Raimu

Jules Muraire, dit Raimu, est un acteur français, né le à Toulon et mort le à Neuilly-sur-Seine.

Vedette de music-hall à ses débuts, il devient, grâce à Sacha Guitry, un des « monstres sacrés » du cinéma français des années 1930 et de la première moitié des années 1940 devenant notamment l'interprète fétiche de Marcel Pagnol. Raimu reste dans les mémoires pour son interprétation de César dans la « trilogie marseillaise » : Marius, Fanny et César[1], et du boulanger trompé dans La Femme du boulanger.

Biographie

Les débuts

Maison natale de Raimu à Toulon

Jules Auguste César Muraire naît en à Toulon[2], fils de Joseph Muraire, tapissier, et d'Élisabeth Gouzian à qui il voue une véritable passion[3]. Peu porté sur les études, il se bagarre au lycée, ce qui lui vaut d'être exclu, et ses parents doivent l'inscrire dans une institution pour enfants difficiles[4]. Il découvre très jeune le monde du spectacle et est attiré par le métier de comédien. Mais son père, qui veut le voir reprendre son atelier de tapissier s'y oppose et le fait embaucher comme marmiton à l'Hôtel du Louvre. La mort brutale de ce père, alors qu'il n'a que quinze ans, le ramène à sa vocation d'artiste[5].

Il débute alors sous le nom de Rallum, le , à 16 ans et demi, dans les cafés-concerts et les guinguettes à matelots de sa région natale, la Provence, mais sans succès, car il chante mal[6]. Engagé par une modeste troupe locale, les Lauri-Laur, il fait même une courte tournée en Afrique du Nord[7]. Puis il fait des petits boulots : croupier au Casino d'Aix-les-Bains et commerçant.

En 1908, il entre au théâtre de l'Alhambra à Marseille comme souffleur, puis enchaîne au théâtre de l'Alcazar de Marseille et au Palais de Cristal. Ayant adopté le pseudonyme de Raimut (verlan approximatif de son nom Muraire), il se fait finalement appeler Raimu[8] et devient une vedette régionale dans un répertoire de comique-troupier popularisé par Polin, dans lequel se sont essayés aussi Jean Gabin et Fernandel.

Félix Mayol, immense vedette, chansonnier et directeur de music-hall d'origine toulonnaise, le repère et le fait venir à Paris pour jouer dans les revues qu'il monte dans son propre théâtre, le concert Mayol[9]. Jusqu'à la guerre de 1914, Raimu se produit dans de nombreux cafés-concerts et music-halls, tels La Cigale, les Folies Bergère et le Casino de Paris.

En , il est mobilisé à Orange au sein du 15e ETEM (Escadron du Train des Equipages Militaires) et part au front en septembre. Lors d'un de ses premiers contacts, il est enseveli sous une sape[10]. Il en réchappe, mais perd du poids, tombe malade et est réformé en [9].

Premiers succès

Andrée Spinelly, vedette de l'époque avec laquelle il entretient une liaison, le fait jouer à ses côtés dans Plus ça change au théâtre Michel en 1915[9], puis c'est Sacha Guitry qui lui confie son premier rôle important dans Faisons un rêve en 1916. On le remarque ensuite dans L'École des cocottes (1920) avec Andrée Spinelly, Le Roi de Flers et Caillavet (1920), Le Blanc et le Noir (1922) de Sacha Guitry. Léon Volterra, propriétaire du Casino de Paris, du théâtre de Paris et du Théâtre Marigny, le fait jouer avec succès dans des revues, dans le sketch du Forçat, satire des scandales financiers de l'époque[9], et dans des comédies d'Yves Mirande, de Sacha Guitry ou de Flers et Croisset. En 1928, lorsqu'il rencontre Pagnol, Raimu est un acteur reconnu, mais il n'a pas encore interprété de rôle de premier plan.

Vedettariat

L'arrivée en 1928, en Europe, du cinéma parlant fait connaître Raimu par son jeu, sa personnalité et sa voix méridionale tonitruante si caractéristique.

En 1929, il connaît un triomphe au théâtre de Paris avec Marius de Marcel Pagnol (avec Orane Demazis). Ces deux Provençaux, l'un d'Aubagne, l'autre de Toulon, s'apportent mutuellement la gloire et la célébrité avec ce classique du théâtre. En 1931, il connaît un nouveau triomphe avec l'adaptation de la pièce au cinéma : Marius film d'Alexander Korda et premier film de la « trilogie marseillaise » de Pagnol, un des premiers films parlants à succès du cinéma français. Étant fâché avec le directeur du théâtre de Paris, Léon Volterra, il ne participe pas à la création sur scène de Fanny, le rôle de César y étant tenu par Harry Baur, mais il reprend en 1932 ce rôle dans la version filmée de Fanny tournėe par Marc Allégret[11]. Il figure ėgalement dans les adaptations filmées de pièces qu'il a jouées sur scène comme La Petite Chocolatière (1932), L'École des cocottes (1935) et Le Roi (1936).

Il se marie, le , dans la salle de mariages de la mairie du VIIIe arrondissement à Paris, avec Ester Honorine Métayer (actrice de cinéma) (Narbonne, -1977) mère de sa fille de dix ans, Paulette (1925-1992)[12].

La même année, il joue une dernière fois le rôle de César dans César, réalisé par Marcel Pagnol. La « trilogie marseillaise » devient un classique du cinéma français. En 1937, il fait partie de la prestigieuse distribution des Perles de la couronne de Sacha Guitry, puis tourne dans Un carnet de bal de Julien Duvivier. Il retrouve en 1938 Pagnol pour le rôle du boulanger cocu dans La Femme du boulanger, puis celui du puisatier dans La Fille du puisatier tourné au début de l'Occupation. Durant cette période, il est très sollicité par la firme cinématographique allemande, Continental-Films, pour laquelle il tourne Les Inconnus dans la maison d'Henri Decoin (1942), puis élude toutes les autres propositions prétextant être sous contrat de longue durée avec d'autres producteurs, dont Roger Richebé[9].

Consécration

Le , il entre comme pensionnaire à la Comédie-Française sans en devenir sociétaire. En effet, son séjour au Théâtre-Français va tourner court. Après deux comédies de Molière dans lesquelles il tient le rôle-titre, Le Bourgeois gentilhomme et Le Malade imaginaire, on ne lui confie qu'un « lever de rideau » en un acte, L'Anglais tel qu'on le parle de Tristan Bernard[9]. Aucun autre projet, ni Les affaires sont les affaires ni Le Voyage de monsieur Perrichon, ne se concrétisera. Pagnol, sarcastique, lui écrit : « J'espère que, dans l'ombre des comédiens du Français, tu te trouves au frais et que ta retraite te paraît agréable[9]. »

Il compte parmi ses amis Paul Chambrillon, « fin connaisseur de Céline et ami d'Arletty »[13].

Il retrouve le cinéma en 1946 avec Les Gueux au paradis de René Le Hénaff et L'Homme au chapeau rond de Pierre Billon, son dernier film.

Décès

Sépulture de Raimu à Toulon.

Le , Raimu roule en voiture sur la nationale 6, qui était à l'époque l'axe Paris-Méditerranée, pour aller à Monte-Carlo, en compagnie du dramaturge et réalisateur Yves Mirande. À Tournus, un accident survient et Raimu subit de multiples fractures. Retour en ambulance à Paris, où il est opéré à la clinique Lyautey. Il en sort le dimanche , au bout de 54 très longues journées. Trois mois plus tard, Il va à l'Hôpital américain de Paris pour une nouvelle opération chirurgicale, en apparence bénigne, dans le but de soigner les complications de la fracture du tibia provoquée par l’accident. Il meurt au bloc opératoire le d'une crise cardiaque (probablement une syncope blanche provoquée par une allergie à un produit anesthésiant)[14].

Marcel Pagnol relate l'annonce de son décès :

«  À midi et demi, on vint m'appeler à table. Je pensai qu'il n'était pas encore réveillé, mais que la serviable infirmière allait me donner de ses nouvelles. C'était une voix inconnue, une voix de femme.

— Le cas de M. Raimu était beaucoup plus grave qu'on ne vous l'a dit. L'opération a duré deux heures, il ne s'est pas réveillé.
— Vous voulez dire pas encore ?

Il y eut un silence tragique. Puis la voix murmura :

— Non. Il ne se réveillera plus.  »

 [15]

Il avait prévu de quitter la Comédie-Française mais ne s'était pas résolu à envoyer sa lettre de démission, « écrite en avril 1946, alors qu'il était cloué sur son lit à la clinique Lyautey »[16].

Des funérailles grandioses sont organisées en l'église Saint-Philippe-du-Roule, auxquelles ont assisté des milliers de personnes puis il est inhumé au cimetière de Toulon (Var). Le poète Maurice Rostand lui rend hommage en composant ces vers :

Quand s'éteint cette voix
Fameuse et familière
Pagnol pleure ici-bas
Là-haut pleure Molière[17].

Marcel Pagnol prononce son éloge funèbre : « on ne peut faire un discours sur la tombe d'un père, d'un frère ou d'un fils, et tu étais les trois à la fois. »[18]

Orson Welles estima qu'il était « le plus grand acteur au monde »[11]. Pagnol raconta qu'il a vu arriver Orson Welles dans son bureau, lui demandant « Je veux voir monsieur Raimu ». Marcel Pagnol lui répondit que Raimu venait de mourir deux mois auparavant et vit alors Orson Welles fondre en larmes : « C'était le meilleur de nous tous ! » dit-il[11].

Filmographie

Films muets

Films parlants

Théâtre

Hommages

Musée Raimu

Sa petite-fille, Isabelle Nohain-Raimu (fille de Paulette Raimu et d'un des fils de Jean Nohain) a d'abord fondé le Musée-Espace Raimu à Cogolin10 km de Saint-Tropez), puis, lorsque celui-ci a fermé, le Musée Raimu à Marignane, 27 cours Mirabeau, en 2014, œuvre de l'architecte Nicolas Masson (agence LAND) et du muséographe Jean-Louis Mylonas[22].

Maison de Raimu à Bandol

En 1933, Raimu achète à Bandol (Var) une villa qu'il rebaptise Ker-Mocotte en l'honneur de celle qui deviendra son épouse, Esther[23]. De nos jours, la villa, sise 103 rue Raimu, après avoir été un hôtel-restaurant, est une propriété privée et conserve le nom de Ker-Mocotte.

Prix Raimu

En hommage à son grand-père, Isabelle Nohain-Raimu a créé, en 2006, les prix Raimu de la comédie récompensant des personnalités du théâtre et du cinéma pour des pièces ou des films comiques sortis dans l'année[24]. Il y eut trois cérémonies en 2006, 2007 et 2008. Le trophée Raimu est une œuvre de Cyril de La Patellière dont l'original est au musée Raimu de Marignane.

Philatélie

Un timbre-poste, dessiné par Albert Decaris et gravé par Claude Durrens, d'une valeur de 0,50 franc, représentant Raimu dans le rôle de César, a été émis le , portant oblitération premier jour du à Toulon, prenant place aux côtés de La Champmeslé, Rachel, Talma et Gérard Philipe dans une série sur les grands acteurs français[25].

Culture

Un holorime attribué à Jacques Prévert mentionne son nom.

« Saoul, l'heureux gars Raimu descend, pas sans dangers,
Sous le regard ému des cent passants d'Angers. »

Reconnaissance

Notes et références

  1. La scène de la « partie de cartes » au Bar de la marine, sur le Vieux-Port de Marseille, fait partie du patrimoine du cinéma français et de la culture marseillaise. César, interprété par Raimu, y prononce la réplique célèbre, alors qu'il triche à la manille : « Tu me fends le cœur ! »
  2. « Plaque commémorative à Toulon »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?)
  3. Raymond Castans, L'impossible Monsieur Raimu, Paris, Fallois, , p. 10
  4. Raymond Castans, L'impossible Monsieur Raimu, Paris, Fallois, , p. 19
  5. Raymond Castans, L'impossible Monsieur Raimu, Paris, Fallois, , p. 20
  6. Raymond Castans, L'impossible Monsieur Raimu, Paris, Fallois, , p. 29
  7. Daniel Lacotte, Raimu, Paris, Ramsay, 1988
  8. Raymond Castans, L'impossible Monsieur Raimu, Paris, Fallois, , p. 32
  9. Paul Olivier 1977
  10. Il ramène du champ de bataille un morceau du bois de l'étai qui soutenait la tranchée et auquel il doit la vie et le gardera sur lui toute sa vie comme un talisman, sauf, ironie du sort, le jour de sa mort. Cf. Raymond Castans, L'impossible Monsieur Raimu, Paris, Fallois, , p. 52.
  11. Marcel Pagnol, Confidences, Paris, Fallois, 1990
  12. Raymond Castans, L'impossible Monsieur Raimu, Fallois, , p. 126.
  13. « Le cahier bleu de Boudard », Marie-Béatrice Baudet, Le Monde, 5 août 2016
  14. Daniel Lacotte 1988, p. 248
  15. « Raimu vu par Pagnol : «Sa voix puissante était un orgue» », sur FIGARO, (consulté le )
  16. Daniel Lacotte 1988, p. 243
  17. Olivier Barrot et Raymond Chirat, Noir et blanc : 250 acteurs du cinéma français (1930-1960), Flammarion,
  18. Raymond Castans, Marcel Pagnol, Éditions de Fallois, , p. 268
  19. Cf. Trilogie marseillaise de Marcel Pagnol
  20. Film tourné en 1940.
  21. Jean Le Seyeux sur data.bnf.fr
  22. Musée Raimu, ouvert tous les jours, sauf le dimanche matin et le mardi hors période de vacances scolaires
  23. Site « Raimu »
  24. Site officiel des prix Raimu
  25. Photo du timbre

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

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