Château de Valençay

Le château de Valençay se trouve à Valençay (Indre). Il a été la propriété de la Famille d'Estampes de 1451 à 1747 puis du prince de Talleyrand.

Pour les articles homonymes, voir Valençay (homonymie).

Château de Valencay

Le château de Valencay en août 2020.
Période ou style Renaissance
Type château de plaisance
Début construction Xe siècle
Fin construction XVIIe siècle
Protection  Classé MH (2011, 2016, Château, pavillon de la Garenne)
 Inscrit MH (1992, 2013, Parc, pavillon)
Site web http://www.chateau-valencay.fr
Coordonnées 47° 09′ 27″ nord, 1° 33′ 48″ est [1]
Pays France
Anciennes provinces de France Berry
Région Centre-Val de Loire
Département Indre
Commune Valençay
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Centre-Val de Loire
Géolocalisation sur la carte : Indre

Bien que situé dans le Berry, sa construction l'apparente aux châteaux de la Loire, en particulier au château de Chambord.

Le parc est inscrit au titre des monuments historiques depuis le . Le château ainsi que divers éléments du domaine sont classés au titre des monuments historiques depuis le [2]. La totalité du pavillon dit de la Garenne et de ses dépendances sont inscrits par arrêté du [3].

Historique

La villa gallo-romaine de Valenciacus (domaine de Valans) a précédé un premier lourd et massif donjon de pierre édifié à la fin du Xe siècle ou au début du XIe siècle.

Seigneurie locale

Le premier seigneur connu par une charte de donation datable entre 1026 et 1047 est Bertrand[4].

En 1220, Gauthier, dit seigneur de Valençay, passe pour avoir été le constructeur du premier château féodal.

Seigneurie principale

Comme Saint-Aignan et Selles en partie, Valençay relève des Donzy, Geoffroy Ier et son fils Hervé Ier de Donzy ayant reçu ces fiefs des comtes de Blois, vers l'an mil. Leur postérité (Hervé IV) accède plus tard aux comtés de Nevers, Auxerre et Tonnerre. La descendante Alice de Bourgogne transmet cette très importante seigneurie en 1268 aux Chalon-Bourgogne, par son mariage avec Jean de Chalon-Rochefort (1243-1309), fils du comte-régent de Bourgogne Jean l'Antique. Leurs successeurs, ayant hérité de Tonnerre (et perdu Auxerre vers 1370/1371), forment la Maison de Chalon-Tonnerre.

La seigneurie éminente ou suzeraineté appartient toujours au comte de Blois : Valençay devient donc un fief du duc d'Orléans Louis quand il acquiert le comté de Blois en 1397. En 1410, Charles d'Orléans, le futur poète, fils de Louis d'Orléans, accorde une diminution d'impôts aux manants et habitants de Valençay réduits à la misère par les épidémies, le passage et le logement des troupes.

Jeanne II de Chalon, comtesse de Tonnerre en 1424-1440, dame de Saint-Aignan et de Valençay en Berry, donne le ce dernier fief à son neveu Jean bâtard de Chalon ou de Tonnerre (1397-1453), fils naturel de son frère le comte Louis II (elle lui donne aussi Ligny-le-Châtel en 1439). Le , le bâtard de Tonnerre cède Valençay à Robert II alias Robinet d'Estampes, sire de Salbris, mari en 1438 de Marguerite de Beauvilliers dame d'Autry-lès-Vierzon.

En 1451 la seigneurie de Valencay entre donc par achat dans la Maison d'Estampes en passant à Robert II/Robinet d'Estampes (+ 1453 ou 1456), seigneur, en Sologne, de Salbris par héritage de son père Robert Ier d'Estampes, et de la Ferté-Imbault par acquisition en 1424 (où se trouve le château de la Ferté-Imbault, autre propriété de la Maison d'Estampes), chambellan de Charles VII, maréchal et sénéchal de Bourbonnais.

Un château de la Maison d'Estampes

Louis d'Estampes (vers 1470 + 1530), fils de Robert III et petit-fils de Robert II, gouverneur et bailli de Blois (1519), chevalier de l'ordre du Roi, marié (1512) avec Marie Hurault, une fille du seigneur de Cheverny, Jacques Hurault, débute en 1520 la transformation du manoir féodal de Valençay datant du XIIe siècle en château moderne.

Ces travaux d’embellissement et d’agrandissement se poursuivent, de génération en génération, jusqu’en 1650.

Vers 1540 son fils Jacques Ier d'Estampes (1518 + 1574), époux de Jeanne Bernard, dame d'Estiau en Anjou (Étiau à Longué-Jumelles et Saint-Philbert), riche héritière angevine, engage des travaux plus ambitieux que ceux de son père, faisant raser le vieux manoir pour le remplacer par une nouvelle résidence dont les plans sont attribuables à l'architecte Jean de l'Espine. À la mort de ce seigneur de Valençay, seuls sont achevés la façade nord, le pavillon d'entrée et les tours d'angle.

Les travaux ne sont repris à grande échelle que dans la première moitié du XVIIe siècle, de 1640 à 1650, par Dominique d'Estampes (1600 + 1691), fils du 1er marquis de Valençay Jacques II (1579-1639) lui-même petit-fils de Jacques Ier), 2e marquis de Valençay, marquis d'Applaincourt et de Fiennes (1643), député de la noblesse du Berry (1649). Marié en 1641 à une Montmorency, Marie-Louise/Marguerite de Bouteville, sœur du maréchal duc de Luxembourg, il est neveu de Léonor d'Estampes, archevêque duc de Reims et d'Achille, cardinal de Valençay, général des galères de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

L'aile ouest a été détruite, il n'en reste que l'aile est ; la décoration en aurait été confiée à Pierre de Cortone et au peintre Jean Mosnier.

La demeure avait un beau vestibule et un escalier en marbre qui conduisait à une grande salle ornée de chefs-d'œuvre de la Renaissance, dont une "magnifique tapisserie à fond de paysage" offerte à Henri-Dominique d'Estampes (vers 1645 + 1680 pré-décédé, marquis de Fiennes, fils aîné de Dominique et père du 3e marquis Jacques-Dominique) et une Vierge italienne donnée par le Pape Innocent X à Henri d'Estampes (1603 + 1678), frère cadet de Dominique, ambassadeur de France à Rome puis Grand Prieur de France de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

Une visiteuse du soir

En 1653, Mademoiselle de Montpensier, dite "la Grande Mademoiselle", y passe et l'évoque ainsi dans ses Mémoires :

« J'y arrivais aux flambeaux : je crus entrer dans une demeure enchantée. Il y a un corps de logis le plus beau et le plus magnifique du monde (...). Le degré (escalier) y est très beau et on y arrive par une galerie à arcades qui a du magnifique , etc. L'appartement correspond bien à la beauté du degré par les embellissements et meubles[5]. »

Le château de Valençay, fierté de la Maison d'Estampes, est source d'importantes dépenses qui engloutirent la fortune de ses propriétaires.

Au commencement du XVIIIe siècle, le grand domaine se trouve divisé par les successions familiales et la veuve presque ruinée de François-Henri d'Estampes (+ 1711), 4e marquis de Valençay et frère cadet de Henri-Dominique, en cède la moitié en 1719 à l'agioteur John Law, vente qui est annulée par arrêt du Conseil du Roi en 1722. Les 5e et 6e marquis de Valençay (Henri-Hubert, 1684-1734, neveu de François-Henri et son fils Dominique-Jacques-Henry, 1718-1742) ne parviennent pas à enrayer la décadence de cette branche des d'Estampes.

Les grands travaux du fermier général

Le , Valençay est cédé par les d'Estampes (Philiberte Amelot du Chaillou, veuve d'Henri-Hubert), avec 20 000 hectares, à Jacques-Louis Chaumont de La Millière, frère d'Antoine et père d'Antoine-Louis[6], pour 400 000 Livres, somme sans rapport avec une telle propriété ; il acquiert aussi le domaine de Luçay.

Vingt ans plus tard, le , tout est revendu avec forte plus-value à Philippe-Charles Legendre de Villemorien (1717-1789), fermier général, également acquéreur de Luçay-le-Mâle, gendre du grand financier et promoteur immobilier Étienne Michel Bouret (1708-1777), qui y fait réaliser d'importants travaux : réparation, construction de la Tour Neuve au sud, démolition des communs fermant la cour d'honneur à l'est, suppression des fenêtres à la Française et du toit à la Mansard.

Il y crée une filature, plusieurs forges, fait rétablir les ponts sur le Nahon et refaire la route de Selles-sur-Cher. Ces forges se trouvaient à Luçay-le-Mâle. Annexe de la seigneurie de Valençay, le château de Luçay parait être de la même époque que celui de Valençay : sa position est très belle, il domine la forge, l'étang qui l'alimente, le bourg de Luçay et des ravins pittoresques[7].

Sous la Terreur, son fils, le comte Jean-Baptiste Legendre de Luçay, échappe de peu à la guillotine en se cachant trois jours et trois nuits dans la forêt de Garsenland. Arrêté, il est acquitté grâce à son épouse en qualité « d'entrepreneur de travaux utiles à la République ».

Vers 1766 l'aile de la galerie, rythmée d'une suite de pilastres d'ordre dit colossal ("embrassant" les deux niveaux du bâtiment) cannelés et à chapiteaux ioniques enguirlandés, est créée par l'architecte Joseph-Abel Couture (avant 1732-avant 1799) dit Couture l'Aîné, auteur entre autres du pavillon Bouret en forêt de Sénart.

La maison de campagne de Talleyrand

La chambre de Madame de Staël.

Le , le comte de Luçay, préfet des Palais consulaires à court d'argent, vend pour 1,6 million de francs l'énorme domaine de 12 000 hectares répartis sur 23 communes à Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, ex-évêque d'Autun, ministre des relations extérieures du Consulat, obéissant ainsi à Bonaparte  qui contribua à l'achat  suivant cet ordre : « Je veux que vous ayez une belle terre, que vous y receviez brillamment le corps diplomatique, les étrangers marquants ».

Après y être venu avec son épouse Catherine Worlée, Talleyrand chargea Jean-Augustin Renard de restaurer et d'embellir sa nouvelle propriété ; un pavillon de chasse fut alors aménagé et le parc transformé en parc à l'anglaise ; le château est remeublé dans le style "antiquisant" alors en vogue ; le cabinet de travail abrite aujourd'hui des meubles et objets lui ayant appartenu dont un curieux fauteuil dit à soufflets (poches latérales). Le mobilier de sa chambre provient de son hôtel parisien de la rue Saint-Florentin.

Le lit de style Directoire acquis par Talleyrand en souvenir de Mme de Staël a donné son nom à une autre chambre.

Le , l'aquafortiste vendéen Octave de Rochebrune réalisa une vue du château (n°380 de son corpus de 492 estampes).

En 1902, le dernier duc de Talleyrand-Valençay fit fermer par des portes-fenêtres la galerie à arcades de la cour d'honneur, où se trouvent les portraits en pied de plusieurs ancêtres de Talleyrand, peints en 1810 par le peintre Joseph Chabord, élève de Regnault, auteur de deux portraits équestres de Napoléon[8]

En 1803, le célèbre cuisinier Marie-Antoine Carême est au service de Talleyrand et, pendant un temps, son cuisinier attitré. Cependant, rien ne prouve qu'il a séjourné au Château de Valençay[9].

Une cage dorée pour princes déchus

La chambre du roi d'Espagne.

De 1808 à , Ferdinand VII d'Espagne, son frère don Carlos, son oncle don Antonio et une suite nombreuse y furent assignés à résidence sous la surveillance du chevalier Berthemy.

Le traité de Valençay, qui y fut signé dans la nuit du 10 au , lui rendit alors la couronne d'Espagne et les trois princes retournèrent dans leur pays le .

Leur souvenir est évoqué par « la chambre du Roi d'Espagne », une allée couverte près du château et un acte de baptême daté du gardé dans les archives paroissiales qui porte leurs signatures et, jusqu'à une date imprécise du XIXe siècle, dans l'église paroissiale par un Saint-Ferdinand de l'école espagnole dans un cadre aux armes de Castille et de Leon, donné par le roi au curé lors de son départ mais qui, brûlé par un cierge placé trop près, fut ensuite remplacé par une copie du peintre Jobbé-Duval.

Le bienfaiteur de Valençay

Talleyrand, qui revint y vivre à partir de 1816, fut conseiller municipal puis maire de Valençay. Il reconstitua la filature  qui fournissait les usines de Châteauroux, d'Issoudun et la maison Seillière à Paris et obtint une médaille à l'Exposition de Paris de 1819  fit ériger le clocher de l'église en 1836, créa un nouveau cimetière et donna un terrain pour édifier la mairie.

Le , le préfet de l'Indre écrit au ministre de l'Intérieur « Il n'y a ni mendiants ni individus absolument nécessiteux à Valencay parce que M. de Talleyrand a établi des ateliers où il y a du travail pour tous les âges. Ceux que la maladie atteint sont visités, secourus, consolés par les Sœurs de charité qu'il a dotées et fixées dans cette petite ville »[10].

En 1818, ayant morcelé une propriété dont une partie revint à la commune, il consacra l'autre à la fondation d'une école pour enfants pauvres et offrit à sainte Elisabeth Bichier des Ages, dont il connaissait l'œuvre par son oncle Talleyrand, cardinal-archevêque de Paris, d'y fonder une maison, achevée avec une chapelle en 1820. Celle-ci était ornée de lambris, d'un mobilier de chêne sculpté, de vitraux, d'une Fuite en Égypte attribuée à Le Sueur  détruite par l'incendie du   et d'un calice en vermeil ciselé et incrusté de lapis, don du pape Pie VI à un prince Poniatowski archevêque de Cracovie, offert avant 1834 par une de ses nièces qui vécut à Valençay et y fut inhumée, qui fut rendu en 1905 au duc de Valençay et finalement transmis au musée du Louvre[10].

En 1826 Prosper de Barante s'émerveille de Valençay, « grand château où tout est magnifiquement hospitalier, où règne une richesse aristocratiquement dépensée, dont il n'y a pas encore un autre exemple en France » (cité par H. Grandsart dans Valençay, hors-série de "Connaissance des Arts", 2003, pp 24 et 25).

Talleyrand, qui s'intéressait au travail des religieuses, visitait souvent ce qu'on appelait "la Maison de charité", et y menait ses hôtes, dont Mgr de Villèle, archevêque de Bourges et, le , le duc d'Orléans et une nombreuse suite.

Par un codicille à son testament du , Talleyrand, qui mourut un an après, assura la perpétuité de l'établissement et exprima la volonté d'y être inhumé. À cet effet il fit creuser une grande crypte sous le chœur de la chapelle de l'école libre.

Des présents de Louis-Philippe Ier

« Le Roi fait faire pour Valençay le portrait en pied de François Ier qui a bâti le château et un autre de la Grande Mademoiselle, qui y est venue et l'a loué dans ses mémoires. Il envoie aussi à M. de Talleyrand le fauteuil qui servait à rouler Louis XVIII et il nous a fait dire par Madame que s'il allait à Bordeaux, il passerait ici[11]. »

L'héritage du Diable Boiteux : les Talleyrand-Périgord

Le 1er prince-duc de Talleyrand Charles-Maurice n'ayant pas de fils légitime connu, en 1829 Charles X créa le titre de duc de Valençay pour son petit-neveu Napoléon-Louis, 3e duc de Talleyrand, fils du 2e duc Edmond et de la duchesse de Dino (titre créé en 1815 pour Talleyrand par Ferdinand 1er des Deux-Siciles, puis reconnu en 1817 avec la pairie par Louis XVIII), époux d'Alix de Montmorency, qui lui donna quatre enfants mais dont il se sépara.

Devenu veuf, il se remaria avec Pauline, fille du maréchal Boniface de Castellane ; en 1845 sa mère, devenue par arrangement familial duchesse de Sagan, repartit vivre dans cette principauté et ne vint plus que rarement à Valençay ; le 3e duc de Talleyrand fut inhumé auprès d'elle à Sagan.

À partir de 1856 il employa l'architecte local Alfred Dauvergne pour des travaux au château qui furent poursuivis ensuite par son fils ; vers 1860 les frères Buhler travaillèrent au parc ; ils seront suivis en 1906 par la création de parterres "à la française" avec sculptures de goût versaillais à l'entrée d'honneur, par Édouard André.

En 1831, lors de la restauration de l'église, Dorothée de Courlande offrit une grande verrière portant ses armes familiales et d'alliance accompagnées des devises des Talleyrand-Périgord : Re que Diou (Rien que (de) Dieu) et Spero Lucem (J'espère la lumière), que l'on voit gravées suite aux mots In tenebro (Dans les ténèbres) sur les façades de certaines maisons d'origine huguenotes en Poitou-Charentes.

Le , à 10 heures du soir, le 1er duc de Valençay ayant été autorisé par Louis-Philippe Ier à les inhumer dans la crypte, reçut dans la cour d'honneur trois cercueils acheminés de Paris deux jours plus tôt : ceux de son grand'oncle, le ministre, du frère cadet de ce dernier, son propre grand-père Archambault-Joseph (1762-1838), lieutenant général des armées du roi, mort un mois avant lui, 1er duc de Talleyrand, souche des ducs de Talleyrand et père du 2e duc Edmond et de sa fille Marie-Pauline-Yolande de Périgord (1833-1836) ; ils furent portés dans le bourg « escortés de gardes-chasses, des piqueurs et des gens de service tous portant des torches » puis enfin déposés dans l'église et la cérémonie officielle eut lieu le lendemain[12],[13].

Y furent ensuite également ensevelis :

Photographie du duc de Talleyrand, prince de Sagan en 1910.

En 1883 Napoléon-Louis de Talleyrand-Périgord, 3e duc de Talleyrand, 2e duc de Sagan, 1er duc de Valençay et sa 2e épouse, née Rachel Élisabeth Pauline de Castellane, offrirent un vitrail armorié à l'église.

Leur petit-fils cadet, le 6e duc Paul-Louis-Marie-Archambaut-Boson (1867-1952), connu par son dernier prénom, était également duc de Sagan, principauté située aujourd'hui en Pologne mais qui, avant la Seconde Guerre mondiale, faisait partie de la Silésie prussienne. Il repose avec sa troisième épouse, née Marie-Antoinette Morel, dans la crypte où se trouve également la dépouille de Talleyrand[14]. Selon Waresquiel, jusqu'en 1930 une vitre placée sur le cercueil laissait voir le visage momifié de Talleyrand ; alors que l'entrée de la crypte de la chapelle devenue funéraire était entièrement libre en 1953, cet édifice, demeuré propriété de Jean Morel, beau-fils et héritier du dernier duc, fut longtemps fermée.

Celui-ci ayant signé une convention avec les collectivités locales, après des travaux menés en 2009, la crypte a été rouverte et, le , lors d'une cérémonie à laquelle assistaient les descendants (sic) de Talleyrand, "la noire et sobre sépulture", sarcophage placé il y a 172 ans dans un enfeu, a été remontée dans la chapelle Notre-Dame[15].

Dépôt d'œuvres du patrimoine national

Entrée du château, avec des œuvres exposées.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, le château devient un des dépôts secrets des œuvres du musée du Louvre dont la statuaire antique (notamment la Victoire de Samothrace[16], et la Vénus de Milo) ainsi que le Cabinet des Dessins et les joyaux de la Couronne.

Il échappe de peu à la destruction le , jour où la 2e division SS Das Reich investit la ville en représailles au meurtre, par des maquisards, de deux soldats allemands en lisière de la forêt entourant le château. Le duc de Talleyrand, se prévalant de son titre allemand de duc de Sagan, et surtout Gérald Van der Kemp, futur conservateur en chef de Versailles, parlementent avec les Allemands afin qu'ils épargnent le château et son contenu artistique irremplaçable, ce à quoi ils parviennent[17].

Sans descendance directe le dernier duc de Valençay Boson (1867-1952), 6e et avant-dernier duc de Talleyrand et de Sagan, duc de Dino, légua son patrimoine à son beau-fils Jean Morel qui, en 1979, céda le château et son parc immédiat à une association de gestion regroupant le département de l'Indre, la commune de Valençay, le Crédit agricole de l'Indre et la caisse de Réassurance agricole de l'Indre. En 1996, la gestion culturelle du château avait été confiée à la société Culture Espaces. Désormais il est géré par le Syndicat mixte du château de Valençay, qui est un établissement public.

L'ancienne orangerie (1785) a longtemps abrité un musée Talleyrand aujourd'hui disparu, les objets et meubles ayant été réinstallés au château. Parallèlement, l'ancien manège, où Boson de Talleyrand-Valençay stationnait son avion personnel, a accueilli un musée de l'automobile. Le manège a été démonté pour être remplacé par le Grand Labyrinthe de Napoléon et le musée de l'automobile est désormais situé avenue de la Résistance, dans un ancien supermarché situé près de la gare de Valençay (classée monument historique en raison de son style Renaissance étonnant) sur des terrains donnés par les Talleyrand.

En 1899 une indivision successorale entraîna la vente des collections à Paris, suivie en 1901 de la mise en adjudication du château et du domaine, qui purent être rachetés par le fils cadet, Boson de Talleyrand, ainsi qu'une partie de mobilier, dont "les portraits en pied des ancêtres" ; suivirent des aménagements et décorations de certaines pièces (création des actuels Grand Salon et Salon Bleu). En 1907 arrivèrent en plus à Valençay, par achat à la vente après-décès de la duchesse, d'œuvres provenant de l'hôtel de Sagan (ou de Monaco), rue Saint-Dominique à Paris (H. Gransdart op.cit. pp 29 et 30).

Par ailleurs de nombreux livres provenant de la bibliothèque de Valençay, acquis avant 1935 par le comte Moïse de Camondo, sont conservés au musée Nissim-de-Camondo à Paris[18].

Souvenirs princiers aux enchères

Tour d'angle du Château de Valençay.

Dans l'ensemble de « bibelots provenant du château de Valençay, issus de la succession du duc de Talleyrand-Valençay, prince de Sagan » vendus aux enchères publiques à Issoudun le , figuraient un coffret offert par le prince de Talleyrand à la marquise de Jaucourt et des couverts portant la marque du château ou le chiffre des Sagan.

Une pendule en bronze au motif dite "au Char de Vénus" attribuée à André-Antoine Ravrio  autres exemplaires de l'ex-collection des Murat au palais de l'Élysée (Mobilier National) et au château de La Malmaison  qui proviendrait du château et aurait été gagnée au jeu dit de l'écarté aux dépens du duc de Talleyrand vers 1860, a été vendue aux enchères à Paris le (cf. "La Gazette de l'Hôtel Drouot" no 42, p. 137).

En 2016 un guéridon, offert en 1832 par Talleyrand à la marquise de Jaucourt, qui avait été repéré dans une réserve du château par un formateur de l'AFPA, puis restauré par le jeune apprenti en restauration du mobilier d'art Jérémy Devaud (reprod. coul. dans "La Nouvelle République" du 23/07/2016), a regagné une des pièces de la demeure.

En 2002 puis en 2003 (catalogues de ventes du commissaire priseur Coutau Bégarie) des objets qui avaient fait auparavant partie des collections du château de Valençay ont été vendus aux enchères. Ce fut encore le cas en 2015 (catalogue de la maison Daguerre), avec notamment de la vaisselle (le département de l'Indre a préempté un service d'assiettes et un service de verres). Le total de cette vente a atteint plus de 40 000 euros. Enfin en (maison Olivier Coutau-Bégarie, catalogue Noblesse et royauté, page 171) quelques derniers objets étaient mis aux enchères à Drouot, sans doute vendus par les descendants du dernier propriétaire privé du château.

Architecture

Le plan général est de composition Renaissance avec le château précédé, au nord, par une cour et une avant-cour quasi circulaire. L'entrée monumentale comporte une maison de gardien.

Des deux grands corps de bâtiments terminés par des pavillons du côté sud seule la structure subsiste.

L'architecture extérieure montre les trois ordres classiques se superposant sur les pilastres : ordre dorique au rez-de-chaussée, ordre ionique au premier étage et ordre corinthien au second. Une galerie, longue de près de 80 mètres, court tout le long du premier étage et dessert les appartements.

Les communs datant de la fin du XVIIIe siècle, sont en style néo-classique et comportent la ferme, des bâtiments dans la basse-cour, dont la forge. Les écuries disposées en rotonde ont été agrandies entre 1809 et 1811 avec un pédiluve et un abreuvoir dit "fontaine d'Apollon". La vénerie date de la fin du XIXe siècle.

Vers 1808-1811 un théâtre à l'Italienne de 200 places, décoré "à l'Antique", fut aménagé dans les communs afin de divertir les princes d'Espagne.

Les divers salons et chambres à coucher de l'immense demeure (100 pièces dont 25 appartements de maître) abritent un somptueux mobilier, principalement d'époque Empire ; un de ses nombreux intérêts est qu'elle conserve du mobilier dans les pièces ouvertes au public, en dépit des ventes successorales la fin du XIXe siècle. Jusqu'à cette époque le château conservait des tableaux de maîtres anciens et une importante bibliothèque ; une lettre de onze pages datée du , adressée à Talleyrand contenant l'inventaire des livres de sa bibliothèque envoyés à Valençay, et le "Catalogue des livres envoyés à Valençay en 1819" (manuscrit de 8 pages), ont été vendus aux enchères à Paris le .

Témoignages

« J'ai beaucoup aimé ce beau lieu et m'y suis toujours retrouvée avec un nouveau plaisir. Depuis vingt ans que j'y reviens j'ai vu le pays s'enrichir et (ai) vécu dans ce château avec des gens d'esprit de tous les pays et de toutes les conditions. J'y ai entendu causer avec une urbanité, un bon goût devenus bien rares aujourd'hui (...) Comment ne pas me sentir émue au nom de Valençay ? » Dorothée, duchesse de Dino et de Talleyrand[19].

« Ce lieu est l'un des plus beaux de la terre et aucun roi ne possède un parc plus pittoresque » (George Sand).

Philatélie

Ce château est le sujet d'un timbre, émit en 1957 au sein d'une série touristique, avec une valeur faciale de 25 francs.

Parc et jardins

La superficie du parc, qui comporte une glacière, est d'une quarantaine d'hectares.

Le jardin à la française date de 1906, et une partie des terres a été transformée en un parc animalier.

Fréquentation

En 2016, il a reçu 89 258[20] visiteurs.

Notes et références

  1. Coordonnées vérifiées sur Géoportail et Google Maps
  2. Notice no PA00097475, base Mérimée, ministère français de la Culture
  3. Liste des immeubles protégés au titre des monuments historiques en 2013 (JORF no 0107 du 8 mai 2014 page 7804) sur Légifrance, consulté le 20 juin 2014.
  4. R.P. Raoul 1953.
  5. (cité par la duchesse de Dino à Valençay, le 5 octobre 1836, dans Chronique de 1831 à 1862 - Plon, 1909, pp.99 et 100)
  6. Jacques-Louis Chaumont de La Millière (1711-1756), conseiller au Parlement de Paris (1738), maître des requêtes (1744), intendant du Limousin (1750)
  7. (note à la lettre de la duchesse de Dino écrite de Valençay le 15 juillet 1837, op.cit., p. 165)
  8. E.Bénézit, "Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs", Grund, 1949, tome 2, p. 410
  9. Anne Gérardot 2020, p. 96.
  10. R.P. Raoul 1953, p. 26.
  11. (duchesse de Dino, op.cit., de Valençay, le 29 mai 1836)
  12. « Descente dans la crypte funéraire de Talleyrand », sur La Nouvelle République, 8 décembre 2009 (consulté le )
  13. « Les gardiens de la crypte de Valençay, par André Beau », sur Talleyrand.org (consulté le )
  14. Talleyrand "de l'ombre à la lumière"
  15. La Nouvelle République du Centre-Ouest" du 24 mai 2010
  16. Anne-Cécile Beaudoin, « La nouvelle victoire de Samothrace », Paris Match, semaine du 3 au 9 juillet 2014, pages 76-83.
  17. José-Luis de Vilallonga, Gold Gotha, p. 309, p. 311-312, Paris, Seuil, coll. « Le Livre de poche », 1972,
  18. Pierre Assouline, Le dernier des Camondo, p. 52, Paris, Gallimard, coll. « NRF » 1997
  19. R.P. Raoul Guide historique de Valençay, 1960, p. 30 et 31
  20. « Le Mag 36 #1 », sur le site du Conseil départemental de l'Indre, p. 19, consulté le 3 juillet 2017.

Voir aussi

Bibliographie

  • Anne Gérardot (photogr. Benjamin Chelly), Valençay le château renaissance de Talleyrand : L'art de vivre à la française, Paris, Albin Michel, , 240 p. (ISBN 978-2-22644-805-7, notice BnF no FRBNF46608742)
  • Châteaux de la Loire, Guide de tourisme Michelin. (ISBN 2-06-031705-3)
  • Christophe Morin et Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand en son château de Valençay, éditions du patrimoine Centre des monuments nationaux, coll. « itinéraires », , 63 p. (ISBN 978-2-757-70656-5)
  • R.P. Raoul (ill. R.P. Raoul), Guide historique de Valençay : le château, l'église, le tombeau de Talleyrand, impr. Laboureur, , 28 p.
  • Pascale Thuillant, Bienvenue chez Talleyrand, in Art et Décoration, no 448, janvier 2009, p. 166 à 175, ill. de photos de Philippe Louzon).
  • Jean Guillaume, Le château de Valençay, in Congrès archéologique de France. 142e session. Bas-Berry. 1984, p. 363-374, Société française d'archéologie, Paris, 1987.
  • Hervé Grandsart, Valençay (hors-série de Connaissance des arts), 2003.

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