Henri-Georges Clouzot

Henri-Georges Clouzot, né le à Niort et mort le dans le 17e arrondissement de Paris, est un scénariste, dialoguiste, réalisateur et producteur de cinéma français.

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Henri-Georges Clouzot
Henri-Georges Clouzot et son épouse Véra Clouzot.
Naissance
Niort (France)
Nationalité Français
Décès
17e arrondissement de Paris (France)
Profession Réalisateur
Films notables L'assassin habite au 21
Le Corbeau
Quai des Orfèvres
Manon
Le Salaire de la peur
Les Diaboliques
Le Mystère Picasso
La Vérité

Il est surtout connu pour son travail dans le genre du film noir, après avoir tourné Le Salaire de la peur et Les Diaboliques, placés par la critique au nombre des plus grands films des années 1950. Il réalise également des documentaires, dont Le Mystère Picasso, déclaré trésor national par le gouvernement français.

Henri-Georges Clouzot est l'un des quatre cinéastes, avec Michelangelo Antonioni, Jean-Luc Godard et Robert Altman, à avoir remporté les trois récompenses suprêmes des principaux festivals européens à savoir le Lion d'or, la Palme d'or et l'Ours d'or, bien que ces deux dernières récompenses aient été attribuées à un seul et même film (en l'occurrence Le Salaire de la peur), ce qui n'est plus possible aujourd'hui.

Biographie

Famille

Henri-Georges Clouzot est né à Niort, le où son père Georges a repris la librairie paternelle. Après la faillite de la librairie, la famille s'installe en 1922 à Brest où son père devient commissaire-priseur. Ses parents se séparent.

Son oncle Henri (1865-1941)[1] est conservateur de la bibliothèque Forney puis du musée Galliera à Paris. Historien du Poitou, il écrit aussi de nombreux livres sur l'art et notamment sur l'art africain (L'art du Congo belge 1921).

Son autre oncle; Étienne Clouzot (1881-1944), diplômé de l'École nationale des chartes est un archiviste-paléographe français[2]. Son épouse Jeanne Clouzot-Régnier (1882-1965) a été, au Journal de Genève de 1924 à 1964, la première critique de cinéma professionnelle en Suisse.

Son frère, Marcel Clouzot (1915-2016), était un libraire ancien réputé et auteur du Guide du bibliophile français qui recense notamment les éditions originales du XIXe siècle. Il était écrivain et peintre.

Carrière

Adolescent, il ambitionnait de devenir marin, comme son grand-père maternel, mais une myopie de l'œil gauche lui ferme les portes de l'École navale. Après une année de maths-spé au Lycée Sainte-Barbe, il entre à l'École libre des sciences politiques. Il devient l'assistant du député Louis Marin, puis entre à la rédaction des journaux Paris-Midi et Paris-Soir sur les recommandations de son ami Pierre Lazareff. Passionné par la chanson, il soumet ses textes à René Dorin, interprète et parolier, entre autres, de Maurice Chevalier, qui l'engage comme secrétaire pour deux ans. Auprès de Dorin, Clouzot fait la rencontre d'autres chansonniers : Pierre Varenne, Saint-Granier, Mauricet[3].

Cinéaste

Henri-Georges s'associe à Henri Decoin pour un premier essai de scénario destiné à Mauricet ; le producteur Adolphe Osso refuse finalement le projet mais engage Clouzot et l'envoie aux studios de la Babelsberg, à Berlin, où il devient l'assistant d'Anatole Litvak et supervise les versions françaises d'opérettes allemandes[4], puis écrit des scénarios pour Jacques de Baroncelli, Carmine Gallone ou Victor Tourjanski.

Il enchaîne avec deux adaptations : Les Inconnus dans la maison d'Henri Decoin avec Raimu, d'après le roman éponyme de Georges Simenon et Le Dernier des six de Georges Lacombe avec Pierre Fresnay et Suzy Delair, sa compagne[5], d'après Stanislas-André Steeman (qu'il adaptera deux fois encore pour L'assassin habite au 21 et Quai des Orfèvres).

Il écrit quatre pièces entre 1940 et 1943[6]. Il débute réellement dans la mise en scène en 1942, bénéficiant de l'exil aux États-Unis des grands réalisateurs comme Jean Renoir, Julien Duvivier, René Clair[4]… avec L'assassin habite au 21 et reforme le couple Pierre Fresnay-Suzy Delair.

Le Corbeau

Il réalise ensuite, en pleine occupation allemande, un film sur un expéditeur de lettres anonymes Le Corbeau (1943), qui donne lieu à de vives polémiques dans une France qui souffre alors de la délation. Le scénario est de Louis Chavance d'après un fait divers qui s'était passé à Tulle dans les années 1920. Une campagne communiste est lancée contre Clouzot, comparant son film à Mein Kampf, l'accusant d'offrir une image négative de la France, alors que dans le même temps son film est condamné par les conservateurs et la Centrale catholique pour immoralité, tandis que Goebbels le fait diffuser à l'étranger[note 1]. À la Libération, contrairement à la plupart des autres employés de la Continental-Films, une entreprise créée par Joseph Goebbels, Clouzot échappe à la prison, mais se voit frappé d'une suspension professionnelle à vie. Henri Jeanson écrit alors à un détracteur de Clouzot : « Mon cher, tu sais bien que Clouzot n'a pas plus été collabo que toi tu n'as été résistant. »

En 1948, le film est interdit au Canada, puis accepté à la suite de plusieurs coupures[7].

Retour en grâce

Grâce à l'intervention de personnalités comme Pierre Bost, Jacques Becker ou encore Henri Jeanson qui signe un texte corrosif « Cocos contre corbeau », Clouzot revient à la réalisation et remporte plusieurs récompenses aux festivals de Venise, de Berlin et de Cannes avec Quai des Orfèvres en 1947 (où il offre pour la dernière fois un rôle à Suzy Delair), Miquette et sa mère en 1949, tous les deux avec Louis Jouvet, Manon (1949) (d'après Manon Lescaut de l'abbé Prévost), Le Salaire de la peur (d'après le roman de Georges Arnaud), avec Yves Montand et Charles Vanel en 1952, films ayant tous bénéficié d'une large audience. Ces films lui vaudront plus tard le surnom d'« Hitchcock français ».

Ses trois premiers films trahissent l'influence du cinéma expressionniste, et surtout de Fritz Lang. Il est animé par une sorte de perfectionnisme, qui le conduit parfois à tyranniser ses acteurs. Moraliste jetant un regard souvent pessimiste sur la société, il est le réalisateur de plusieurs autres films célèbres dont Les Diaboliques (1954), film policier haut en suspense, mettant en scène un couple ambivalent et ambigu interprété par Simone Signoret et Véra Clouzot, soupçonnées du meurtre du mari de cette dernière (Paul Meurisse) par un commissaire à la logique implacable (Charles Vanel) ; Le Mystère Picasso (1956), un grand documentaire sur la méthode du peintre et sur la naissance de quelques-uns de ses tableaux ; et La Vérité (1960) avec Brigitte Bardot.

Déclin

À la suite du décès de sa femme Véra en 1960, il connait une période de dépression durant laquelle il se retire à Tahiti. A son retour, il écrit l'ambitieux projet de L'Enfer qui devrait, selon lui, révolutionner le cinéma. Il propose à Romy Schneider et Serge Reggiani d'en jouer les premiers rôles. Mais, en 1964, malgré un budget illimité de la part de la Columbia, le tournage se passe très mal, Clouzot, très fatigué, fait un infarctus[8].

Après La Prisonnière (1968), aucune compagnie d'assurances n'accepte de garantir le risque d'un nouveau problème de santé; Henri-Georges Clouzot n'arrivera plus à concrétiser aucun projet. Il meurt le . Il est enterré à Paris, au cimetière de Montmartre; sa deuxième épouse, Inès Clouzot, l'y rejoindra en .

Tombe d'Henri-Georges et Inès Clouzot au cimetière de Montmartre, à Paris.

Dans les années 1990, Claude Chabrol reprend le scénario de L'Enfer, que Clouzot n'avait pu achever trente ans plus tôt, et parvient à sortir sa propre version de L'Enfer en 1994, avec François Cluzet et Emmanuelle Béart.

Divers

  • À cinq ans, il a déjà écrit une histoire criminelle de Guignol[9].
  • En 1933, il écrit avec Jean Villard-Gilles les paroles de la chanson Jeu de massacre[10], dont Maurice Yvain écrit la musique, et qui sera créée par Marianne Oswald. Même collaboration avec Yvain pour la chanson Ils étaient trois, interprétée par Gilles et Julien[11]. Avec le même Gilles, il écrit le texte de trois autres chansons, dont Gilles est le compositeur : La ronde des métiers, La bourrée du diable, La vierge Éponine.
  • Il fonde sa société de production Vera Films, en lui donnant le prénom de son épouse Véra Clouzot, actrice d'origine brésilienne, qui apparaît au générique de plusieurs de ses films.
  • Le , il est condamné par le tribunal correctionnel de Chartres à 10 000 francs d'amende pour homicide par imprudence : le , alors qu'il conduisait à une vitesse excessive le véhicule de son ami Frankel, il renverse à Courville-sur-Eure (Eure-et-Loir) un piéton âgé de 71 ans, Monsieur Paul Caget, mort deux jours plus tard à l'hôpital de Chartres des suites de ses blessures[12].
  • Henri-Georges Clouzot se remaria avec Inès Bise en 1961.
  • L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot est un documentaire sur le film inachevé L'Enfer ; il est sorti le au cinéma.
  • Plusieurs remakes de ses films ont été tournés aux États-Unis : La Treizième Lettre (1951) d'Otto Preminger (d'après Le Corbeau), Le Convoi de la peur de William Friedkin (1977) (d'après Le Salaire de la peur) et Diabolique (1996) de Jeremiah S. Chechik (d'après Les Diaboliques).
  • Il fut un pionnier dans la réalisation de concerts filmés dans les années 1970, notamment grâce à son travail avec Herbert von Karajan, qui comptait sur le progrès technique pour perpétuer le souvenir de son talent. Il réalisa six films ; les cinq premiers furent appréciés par le chef d'orchestre, mais le dernier fut critiqué par Karajan qui le trouva mauvais.
  • Il est l'auteur des paroles de la chanson La vierge Éponine.
  • Il fut un important collectionneur d'art contemporain. Sa seconde femme, Inès, a légué cette collection et les droits sur l'œuvre cinématographique au Secours catholique. « Chrétienne fidèle et engagée, elle avait fait part, à travers ce legs, de sa volonté de “toucher la précarité partout où elle se manifeste” »[13]. Cette association caritative a mis en vente aux enchères la collection chez Christie's. La vente, tenue à Paris, a réalisé un produit de 4 412 550 euros, un tableau de Jean Dubuffet, Femina Dulce Malum de 1950, faisant à lui-seul 1 521 000 euros[14].
  • Il publie en 1951 (aux éditions Julliard, Paris) un récit de son voyage au Brésil, agrémenté de photographies, consacré aux rites religieux, notamment Vaudou, de certains groupes fétichistes, intitulé Le Cheval des Dieux.
  • À Niort, un square porte son nom et une rue celui de son oncle Henri.

Filmographie

Réalisateur

Superviseur des versions françaises

Scénariste ou dialoguiste

Théâtre

Récompenses

Bibliographie

  • La saga des Clouzot et le cinéma 1ère époque. Association Cinémathèque en Deux-Sèvres , Niort 2007.Rassemble des articles d'Étienne et Henri Clouzot publiés dans diverses revues. Comprend une généalogie simplifiée de la famille Clouzot.
  • François Chalais, François Chalais présente Henri-Georges Clouzot, Éditions Jacques Vautrin, 1950, (ASIN B0000DLX2D).
  • Francis Lacassin et Raymond Bellour, Le Procès Clouzot, Paris, Le Terrain vague, 1964, (ASIN B0014UW79W).
  • Gérard Pangon et Pascal Mérigeau, Henri-Georges Clouzot, Paris, Arte éditions-Mille et une nuits, 1997, (ISBN 978-2842052485).
  • José-Louis Bocquet et Marc Godin, Clouzot cinéaste, Horizon illimité, 2002, (ISBN 978-2847870053).
  • Serge Bromberg, Romy dans l'enfer : les images inconnues du film inachevé d'Henri-Georges Clouzot, 2009, (ISBN 978-2226181817).
  • José-Louis Bocquet et Marc Godin, Clouzot cinéaste, Paris, La Table Ronde, 2011, réédition.
  • Claude Gauteur, Clouzot critiqué, Paris, Séguier, 2013, (ISBN 978-2-8404-9658-8).
  • Chloé Folens, Les Métamorphoses d’Henri-Georges Clouzot, Paris, Editions Vendémiaires, 2017, (ISBN 9782363582874)
  • Propos recueillis par Florence Andoka, « Un mystère entier. A l'occasion de la rétrospective et de l'exposition Le Mystère Clouzot organisées par la Cinémathèque française à Paris, Noël Herpe, écrivain et historien du cinéma, est venu s'entretenir au cinéma des 2 scènes à Besançon. L'occasion d'une vrai redécouverte d'un mystère qui s'épaissit », Novo N°49, Editions Chicmédias/Médiapop, Strasbourg & Mulhouse, , pp.64-65, (ISSN 1969-9514)

Notes et références

Notes

  1. Le film n'est toutefois pas diffusé en Allemagne, où il fut jugé trop noir.

Références

  1. Henri Clouzot
  2. Étienne Clouzot
  3. Correspondance, fonds Henri-Georges et Inès Clouzot, Cinémathèque française, Clouzot128-B33
  4. Dictionnaire du cinéma : Les réalisateurs de Jean Tulard
  5. Jean-Noël Mirande, « Suzy Delair ou l'air de Paris », Le Point, (lire en ligne, consulté le )
  6. Dictionnaire du cinéma, Larousse, sous la direction de Jean-Loup Passek
  7. Hébert, Pierre, 1949-, Landry, Kenneth, 1945- et Lever, Yves, 1942-, Dictionnaire de la censure au Québec : littérature et cinéma, Fides, (ISBN 2-7621-2636-3 et 978-2-7621-2636-5, OCLC 63468049, lire en ligne), p. 144-147
  8. Dans les coulisses de «L'Enfer», film maudit de Clouzot, Le Figaro, 06/11/2009
  9. Documentaire de Pierre-Henri Gibert : Le Scandale Clouzot, 2017 (Arte)
  10. Mémoire de la chanson, 1200 chansons de 1920 à 1945, Martin Pénet, ed. Omnibus, 2004
  11. Jean Villard-Gilles, Intégrale Gilles et Julien, Paris, Frémeaux et Associés, , FA5085 p., p. CD2, plages 2 et 3
  12. Journal "L"Echo républicain de la Beauce et du Perche" des lundi et mardi 13 et 14 janvier 1947.
  13. « Les biens d’I. et H-G. Clouzot légués au Secours Catholique », sur secours-catholique.org,
  14. (Sources : "A vendre : l'infernale collection Clouzot", Le Monde daté du 30 novembre 2012, Jacques Mandelbaum, p. 2-3. Site Internet de Christie's .

Voir aussi

Article connexe

Conférence

Liens externes

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