Essais nucléaires français
210 essais nucléaires français au total ont été menés entre 1960 et 1996, d'abord dans le désert algérien puis en Polynésie française, d'une puissance cumulée d'environ 13 mégatonnes, impliquant officiellement environ 150 000 civils et militaires :
- de 1960 à 1961 : 4 essais aériens à Reggane, dans le sud algérien[1] ;
- de 1961 à 1966 : 13 essais souterrains à In Ecker, dans le sud algérien[2] ;
- de 1966 à 1974 : 46 essais aériens à Moruroa et Fangataufa, en Polynésie française[2] ;
- de 1975 à 1996 : 147 essais souterrains dans les sous-sols et sous les lagons des atolls de Mururoa et Fangataufa[2].
Après l'essai Gerboise bleue le , la France devient la quatrième puissance nucléaire, après les États-Unis, l'URSS et le Royaume-Uni.
Depuis la signature, en 1996, du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), la France s'est engagée à ne plus jamais réaliser d'autres essais nucléaires. Depuis, les essais nucléaires sont effectués à l'aide de simulations et d'expériences de fissions ainsi que de fusions à très petite échelle. Des tirs froids et essais de détonique à l'air libre ou en puits auraient eu lieu à Moronvilliers dans la Marne[3].
Premiers essais en Algérie (1960-1966)
Choix de l'Algérie
Début 1957, la réalisation d'un site d'essais est tout d'abord envisagée sur plusieurs îles françaises d'Océanie (mais Moruroa n'est pas alors évoquée). Cette solution est rapidement exclue pour des raisons de logistique, en particulier par l'impossibilité – à l'époque – de rejoindre l'Océanie par avion sans avoir à ravitailler sur un territoire étranger[4]. La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et les îles Kerguelen sont elles aussi écartées.
Le Sahara est rapidement choisi. Le site de Reggane, en Algérie, est arrêté le [4]. Les travaux y débutent le . Ce centre d'essais était le CSEM (Centre saharien d'expérimentations militaires). Il deviendra le CEMO (Centre d'expérimentations militaires des oasis), plus tard à In Ecker[5].
Essais aériens à Reggane CSEM (1960-1961)
Le premier essai nucléaire français, Gerboise bleue, est effectué le à 7 h 4 (heure de Paris)[2], sous la présidence de Charles de Gaulle. Le développement de la bombe est poussé dès 1954 entre autres par Pierre Guillaumat et le ministre de la Défense nationale. Ces derniers convainquent le président du Conseil Pierre Mendès France d'autoriser la poursuite des recherches de l'industrie nucléaire, en indiquant que ces dernières seraient également positives pour le secteur civil de production d'électricité[6]. C'est au début d'avril 1958 que Félix Gaillard, président du conseil sous la présidence de René Coty, décide que ce premier essai aura lieu au début de l'année 1960 et que le site de test sera localisé au Sahara[7]. Dès lors la paternité de la bombe est attribuée à tort à de Gaulle, dont l'opposition moque la « bombinette ». Bien qu'à 70 kt l'essai nucléaire soit le plus puissant réalisé jusqu'alors pour une bombe A, elle est de faible puissance relativement à la bombe H dont disposent déjà les États-Unis, l'URSS et la Grande-Bretagne[8].
Un champ de tir est créé à Reggane, au centre du Sahara algérien et à 600 kilomètres au sud de Bechar ; plus précisément à Hamoudia, à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Reggane[1]. Quatre tirs atmosphériques y seront effectués, trois depuis des tours et un au sol.
Le rapport annuel du CEA de 1960 montre l'existence d'une zone contaminée de 150 km de long environ. Mais en 2013, la carte classée « secret défense » des retombées réelles est divulguée montrant l'immensité des zones touchées, et ce jusqu'en zone subsaharienne. Des taux de radioactivité différents suivant le déplacement des particules de poussière contenant de l'iode 131, du césium 137 (note 002910 4 avril 2013).
À la suite immédiate du putsch des généraux (ou « putsch d'Alger », ), le gouvernement français ordonne la détonation du (Gerboise verte[9]) afin que l'engin nucléaire ne puisse tomber dans les mains des généraux putschistes qui l'avaient localisé dans un entrepôt du port d'Alger ; la bombe est rapidement acheminée sur Reggane en 2 CV[10].
Essais en galerie au Hoggar CEMO (1961-1966)
La France doit abandonner les essais aériens au profit d'essais souterrains, moins polluants, anticipant la signature du traité d'interdiction partielle des essais nucléaires. Le site choisi, In Ecker (Sahara algérien), se trouve au sud-est de Reggane et à environ 150 km au nord de Tamanrasset. Ce nouveau centre est nommé CEMO (Centre d'Expérimentations Militaires des Oasis). Les tirs sont réalisés en galeries, chacune étant creusée horizontalement dans un massif granitique du Hoggar, le Tan Afella. La bombe est placée au centre d'un colimaçon creusé en fin de galerie. Des sacs de sable comblent le bas et le haut de ce colimaçon. Leur rôle est d'exercer une compression lors de l'explosion afin d'assurer l'étanchéité. Les galeries sont fermées par une dalle de béton et doivent permettre théoriquement un bon confinement de la radioactivité. Les Américains surveillent ces essais en installant des stations sismiques en Libye[8].
Le , la France réalise son premier essai nucléaire souterrain. Mais le , lors du deuxième essai, un nuage radioactif s'échappe de la galerie de tir, la roche ayant été fragilisée lors du premier essai. C'est l'accident de Béryl (du nom de code de l'essai)[11].
De novembre 1961 à février 1966, treize tirs en galerie sont effectués[2] dont quatre n'ont pas été totalement contenus ou confinés (Béryl, Améthyste, Rubis, Jade).
Les accords d'Évian signés en mars 1962, à la suite de la guerre d'Algérie, n'autorisent des expérimentations dans le Sahara que jusqu'en juillet 1967, si bien qu'un transfert en Polynésie est envisagé dès 1962[12]. Une clause secrète prévoit tout de même que la France peut exploiter pendant cinq ans les bases d'essais nucléaires ainsi que la base de lancement de missiles de Colomb-Béchar et la base de lancement de fusées d'Hammaguir, et pendant vingt ans[13] la base d'essais chimiques de B2-Namous[8].
Vers un site hors du Sahara
Alors que la construction du site de Reggane a débuté en octobre 1957, l'hypothèse de l'abandon d'un champ de tir saharien est envisagée dès 1958[4]. En novembre 1958, un rapport remis au général Charles Ailleret envisage des sites d'essais souterrains en métropole[4] :
- la Cime de Pal (Alpes-Maritimes), à la géologie complexe et très faillée ;
- le Grand-Goyer (Alpes-de-Haute-Provence), très fissuré, avec un aquifère important ;
- la haute vallée du Fournel (Hautes-Alpes), éliminée à cause du gneiss du socle du Pelvoux ;
- la haute vallée du torrent du Couleau (Hautes-Alpes), constituée de flysch (roches sédimentaires meubles), et surmontée d'un aquifère ;
- la Tête de Vautisse (Hautes-Alpes), mais à la limite entre socle cristallin et flysch ;
- la Crête des Prénetz (Hautes-Alpes), qui semble le site le plus favorable bien qu'il soit dans le flysch et avec des venues d'eau possibles ;
- le Désert des Agriates (Corse), mais avec un risque d'opposition des populations.
Les Pyrénées ne sont pas étudiées car on y rencontrerait vraisemblablement les mêmes problèmes que dans les Alpes.
En 1960, la recherche de sites s'oriente vers des sites outremer afin d'y déclencher des explosions aériennes de grande puissance[4]. Les îles Kerguelen sont tout d'abord envisagées, ainsi que La Réunion, et l'Océanie (Polynésie et Nouvelle-Calédonie). La Nouvelle-Calédonie tend à être écartée par crainte de pressions de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie.
En décembre 1961, les autorités politiques donnent la priorité à la Polynésie[4], car la région est excentrée et proche d'un site d'expérimentation nucléaire du Royaume-Uni et des États-Unis, l'île Christmas. Au 20 décembre, de nombreux sites sont envisagés : Motu Iti, Nuku Hiva, Eiao et Hatutu dans les Îles Marquises ; Tikehau, Mataiva et Rangiroa dans l'archipel des Tuamotu ; Maupiti dans l'archipel de la Société.
L'exploration de l'atoll de Moruroa est envisagée pour la première fois le 26 décembre. Fin décembre, le Sahara est considéré comme indisponible au-delà de fin 1963, ce qui rend nécessaire la disponibilité opérationnelle d'un nouveau site dès 1964. En mars 1962, le général Thiry, commandant du Centre interarmées des armes spéciales, accompagné du professeur Henri Jamet, chef du département de protection sanitaire du CEA chargé de tenir les discours scientifiques sur l’innocuité des expériences nucléaires, se rend à Tahiti et ils commencent à prendre des contacts[14]. La métropole (Crête des Prénetz), La Réunion, la Nouvelle-Calédonie, les Kerguelen et les Marquises sont définitivement écartées sur la base de considérations essentiellement géologiques. À l'issue d'une mission de reconnaissance dans l'archipel des Tuamotu, les îles Gambier (Tuamotu Sud) sont retenues dès la fin mars. Après des études hydrographiques, Mururoa est choisie comme champ de tir, avec Tahiti comme base arrière. L'atoll de Mururoa est retenu du fait de ses deux passes praticables, des possibilités d'aménager des accès portuaires, une piste d'aviation et des zones de tir. Il présente aussi les avantages d'être un lieu éloigné et désertique, ne présentant qu'une faible densité de population (moins de 2 300 habitants dans un rayon de 500 km et moins de 5 000 dans un rayon de 1 000 km), venté avec un régime de vents dirigeant le nuage radioactif vers 6 000 km d’océans réputés déserts[15]. Le 27 juillet 1962, le Conseil de défense valide ce choix en décidant la création d'un site d'expérimentations nucléaires en Polynésie (C.E.P.) autour de l'atoll de Mururoa et en définissant les grandes lignes de son organisation et de son implantation[16].
Centre d'expérimentation du Pacifique (1966-1996)
Dès janvier 1963, un détachement du génie de la Légion étrangère pose le pied à Papeete. En septembre 1963 débarquent à Mururoa les premiers ouvriers du génie et les entreprises civiles concernées[17].
Force Alfa (1966-1968)
En 1964-1966, la Marine nationale française mobilise plus de cent bâtiments pour la construction des installations du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) en Polynésie française, comprenant :
- un QG à Papeete ;
- la BA 185 avancée à Hao (460 km au nord-ouest de Moruroa) ;
- le polygone de tir atomique de Mururoa ;
- et le polygone de tir atomique de Fangataufa.
À l'été 1965[18], la Marine nationale française crée le Groupe aéronaval du Pacifique (dit groupe Alfa puis force Alfa) de plus de 3 500 hommes, comprenant sept bâtiments : le porte-avions Foch, et les escorteurs d’escadre Forbin, La Bourdonnais et Jauréguiberry, les pétroliers La Seine et Aberwrach, le bâtiment de soutien Rhin.
La force Alfa appareille le de Toulon et aborde la Polynésie française le 22 mai 1966 afin de superviser les essais atmosphériques no 18 « Aldébaran », no 19 « Tamouré », no 20 « Ganymède » et no 21 « Bételgeuse ». Durant la traversée, la France quitte le commandement intégré de l'OTAN. Le groupe aérien embarqué du Foch comprend 24 avions (12 avions de guet aérien Alizé, 8 avions d’assaut Étendard IV-M et 4 avions de reconnaissance Étendard IV-P) et 22 hélicoptères (10 Sikorsky H-34, 6 Alouette II et 6 Alouette III) et est chargé de surveiller et sécuriser la zone dite « dangereuse » (dispositif Phoebus).
Après que soient repérés à plusieurs reprises dans la zone d'exclusion le bâtiment de recherches scientifiques USS Belmont (en) et le navire de contrôle de missiles et d'engins spatiaux USS Richfield, un sous-marin de nationalité inconnue et un avion ravitailleur (vraisemblablement d'observation et de recueil de prélèvements atomiques) WC-135 de l'US Air Force no 9164, le à 5h05, un Mirage IV no 9 largue sa bombe A AN-21 à chute libre no 2070 au large de Mururoa.
Après deux autres tirs le et le , la force Alfa quitte la Polynésie française le .
La seconde Force Alfa quitte Toulon le 12 mars 1968 pour arriver en Polynésie française le 16 mai. Elle comprend le porte-avions Clemenceau et les avisos-escorteurs Commandant Rivière, Protet, Amiral Charner, Doudart de Lagrée et Enseigne de vaisseau Henry. Quant au groupe aérien, il est composé de douze Alizé de la flottille 9F, de six Étendard IV-M et quatre Étendard IV-P de la 17F et de 10 hélicoptères HSS Sikorsky H-34 de la 31F, Alouette II, Alouette III de la 22S et Super Frelon de la 27S.
Le 24 août 1968, l’essai no 30 « Canopus » d’une bombe H, exécuté à Fangataufa, libère 2,6 mégatonnes. Plusieurs bâtiments américains et quelques chalutiers soviétiques sont aperçus lors de la campagne de tir. Avec la venue de la Force Alfa, l'ensemble du dispositif naval présent autour des deux atolls a représenté plus de 40 % du tonnage de la flotte française, soit 120 000 tonnes[19].
Essais aériens (1966-1974)
Le a lieu le premier essai nucléaire aérien sur l'atoll de Moruroa (Polynésie). Il sera révélé dans les années 1990 que les retombées constatées sur les zones étudiées étaient comparables à celles mesurées à proximité de la centrale après la catastrophe de Tchernobyl en 1986. La population locale et les soldats présents étaient maintenus dans une ignorance totale. Aucune mesure n'avait été prise pour les protéger[20].
Deux ans plus tard, le , a lieu le premier essai d'une bombe H sur l'atoll de Fangataufa du nom de code Opération Canopus. Le tir est commandé du CAA De Grasse se trouvant à environ 60 km de Fangataufa.
Les essais aériens en Polynésie ont fait intervenir plusieurs techniques :
- les essais sur barge ;
- les largages à partir d'avions qui permettent de reproduire les conditions réelles d'un bombardement aérien ;
- les essais sous ballons captifs ;
- les essais de sécurité afin de vérifier que les bombes n'explosent pas tant qu’elles ne sont pas amorcées. En principe, ces essais ne provoquent pas d'explosion.
Les six essais atmosphériques les plus contaminants seraient[21] :
- Aldébaran, le 2 juillet 1966, bombe de 28 kilotonnes testée sur une barge dans le lagon de Mururoa, et des vents d'ouest-nord-ouest emportent le nuage radioactif de l'explosion vers Mangareva
- Rigel, le 24 septembre 1966, bombe de 125 kilotonnes tirée sur barge dans le lagon de Fangataufa. La contamination radioactive atteint l'atoll de Tureia et les îles Gambier.
- Arcturus, le 2 juillet 1967, une bombe de 22 kilotonnes tirée sur barge dans le lagon de Mururoa, qui atteint à nouveau l'atoll de Tureia.
- Encelade, le 12 juin 1971, une bombe sous ballon de 440 kilotonnes, l'atoll de Tureia est de nouveau touché.
- Phoebe, le 8 août 1971, une bombe, sous ballon, de 4 kilotonnes touche les îles Gambier.
- Centaure, le 17 juillet 1974, une bombe sous ballon de 4 kilotonnes contamine via des pluies localisées l'île de Tahiti.
Le dernier essai largué à partir d'un avion, dénommé Maquis, est une bombe nucléaire tactique AN-52 larguée à 20 km au sud ouest de Moruroa depuis un avion Jaguar A le 25 juillet 1974[22].
Au total, 46 essais nucléaires aériens ont été réalisés en Polynésie[2].
Quelque 3 200 tonnes de déchets radioactifs issus de la recherche militaire en Polynésie française sont jetés à la mer entre 1967 et 1975[23].
Les conséquences de ces essais ont été longtemps mal évaluées. En 2021, une étude menée par l’université de Princeton affirme que les essais ont en réalité touché un territoire grand comme le continent européen et 110 000 habitants[24].
Retour aux essais souterrains (1975-1991)
De 1975 à 1996, la France a réalisé 147 essais souterrains en Polynésie[2]. Ils ont été réalisés dans les sous-sols et sous les lagons des atolls de Moruroa et Fangataufa.
Le est signé le traité de Rarotonga (îles Cook), déclarant le Pacifique Sud zone dénucléarisée. La France ne s’y est pas associée. Le 15 juillet 1991 est lancé le dernier essai français dans le Pacifique avant le moratoire d’un an décidé par le président François Mitterrand le 8 avril 1992, et renouvelé.
Dernière campagne d'essais (1995-1996)
Le le président Jacques Chirac rompt le moratoire et ordonne la réalisation d'une dernière campagne d'essais nucléaires dans le Pacifique[25]. Cette ultime campagne a pour but de compléter les données scientifiques et techniques pour passer définitivement à la simulation.
Ces essais nucléaires, annoncés par le Président au nombre de huit, seront réduits à six. Ils prennent fin avec l'essai Xouthos le à Fangataufa[26].
Le 29 janvier 1996, le Président Jacques Chirac annonce la fin définitive des essais nuclaires français lors d'une allocution télévisée[27].
Tirs froids
Des tirs froids ont été réalisés en cuve à Mururoa à l'aide d'explosifs et de matières radioactives. La cuve et le lieu des tirs étaient dénommés Meknès, en zone Denise. Ces tirs froids, bien que très polluants localement, ne sont pas comptabilisés dans les tirs. Il faut donc rajouter 12 tirs froids aux 210 essais atomiques français. Cette cuve a explosé contaminant la zone proche, lors de l'accident du [28].
Opposition aux essais nucléaires
En France, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’opposition à l’armement nucléaire a toujours existé au sein du mouvement antinucléaire, principalement dans les milieux politiques et scientifiques[29].
En 1959-1960[30], l’équipe transnationale "Sahara Protest Team" (Équipe de Protestation du Sahara) de 19 membres dont une française, Esther Peter-Davis, entame une action non-violente de protestation et de prise de conscience contre les essais nucléaires français imminents au Sahara, d'Accra (Ghana) à Reggane. Ils sont interceptés par les soldats français avant la conclusion de leur voyage.
En 1965, Jean Rostand, co-fondateur et président d'honneur du Mouvement contre l'armement atomique, signe avec Albert Schweitzer et le député polynésien John Teariki une Protestation solennelle contre le sort que le Gouvernement français a décidé d'imposer aux habitants de la Polynésie française et autres territoires du Pacifique par les essais nucléaires français à Moruroa[31].
Au niveau international, l'organisation Greenpeace lança une campagne en avril 1972, quand David McTaggart et un équipage de cinq hommes appareillent sur un ketch de 12 mètres baptisé Véga. La Marine nationale finit par aborder le navire, l'obligeant à accoster à Moruroa. L'équipe du Véga n'a pu que retarder l'essai sans l'empêcher.
En 1973, Greenpeace envoie un voilier, le Fri, qui est intercepté par la Marine nationale au large de Moruroa. À bord on compte notamment le général de Bollardière, le prêtre Jean Toulat, l'écrivain Jean-Marie Muller et Brice Lalonde. Le Vega est de nouveau intercepté et arraisonné par la Marine nationale dans la zone interdite. Selon Michel Rocard, l'État français avait alors saboté plusieurs bateaux pour les empêcher de rejoindre Mururoa[32].
En juillet 1985, Greenpeace envoie son navire-amiral, le Rainbow Warrior, à plusieurs reprises dans la zone militaire interdite. La DGSE envoie une équipe de nageurs de combats couler le bateau dans la baie d'Auckland. L'opération fait un mort chez Greenpeace et déclenche un scandale international (Les époux Turenge).
En 1995, à la suite de l'annonce de la reprise des essais nucléaires, Greenpeace dépêche à deux reprises son navire amiral à Mururoa. Il sera à chaque fois arraisonné par les nageurs de combat du commando Hubert. Lors de ces deux tentatives, des groupes de zodiacs parviennent toutefois à pénétrer dans le lagon.
Démantèlement du Centre d'expérimentations du Pacifique
Depuis janvier 1994, dans le cadre de la Conférence du désarmement des Nations unies, des négociations ont été conduites en vue de la conclusion du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. En 1994, le président François Mitterrand décide le développement du programme Simulation par la Direction des applications militaires du CEA. Ce programme doit permettre à la France de garantir la sûreté et la fiabilité des armes de la dissuasion, fondé sur le calcul. Il est financé par le ministère de la Défense et doit durer 15 ans.
En , la France signe les protocoles du traité de Rarotonga (création d’une zone dénucléarisée dans le Pacifique Sud).
Le 24 septembre 1996, la France signe le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et commence immédiatement à démanteler le Centre d'expérimentations du Pacifique.
Le 2 octobre 2018, une plainte est déposée devant la Cour pénale internationale contre la France pour crimes contre l’humanité en raison des essais nucléaires expérimentés en Polynésie française[33].
Conséquences sanitaires des essais nucléaires
Un rapport d'enquête sénatorial a conclu que les essais nucléaires français seraient à l'origine de cancers chez des militaires et les populations civiles habitant près des zones d'essais nucléaires[34]. La France a promulgué en 2010 une loi sur la reconnaissance et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires effectués de 1960 à 1996[35].
Mesures des contaminations
Les mesures de radioactivité dans une zone surveillée ou supposée contaminée sont effectuées en becquerel (ou, pour des mesures anciennes, en picocurie). Cependant, la présence de radioactivité (même à des niveaux élevés) exprimée en becquerel n'aurait pas nécessairement de conséquence notable sur la santé, l'impact dépendant de la durée d'irradiation, et de l'énergie d'émission du radionucléide concerné. Pour évaluer ces conséquences, il faut tenir compte de l'énergie et de la nature des rayonnements émis, et surtout de la durée de l'irradiation et de la manière dont elle atteint le corps. Dans les procédures de diagnostic médical, pour mesurer la dose efficace qui résulte de ce calcul, l'unité utilisée est le sievert (Sv), anciennement le rem. Seules des données en sievert permettent (par définition) de discuter d'un impact sanitaire éventuel, les données en becquerel n'intégrant pas l'impact de la radioactivité constatée sur l'homme.
Des irradiations peuvent conduire au syndrome d'irradiation aiguë (effet déterministe) dès qu'elles dépassent le Sievert[36],[37],[38], et exposent les survivants à un risque nettement accru de cancer (effet stochastique).
La limite de l'effet stochastique statistiquement observable des excès de cancers est de l'ordre de 100 mSv. Pour la radioprotection, on s'intéresse généralement à la limite en dessous de laquelle aucun effet nocif des radiations n'est démontré, soit ≈100 mGy[39],[40] : c'est donc cette limite qui est la plus couramment rencontrée[41],[42].
L'effet des faibles doses d'irradiation (inférieures à 10 mSv, soit un rem) est conjoncturel et polémique (de nombreuses publications[43] identifient même un effet d'hormèse positif pour des expositions de cet ordre). La limite autorisée pour les professionnels exposés, en France, est de 20 mSv sur douze mois glissants par personne. Au moment des essais, la limite adoptée par les autorités pour les travailleurs 50 mSv/an/personne[44].
La limite autorisée en France dans les années 2000 pour l'exposition de la population aux rayonnements artificiels (hors exposition médicale) est de 1 mSv/an/personne. Il est à noter que la plupart des militaires ne portaient pas de dosimètres, lorsque leur affectation n'impliquait pas a priori d'exposition au risque d'irradiation ; de ce fait, il est impossible pour ceux-ci de prouver au moyen des mesures de contrôle de doses qu'ils n'ont pas été irradiés, ou contaminés surtout quand l'historique de leur affectation ne relève par ailleurs aucun incident particulier.
L'affectation de certains militaires n'était pas spécifiée. Leur positionnement n'apparaît pas sur les états signalétiques. Un texte prévoit d'ailleurs que cette information ne doit pas apparaître sur les journaux de marche des régiments "Personnel non officier"[45].
D'autre part, pour ceux qui auraient été exposés à des environnements irradiants, le rayonnement émis par les particules alpha (qui n'ont d'incidence que par inhalation ou ingestion) ne peut pas être enregistré par des dosimètres ; le dosimètre ne permet pas de mesurer l'ingestion ou l'inhalation de particules irradiantes (comme ce fut le cas pour les militaires exposés au nuage radioactif de l'essai Béryl). La France ne possédait pas tous les appareils de mesures adaptés pour ces investigations, ce qui fut reconnu lors de l'élaboration de la loi Morin en 2010. Cette dernière mit en place le CIVEN (comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires) et s'appuya sur un système d'estimation, un logiciel américain, le NIOSH-IREP, encore très controversé à ce jour. Réunion 2013.[Quoi ?] Le logiciel calcule une estimation de façon théorique. (Discussion et questions réunion CIVEN Associations 21 février 2012 ministère de la Défense hôtel de Brienne sous ministère Longuet.)[Quoi ?]
Normes réglementaires
L'ensemble des règles et des pratiques de surveillance radiologique du personnel, des populations et de l'environnement était, à l'époque des essais nucléaires, déterminé par la Commission Consultative de Sécurité (CCS) créée en 1958[46].
Selon le rapport Bataille de 2001, pendant la durée des essais au Sahara, « la France s'est conformée en permanence aux recommandations des organisations internationales compétentes, en particulier celles émises par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR), recommandations reprises dans la réglementation européenne (J0 des 20 février 1959, 9 juillet 1962 et 2 juin 1965) puis nationale (JO du 20 juin 1966) »[47]. Toutefois l'efficacité de ces normes présupposait l'utilisation de prévisions météorologiques exactes, ce qui n'a pas toujours été le cas[48]. D'autre part, la perception du risque était moins forte que de nos jours, et parmi les premières victimes figure du personnel ayant ôté son masque[46].
Les personnes pouvant être soumises aux effets de la radioactivité générée par les essais étaient classées en deux catégories : la première : le personnel directement lié aux essais, le personnel des armées, le personnel du CEA et des entreprises, les travailleurs employés sur les sites ; la deuxième : les populations voisines du champ de tir[46].
Pour les populations, la dose maximale admissible annuelle était fixée par la CCS à 15 mSv en 1960 puis 5 mSv à partir de 1961[46].
Contaminations et irradiations au Sahara
Quatre essais souterrains sur treize n'ont pas été totalement contenus ou confinés : Béryl, Améthyste, Rubis et Jade. Les deux premiers cités ont entraîné une sortie de laves radioactives. Dans les deux autres cas, les sorties, limitées à des radioéléments gazeux ou volatils, n'ont pas provoqué d'exposition sanitairement significative du personnel et des populations[46].
- Béryl (1er mai 1962)[49]
- 100 personnes (>50 mSv)
- 15 personnes (>200 mSv)
- 9 personnes (600 mSv)
- peut-être 240 personnes (<2,5 mSv)
- Améthyste (20 mars 1963)[49]
- 13 personnes (=10 mSv)
- 280 personnes (<1 mSv)
- Rubis (20 octobre 1963)[49]
- 500 personnes (<0,2 mSv)
- pas de donnée (=0,01 mSv)
- Jade (30 mai 1965)[49]
- pas de donnée (<1 mSv)
Les essais Béryl et Améthyste ont conduit à une irradiation dépassant le seuil réglementaire actuel pour le public. Des conséquences sanitaires sont envisageables pour la quinzaine de personnes fortement contaminées (à plus de 100 mSv) par l'essai Beryl, mais les conséquences attendues sont trop faibles pour être identifiables statistiquement.
Bien que le rapport annuel du CEA de 1960 (cité plus haut) annonce une zone contaminée de 150 km de long, pour Gerboise bleue (Reggane 13 février), cependant en 2013 une carte classée Secret défense montre la réalité des retombées. Déclassé le 4 avril 2013, divulgué, ce document prouve l'ampleur des zones touchées. Ces dernières allant jusqu'en zone subsaharienne. A plus ou moins fortes doses. Les taux de radioactivité sont différents suivant le déplacement des particules de poussière contenant de l'iode 131, du césium 137[50].
Contaminations sur Mururoa et Fangataufa
En 2006, Marcel Jurien de la Gravière, alors délégué à la sûreté nucléaire de la Défense, a reconnu que six de ces essais avaient « affecté plus significativement quelques îles et atolls », entraînant des retombées sur des zones habitées, et ce jusqu’à Tahiti.
En 2012, Bruno Barrillot, délégué pour le suivi des conséquences des essais nucléaires auprès du gouvernement polynésien, affirme qu'il y a eu beaucoup de retombées : « au moins cinq archipels ont été touchés, dont les Gambier, situés à 400 km sous le vent des tirs »[51].
Une étude épidémiologique faite par l'Armée Française sur les vétérans du Centre d'Essais du Pacifique (CEP) a conclu à l'absence de surmortalité (pour toutes causes confondues, dont par cancer, ou pour des pathologies spécifiques potentiellement liées à l’exposition aux radiations. Une sous-mortalité est au contraire observée dans le groupe suivi)[52]. Le « rapport SEPIA » a été établi par un laboratoire qui n'aurait reçu que les documents et les noms de vétérans choisis par l'Armée, selon les données communiquées par ce laboratoire à l'occasion d'un procès en appel (cour d'appel de Nîmes, 2012)[source insuffisante][53].
Une autre étude fut demandée en 2009, devant prendre en compte d'autres facteurs, maladies cardiaques, pulmonaires maladie de peau, certains cancers mais sans prendre en compte la surmortalité. Le résultat de cette étude ne fut jamais donné. En 2009, le général Gillis, ancien directeur du centre des essais DIRCEN, évoque le fait que sa maladie serait due aux essais Adefdromil, Joyon Gérard, Tpmi NIMES 2010 et Midi-Libre du .
Mais en décembre 2012, une levée partielle du secret-défense portant sur 58 documents, confirme que les zones touchées par les retombés radioactives s’étendaient bien au-delà du périmètre défini par la loi d'indemnisation des victimes et ses décrets d’application[48]. L’inclusion de l’ensemble de la Polynésie est par conséquent pris en compte, soit, les 5 archipels[réf. nécessaire].
Rapport Bataille 2001
Selon un rapport parlementaire de Christian Bataille publié en 2001, sur les 52 750 personnes affectées sur l’ensemble des sites polynésiens pendant les essais atmosphériques, 3 425 personnes (6,5 %) ont reçu des doses mesurables[46]. Au total, les doses collectives relevées pour la Polynésie s’élèvent à 8,9 homme.Sv[54].
« Le nombre de doses [sic] ayant dépassé la « norme annuelle travailleur » de 50 mSv s’[y] est élevé à sept[46]. Dans quatre cas il s’agissait des pilotes d’avions chargés des pénétrations dans le nuage radioactif consécutif au tir pour des doses de 180 mSv, 120 mSv, 60 mSv et 51 mSv, ce qui les situe dans le domaine des expositions exceptionnelles concertées, la première étant légèrement supérieure à la limite. Dans deux autres cas, il s’agissait d’activités extérieures aux essais nucléaires avec deux médecins exposés lors d’examens radiologiques (60 et 54 mSv).
La plupart des autres personnels classés catégorie A a reçu dans sa majeure partie des doses inférieures à la norme « personnes du public » (soit 5 mSv). Cinquante-cinq personnes ont atteint la valeur de 15 mSv »[46].
Au Sahara, 102 des membres du personnel ayant fait l'objet de mesures ont reçu des doses cumulées supérieures à 50 mSv, allant jusqu'à 600 mSv[55].
Retombées radioactives sur la Polynésie
Dès la première explosion, en juillet 1966, les responsables militaires ont connaissance des retombées radioactives plus importantes que prévu sur l'île de Mangareva, mais cette information ne sera rendue publique qu'en 1998 par le journaliste Vincent Jauvert qui a consulté des rapports officiels de l'autorité chargée des essais nucléaires, conservés aux archives du service historique de la Défense et récemment ouverts au grand public[56],[57].
Le rapport d'une commission d'enquête[Laquelle ?] publié en février 2006, montre pour la population, que chacun des essais de 1966 et 1967 a provoqué des retombées radioactives sur les archipels habités de la Polynésie française ; même Tahiti a été touché le 17 juillet 1974, par l'essai Centaure, avec des taux de radioactivité de six à sept fois supérieurs à la normale.
Le nuage radioactif consécutif à l'essai « Centaure » a effectivement touché Tahiti, le 19 juillet 1974. Des précipitations de forte intensité, conjuguées aux effets du relief, conduisirent à des dépôts au sol, hétérogènes en termes d'activités surfaciques (à la surface même du sol) : à Hitia'a sur le plateau de Taravao, et au sud de Teahupoo. De plus, de nombreux récifs coralliens ont été contaminés.
Toujours en 1974, le 16 juin à 8 h 30 (heure locale) a eu lieu un essai de 4 kilotonnes sous ballon à 220 m (Tir Capricorne, Zone Dindon). Le nuage passera au-dessus de la zone vie ou aucune protection n'est en place (3 photos ci-contre).
Une étude de l'INSERM a montré que, sur les 229 cas de cancers de la thyroïde recensés chez des Polynésiens entre 1981 et 2003, une dizaine serait attribuable aux retombées des essais nucléaires, avec potentiellement une dizaine d'autres cas pouvant apparaître dans le futur, soit une sur-incidence comprise entre 4 et 8 %[58].
Lieu | Essai | Année | Estimation initiale[60] (mSv) | Estimation CEA 2006 (mSv) | UNSCEAR et AIEA[61] |
---|---|---|---|---|---|
Îles Gambier | Aldébaran | 1966 | 5,5 | 3 à 7 | 5,5 |
Îles Gambier | Rigel | 1966 | - | 0,1 à 0,23 | |
Îles Gambier | Éridan | 1970 | 0,1 | - | |
Îles Gambier | Toucan | 1970 | 0,2 | - | |
Îles Gambier | Phoebé | 1971 | 1,2 | 0,2 à 2,6 | 1,2 |
Tureia | Rigel | 1966 | - | 0,06 à 0,15 | |
Tureia | Arcturus | 1967 | 1 | 0,79 à 3,2 | 0,9 |
Tureia | Dragon | 1970 | 0,16 | - | |
Tureia | Encelade | 1971 | 1,3 | 1,3 à 1,9 | 1,3 |
Reao | Toucan | 1970 | 0,15 | - | |
Hereheretue | Umbriel | 1972 | 0,2 | - | |
Tahiti (Pirae) | Centaure | 1974 | 0,8 | 0,5 | 0,8 |
Tahiti (Hitia'a) | Centaure | 1974 | - | 2,6 | |
Tahiti (Teahupo'o) | Centaure | 1974 | - | 3,6 |
Selon le Ministère de la Défense et son livre Dimension radiologique des essais nucléaire en Polynésie chapitres VI.8. Dossier Appel NIMES 2012 Conclusions du Ministère de la Défense : « l'impact mesuré n'a que rarement dépassé la limite réglementaire d'exposition de 1 mSv, et même les plus fortes expositions (celles des Îles Gambier en 1966) restent largement inférieures au niveau de (100 mSv), seuil constaté des atteintes tissulaires directes ».
Toutefois, les doses déclarées ne correspondraient pas du tout à la réalité. En effet, à la suite du rapport du SMCB concernant les Gambier, suggestion est faîte par le SMSR « de minimiser » les véritables doses. De ce fait on peut lire cette fausse information sur le livre La Dimension radiologique des essais nucléaire 2006 VI.8 : « Les doses maximales reçues par les populations des îles et atolls les plus exposés, pour les essais dont les retombées ont été les plus importantes, ont généralement été inférieures à 10 mSv. Des valeurs maximales plus importantes ont été calculées pour les doses thyroïde des enfants, allant jusqu'à 80 mSv aux Gambiers pour l'essai Aldebaran de 1966. L'état actuel des connaissances montre que ces niveaux de dose ne devraient pas conduire à l'apparition d'un nombre décelable de cancers de la thyroïde en excès dans les populations vivant en Polynésie »[59].
Les effets n'apparaissent que des décennies plus tard. Le rapport de 2006 avait voulu mettre en avant « des essais propres » le peu de retombées et de contamination lors des expérimentations. Mais cinquante huit documents secret défense concernant les essais nucléaires polynésiens de 1966 à 1974 ont été déclassifiés en 2012. Leur contenu révèle au public en 2013, des zones contaminées beaucoup plus importantes, la contamination de ces dernières, notamment Tahiti par des pluies contenant des particules de plutonium. Passant d'une contamination située à l'Est des sites sous un angle de 140 degrés à 360 degrés englobant ainsi tous les archipels.
Le bilan (IRSN) de la surveillance de la radioactivité en Polynésie française effectué en 2008 a constaté un état radiologique de l’environnement stable et des niveaux de radioactivité très bas (inférieure à 5 μSv.an-1), soit moins de 1 % de la dose associée à l’irradiation naturelle en Polynésie (environ 1 000 μSv.an-1)[62].
En juillet 2016, Alain Juppé, ancien premier ministre de Jacques Chirac reconnait que les essais nucléaires français en Polynésie ont eu un impact environnemental et sanitaire[63].
Revendications associatives et victimes civiles
Le , à la suite de l'appel lancé par le Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits, un groupe de personnes crée l'Association des vétérans des essais nucléaires français et leurs familles (AVEN), déclarée à la préfecture du Rhône.
Après la défaite de Gaston Flosse (UMP) en 2004 et l'arrivée au pouvoir de l'opposant Oscar Temaru, une commission d'enquête locale a été créée. Celle-ci a confirmé les craintes de l'Association des vétérans des essais nucléaires (Aven) et de Moruroa e Tatou (Moruroa et nous), deux associations de victimes nées en 2001 : le rapport, publié en février 2006, a montré que chacun des essais de 1966 et 1967 avait provoqué des retombées radioactives sur les archipels habités de la Polynésie française; même Tahiti aurait été touché le (avec des taux de radioactivité de six à sept fois supérieurs à la normale)[64].
À la suite de plusieurs affaires judiciaires[Lesquelles ?], la loi du 5 janvier 2010 encadre l'indemnisation par l'État du préjudice subi par certaines personnes atteintes de maladies radio-induites dues aux essais nucléaires français[65].
Entre la publication de la loi en 2010 et janvier 2014, sur 843 dossiers d'indemnisation déposés, seules onze personnes avaient été indemnisées[2] dont deux anciens militaires du Sahara, et neuf travailleurs Polynésiens, ce qui représente au total seulement 1,3 % des dossiers. Dans cette période, certaines personnes déboutées ont saisi le tribunal administratif. Depuis, et jusqu'à mai 2014, trois vétérans ont vu la décision du CIVEN invalidée par le Tribunal administratif, ce qui, selon le rapport d'information sénatorial de 2013, implique un retour vers le CIVEN. Les rapporteurs soulignent que la loi Morin visait pourtant à désengorger les tribunaux, accélérer la reconnaissance et les indemnisations[48].
Le Sénat et la loi Morin
Les sénateurs s'intéressent à l’application de la loi Morin.
- Rapport d'information no 856 du Sénat du 18 septembre 2013
Le 15 octobre 2012, la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois a chargé deux de ses membres, Corinne Bouchoux et Jean-Claude Lenoir, de faire un bilan de l'application de la loi du 5 janvier 2010 sur la reconnaissance et l'indemnisation des essais nucléaires français.
Cette loi visait à reconnaître et à permettre l'indemnisation des conséquences sanitaires des essais nucléaires menés en 1959 et 1996 au Sahara, puis en Polynésie française, tant sur les travailleurs des essais que sur les populations locales.
Le rapport d'information no 856 (2012-2013) de Corinne Bouchoux et Jean-Claude Lenoir, fait au nom de la commission pour le contrôle de l'application des lois, a été déposé le 18 septembre 2013. Ce rapport no 856[48], ayant pour titre : L'indemnisation des victimes des essais nucléaires français : une loi qui n'a pas encore atteint ses objectifs, rappelle le contenu de la loi Morin et dresse un état des lieux de son application formelle et pratique, qui se révèle très en deçà des attentes initiales. Pour remédier à cette situation, les deux rapporteurs formulent un ensemble de préconisations afin que la loi de 2010 produise pleinement ses effets.
- Commission d'enquête du Sénat du 22 juillet 2015
Dans le cadre de ses travaux parlementaires, le Sénat a créé une commission d'enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes (AAI). C’est à ce titre que, le 22 juillet 2015, il a auditionné Denis Prieur, président du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) depuis le 24 février 2015. Cette audition[66] révèle que le fait d’avoir donné un statut d’autorité administrative indépendante au CIVEN ne change rien quant à son fonctionnement. Il dit, en particulier, à la page 22 du compte-rendu : « Les sept personnes composant le secrétariat du CIVEN… conservent donc leur qualité de fonctionnaires du ministère de la Défense et leur lieu de travail respectif est resté le même » et à la page 27 du compte-rendu : « Pourquoi ces liens maintenus avec l'État ? Comment le CIVEN peut-il travailler, sinon avec les archives et les documents conservés sur les personnes en contact, d'une manière ou d'une autre, avec les essais nucléaires ? Ceux-ci sont détenus, pour l'essentiel, par le ministère de la Défense et tous les dossiers individuels des anciens militaires sont conservés par le service des pensions de la défense implanté à La Rochelle et l'ensemble des éléments sur lesquels le CIVEN fonde ses décisions s'y trouve. C'est d'ailleurs l'une des raisons de l'implantation dans cette localité de son secrétariat ».
Le CIVEN et la loi Morin
La loi no 2010-2 du 5 janvier 2010[65], dite loi Morin, a créé le CIVEN (Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires). Cette loi relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, avec son décret d’application no 2010-653 du 11 juin 2010[67], précise qui est concerné et quelles sont les conditions qui doivent être réunies par les victimes pour obtenir une indemnisation.
Sur le site du Ministère de la Défense[68] sont fournis tous les détails de ce dispositif. Il est indiqué qu’est concernée « Toute personne, civile ou militaire, souffrant de l’une des 18 maladies radio-induites dues à son exposition aux essais nucléaires français énumérées dans le décret d’application de la loi » et que la victime doit avoir résidé ou séjourné dans des zones bien définies du Sahara ou de la Polynésie française, pendant des périodes très précises.
Respectant rigoureusement ces trois conditions, Jacques Lecoq, un appelé, victime des essais nucléaires français, a adressé, en novembre 2010, une demande d’indemnisation au CIVEN. Ce dernier a transmis des recommandations au Ministre de la Défense.
Dans sa recommandation du 13 décembre 2011[69], adressée à Gérard Longuet, Marie-Ève Aubin, la présidente du CIVEN écrit que « le liposarcome, cancer du tissu conjonctif, ne figure pas dans la liste des maladies radio induites annexée au décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 » alors que cette pathologie figure bien dans la liste annexée au décret[67].
Dans sa recommandation du 5 juin 2012[70], adressée à Jean-Yves Le Drian, la présidente du CIVEN écrit que « le risque attribuable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie peur être considéré comme négligeable ». Le CIVEN est arrivé à cette conclusion, en introduisant dans son système rigoureux NIOSH-IREP[71], les valeurs de dosimétrie jointes au courrier du 22 juillet 2008 du médecin en chef Frédéric Poirrier[72].
Le chef du Département de suivi des centres d’expérimentations nucléaires (DSCEN) a produit un relevé de dosimétrie individuelle[73] alors que l’intéressé n’a jamais porté de dosimètre[réf. nécessaire]. Il a produit également un relevé de dosimétrie collective[74] qui ne correspond pas à la zone dans laquelle l’intéressé travaillait sur l’atoll de Mururoa[réf. nécessaire]. Quant au 3e document produit[75], il permet au docteur Poirrier d’indiquer dans sa lettre que « l’examen d’anthropospectrogammamétrie est normal ». L’intéressé n’a jamais passé cet examen[réf. nécessaire] et, même s’il l’avait passé, il ne pouvait être que « normal » puisqu’il est mentionné avoir été passé le 29 juin 1966, soit 3 jours avant le 1er essai effectué dans le Pacifique.
Veille, surveillance environnementale et sanitaire en Polynésie
Durant les essais, le respect des règles de sécurité et de protection radiologique du personnel et des populations locales "devait" être assuré par la Direction des centres d'expérimentations nucléaires (DIRCEN, organisme mixte Armées-Commissariat à l'énergie atomique fondée en 1964 pour gérer les opérations du Centre d’expérimentations du Pacifique (CEP ; atolls de Mururoa et de Fangataufa). La surveillance radiologique du site dépendait de deux services de la DIRCEN : 1) le Service mixte de sécurité radiologique (SMSR) et 2) le Service mixte de contrôle biologique (SMCB), qui ont fusionné en 1994 pour former le Service mixte de sécurité radiologique et biologique de l’Homme et de l’environnement (SMSRB)[76].
Une évaluation de l’exposition des populations des différents archipels a été basée sur une surveillance radiologique de l'environnement (eau, air, sol, faune, flore) et des aliments (noix de coco, légumes, poissons, mollusques, crustacés, etc.) mise en place pour toute la Polynésie française, sous l'égide du Service mixte de contrôle biologique (SMCB, responsable de l’échantillonnage) et du Laboratoire de surveillance radiologique (LSR), responsable des analyses, qui sera ensuite renommé Laboratoire d'étude et de surveillance de l'environnement (ou « LESE »), basé à Tahiti Mahina et depuis 1996, responsable des prélèvements d’échantillons (hors sites d’expérimentations nucléaires) au sein de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui envoie toujours un rapport annuel sur le sujet au Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR)[76]. À partir de 1998, cette surveillance ressort du Département de suivi des centres d’expérimentations nucléaires (DSCEN) de la Délégation générale pour l'Armement, qui met en œuvre une campagne annuelle de prélèvements sur les anciens lieux d'essais de Moruroa et Fangataufa et publie ses résultats[76].
Des dégâts géomorphologiques sont attendus et apparaissent aussi. En plus d'un suivi général[76] de l'état des récifs coralliens de Polynésie Française, a été mis en place dont « sur les sites de Moruroa et de Fangataufa par les chercheurs du Commissariat à l'Énergie Atomique en association avec ceux d’autres organismes (Muséum, EPHE, Universités) dans le cadre de conventions avec la Direction des Centres d’Expérimentations Nucléaires et leurs apports considérables de connaissances notamment sur la géologie de ces atolls mais aussi sur l’écologie récifale de ces atolls et des atolls voisins »[76],[77],[78],[79],[80],[81], les récifs extérieurs de Fangataufa ont été étudiés pour leurs peuplements de mollusques (ils ont été inventoriés à 7 reprises de 1967 à 1987 pour évaluer l’impact de trois explosions nucléaires réalisées dans l'atmosphère de 1968 à 1970 (Salvat et al., 1995 ; Lanctot et al., 1997)[76]. Ils ont montré que certaines populations de gastéropodes ont chuté juste après l’essai Canopus le 24 août 1968 (2,6 mégatonnes) ; le plus puissant des essais français, mais six fois moindre que l'essai Bravo à Bikini par les États-Unis en 1954).
Ces populations d'escargots se sont ensuite reconstituées, mais n'avaient pas retrouvé en 1987 les densités antérieures aux tirs. En 1997 leur nombre atteint ceux d’avant essai (Salvat, com. pers.). Dans le lagon de Moruroa, les peuplements ichtyologiques de 1990 et de 1996 ont été comparés afin de préciser leur résilience à la suite des mortalités provoquées par les ondes de choc des expérimentations souterraines entre 1976 et 1995 (Planes et al., 2005)[76]. L’étude montre que les communautés de poissons se reconstituent très rapidement (1 à 5 ans) selon leurs structures habituelles dans leur habitat par ailleurs non dégradé par ce type d’expérimentations[76].
Selon les données officielles disponibles, « depuis la fin des essais atmosphériques (1974), l’exposition par ingestion des populations a décru régulièrement. En 2005, elle était inférieure à 5 μSv par an »[76].
Des études de la résistance des atolls face aux cyclones, tsunamis et tremblements de terre ont été faites[82] et un suivi sismique a été mis en place pour toute la Polynésie française, s'appuyant principalement sur le Laboratoire de Géophysique de Tahiti (LDG, installé à Pamatai et qui dispose de stations sismologiques notamment basées à Tahiti, Rangiroa, Tubuai, Rikitea...).
Films et reportages
- 1998 : Dans le film Godzilla de Roland Emmerich, les essais nucléaires français à Moruroa entrainent la création de Godzilla.
- 2006 : Cancer du Tropique (réalisé par Sophie Bontemps) ; reportage sur les explosions nucléaires françaises dans le Pacifique.
- 2007 : Vive la bombe ! (réalisé par Jean-Pierre Sinapi ; production Raspail), relatant le tir raté Beryl de mai 1962 dans le Sahara.
- 2008 : Les Gambiers sous le vent nucléaire ; reportage diffusé le 11 avril 2008 dans l'émission Thalassa sur France 3.
- 2008 : Vent de sable (réalisé par Larbi Benchiha).
- 2009 : Essais nucléaires, quelles vérités (réalisé par Nathalie Barbe et Thierry Derouet).
- 2009 : Gerboise bleue (réalisé par Djamel Ouahab), sur les premiers essais atomiques français dans le Sahara de 1960 à 1966.
- 2010 : De Gaulle, l’Algérie et la Bombe (réalisé par Larbi Benchiha).
- 2010 : Djinns (réalisé par Sandra et Hugues Martin), film fantastique français, où l'on voit une section de parachutiste français à la recherche d'un avion qui contient les ordres de mise à feu de Gerboise bleue.
- 2010 : Le secret des irradiés, (réalisé par Sébastien Tézé) revient sur l'ensemble de l'histoire des essais nucléaires français au Sahara et en Polynésie, en traitant également des conséquences pour l'homme et l'environnement. Diffusé sur France O et Encyclo.
- 2010 : Noir océan, drame de Marion Hansel.
- 2012 : Aux enfants de la Bombe (réalisé par Jean Philippe Desbordes et Christine Bonnet) ; Grand Prix du Jury FIFO.
- 2013 : Les essais nucléaires français ; un héritage sans fin (réalisé par Thierry Derouet et Nathalie BARBE), diffusé sur la chaîne publique SENAT.
- 2013 : At(h)ome (réalisé par Elisabeth Leuvrey), sur les conséquences de l'accident de Béryl, du point de vue algérien et en s'appuyant sur les photographies de Bruno Hadjih.
- 2014 : Vive la France (réalisé par Titti Johnson et Helgi Felix, avec FelixFilm), diffusé par Arte le 6 juin 2014 avec comme titre français : Polynésie, un avenir irradié et comme titre allemand : Strahlende zukunft (« Un avenir rayonnant »).
- 2016 : Bons baisers de MORUROA (réalisé par Larbi Benchiha).
- 2016 : Reportage Prouver soi-même son irradiation, Gérard JOYON (France 3).
- 2021 : Reportage - La cellule investigation de Radio France, en partenariat avec Disclose, montre que l’État français a menti sur un essai nucléaire effectué en juillet 1974 en Polynésie française. 110 000 personnes ont potentiellement été touchées par son nuage atomique. "
Bibliographie
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- Jean-Philippe Desbordes, Les Cobayes de l'apocalypse nucléaire, L'Express, 2011, 270 pages
- Louis Bulidon, Les Irradiés de Béryl, Thaddée 2011, 174 pages
- Au nom de la bombe : histoires secrètes des essais atomiques français, bande dessinée basée sur des témoignages écrite par Albert Drandov et dessinée par Franckie Alarcon, publiée aux éditions Delcourt en 2010
- André Bendjebbar, Histoire secrète de la bombe atomique française, Le Cherche Midi Éditeur, Paris, 2000
- Chantal Spitz, "L'île des rêves écrasés", Au vent des îles, 2004
- Barrillot, B () Les essais nucléaires français.1960-1996, Éditions Observatoire des Armements, Lyon, 1996
- Barrillot, ot, B (2002), L’héritage de la bombe, Éditions Observatoire des Armements, Lyon,
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- Impact du site CEA-DAM de Moronvilliers Bilan préliminaire de la réunion d’information du 1er avril 2016, http://www.criirad.org/moronvilliers/reunion-moronvilliers-avril.pdf
- Jean-Marc Régnault, « La France à la recherche de sites nucléaires (1957-1963) », Cahier du Centre d'études d'histoire de la défense, no 12 « Science, technologie et Défense. Stratégies autour de l’atome et de l’espace (1945-1998) », , p. 24-47 (ISBN 2-9515024-0-0, lire en ligne)
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- (en) Peter Feaver et Peter Stein, Assuring Control of Nuclear Weapons : The Evolution of Permissive Action Links, CSIA Occasional Paper #2, Lanham, MD: University Press of America, 1987.
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- Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française (2006) Rapport sur la reconnaissance par l’État des droits des victimes des essais nucléaires français et leurs impacts sur l’environnement, l’économie, le social et la santé publique en Polynésie français — rapporteurs Paul Tony Adams, Jean-Marie Cheung, Daniel Palacz et Hanny Tehaamatai.
- Bernard Dumortier, Les Atolls de l'atome : Mururoa & Fangataufa, Marines éd., , p. 5.
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Annexes
Articles connexes
Liens externes
- La dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie Ministère de la défense, décembre 2006 [PDF]
- (en) Radiological conditions at the former French Nuclear Test Site in Algeria: Preliminary Assessment and Recommendations. AIEA, 2005 [PDF]
- Rapport sur les incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires effectués par la France entre 1960 et 1996 et éléments de comparaison avec les essais des autres puissances nucléaires - Christian Bataille et Henri Revol, rapport no 3571 à l'assemblée nationale, 5 février 2001 [PDF]
- Les déchets militaires - Rapport du Sénat, Christian Bataille, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, rapport no 179 (1997/1998)
- Le suivi des essais nucléaires en Polynésie française - Site de la Défense
- Le suivi des essais nucléaires au Sahara - Site de la Défense [PDF]
- Loi no 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français
- Archives sur le CEP en Polynésie française
- http://www.lescobayesdelarepublique.org/ : forum de discussion pour les irradiés des essais nucléaires français
- Armée et histoire militaire françaises
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