils pénètrent en territoire français[5]. Deux ambassades, l'une pour l'Allemagne, l'autre pour le Japon, ainsi qu'un consulat italien, apportent une caution diplomatique à la commission[3]. Ce « gouvernement de Sigmaringen » dure jusqu'en [5].
Pétain, dès son départ de Vichy, se considérant avec ses ministres comme prisonniers, décide de cesser ses fonctions, et donc de ne plus prendre de décision pour protester[6]. Laval fait de même[7]. Malgré les efforts des collaborationnistes et des Allemands, Pétain ne reconnaîtra jamais cette commission[3].
La suite de Pétain, et ses ministres, quoiqu'en « grève »[8], logent dans le château de Sigmaringen réquisitionné, Pétain choisissant une suite pas trop grande car moins froide. Tous les autres sont logés dans les écoles et les gymnases, transformés en dortoirs, dans les rares chambres chez l'habitant et dans divers hôtels de la ville, comme le Bären ou le Löwen[9], qui reçoivent les plus prestigieux invités, notamment l'écrivain Louis-Ferdinand Céline, qui en raconte plus tard les détails, à sa manière, dans son livre D'un château l'autre[10]. Il y parle longuement de la brasserie du Löwen où les Français se donnent rendez-vous pour suivre l'avancée des Alliés et parler des dernières rumeurs sur la victoire imminente, mais improbable, de l'Allemagne[1].
Les chefs miliciens cherchent à recruter de nouveaux adhérents pour gonfler l'effectif de la Franc-garde, en détectant des sympathisants, en particulier dans les camps de travailleurs, de prisonniers en Allemagne. Leur but, faire triompher l’idéal d’une véritable Révolution nationale, en préparant activement la lutte clandestine, en créant des maquis. L'opération Maquis blanc consiste à parachuter des agitateurs politiques, qui, le moment venu, sèmeront la panique et prépareront de futurs maquis, soit des agents de renseignement qui pourront s'infiltrer plus facilement que les agents allemands.
Les exilés dans les habitations exiguës de la ville vivent difficilement l'été mais surtout l'hiver[11] sous les grondements des bombes américaines et dans un froid intense qui atteint –30 °C en . Les logements précaires, la nourriture insuffisante, la promiscuité des paramilitaires, le manque d'hygiène, provoquent de nombreuses maladies (grippes, phtisies) et une mortalité importante chez les enfants, maux que soignent tant bien que mal les deux seuls médecins français, le docteur Destouches, alias Louis-Ferdinand Céline et le docteur Ménétrel[5].
À l'approche des Alliés en avril 1945, la plupart s'exilent de nouveau : Pétain est emmené par les Allemands, après des pérégrinations, à la frontière suisse, Laval s'envole pour l'Espagne, de Brinon se réfugie dans les environs d'Innsbruck[12], d'autres personnalités du régime trouvent refuge en Italie du Nord[12].
Après 1945
Depuis 2010, le prince Karl Friedrich de Hohenzollern-Sigmaringen est à la tête de la maison. À travers le groupe Zollern (métallurgie, patrimoine forestier, menuiserie, tourisme), il est le premier employeur du district[13].
Politique et administration
Culture locale et patrimoine
Sigmaringen vu par Céline
Louis-Ferdinand Céline, dans son livre D'un château l'autre[14], fait une description de la ville :
« […] Siegmaringen ? [sic] pourtant quel pittoresque séjour !… vous vous diriez en opérette… le décor parfait… vous attendez les sopranos, les ténors légers… pour les échos, toute la forêt !… dix, vingt montagnes d'arbres !… Forêt Noire, déboulées de sapins, cataractes… votre plateau, la scène, la ville si jolie fignolée, rose, verte, un peu bonbon, demi-pistache, cabarets, hôtels, boutiques, biscornus pour “metteur en scène”… tout style “baroque boche” et “Cheval blanc”… vous entendez déjà l'orchestre !… le plus bluffant : le Château !… la pièce comme montée de la ville… stuc et carton-pâte !… […] »
Notes et références
- Jérôme Béglé, « Rentrée littéraire - Avec Pierre Assouline, Sigmaringen, c'est la vie de château ! », sur lepoint.fr, Le Point, (consulté le ).
- Stanislas Rigot, « Sigmaringen », sur pagedeslibraires.fr, (consulté le ).
- Christine Sautermeister, Céline à Sigmaringen, Écriture, , 400 p. (ISBN 978-2-35905-098-1, lire en ligne), p. 13.
- Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, éd. Librairie Académique Perrin, Paris, 1962-1964 ; rééd. CAL, Paris, chap. « Pétain : sa carrière, son procès », p. 40, 45. « Lorsque le , le drapeau français, à son insu, est hissé sur le château à côté des armes des Hohenzollern, sa réaction sera double. D’une part, il adresse à l'ambassadeur Otto Abetz une lettre de protestation : « J'apprends que le pavillon français vient d’être hissé sur le château qui m’a été désigné comme résidence forcée, lequel jouirait au surplus, du privilège de l’extraterritorialité. Ces mesures donnent à ma présence ici une apparence de consentement qui est absolument contraire à mon sentiment et contre lequel je m’élève avec énergie […] »
D’autre part, il laisse la Maréchale prévenir l’amiral Bléhaut : celui-ci, avec des officiers, monte sur le toit, décroche le drapeau tricolore, qui sera dorénavant caché au fond d’un poêle. » - Pierre Assouline, « Sigmaringen », émission La Marche de l'Histoire sur France Inter, 16 janvier 2014.
- Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, op. cit., chap. « Pétain : sa carrière, son procès », p. 40, 45.
- Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, op. cit., chap. « Pierre Laval : sa carrière politique », p. 81-82.
- Robert Aron, Grands dossiers de l'histoire contemporaine, op. cit., p. 40, 45.
- (de) « Das ganze Schloss ein Blendwerk - Vichy in Sigmaringen » (consulté le ).
- André Brissaud, Pétain à Sigmaringen (1944-1945), Paris, Librairie académique Perrin, , p. 207.
- Partis dans la panique uniquement avec des vêtements d'été, ils souffrent du froid.
- Jean-Paul Cointet, Sigmaringen, Paris, Perrin, coll. « Tempus », , 462 p. (ISBN 978-2-262-03300-2), p. 394-420.
- Jean-Louis Tremblais, « Les fantômes de Sigmaringen », Le Figaro Magazine, semaine du 16 mars 2018, pages 62-71.
- Édition Folio, p. 156.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Louis-Ferdinand Céline, D’un château l’autre (roman), 1957.
- André Brissaud, Pétain à Sigmaringen, de Vichy à la Haute Cour, Paris, Perrin, 1966.
- Bruno Léandri, art. « Retour à Sigmaringen », dans La Grande encyclopédie du dérisoire - tome III, 1999.
- Louis Noguères, La dernière étape, Sigmaringen, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1956.
- Jean-Paul Cointet, Sigmaringen – Une France en Allemagne (-), Paris, Perrin, 2003, 368 p. (ISBN 978-2-262-01823-8).
- Henry Rousso, Château en Allemagne - Sigmaringen 1944-1945, Hachette Pluriel, 2012.
- Pierre Assouline, Sigmaringen, Paris, Gallimard, 2014, 368 p. (ISBN 978-2-07-013885-2).
- Marie Chaix, Les Lauriers du Lac de Constance (roman), Paris, Le Seuil, 1974.
Liens externes
- (de) Site officiel
- (de) Site du château de Sigmaringen
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