Restauration bourbonienne en Espagne

La Restauration bourbonienne en Espagne (en espagnol, Restauración borbónica en España) désigne la période historique suivant le pronunciamiento du général Arsenio Martínez Campos le — qui marque la fin de la Première République espagnole et rétablit la dynastie des Bourbons en la personne d'Alphonse XII, fils d'Isabelle II — et prenant fin avec la proclamation de la Seconde République, le .

Pour les articles homonymes, voir Restauration des Bourbons.

Royaume d'Espagne
(es) Reino de España

18741931


Drapeau du royaume d'Espagne.

Armoiries du royaume d'Espagne.
Devise en latin : Plus ultra  Plus loin »)
Hymne Marcha Real
L'Espagne et ses colonies (en vert) sous la Restauration avant la guerre hispano-américaine.
Informations générales
Statut Monarchie constitutionnelle.
Capitale Madrid
Langue(s) Espagnol
Religion Catholicisme
Monnaie Peseta
Démographie
Population  
• 1877 16 622 175 hab.
• 1887 17 549 608 hab.
• 1900 18 616 630 hab.
• 1910 19 990 669 hab.
• 1920 21 388 551 hab.
Histoire et événements
Pronunciamiento de Sagonte.
Adoption de la constitution.

Guerre hispano-américaine

Guerre de Mélilla

Guerre du Rif

Dictature de Primo de Rivera
Soulèvement de Jaca
Les républicains remportent les élections municipales.
Abolition de la monarchie, proclamation de la République.
Roi
18741885 Alphonse XII
18861931 Alphonse XIII
Régente
18851902 Marie-Christine d'Autriche
Président du Conseil des ministres
(1e) 18741875 Antonio Cánovas del Castillo
(De) 1931 Juan Bautista Aznar-Cabañas
Cortès
Chambre haute Sénat
Chambre basse Congrès des députés

Entités précédentes :

Elle se caractérise par une certaine stabilité institutionnelle, par la construction d'un modèle d'État libéral et par le développement de mouvements sociaux et politiques issus de la révolution industrielle. La crise agraire, le retard industriel, les revendications nationalistes en Catalogne, les grèves et l'anarchisme secouent alors le pays, et le régime entre dans une phase de décadence progressive, aboutissant à la dictature de Miguel Primo de Rivera en 1923, puis à la Dictablanda dictamolle ») de ses successeurs en 1930.

Sous la régence de la reine mère Marie-Christine d'Autriche, mère du roi mineur Alphonse XIII, l'Espagne se trouve engagée dans la guerre hispano-américaine contre les États-Unis d'Amérique et perd Cuba, Porto Rico et les Philippines en 1898.

Les débuts de la Restauration

Alors qu'Alphonse XII est en exil en Grande-Bretagne après l'échec de la Première République, Antonio Cánovas del Castillo prend contact avec lui afin de restaurer la monarchie espagnole. Cánovas fait à la classe politique la promesse que le nouveau régime tirerait un trait sur la République mais aussi sur les pratiques très critiqués du règne d'Isabelle II. Le roi, convaincu, proclame le le Manifeste de Sandhurst, dans lequel il affirme que la nation est orpheline, que nombreux sont ceux qui l'ont contacté pour l'établissement d'une monarchie constitutionnelle, et que, se considérant comme l'héritier légitime du trône à la suite de l'abdication de sa mère Isabelle II, il se met à la disposition des Espagnols.

La légitimité du nouveau régime est établie par la Constitution de 1876. Le pouvoir législatif est dévolu à deux chambres : le Congrès des députés, dont les membres sont initialement élus au suffrage censitaire, et le Sénat, nommé par le roi. Le monarque conserve une bonne partie des fonctions de chef d'État et du pouvoir exécutif. Antonio Cánovas del Castillo est l'artisan de ce processus, qui met fin à la guerre carliste.

Jusqu'au désastre de 1898

Armoiries de l'Espagne, récupérées en 1875 uniquement comme symbole personnel du monarque.

Une fois la République dissoute, les « partis dynastiques », conservateurs et libéraux, respectivement menés par Cánovas et Sagasta, alternent au pouvoir.

À travers le Pacte du Pardo, signé à la veille de la mort d'Alphonse XII en 1885, Cánovas renforce le fonctionnement du bipartisme entre le Parti libéral-conservateur, mené par lui-même, et le Parti libéral fusionniste, dirigé par Práxedes Mateo Sagasta (mais dans la création duquel Cánovas est également impliqué). Ce nouveau panorama permet de dépasser le régime de parti unique qui avait provoqué la délégitimation, et par suite la destitution, d'Isabelle II, et amène une plus grande stabilité institutionnelle. Cependant, ce système étriqué, dont l'alternance politique est purement fictive (ce qui lui vaut le surnom péjoratif de turnismo ou turno pacífico), qui repose sur les réseaux d'influence clientélistes du caciquisme, se montre rapidement vicié, et de plus gangrené par la corruption politique.

La mort d'Alphonse XII ouvre en 1885 la régence de Marie-Christine de Teschen, période qui débute avec le gouvernement de Sagasta et durant laquelle sont entre autres approuvés la Loi sur les associations (Ley de Asociaciones), la liberté de la presse, le suffrage universel masculin (1890)[1] et la création de l'institution judiciaire des jurys. La nouvelle législation permet aux républicains de se restructurer au sein du Parti républicain espagnol, très influent par la suite.

Cette même période voit l'essor de l'anarchisme et du socialisme, à travers le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), fondé en 1879, et les premiers mouvements ouvriers résultant de la révolution industrielle.

Le développement économique

L'émigration en Amérique, le faible accroissement démographique (l'Espagne ne compte que 18,5 millions d'habitants en 1900), les famines et les épidémies entraînent une dégradation croissante de la position de l'Espagne par rapport aux autres pays européens.

Sa population active est employée à 79 % dans une agriculture à faible rendement et dans la transformation de produits agricoles. Le système protectionniste empêche la modernisation du secteur primaire, incapable de suivre la concurrence. Le latifundium conditionne la vie des paysans d'une grande partie de la péninsule, en particulier en Andalousie et en Estrémadure. Seuls quelques filières, comme la production de vin, d'huile d'olive et de fruits (en particulier les oranges) commencent à se développer, mais leurs exportations en Europe sont encore peu significatives.

Le développement de l'industrie et des communications reste faible. Tandis que l'Europe est en pleine révolution industrielle, seules la Catalogne (avec l'implantation du chemin de fer et de l'industrie textile), certaines zones du Pays basque (comme Bilbao avec la sidérurgie), les exploitations minières en Andalousie (fer, cuivre et plomb) ou aux Asturies (charbon)... suivent ce mouvement en Espagne, et les disparités régionales s'en trouvent accentuées.

En 1888 est célébrée l'Exposition universelle de Barcelone.

Une société changeante

La Restauration est accompagnée d'une profonde centralisation administrative et judiciaire, à laquelle les nationalismes catalan et basque ne tardent pas à réagir. Le premier a pour fer de lance sa propre révolution bourgeoise et son identité culturelle ; le second, qui a perdu ses fors (fueros, ou privilèges traditionnels) en 1876, après les guerres carlistes, se cherche encore. Le Parti nationaliste basque, la Lliga Regionalista et l'Unió Catalanista entrent alors en scène.

Le mouvement ouvrier se regroupe autour du PSOE, qui promeut la lutte pacifique et la participation électorale, et l'UGT (fondée en 1888) ; l'anarchisme se développe avec la Fédération des travailleurs de la région espagnole. La monarchie réprime durement ces mouvements, avec une violence particulière quant à l'anarchisme[2]. La Catalogne est le terrain d'affrontements fréquents.

L'Église évolue d'une position d'abord intransigeante à une attitude plus conciliante. Avec l'approbation de la Constitution de 1876 s'ouvre un conflit lié à l'application de l'article II, selon lequel :

« La religion catholique, apostolique et romaine est celle de l'État. La Nation s'oblige à entretenir le culte et ses ministres. Nul ne peut être molesté sur le territoire espagnol pour ses opinions religieuses, ni pour l'exercice de son culte respectif, sauf le respect dû à la morale chrétienne. Toutefois, aucune cérémonie ou manifestation publique autre que celles de la religion d'État n'est autorisée.[3]. »

Les gouvernements conservateurs commencent par adopter une interprétation restrictive de l'article, ce qui suscite de nombreuses protestations de la part d'ambassadeurs étrangers. Le débat se ravive avec la question de l'enseignement, les évêques exigeant la garantie de l'éducation doctrinale, du contrôle et de la censure des contenus enseignés comme un droit reconnu par le concordat, au détriment de la fonction de superviseur qui revient à l'État.

Le conflit prend de l'ampleur avec la question du mariage civil, prévu à l'origine, mais qui n'aboutira pas en raison de l'opposition de l'Église. En , Alonso Martínez prend l'initiative d'autoriser le mariage des non-catholiques. Après d'intenses négociations, un accord est conclu avec le Saint-Siège, dans lequel est reconnu à l'État le pouvoir de réguler l'aspect civil du mariage.

La société apparaît divisée en plusieurs secteurs : un secteur traditionnel, représenté par les partis dynaistiques de Cánovas et Sagasta : monarchistes, défenseurs d'un modèle d'ouverture modérée et étrangers aux aspirations des nouvelles classes sociales ; des mouvements républicains et nationalistes, représentants d'une nouvelle bourgeoisie qui n'a pas encore trouvé son espace national ; enfin le prolétariat, regroupé autour d'un parti politique, le PSOE, et de deux syndicats de classe, l'UGT et la CNT. Le tout sous l'œil attentif de l'Église.

Les gouvernements de la Restauration à 1898

La principale nouveauté de la vie politique de la Restauration réside dans l'instauration d'une alternance convenue entre les deux partis dynastiques (connue sous le nom de turno, turno pacífico ou encore turnismo), selon un procédé simple : le roi destitue le gouvernement en place, nomme un nouveau premier ministre issu de l'autre camp, puis ordonne la dissolution du parlement ; on fait en sorte que les élections donnent une majorité satifaisante au nouveau gouvernement. Pour ce faire, on recourt tant à l'influence des caciques locaux qu'à la falsification des scrutins. Un procédé courant est l'encasillado, qui consiste pour le ministère de l'Intérieur à n'inclure dans les listes électorales que des personnes favorables au gouvernement. Dans certaines circonscriptions rurales, un seul candidat (affilié au nouveau parti au gouvernement) est autorisé à se présenter. La carte électorale est de plus conçue de manière à donner une sur-représentation aux zones rurales, peu peuplées et où la fraude électorale est la plus importante. Grâce à ce système, les résultats sont convenus et parfois annoncés à l'avance.

Les premières élections de la Restauration se déroulent le , toujours sous le régime de la Constitution de 1869. Le Parti libéral-conservateur de Cánovas obtient la majorité écrasante souhaitée, avec 333 députés sur un total de 391 sièges.

En 1876, une commission présidée par Manuel Alonso Martínez est chargée de l'élaboration d'une nouvelle Constitution.

L'arrivée au pouvoir du général Martínez Campos débouche sur la convocation des élections de 1879, le , desquelles les conservateurs sortent vainqueurs avec 293 des 392 sièges. Cánovas revient au pouvoir en décembre de la même année à cause de la division dans les rangs de son parti autour de la loi d'abolition de l'esclavage aux Antilles. Il se concentre alors sur l'obtention d'une alternance stable avec les constitutionnalistes de Sagasta, fidèles au régime. Celui-ci fonde le Parti libéral fusionniste en mars 1880, qui accède au pouvoir le , à la suite de la première « alternance pacifique » des partis au pouvoir. Il prononce la dissolution des Cortès et convoque de nouvelles élections, au cours desquelles sa formation obtient la majorité avec 297 sièges.

Sagasta gouverne jusqu'au , date à laquelle il laisse la place au gouvernement de Posada Herrera, du même parti, qui doit pourtant démissionner en raison de l'hostilité des partisans de Sagasta eux-mêmes. Le gouvernement est confié à Cánovas qui, après la dissolution de l'assemblée obtient de nouveau la majorité aux élections d'avril 1884, avec 318 députés. Ces élections sont le théâtre d'une falsification massive des résultats[4] : les rouages du « turno pacífico » sont définitivement en place.

La mort prématurée d'Alphonse XII, le , décide Cánovas à laisser le pouvoir au Parti libéral, avec la signature le même jour du pacte du Pardo, visant à la consolidation du régime, mais qui entraîne le rejet du canovisme par le groupe de Romero Robledo. Le premier gouvernement de la Régence, mené par Sagasta, est nommé le , qui convoque des élections de 1886, pour le . Les fraudes habituelles sont reconduites et les libéraux font élire 278 sièges parmi lesquels, pour la première fois, Álvaro de Figueroa y Torres, Comte de Romanones, au siège de Guadalajara.

Le , le gouvernement libéral change la loi électorale et instaure un « suffrage universel » limité aux hommes âgés de plus de 25 ans. Ceci n'altère pas substantiellement les vices du système, mais conduit à de nouvelles conduites politiques qui, à la longue, aboutiiront à sa crise et à son démantèlement.

À la suite de la dissolution des Cortès en décembre 1890, un gouvernement Cánovas prend le pouvoir et convoque des élections pour février 1891. Si le ministre de l'Intérieur, Francisco Silvela, n'use que dans une moindre mesure des méthodes frauduleuses de son prédécesseur Romero Robledo, le Parti conservateur n'en récolte pas moins une majorité, certes moins confortable qu'habituellement, de 253 des 399 sièges. Les républicains obtiennent un succès relatif, gagnant 31 sièges.

L'unité des conservateurs chancelle ; ils ont déjà connu la dissidence de Romero Robledo — qui reviendra quatre ans plus tard au bercail. Elle est de nouveau mise à mal par Silvela au nom de la moralité. Sa défection conduit à la démission de Cánovas en et au troisième turno libéral.

Sagasta compose un gouvernement qui convoque les élections de 1893. Celles-ci ont lieu le et donnent au pouvoir la majorité rituelle (281 sièges sur 400). La surprise vient des républicains, dont les 47 sièges constituent le second groupe parlementaire, devant les conservateurs officiels, affectés par leurs divisions internes.

Le conflit au Maroc et le dernier épisode de la guerre coloniale d'outre-mer amènent Sagasta à céder le pouvoir à Cánovas en . Le dirigeant conservateur gouverne un an avec l'appui de la majorité libérale, jusqu'aux élections du , marquées par l'abstention de l'Union républicaine. Cette dernière se divise à la suite de la mort de Ruiz Zorrilla : de nombreux républicains passant dans le camp libéral, et les fédéralistes de Pi i Margall soutiennent seuls l'autonomie ou l'indépendance de Cuba. Pour la première fois, les socialistes présentent des candidats, mais ne remportent aucun siège. Comme prévu, la majorité va aux conservateurs, qui remportent 274 des 401 sièges, bien que la domination des partis dynastiques régresse.

L'assassinat de Cánovas, au moment le plus tragique de la guerre de Cuba, ajouté aux querelles internes dans les rangs conservateurs, précipite le retour aux affaires de Sagasta. Après la dissolution du Parlement, les élections de 1898 donnent une majorité confortable aux libéraux (266 sièges), devant un Parti conservateur divisé, après la disparition de son leader, entre l'Union Conservatrice loyaliste de Silvela et la dissidence menée par Robledo, alors en plein déclin. L'Union républicaine renonce à l'abstention, mais ses dissensions internes ne lui autorisent que de maigres résultats : 14 élus.

La culture espagnole s'ouvre sur le monde

Le développement industriel, la stabilité institutionnelle et l'amélioration des échanges avec les autres pays européens se traduisent par un renouvellement léger, mais significatif, de la culture espagnole.

L'Église catholique, appuyée par la politique dynastique, continue à jouer un rôle fondamental dans la culture populaire de la fin du XIXe siècle, à une époque où la population espagnole est encore à 65 % analphabète. Le mouvement ouvrier commence pour sa part à montrer sa force, avec l'ouverture d'athénées et d'écoles populaires, très marquées idéologiquement, mais qui permettent à bon nombre d'hommes et de femmes des zones rurales d'accéder à un minimum de connaissance.

Dans les arts, l'éducation et la littérature, on note une ouverture sensible vers l'Europe. La croissance des grandes villes, fruit de l'industrialisation, donne lieu à un urbanisme moderne qui connaît son apogée avec le mouvement moderniste catalan, dont Antoni Gaudí est la figure de proue. Les républicains, convaincus de l'importance de l'éducation pour le futur de l'Espagne, s'unissent autour du projet de l'Institution libre d'enseignement (Institución Libre de Enseñanza), qui cherche à favoriser l'émergence d'une classe dirigeante moderne et ouverte vers l'Europe. Dans la littérature, le romantisme céda le pas au réalisme, avec des auteurs comme Benito Pérez Galdós, Emilia Pardo Bazán et Leopoldo Alas Clarín.

L'Amérique et l'Europe : deux regards

En Europe se dessinent alors deux tendances de développement qui orienteront l'avenir : d'un côté la Grande-Bretagne, le France, la Belgique, les pays nordiques et la Confédération germanique poursuivent résolument leur processus d'industrialisation ; d'un autre, l'Europe méridionale et orientale maintient des structures sociales traditionnelles dans lesquelles prédomine l'agriculture. Chez les premiers, le libéralisme et la bourgeoisie industrielle donnent le ton du développement ; chez les seconds, le vieux modèle d'organisation politique continue de prévaloir.

L'Espagne se situe alors à une croisée des chemins. En Catalogne et au Pays basque, la présence, encore discrète, des apports de la révolution industrielle est sensible. Dans le reste du pays, l'économie rurale reste dominante. Or le système politique reste fondé sur le partage du pouvoir par les partis dynastiques, maintenant à l'écart les classes émergentes.

En Amérique, les États-Unis commencent à apparaître comme une grande puissance, à laquelle l'Espagne ne prête attention que trop tard. Les anciennes colonies espagnoles, qui ont conquis leur indépendance au début du siècle, sont de plus en plus liées économiquement aux États-Unis et au Royaume-Uni, au détriment de l'ancienne métropole.

De 1898 à la dictature de Primo de Rivera

En 1898, la perte des derniers territoires espagnols en Amérique et en Asie (Cuba, Porto Rico et les Philippines), à la suite d'une guerre vécue comme une profonde humiliation par l'ensemble de la société espagnole, ébranle brutalement un système politique qui paraissait pourtant stable. Cet évènement est aujourd'hui encore désigné comme le « désastre de 98 ».

La politique de Cánovas avait adopté une position défensive face aux autres puissances, y compris avec l'Allemagne et les États-Unis émergents. La flotte espagnole ne s'est jamais rétablie de la bataille de Trafalgar, et la volonté affichée de conserver les colonies ne correspond plus aux capacités du pays et à l'énergie que cela supposerait.

La Guerre hispano-américaine

Naufrage de l'USS Maine.

Une insurrection éclate à Cuba en 1895, conduite par José Martí et Máximo Gómez. Le général Martínez Campos tente de l'écraser dans l'œuf, mais le soutien de la population, classe moyenne créole comprise, est patent. Le général Valeriano Weyler remplace Martínez Campos et tente d'isoler la révolution de ses appuis populaires. Aux Philippines, le soulèvement de 1896 initié par José Rizal se poursuit, en dépit de son exécution par les troupes espagnoles et de la paix de Biac-na-Bató, signée en 1897.

Le naufrage du navire américain USS Maine le , dans des conditions mal définies, est le prétexte d'une riposte des États-Unis, déclenchant une guerre dans laquelle leur escadre de l'Atlantique attaque Cuba, et celle du Pacifique prend les Philippines depuis Hong Kong.

Le , Santiago de Cuba capitule, le , c'est au tour de Porto Rico, le , celui de Manille, capitale des Philippines. Dans le traité de Paris signé le 10 décembre de la même année, l'Espagne perd toutes ses possessions américaines et asiatiques, les États-Unis annexant Porto-Rico et les Philippines et occupant désormais Cuba pour une durée indéterminée.

Le régénérationnisme

Après la perte de ses dernières colonies américaines et asiatiques, l'Espagne connaît une forte agitation intellectuelle, dans un sursaut pour surmonter une crise qui devient aussi identitaire. Surgit alors ce qu'on appelle le « régénérationnisme » (regeneracionismo) : un processus de remise en question cherchant à ouvrir la nouvelle voie d'une Espagne considérée comme décadente, après la disparition de sa grandeur passée (voir : Siècle d'or espagnol).

En 1902, Alphonse XIII a 16 ans : il accéde au trône, et Antonio Maura devient le chef de l'exécutif. Il essaye d'initier une politique d'ouverture permettant d'éviter la révolution ouvrière redoutée : élimination ou du moins atténuation du caciquisme électoral et décentralisation administrative. Mais l'armée, mise à mal par la défaite et les fortes critiques de l'opinion publique après la guerre, maintient une forte pression sur le système, notamment en formulant de constantes menaces contre le processus de modernisation engagé.

Benito Pérez Galdós unit son krausisme initial au mouvement « régénérationniste ».

Le gouvernement occupe les militaires en Afrique, au Maroc, dont il partage la colonisation avec la France. En 1908 se produisirent des affrontements avec la population marocaine. En juillet de l'année suivante, une grève générale est lancée à Barcelone en réaction à l'envoi de troupes et à la mobilisation des réservistes. Elle est sauvagement réprimée lors de la « Semaine tragique » (Semana Trágica). Maura perd le pouvoir et le gouvernement libéral de José Canalejas lui succède. celui-ci peut à peine adopter quelques mesures de décentralisation avant d'être assassiné en 1912 par un anarchiste. Suivent les gouvernements du Comte de Romanones et d'Eduardo Dato.

L'Espagne reste neutre durant la Première Guerre mondiale, mais ne sait pas saisir l'opportunité offerte par cette neutralité de renforcer sa position économique dans le contexte de l'économie de guerre. Les partis dynastiques restent déconnectés de la société civile et des aspirations populaires, que le Parti socialiste, les républicains, les nationalistes catalans et basques expriment davantage. L'année 1917 est celle des révoltes : l'armée s'agglomère autour des Comités militaires de défense (Juntas militares de defensa) ; républicains et socialistes s'unissent pour offrir une alternative au régime ; nationalistes catalans et basques font de même et l'état d'urgence est déclaré. La grève révolutionnaire d'août-septembre provoque de graves affrontements entre les syndicats et les forces de l'ordre.

La grave épidémie de grippe de 1918 (dite « grippe espagnole ») n'arrange en rien la situation.

Les gouvernements successifs ne parviennent pas à calmer les esprits. La Révolution russe influence les syndicats, en particulier la CNT, qui maintient jusqu'en 1921 des foyers de révolte dans toute l'Espagne, de l'Andalousie à la Catalogne. Cette même année, Eduardo Dato est assassiné lors d'un nouvel attentat anarchiste et des gouvernements éphémères se succèdent jusqu'en 1923 (treize gouvernements en six ans).

La nouvelle humiliation du désastre d'Anoual, au Maroc, pousse le gouvernement de García Prieto à une ultime tentative de « régénérationnisme » en 1922. Celle-ci échoue, la gauche exigeant la mise en cause de la responsabilité du gouvernement. Le , Miguel Primo de Rivera, capitaine général de Catalogne, lance un coup d'État qu'Alphonse XIII reconnaît rapidement, le présentant comme la réponse de l'armée au défi que doit relever la nation espagnole.

Les gouvernements jusqu'à la dictature

Répartition de l'évolution démographique de l'Espagne par provinces (1900).

La défaite face aux États-Unis et la perte des derniers vestiges de l'empire colonial à la suite du traité de Paris ouvrent la voie à une critique plus globale que systématique de la réalité nationale. Ce moment révèle deux attitudes réformistes préexistantes de façon latente au désastre. Le régime tente de satisfaire ce désir de changement, mais il paralysé par son incapacité à intégrer les forces émergentes au processus de modernisation

Les tentatives de réformes contrôlées par le système (Maura, Canalejas) échouent par leur incapacité à intégrer franchement les idées du régénérationnisme et les nouvelles tendances démocratiques qu'imposerait l'irruption des masses populaires dans la vie publique. À cette impuissance politique s'ajoute la crise interne du système due à la fragmentation des partis du turno après la disparition de leurs meneurs historiques, Cánovas et Sagasta, respectivement en 1897 et en 1903.

Après le retrait de Silvela, les conservateurs retrouvent en Maura un leader indiscutable, mais à la suite de la Semaine tragique de , le parti éclate entre les partisans de Dato, ceux de Maura et d'autres factions plus autoritaires et opportunistes, qui se regroupent dans le ciervisme (sous la houlette de Juan de la Cierva y Peñafiel). Pour leur part, les libéraux semblent trouver un nouveau chef de file en Canalejas, mais sa mort prématurée en 1912 laisse le parti divisé entre les libéraux orthodoxes de Romanones et les libéraux-démocrates de García Prieto.

Après le gouvernement de Sagasta et la responsabilité qu'il porte dans le désastre de 1898, s'impose un changement de gouvernement : les conservateurs en prennent les rènes avec Silvela. Après la dissolution des Cortès et un léger remaniement du ministère de l'Intérieur, confié à Dato, les élections de 1899 sont convoquées. Elles se deroulent le et donnent comme il se doit la majorité aux conservateurs avec 222 sièges sur 402. Bien que suffisante, celle-ci est moins confortable qu'habituellement, tandis que les libéraux, avec 93 élus, récoltent le meilleur résultat jamais obtenu sous la Restauration par le parti non programmé au turno gouvernemental. Dans ce nouveau cabinet, les problèmes du Trésor public dirigé par Raimundo Fernández Villaverde marquent dans une large mesure le passage au nouveau siècle et font tomber le gouvernement en . Après un gouvernement de transition dirigé par le général Azcárraga, Sagasta accéde pour la dernière fois à la présidence de l'exécutif. Comme de coutume, il décide la dissolution du Parlement et convoque des élections pour , marquées par une grande dispersion des votes, si bien que les libéraux s'en tirèrent opportunéément avec 233 sièges. Les républicains commencent une lente remontée, soutenue par l'alliance des radicaux de Alejandro Lerroux avec les républicains historiques de Nicolás Salmerón.

En 1902, le début du règne d'Alphonse XIII est marqué par l'ascension des forces politiques régionalistes, ouvrières et républicaines, ainsi que d'une recrudescence de l'anticléricalisme et par l'apparition au grand jour d'un militarisme jusqu'alors latent. Sagasta, le vieux leader libéral, laisse le pouvoir le  ; il mourra moins d'un mois plus tard. Un gouvernement conservateur dirigé par Silvela lui succède, dans lequel Antonio Maura occupe le ministère de l'Intérieur. Après cinq mois de préparatifs, au cours desquels Maura entreprend le démantèlement des réseaux du caciquisme, resté inachevé, les élections de 1903 se tiennent le . Le résultat consacre naturellement le parti au pouvoir avec 219 des 403 sièges, et 104 pour les libéraux « officiels ». Il est marqué par une forte poussée des républicains (30 sièges) ainsi que des régionalistes et des carlistes (7 sièges chacun). Au-delà de sa manifestation publique de satisfaction, ces résultats irritent fortement le roi, qui reproche à Maura son « honnêteté électorale ».

Au cours des années qui suivent, les leaderships respectifs des grands partis du turno se clarifient. Silvela retiré de la course à la présidence du gouvernement, la bataille pour la succession entre Fernández Villaverde (président éphémère jusqu'en novembre) et Antonio Maura tourne à l'avantage de ce dernier, qui dirige un gouvernement conservateur jusqu'à un incident avec le jeune roi, qui l'oblige à démissionner en . Le turno étant aux libéraux, après deux « interrègnes » de Azcárraga et Fernández Villaverde, ceux-ci accèdent au gouvernement le . Montero Ríos, homme politique survivant du Sexenio Democrático (années de 1868 à 1874), arrive à la présidence du conseil. Il est alors à la tête d'une dissidence, le Parti démocrate radical, inspirée par José Canalejas, face au libéralisme radical incarné par Segismundo Moret, mais les libéraux se présentent unis aux élections de et remportent la majorité avec 229 députés pour 404 sièges, en raison de la faible participation et de la stagnation des républicains et des régionalistes.

Plusieurs gouvernements libéraux éphémères se succédèrent (Montero Ríos, Moret, López Domínguez, Vega de Armijo), illustrant leur manque de leadership, ce qui conduit au retour de Maura, meneur indiscuté des conservateurs et disposé, en principe tout au moins, à poursuivre la politique régénérationniste entamée en 1904. Les [[:es:Elecciones_generales_de_España_de_1907|élections du ]]21 avril 1907 sont truquées de façon éhontée par le ministre de l'Intérieur Juan de la Cierva, qui surpasse pour l'occasion les méthodes de Romero Robledo, et les conservateurs remportent une large victoire (242 députés), qui provoque le retrait des libéraux en guise de protestation face aux méthodes de De la Cierva. Le résultat de la coalition catalane, qui remporte 41 sièges et econstutue le 3e groupe de la chambre, marque les esprits.

Antonio Maura, au cours du « long gouvernement » (gobierno largo), se met en devoir de réaliser d'importants projets réformistes : la « révolution d'en haut » (revolución desde arriba), tel le règlement du conflit avec les autonomistes catalans, ou le démantèlement du caciquisme à travers les réformes des lois municipale et électorale. Sur ce dernier point en particulier, Maura essaye de mettre en œuvre un système électoral proportionnel et d'éliminer les circonscriptions uninominales, propices au caciquisme. Si la nouvelle loi électorale introduit le vote obligatoire et des méthodes de contrôle de la régularité du scrutin, comme la constitution d'assemblées de décompte (Juntas del Censo), elle ne corrige pas de façon substantielle les vices du système. Elle les aggrave même avec le tristement célèbre article 29, selon lequel se trouvent élus sans vote les candidats se présentant seuls dans une circonscription : c'est l'institutionnalisation de la coutume du candidat unique, généralement celui du gouvernement au turno, très fréquente dans les zones rurales.

Libéraux et républicains se rassemblent alors dans l'opposition, au sein d'un bloc de gauche. L'implication croissante au Maroc dégénére en une guerre coloniale ouverte durant l'été 1909, qui provoque un mouvement de colère populaire fin juillet à Barcelone après la mobilisation des réservistes. Sa répression lors de la Semaine tragique, au cours de laquelle 104 civils sont tués et Francisco Ferrer Guardia, fondateur d'une école anarchiste, exécuté, provoque une condamnation sévère non seulement de l'opinion publique étrangère, mais aussi de l'opposition, qui obtient la démission de Maura.

Segismundo Moret, à la tête du front antimauriste, accède au pouvoir le , bien que le roi, fait sans précédent, ait refusé de signer le décret de dissolution du Parlement. Le nouveau gouvernement reste donc dans une situation précaire, jusqu'à ce que José Canalejas, restaurant l'unité du Parti libéral, accéde à la présidence du Conseil des ministres en février 1910. Le roi signe alors la dissolution, et les élections de mai 1910 se distinguent par la dureté de l'affrontement entre les partis dynastiques, situation inédite sous la Restauration. De plus, chacun des deux partis s'y présente uni, avec deux leaders forts, Antonio Maura et José Canalejas. L'effet de l'article 29 est de priver 30 % de la population de son vote, et c'est bien sûr le parti du gouvernement, alors libéral, qui en bénéficie. Il obtint 215 des 403 sièges de députés, résultat le plus faible depuis 1876, et l'opposition conservatrice 115, meilleur résultat de l'opposition pour toute la durée du régime. Les divers républicains progressent avec 41 sièges, en comptant le siège remporté pour la première fois par un socialiste, Pablo Iglesias.

Durant le gouvernement de Canalejas, la « Loi du cadenas » (Ley del candado) est promulguée pour éluder la question de la laïcité : elle interdit l'implantation de nouveaux ordres religieux en Espagne. Des tentatives pour pallier les déficiences du système parlementaire en rectifiant le système électoral sont menées, notamment le projet de loi visant à réduire le poids des districts ruraux, dont la représentation est largement excessive, au profit du système caciquiste. Ces réformes ne seront jamais menées à bien, et les contradictions entre un système politico-électoral sclérosé et une réalité socioéconomique mouvante ne cessent de s'aggraver.

Le gouvernement de Canalejas agit avec fermeté pour résoudre la question marocaine. Il entame des négociations avec la France pour délimiter les zones d'influence respectives. Mais tous les chantiers de rénovation de Canalejas sont stoppés net par son assassinat le .

Après plusieurs gouvernements de transition de Manuel García Prieto et du Comte de Romanones, le gouvernement passe aux mains du conservateur Eduardo Dato, qui convoque les élections de mars 1914. L'article 29 est toujours en vigueur, raison pour laquelle le gouvernement est cette fois encore en tête, mais avec une cohorte exiguë de 193 sièges sur les 408 que compte la nouvelle assemblée : pour la première fois, le parti vainqueur n'a pas de majorité pour gouverner, en dépit d'une fragmentation record de l'opposition. Dato doit chercher l'appui de conservateurs minoritaires avec lesquels il se maintient péniblement au pouvoir jusqu'en . Un gouvernement libéral présidé par Romanones lui succède : les élections de donnent cette fois une large majorité aux libéraux, dont les 35 % de députés « élus sans vote » : 203 députés dans une assemblée réduite à 379 sièges.

Le système est alors dans une phase de décomposition avancée : le gouvernement s'octroie une majorité, et bouche si besoin les trous en faisant appel à des groupes minoritaires ; le népotisme atteint également des niveaux inouïs : 54 députés sont parents avec les grandes figures de la politique. Parmi eux, Romanones compte son fils et son beau-fils.

Les libéraux, au bout de leurs possibilités, sont contraints d'abandonner le pouvoir. Dato assume de nouveau la présidence du Conseil, dans un climat conflictuel croissant dû aux ingérences des militaires, aux revendications régionalistes catalanes et aux répercussions socio-économiques contradictoires de la Grande Guerre, à laquelle l'Espagne n'a pourtant pas participé. Il faut y ajouter la « grève générale révolutionnaire » de l'été 1917, désignée comme crise de 1917 par l'historiographie espagnole, qui conduit Dato à la démission. Cette crise majeure est surmontée au moyen d'un gouvernement d'union des partis dynastiques, incluant pour la première fois des catalanistes. Le gouvernement est présidé par García Prieto, qui convoque en de nouvelles élections caractérisées par une sincérité électorale inédite, que traduit un résultat incertain. Les libéraux en sortent vainqueurs, avec 167 sièges, mais ils sont divisés et les conservateurs officiels (de Dato) constituent le premier groupe parlementaire avec 98 sièges. Les républicains historiques voit leur influence reculer au profit des socialistes et des républicains réformistes.

Paradoxalement, la sincérité des élections aggrave la crise du système. Le gouvernement d'union nationale formé par Maura inclut tous les chefs parlementaires des partis monarchistes. Il ne durera que sept mois, miné par les divergences et l'hétérogénéité de ses composantes. Maura doit convoquer de nouvelles élections en juin 1919 et suspend les garanties constitutionnelles. Les minorités de gauche déclarèrent les nouvelles Cortès factieuses. La division des conservateurs entre les factions de Maura (104 sièges) et de dato (94 sièges) rend le nouveau Parlement ingouvernable. Dato convoque une nouvelle fois des élections en décembre 1920, truquées selon les anciennes méthodes, où il obtient une majorité stable de 216 sièges sur 437, dont 185 sont des fidèles du chef du gouvernement.

Après l'assassinat de Dato en mars 1921, plusieurs gouvernements conservateurs se succèdent, mais s'avèrent incapables de remédier à la décomposition du régime. Enfin, le gouvernement libéral de García Prieto, formé en avec l'appui des républicains réformistes de Melquíades Álvarez, convoque en avril 1923 les dernières élections générales de la Restauration. La revue La Voz présente dans son édition du des statistiques étonnantes sur les liens familiaux unissant les candidats : 59 fils, 14 beaux-fils, 16 neveux et 24 personnes ayant d'autres liens de parenté avec les chefs de dynasties politiques, dont 52 pour les conservateurs et 61 pour les libéraux, sans compter assistants ou protégés. De plus, le nombre de candidats élus sans vote selon l'article 29 bat un record avec 146 sièges.

Des 437 sièges de l'assemblée, les libéraux en obtiennent 223 en coalition avec les réformistes, les conservateurs 108, les officialistes de Sánchez Guerra 81, les partisans de Juan de la Cierva 16 et les mauristes 11. Les critiques du journal ABC, pourtant monarchiste et conservateur, illustrent de façon édifiante le degré de lassitude de l'opinion publique devant les manipulations réitérées de la volonté populaire : « Les élections ont été arrangées [...]. Elles se répètent d'année en année, ou au bout de deux ans pour les plus éloignées et, néanmoins, tout gouvernement, quel que soit son nom ou sa couleur, dispose toujours de la majorité, aussi large qu'il le veut, et ce sans rompre la tradition des accords. La fiction électorale n'a aucune prétention à la finesse. »[5]

Les projets rénovateurs de García Prieto sont entravés par de nombreux secteurs de la société et par les tentations autoritaires du roi. On sent dans l'opinion un climat favorable à une dictature, que certains jugent seule capable de remettre sur pied un régime en phase avancée de décomposition.

Une culture engagée

La génération de 98 (generación del 98), terme popularisé par Azorín, représente mieux que tout autre mouvement la rupture de l'élite intellectuelle avec le système politique. Déçue par la monarchie, elle ne tarde pas à promouvoir un nouveau modèle, dans les lettres avec des auteurs comme Joaquín Costa, Miguel de Unamuno (qui devra s'exiler à Fuerteventura) ou Vicente Blasco Ibáñez, dont la plume sera implacable contre Alphonse XIII, ou dans la philosophie, dont le meilleur représentant est José Ortega y Gasset.

La revue España fondée par Manuel Azaña met fin à ses activités, Ramón María del Valle-Inclán est sanctionné et les universités subissent d'incessantes fermetures.

Picasso est le pionnier du cubisme à Paris, et produit un de ses plus grands chefs-d'œuvre : Les Demoiselles d'Avignon en 1907.

La dictature et la chute du régime

Pouvant compter sur l'appui de l'Armée et de la bourgeoisie, la dictature de Primo de Rivera est contestée par les syndicats ouvriers et les républicains, dont les protestations sont immédiatement étouffées par la censure et la répression. Primo de Rivera crée le Directoire militaire, composé de neuf généraux et d'un amiral, avec l'objectif annoncé de « mettre l'Espagne en ordre » (poner España en orden), selon ses dires, avec officiellement la perspective de la rendre ensuite aux mains des civils. La constitution est suspendue, les conseils municipaux dissous, les partis politiques interdits et on rétablit les somatén, sorte de milices urbaines.

La campagne militaire au Maroc est un succès pour l'Armée dans la Guerre du Rif, avec le Débarquement à Alhucemas et la reddition d'Abd el-Krim en 1926. Le syndicalisme de la CNT et le nouveau Parti communiste espagnol sont réprimés ; la dictature tolère le PSOE et l'UGT, réticents, pour maintenir le contact avec certains leaders ouvriers. La bourgeoisie catalane donne initialement son appui à la dictature. La législation sociale limite les possibilités de travail des femmes, entrreprend la construction de logements ouvriers et institue un nouveau modèle de formation professionnelle. Une politique d'investissements publics importants est mise en place dans les infrastructures de communications (routes et chemins de fer), mais aussi dans les domaines de l'irrigation et de l'énergie hydraulique.

Ces premiers succès confèrent une certaine popularité au nouveau pouvoir. L'Union patriotique (parti unique) est créée, dans le but de regrouper toutes les sensibilités politiques derrière le régime, ainsi que l'Organisation corporative nationale, syndicat vertical qui suit le modèle fasciste italien. Le Directoire militaire est remplacé par le Directoire civil en 1925.

Les premiers appuis s'éloigent toutefois rapidement. La bourgeoisie catalane voit ses désirs de décentralisation réduits à néant par une politique encore plus centraliste et qui favorise finalement les oligopoles. Les conditions de travail empirent et la répression subie par les ouvriers éloigne l'UGT et le PSOE du projet du dictateur. L'économie du pays se révèle incapable d'assumer la crise mondiale de 1929. Miguel Primo de Rivera démissionne et s'exile en janvier 1930.

La monarchie, complice de la dictature, est alors remise en question par toute l'opposition qui se rassemble en août 1930 dans l'accord de Saint-Sébastien. Les gouvernements de Dámaso Berenguer, dont le régime est qualifié de dictablanda dictamolle », jeu de mot sur l'espagnol dictadura dictature »], et dura dure »]) et de Juan Bautista Aznar-Cabañas ne feront rien d'autre que prolonger son agonie. Après les élections municipales de 1931, les grandes villes tombent dans le camp républicain, la Seconde République est proclamée et le roi quitte le pays, mettant ainsi fin à la restauration bourbonienne.

Notes et références

  1. (es) El régimen de la restauración 1875-1902 sur Historiasiglo20.org
  2. Un bon exemple est l'affaire de la Mano Negra.
  3. « La religión Católica, Apostólica, Romana, es la del Estado. La Nación se obliga a mantener el culto y sus ministros. Nadie será molestado en territorio español por sus opiniones religiosas, ni por el ejercicio de su respectivo culto, salvo el respeto debido a la moral cristiana. No se permitirán, sin embargo, otras ceremonias ni manifestaciones públicas que las de la religión del Estado. »
  4. selon les mots du député José Mª Celleruelo : « se ha falsificado la Junta del Censo; ésta ha falsificado los interventores; el alcalde falsificó las presidencias de las mesas, y las mesas, después de estas tres gravísimas falsificaciones, falsificaron el resultado de la elección »
  5. « Las elecciones han sido convenidas; casi todos los candidatos de oposición, oficiales y protegidos o consentidos. Se repiten las convocatorias de año en año, o a los dos años las más distantes y, sin embargo, cualquier Gobierno, como se llame o como se pinte, dispone siempre de la mayoría, tan grande como quiera, y aún sin romper la tradición de los convenios. La ficción electoral no tiene pretensiones de finura. »

Annexes

Bibliographie

  • (es) Raymond Carr, España 1808-1975, Barcelone, Ariel, , 1re éd., 826 p. (ISBN 84-344-6615-5, lire en ligne)
  • (es) Josep Fontana (dir.) et Ramón Villares (dir.), Historia de España, vol. 7 : Restauración y Dictadura, Barcelone, Crítica / Marcial Pons, , 1re éd., 760 p. (ISBN 978-84-7423-921-8)
  • (es) Pedro Molas Ribalta, Pedro, Manual de Historia Moderna de España, Madrid, 1988
  • (es) Divers auteurs, Historia Política y Social Moderna y Contemporánea, Madrid, 2001

Articles connexes

Liens externes

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