Mythologie chrétienne

Le christianisme, religion, longtemps dominante en Occident, s'appuie en partie sur la foi dans des croyances.

La mythologie chrétienne désigne ici l’ensemble des mythes du christianisme, récits issus de textes sacrés ayant pour vocation d'expliquer le monde, ou légendes dans le but d'éducation religieuse, d'évangélisation : catéchèse, catéchisme, articles de la foi, tradition, credo.

Ces mythes incluent des récits issus de la Bible, mais également d’autres sources comme les évangiles apocryphes ou la Légende Dorée ; au Moyen Âge elle semble avoir intégré entre autres de nombreux mythes celtiques.

Au cours des siècles le christianisme s’est divisé en de multiples confessions, qui n’ont pas forcément les mêmes références. Le protestantisme a en particulier remis en cause le culte des saints.

Origines

Les chrétiens ont longtemps utilisé le mot « mythe » pour signifier un « mensonge » ; ils l'employaient en particulier pour désigner les mythes grecs[1].

Les historiens modernes utilisent le terme « mythe », non dans le sens d'une « histoire fausse », mais plutôt pour désigner une « histoire traditionnelle » ou une « histoire sacrée ».

Pour l’historien Mircea Eliade :

« Durant les cinquante dernières années au moins, les historiens occidentaux ont approché l’étude du mythe d’un point de vue manifestement différent de, disons le, celui du XIXe siècle. À la différence de leurs prédécesseurs, qui traitaient le mythe selon la signification usuelle du mot, c’est-à-dire, comme une 'fable', une 'invention', une 'fiction', ils l'ont accepté comme il était compris dans les sociétés archaïques, où au contraire, 'mythe' signifiait une 'histoire vraie' et en plus une histoire qui était un bien des plus précieux, car sacrée, exemplaire et importante[2] »

Les mythes chrétiens proviennent pour partie de la Bible chrétienne; par exemple ceux concernant la création du Monde sont en grande partie hérités de la mythologie juive et des récits de la Genèse. Ils reprennent également des récits de textes apocryphes, pourtant exclus du canon des différentes Églises : Le récit traditionnel de la Nativité comprend ainsi de nombreux éléments du protévangile de Jacques et du pseudo-Matthieu[3].

Au Moyen Âge, l'intégration du christianisme à d'autres cultures conduit à la construction de nouveaux mythes[1]. Pour le médiéviste Philippe Walter « Une mythologie typiquement médiévale s'est bien construite sur les croyances païennes que le christianisme dut assimiler dans le but de les contrôler »[4]. Parmi ces mythes on peut citer la quête du Graal, ou des légendes concernant la vie des saints, comme saint Georges et le dragon.

Les mythes issus de la Bible hébraïque

Le christianisme reprend les textes de l'ancien Testament juif en leur donnant une nouvelle interprétation. Les récits de la création du Monde ou du Déluge sont intégrés mais seuls les fondamentalistes, en particulier créationnistes, les interprètent au pied de la lettre.

Le péché originel

La théologie chrétienne classique met l'accent, dans sa lecture de la Genèse, sur la notion de péché originel[5], qui est absente des mythes juifs.

Il n'y a, en fait, aucune mention de « péché originel » dans le texte de la Genèse racontant l'histoire d'Adam et Ève dans l'Éden[6]. C'est le terme de « péché d'Adam » qui est repris dans la Bible.

Le premier exposé de cette doctrine est celui d'Augustin d'Hippone au IVe siècle[7] et s'appuie sur plusieurs passages du Nouveau Testament : les épîtres de Paul aux Romains (5:12-21) et aux Corinthiens (1 Co 15:22), ainsi qu'un passage du Psaume 51. Le mythe du « péché originel » de la religion chrétienne privilégie traditionnellement les sentiments de culpabilité face à Dieu par rapport au sens des textes originaux[8].

Anges et démons

Dans la Bible, un ange est une créature céleste, créé avant l'homme, et qui intervient généralement comme messager de Dieu. Parfois il transmet un message divin, parfois il agit lui-même selon la volonté divine. Parmi les plus connus on peut citer l'ange qui arrête le bras d'Abraham lors de la ligature d'Isaac, pour les thèmes repris du judaïsme, ou l'ange de l'annonciation à Marie pour les thèmes spécifiquement chrétiens.

Le livre d'Hénoch, un apocryphe du IIIe siècle av. J.-C. crée le mythe des anges déchus. Un ange déchu est, dans les traditions chrétiennes et certaines autres religions, un ange exilé ou banni du Paradis.

Au Ve siècle, un mystique chrétien, le Pseudo-Denys, imagine dans le Livre de la Hiérarchie céleste toute une hiérarchie de légions céleste. L'armée des anges est constituée de séraphins, chérubins anges et archanges tandis que les légions des enfers comptent chacune 6666 démons[9].

A la toute fin du Moyen Âge, les croyances concernant les pouvoirs des démons se multiplient et s'enrichissent d'autres mythes comme celui des incubes et des succubes. Ces croyances sont décrites dans le Malleus Maleficarum, traité d'un inquisiteur dominicain, codification à des fins de chasse aux sorcières.

Les mythes concernant le Christ

Nativité et enfance

L'adoration des mages

La Nativité de Jésus est narrée dans deux des évangiles canoniques. Cependant des éléments de la tradition chrétienne sont également issus des évangiles apocryphes, écrits plus tardivement, comme la présence d'un bœuf et d'un âne dans la crèche[3].

Si certains détails de ces récits sont peut-être biographiques, au sens où on l'entend aujourd'hui, les historiens soulignent que les récits d'enfance du héros sont des éléments obligatoires dans la « biographie » d'un grand homme de l'Antiquité, enfance forcément miraculeuse d'un héros prédestiné. Le thème de l'enfant menacé, sauvé par miracle et caché se retrouve dans les légendes de naissance de Cyrus II, Sargon comme Romulus[10].

Selon l'historienne Marie-Françoise Baslez « les images de la naissance doivent donner la clé de l'homme et de l'action à venir»[10]. Aussi les récits sont-ils avant tout chargés de symboles, comme celui de l'étoile qui guide les rois mages : celle-ci est un signe de prédestination royale dans le monde antique, et un symbole messianique pour les juifs[11].

Le Graal

La légende du Graal s'est élaborée sur plusieurs décennies, et n'a pas toujours été assimilée au Christ.

Le Graal est tout d'abord un avatar du chaudron d'immortalité du Dieu Dagda – talisman de la mythologie celtique, qui produit une nourriture miraculeuse se renouvelant chaque jour. Dans le Conte du Graal, Chrétien de Troyes christianise partiellement ce mythe : la nourriture miraculeuse devient une hostie, seul aliment d'un saint homme[12].

Dans la tradition médiévale chrétienne ultérieure, le Saint Graal devient une mystérieuse coupe sacrée, et l'objet d'une quête menée par les chevaliers de la Table ronde. Dans cette littérature, le Graal est un objet symbolique : il représente le mystère du christianisme, dont la recherche peut aboutir à une révélation personnelle de la lumière du Christ.

Le saint chrême

Le saint chrême est une huile sainte à usage liturgique à base d'huile d'olive et de baume de Judée (Commiphora opobalsamum) : considérée comme une odeur divine, elle se voit attribuer des vertus miraculeuses. Elle est liée à un ensemble complexe de croyances et de rites incluant l'onction, notamment lors du sacre royal, le Graal et la croisade. Elle associée à la notion d'odeur de sainteté[13].

La vie des Saints

Légende dorée

Saint Hubert et le cerf

Les nombreuses légendes racontant la vie de saints, saintes et martyrs furent collectées par Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes, dans un ouvrage rédigé en latin entre 1261 et 1266 qui connut un succès considérable.

Initialement intitulée Legenda sanctorum alias Lombardica hystoria, qui signifie littéralement « ce qui doit être lu des saints ou histoire de la Lombardie », cette œuvre est rapidement appelée Legenda aurea car son contenu, d'une grande valeur, est aussi précieux que l'or. Outre les vies de saints, environ 40 % de la Légende dorée est consacrée aux explications des fêtes religieuses principales, en renvoyant à la vie du Christ.

Hauts en couleur, ces récits avaient pour vocation d'exalter la foi, car le véritable sujet de la Légende dorée est le combat que mène Dieu contre les esprits du Mal, s'exprimant notamment dans le courage des martyrs qui démontre finalement l'impuissance des persécuteurs.

Le médiéviste Philippe Walter explique que ces légendes reprennent en grande part celles de divinités païennes, en particulier issues de la mythologie celtique [14]. Ces cultes étaient encore suffisamment vivaces au VIIIe siècle pour que Grégoire le Grand préconise à la mission grégorienne de conserver les sanctuaires en substituant des reliques aux idoles[15].

On retrouve dans cette mythologie « christianisée » le culte du cerf transformé en figure christique, associé à saint Hubert, ou d'anciennes déesses figurées en vierges noires.

Les mythes antijudaïques

Le peuple déicide

Certains mythes, liés à la théologie de la substitution, visent à attribuer au peuple juif le rôle d'exécuteur du Christ ; ce thème du « peuple déicide » constitue l'un des fondements historiques de l'antijudaïsme et de l'antisémitisme chrétiens.

Selon l'historien des religions Hyam Maccoby, « Les Juifs sont de fait des figures indispensables et intégrantes de la mythologie chrétienne »[16].

Le juif errant

Le mythe du juif errant est spécifiquement chrétien, et se développe également à partir du Moyen Âge[17]. Il présente l'image d'un juif perfide et démoniaque, à jamais puni pour son refus du Christ[18].

Notes et références

  1. André Dabezies, Mythes anciens, figures bibliques, mythes littéraires, Revue de littérature comparée 1/2004 (no 309), p. 3-22
  2. (en) Eliade, Myth and Reality, p. 1
  3. Le bœuf et l'âne à la nativité du Christ René Gousset
  4. Philippe Walter, Mythologie chrétienne. Fêtes, rites et mythes du Moyen Âge, éd. Imago, 2003, page 9
  5. Interprétation du texte de Genèse 2 et 3 par Marie Balmary
  6. cf. Gn 1-3; la première évocation de péché se trouve dans un dialogue entre Dieu et Caïn en Gn 4. 7
  7. Encyclopædia Universalis, article Péché originel
  8. Un mythe originaire de la honte : Adam et Ève Thierry de Saussure, Revue française de psychanalyse 5/2003 (Vol. 67), p. 1849-1854
  9. Laurent Vissière, « Le Diable - Mon nom est légion »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), Historia
  10. Marie-Françoise Baslez, Bible et histoire, p. 193-195
  11. Marie-Françoise Baslez, Bible et histoire, p. 189
  12. Jean Frappier, Autour du Graal, Droz (lire en ligne), p. 133-153 : Le Graal et l'hostie
  13. Jean-Pierre Albert, Odeurs de sainteté : La mythologie chrétienne des aromates, EHESS, (présentation en ligne)
  14. Philippe Walter, Mythologie chrétienne, rites et mythes du Moyen Âge, recension
  15. Philippe Walter, Mythologie chrétienne, rites et mythes du Moyen Âge, page 11
  16. Hyam Maccoby, L'exécuteur sacré, Cerf, , p. 172
  17. Marcello Massenzio, « Le Juif errant entre mythe et histoire. Trois variations sur le thème de la Passion selon le Juif errant », Annuaire. Résumé des conférences et travaux (2006-2007), École pratique des hautes études (EPHE), section des sciences religieuses, t. 115, (lire en ligne, consulté le )
  18. Doris Bensimon, Carol Iancu, Les mythes fondateurs de l'antisémitisme. De l'Antiquité à nos jours, Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 130 | avril - juin 2005, document 130.41, mis en ligne le 02 décembre 2005, consulté le 18 décembre 2012.

Annexes

Bibliographie

  • Rudolf Bultmann, Jésus, mythologie et démythologisation, 1968
  • Philippe Walter, Mythologie chrétienne. Fêtes, rites et mythes du Moyen Âge, éd. Imago, 2003
  • Mircea Eliade, De Gautama Bouddha au triomphe du christianisme. Histoire des croyances et des idées religieuses, t. 2, Payot, « Bibliothèque historique », Paris, 1978 ; rééd. 1983 (ISBN 2-228-12162-2) ; 1989 (ISBN 2-228-12160-6)
  • Edgar Knecht, Le Mythe du Juif errant, essai de mythologie littéraire et de sociologie religieuse, PUG, 1977
  • Hyam Maccoby, Judas Iscariot and the Myth of Jewish Evil, (1992)
  • Hyam Maccoby, L'exécuteur sacré, Cerf, 1999
  • Jean-Pierre Albert, Odeurs de sainteté : la mythologie chrétienne des aromates, Éditions EHESS, 1990

Articles connexes

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