Café (établissement)

Un café est un établissement où l'on sert des boissons et des repas légers. Ce type d’établissement est parfois joint, en France, à un débit de tabac.

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Le Café de Flore à Paris.

Les synonymes varient selon l’ancrage culturel de leur public ou de leur implantation géographique : bar, bistrot, troquet, estaminet, débit de boisson, etc. Le café occupe dans de nombreuses cultures une fonction essentielle comme lieu de rassemblement collectif ou de détente individuelle. On s’y rend pour prendre un repas léger, vivre une rencontre, jouer à des jeux de société, assister à des conférences publiques, pour lire ou pour écrire.

Le café est à ne pas confondre avec le coffee shop, terme anglais se traduisant aussi par café, qui désigne un type d’établissement plus ou moins similaire dans les pays anglophones, mais peut aussi désigner dans certains pays comme aux Pays-Bas un établissement où la consommation de cannabis est tolérée. Les boissons et autres sont servis par des serveurs.

Histoire

Un café du XVIIIe siècle.

Le café s’est établi à l’origine au Moyen-Orient passant de l'Éthiopie à l'Arabie et à l'Égypte, puis à l'ensemble du monde musulman. En Perse où l’usage du café était très ancien, les cafés étaient appelés, au XVIe siècle, qahveh-khaneh. C'étaient des lieux de socialisation où les hommes pouvaient se rassembler pour boire du café, écouter la musique, lire, jouer ou écouter la lecture du Shâh Nâmâ. Dans l’Iran moderne, les cafés sont toujours fréquentés par des hommes, même s'ils ont souvent troqué les jeux de société et la musique pour la télévision.

Peu après, le café arrive en Europe. Le premier café ouvert en Europe a vu le jour en Serbie à Belgrade en 1522[1] dans le quartier de Dorcol peu après que Soliman le Magnifique ne s'empara de la ville. La ville de Sarajevo prit le pli en 1592. La passion pour le moka gagne Venise en 1615 et le premier café n'ouvre à Vienne qu'en 1640. En Autriche, l'histoire des cafés commence avec la bataille de Vienne lorsque, les Ottomans défaits, on saisit alors des sacs de fèves vertes. En Allemagne, le premier café, le café Prinzess, ouvre en 1686 à Ratisbonne ; un autre ouvre l'année suivante à Hambourg. À Londres, où un jeune arménien, Pasqua Rosée, ouvre le premier café, le public apprécie le goût de ce nouveau breuvage et, par la suite, leur nombre augmente jusqu’à plus de 2 000 à Londres pendant le XVIIIe siècle[2].

Il y avait deux conditions pour entrer dans un café : un petit prix d’entrée – un penny (c'est le « salon du pauvre » selon l'expression de Joffre Dumazedier) et le port de vêtements respectables et propres, probablement afin d’éviter les plus pauvres. À part cette restriction, tout le monde y était le bienvenu, à la différence des clubs de gentlemen réservés à l’élite nantie. Thomas Macauley écrit dans son roman History of England que le café est comme la seconde maison du Londonien, donc souvent un visiteur chercherait un homme non pas chez lui, mais au café qu’il fréquente. Les cafés étaient au centre de la vie sociale. Personne ne pouvait persuader les habitués de ne pas s’y rendre.

Il existait avant l’établissement des cafés en Europe, des endroits de socialisation, mais c'étaient plutôt des tavernes où les principales boissons sont alcoolisées et par conséquent empêchent de conserver un esprit clair propice aux débats.

En France, c'est Jean de la Rocque, négociant qui avait séjourné à Constantinople qui introduit la fève de café à Marseille vers 1644, mais c'est seulement vers 1660 qu’il devient à la mode dans cette ville que Lyon ne tarde pas à imiter. À Paris, un Levantin s’était établi, en 1643, dans une des petites boutiques du passage qui conduisait de la rue Saint-Jacques au Petit-Pont et y débita du café sous le nom de cahove ou cahouet ; mais cette tentative n'eut aucun succès. Ce fut seulement en 1669 que l'usage du café se répandit à Paris, grâce à l'apport de la fève par Jean de Thévenot en 1657 et par l’intendant des jardins du sérail du sultan, Soliman Aga Mustapha Raca que Mehmed IV avait envoyé à Louis XIV comme ambassadeur extraordinaire et qui offrait à ses visiteurs du café dans des tasses de porcelaine fabriquées au Japon[3].

Son exemple fut suivi, mais seulement par les grands seigneurs, car la précieuse fève rare et recherchée valait alors quatre-vingts francs la livre. Des envois importants et réguliers de l’Égypte et du Levant firent baisser sensiblement ce prix et le café en grains commença à se vendre dans plusieurs boutiques.

Enfin, en 1672, un Arménien, nommé Pascal, ouvrit à la foire Saint-Germain une maison de café semblable à celles qu’il avait vues à Constantinople[4]. Encouragé par le succès qu’il avait obtenu, il transféra son petit établissement sur le quai de l’École, aujourd’hui quai du Louvre ; il y donnait une tasse de café pour deux sous six deniers ; ce n’était pas cher et cependant la vogue de la « liqueur arabesque » ne se maintint pas et il dut bientôt fermer boutique pour se retirer à Londres.

Trois ou quatre ans après, un autre Arménien, nommé Malisan, ouvrit un café rue de Bussy et y vendit aussi du tabac et des pipes. Ayant cédé son commerce à son garçon, Grégoire, originaire d’Ispahan, son successeur vendit son café de la rue de Buci à un compatriote nommé Makara et se transporta d’abord rue Mazarine, près la rue Guénégaud, à côté du théâtre de la Comédie-Française. Lorsque celle-ci quitta cet emplacement pour aller rue des Fossés Saint-Germain (aujourd’hui rue de l'Ancienne-Comédie), en 1680, Grégoire la suivit et vint s’installer en face et y vit prospérer ses affaires.

Entre-temps un nommé Étienne d’Alep, avait ouvert un café rue Saint-André-des-Arts, en face du pont Saint-Michel. D’autres cafés se fondèrent, mais tous ces cafés gardaient leur caractère oriental ; c’étaient des réduits sales et obscurs où l’on fumait, où l’on prenait de la mauvaise bière et du café frelaté et la bonne société ne les fréquentait pas lorsqu'un Sicilien du nom de Francesco Procopio qui, en 1672, avait servi comme garçon chez Paxal l’Arménien ouvrit, en 1686, un café proposant boissons, sorbets, gâteaux et affichant les nouvelles du jour.

En 1677, Procope était possesseur d’un café rue de Tournon, enfin en 1702, il acheta à Grégoire l’établissement situé en face de la Comédie-Française et qui porta désormais son nom, le Procope. Il le fit luxueusement décorer et eut bientôt une nombreuse clientèle. Le Procope vit dès lors défiler nombre des écrivains de la capitale, comme Voltaire, Diderot, Rousseau, puis les révolutionnaires, américains d’abord, comme Benjamin Franklin, John Paul Jones ou Thomas Jefferson, puis français, comme les cordeliers Danton et Marat. Il reste aujourd’hui un des rendez-vous parisien des arts et des lettres.

On pense qu’il y avait presque 3 000 cafés à Paris à la fin du XVIIIe siècle[5]. Parmi ceux-ci, Le Café Procope ou le Café de la Paix, existent encore aujourd’hui.

Des cafés italiens du XVIIIe siècle survivent également aujourd’hui : le Caffè Florian et le Caffè Quadri à Venise, le Caffè Gilli à Florence, le Antico Caffè Greco à Rome, le Caffè Pedrocchi à Padoue, le Caffè dell'Ussero à Pise, le Caffè Fiorio à Turin.

Évolution de la place et du rôle du café dans la société

L’équipement du café au XVIIIe siècle.
Terrasse de café parisien.

Le café au XVIIIe siècle devint un lieu de sociabilité important, dont la dimension sociale comptait parfois davantage que la qualité des boissons qui y étaient servies ainsi que l'affirmait Louis-Sébastien Mercier dans son Tableau de Paris, publié en 1783 : « On compte six à sept-cents cafés : c'est le refuge ordinaire des oisifs, et l'asile des indigents. [...] En général, le café qu'on y prend est mauvais et trop brûlé ; la limonade dangereuse ; les liqueurs malsaines, et à l'esprit de vin : mais le bon Parisien, qui s'arrête aux apparences, boit tout, dévore tout, avale tout. »[6].

Catalyseur du siècle des Lumières, période très importante dans la formation du monde qui a élaboré une nouvelle philosophie mettant l’accent sur la rationalité et la logique dans le but de battre en brèche la tradition, la superstition et la tyrannie qui régnaient alors, le café a changé le monde.

Les cafés sont devenus très vite un centre de diffusion des nouvelles et actualités. Les cafés étant des centres de transmission des renseignements, les discussions intellectuelles y ont naturellement prospéré. Tout le monde avait droit à la parole dans les cafés, même s’ils n’étaient pas gentilshommes ou riches.

« Le comptoir d'un café est le parlement du peuple. »

 Honoré de Balzac

Dans ces lieux, on discutait et on se disputait à propos de tous les grands sujets, religion, politique, arts. L’écrivain irlandais Jonathan Swift écrivit à un ami, à la suite d'une visite dans un café : « I am not yet convinced that any access to men in power gives a man more truth or light than the politics of a coffee house » (« Je ne suis toujours pas convaincu que les informations des hommes de pouvoir aient plus de vérité ou apportent plus de lumière que les discussions politiques d’un café »). C’est dans cette ambiance que les Lumières pouvaient promouvoir leur philosophie[7]. Circulait plus ou moins librement dans les cafés, celle-ci a ouvert la voie à deux révolutions importantes, la Révolution française et la Révolution américaine. D’ailleurs, durant leur séjour en France, les Insurgents américains John Paul Jones, Benjamin Franklin ou Thomas Jefferson fréquentèrent le café Procope. Ce dernier y conçut même – dit-on – son projet de constitution des États-Unis en 1758.

Les cafés et les philosophes des Lumières

Voltaire et Diderot au Café Procope.

Parmi les Philosophes des Lumières anglais et français, on compte des habitués des cafés, d’après le témoignage de leurs œuvres ou dans leurs biographies : Anthony Collins, John Locke, Denis Diderot, Houdar de La Motte, Montesquieu, Voltaire ou Jean-Jacques Rousseau.

Dans une biographie d’Anthony Collins[8], on lit qu’il fréquentait les cafés où il pouvait discuter avec les déistes et les athées, ce qui lui a procuré beaucoup de plaisir. Dans son œuvre, le Neveu de Rameau, Denis Diderot évoque sa distanciation des événements et évoque le refuge donné par le café de la Régence où il pouvait jouer aux échecs et observer et converser avec tous, y compris avec des excentriques. Jean-Jacques Rousseau dans les Confessions, parle aussi de ses visites au café à toutes les heures de la journée. Il écrit : « Voltaire avait la réputation de boire 40 tasses de café chaque jour pour l’aider à rester éveillé pour penser, penser, penser à la manière de lutter contre les tyrans et les imbéciles »[9]. Montesquieu, dans la 36e de ses Lettres persanes, écrit en parlant du café Procope : « [Il y a un établissement] où l'on apprête le café de telle manière qu'il donne de l'esprit à ceux qui en prennent ; au moins, de tous ceux qui en sortent, il n'y a personne qui ne croie qu'il en a quatre fois plus que lorsqu'il y est entré ».

Le café et les cafés ont donc fourni l’environnement nécessaire à la diffusion des pensées des philosophes des Lumières. Ils ont été deux catalyseurs du siècle des Lumières.

Époque contemporaine

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Les Deux Magots à Paris.
Café Extrablatt à Münster.
Un café à Montréal.

Parmi les cafés parisiens célèbres du XVIIIe siècle, on peut citer le café Procope, le café de Foy, le café de la Régence, le café de la Veuve Laurent (rue Dauphine) et le café Gradot (quai des Écoles, interdit aux femmes), qui étaient des lieux de conversation et de débats. Ils complètent la cartographie des espaces mondains et littéraires.

Les cafés parisiens sont également célèbres pour leurs chaises en rotin (ou en lames de Rilsan), appelées « chaises Drucker » (il existe plusieurs modèles, portant toutes un nom parisien : la Saint-Michel, la Haussmann, la Matignon, la Sorbonne, la Bercy, la Neuilly ou encore la Fouquet's) créées en 1885 dans un atelier de la rue des Pyrénées et de nos jours fabriquées à la main dans l'Oise par une quinzaine de personnes avec des lames de rotin d'Indonésie[10]. D'autres éléments sont constitutifs du café traditionnel parisien, comme les guéridons au plateau émaillé, les comptoirs en étain, le cendrier Martini ou encore la pichette d'anisette Ricard[11].

Certaines villes ou quartiers sont très réputés pour leurs cafés :

En Amérique du Nord, les coffee shops sont des établissements équivalents mais au fonctionnement et à l’offre généralement différents, qui tiennent davantage du salon de thé que du café à la française, puisqu'on y trouve essentiellement des boissons chaudes et froides non alcoolisées et des pâtisseries et collations (on distingue ainsi le café du bar au Québec). Depuis les années 1980, de grandes chaînes ont émergé et dominent le marché :

Avec la mondialisation de l’économie, certaines de ces grandes chaînes sont parties à la conquête du marché mondial, mais nonobstant la croissance rapide au niveau international, certaines se retrouvent confrontées à des difficultés économiques : l'enseigne canadienne Starbucks, par exemple, a annoncé le , la fermeture de 600 de ses établissements dans son pays d’origine.

La France a compté entre les deux guerres jusqu'à 500.000 cafés [12], puis 200 000 dans les années 1950 et seulement 36 000 en 2008[13] (27 000 débits de boissons, 9 000 café-tabac, 72 % étant des entreprises individuelles[14]). L'Institut de développement des cafés, cafés-brasseries et le Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers, traiteurs (Synhorcats), préconise pour enrayer cette baisse le développement de labels (« bistrot de pays » créé en 1993, « café de pays » créé en 2006), de bars à thèmes (par exemple : café culture, poésie, musique, ethnique, artistique), bars à vin, la multiplication d'animations et la diversification de l'offre (coupe-faim, tabletterie)[15]. L'augmentation des prix entraîne une gentrification de la clientèle qui se retrouve dans les cafés design, aux clients branchés, et les cafés faussement anciens, avec des références populaires ou bourgeoises[16]. Aux Pays-Bas, dans certains cafés également appelés coffee shops, il est possible de commander avec sa boisson quelques drogues légales.

Notes et références

  1. (sr) Vidoje Golubovic, Stare Kafane Beograda, Diamond Media, , 278 p. (ISBN 978-86-916593-0-1)
  2. Timeline du café
  3. Jean Leclant, « Le café et les cafés à Paris (1644-1693) », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, vol. 6, no 1, , p. 1-14 (lire en ligne)
  4. Christian Benoit, 250 réponses aux questions d'un flâneur parisien : En hommage à Léon-Paul Fargue (1878-1947), poète et "piéton de Paris", Paris, Le Gerfaut, , 260 p. (ISBN 978-2-914622-82-0, lire en ligne), p. 165
  5. (en) Mathew Dahl, « Demystifying the Bean », sur Boundless Webzine,
  6. Louis-Sébastien (1740-1814) Auteur du texte Mercier, Tableau de Paris. Tome 1 / . Nouvelle édition corrigée & augmentée., (lire en ligne), p. 132-133
  7. (en) John Pelzer et Linda Pelzer, « The Coffee Houses of Augustan London », History Today, vol. 32, no 10, , p. 40-47 (lire en ligne)
  8. Stanford Encyclopedia of Philosophy
  9. (en) « Who is Voltaire? », Voltaire's Cup
  10. Sophie de Santis, « La chaise parisienne, reine des terrasses », Le Figaroscope, semaine du mercredi 23 au 29 mars 2016, page 6.
  11. Laurence Haloche, « Drucker : père la chaise », Le Figaro Magazine, semaine du 20 mai 2016, page 124.
  12. « Infographie: Les bistrots en voie de disparition ? », sur Statista Infographies (consulté le )
  13. Germain Gillet, « Les cafés en danger », sur LeJDD.fr,
  14. Chiffres Insee 2009, Démographie des entreprises et des établissements - champ marchand non agricole, Stocks d'entreprises : l'Insee différencie les débits de boissons à consommer sur place (cafés) et les débits de boisson à emporter (épiceries, cavistes), les restaurateurs et cafetiers vendant 8 % de l'alcool en France
  15. Hermine de Saint Albin, « Sauvons le bistrot rural ! La démarche des réseaux de cafés », Espaces, no 294,
  16. Emmanuèle Peyret, « Aller dans un café devient un luxe », sur Liberation.fr, .

Voir aussi

Les cafés comme lieux culturels

Articles connexes

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