Estaminet

Un estaminet est originellement un débit de boissons, synonyme de café, mais servant en général de la bière et proposant aussi du tabac et des jeux traditionnels. Les estaminets se situent en Belgique et dans le Nord de la France. Ils font partie du patrimoine culturel des pays du Nord de l'Europe.

Estaminet flamand, par Lesser Ury (1884).

On trouve également jadis le terme utilisé ailleurs. Ainsi, parlant des cafés de Paris, Jules Lovy écrit, en 1858[1] : « Le même monde qui s'épanouit aujourd'hui dans les brasseries se prélassait autrefois dans les estaminets et les cafés-caveaux ».

Aujourd'hui, le nom estaminet désigne les tavernes, auberges et brasseries typiques du Nord, qui reprennent en décoration des ustensiles anciens, et des décorations typiques, rustiques et traditionnelles, tout en servant des plats et boissons typiques de la région.

Étymologie

L'histoire du mot « estaminet » est plutôt riche et donne lieu à plusieurs hypothèses concernant son origine. En 1802, l'Académie française le définit en une formule lapidaire : « Assemblée de buveurs et de fumeurs », ayant établi le constat, a posteriori, que cette appellation nouvelle qu'on ne trouve qu'à partir du milieu du XVIIIe siècle désigne aussi le lieu où elle se tient. Il est précisé également que « Cet usage qui vient des Pays-Bas s'est propagé à Paris où l'on dit aussi Tabagie pour distinguer ces sortes d'assemblées ».

L'hypothèse la plus répandue est que le mot serait d'origine wallonne, et viendrait de « Staminé », qui signifie une salle à piliers ou encore d'un jeu wallon, le stamon, appelé jeu du poteau. De là quand on voulait se réunir pour boire de la bière, pour traiter des affaires entre les pots de bière, on disait : « Allons au sta, Menheer » et, peu après, par corruption : « allons à l’estaminet ». Une origine flamande lui est également attribuée, provenant du mot stam, qui veut dire souche, in stam « être en famille », l'estaminet serait donc une réunion de famille. Puis, ils admettent au milieu d’eux des amis, des personnes étrangères. Or, d’après les anciennes chroniques, il arrivait souvent que les hommes ainsi rassemblés vidaient plus de pots de cervoise qu’il ne fallait, au point que leur raison en était altérée. De là, le mécontentement des ménagères ; les maris ne voulurent plus subir les observations et prirent la résolution de se réunir dans un endroit où ils pussent être à l’abri de la surveillance conjugale. Et, comme ceux qui les recevaient gagnaient de l’argent, d’autres les imitèrent et fondèrent des établissements semblables, sous la même dénomination. Le patron flamand invitait d'ailleurs les clients à entrer en leur lançant un « Sta Menheer » malicieux (« faites une halte, monsieur »). Finalement cette phrase, réclame bon marché de la maison, passa de bouche en bouche, et fut adoptée comme enseigne, tant parce qu’elle était devenue sacramentelle que par son laconisme significatif[2].

Une autre explication commune, wallonne et flamande, proviendrait du mot « étable », staulle en wallon, stalle en flamand.

On lui donne aussi une origine espagnole (la Belgique fut, un temps, espagnole par mariage et héritage) provenant de « Está un minuto », un lieu où on passe rapidement boire un verre. Cette explication est considérée comme farfelue par de nombreux Espagnols. Le mot n'existe pas en Espagne et est plutôt de nature folklorique en Belgique.[réf. nécessaire]

Les estaminets au XIXe siècle

Au début du XIXe siècle, et alors que dans les cafés, plus élégants, le tabac est interdit, il est permis de fumer dans les estaminets. Le mot « estaminet » était fréquemment employé avant la Première Guerre mondiale et désignait plutôt un débit de boissons, où l'on pouvait boire un verre et fumer. On y trouvait parfois, dans le même lieu, une épicerie ou un maréchal-ferrant[3], et il s'apparentait un peu à nos cafés multi-services d'aujourd'hui.

Lieu de détente par excellence des ouvriers, l'estaminet était aussi souvent le point de rendez-vous des sociétés locales, depuis les sociétés colombophiles jusqu'aux bourleux[4].

Il arrivait que les sociétés chantantes incluent dans leur nom celui de l'estaminet où elles se réunissaient. Ainsi, on peut relever à Flers : Les Amis-Réunis de l'estaminet du Pont du Breucq, à Lambersart : la Société des Rigolos Réunie à l'Estaminet de la Carnoy à Lambersart[5], à Lille : Les Amis-Réunis à l'Estaminet du Grand Quinquin, Les Amis-Réunis à l'Estaminet du Réveil-Matin, Les Bons Buveurs de l'Estaminet de l'Alliance, à Roubaix : Les Amis-Réunis à l'Estaminet du Bas Rouge à Pile[6], Les Amis-Réunis Estaminet Bauwens, Les Amis Réunis à l'Estaminet du Poète de Roubaix[7], Les Amis-Réunis à l'Estaminet tenu par Augustin Roger[8], et à Tourcoing : la Société des Amis Réunis, Estaminet du Lion-Blanc, à Tourcoing[9].

La renaissance des estaminets

Dans l'estaminet du gallodrome de Drincham.
Estaminet Le Blauwershof Le repaire des fraudeurs ») à Godewaersvelde.

Aujourd'hui, on donne le nom « estaminet » à des tavernes ou auberges typiques qui reprennent en décoration des ustensiles anciens, et des décorations typiques, rustiques et traditionnelles.

Sources

Notes et références

  1. Début de l'article Les cafés de Paris, Le Tintamarre, 18 avril 1858, p. 5, 2e colonne. Voir l'original de ce début d'article reproduit sur la base Commons. Le Tintamarre est un hebdomadaire parisien qui paraît de 1843 à 1912. Les années 1843 à 1888, 1891, 1893 et 1899 sont consultables sur le site Gallica de la BNF.
  2. D’après « Le Home », paru en 1907
  3. Les estaminets Site de Leers historique]
  4. Collectif, dir JP Wytteman, Le Nord de la préhistoire à nos jours, Bordessoules, , p. 260
  5. Une chanson de la Société des Rigolos Réunie à l'Estaminet de la Carnoy à Lambersart
  6. Le Pile est un quartier de Roubaix.
  7. Manière d'engager ses amis à souper, une chanson chantée dans cette goguette.
  8. Mentionnée dans le catalogue de l'exposition Chantons... mais en patois ! tenue du 8 juin au 1er juillet 2010 à la Médiathèque de Roubaix.
  9. Une chanson de la Société des Amis Réunis, Estaminet du Lion-Blanc, à Tourcoing. et une autre chanson, de la même société.

Bibliographie

  • En 1886, l'éditeur Ravet-Anceau a établi le premier inventaire des estaminets dans son Annuaire du Nord. Depuis 2005, les estaminets nordistes et belges sont répertoriés dans le Guide Ravet-Anceau des estaminets, devenu la Bible des estaminets en 2013 (Gilles Guillon, Pôle Nord Editions).
  • Giuseppe SALVAGGIO, De A à Zinc. 700 mots pour y boire. Précis de sociolexicologie, Strépy-Bracquegnies, Le Livre en papier, 2021, 476 p. (ISBN 978-2-9602-5311-5) - Les pages 217 à 228 sont consacrées aux possibles étymologies du mot estaminet (Également disponible à Lille, chez TheBookEdition (ISBN 978-2-9602-5310-8)).

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