Bataille de Marengo

La bataille de Marengo vit s'opposer le (26 prairial an VIII) une force française commandée par le général Napoléon Bonaparte, alors Premier consul, à l'armée impériale du Saint-Empire sous la direction du feld-maréchal baron Michael Friedrich Benedikt von Melas à Marengo, à proximité d'Alexandrie, dans le Piémont (aujourd'hui en Italie). Cette bataille se termine par une défaite des Impériaux.

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Bataille de Marengo
La bataille de Marengo par Louis-François Lejeune.
Informations générales
Date 25 prairial an VIII
()
Lieu Marengo, à proximité d'Alexandrie (Piémont)
Issue Victoire française décisive
Belligérants
 République française Saint-Empire
Commandants
Napoléon Bonaparte
Joachim Murat
Claude-Victor Perrin
Jean Lannes
Louis Charles Antoine Desaix
Michael von Melas
Anton von Zach
Hadik von Futak
Forces en présence
24 000 hommes
24 canons
30 000 hommes
8 000 cavaliers
100 canons
Pertes
1 100 morts
3 600 blessés
900 prisonniers ou disparus[1]
963 morts
5 518 blessés
2 921 prisonniers
15 canons capturés[1]

Deuxième Coalition - Campagne d'Italie

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Coordonnées 44° 53′ 00″ nord, 8° 41′ 00″ est
Géolocalisation sur la carte : Piémont
Géolocalisation sur la carte : Italie

Les Impériaux tentent de profiter de l'allongement des lignes françaises, occupées à rechercher leur adversaire après la bataille de Montebello, pour traverser l'armée française. Les troupes des généraux Victor et Jean Lannes, obligées de faire retraite devant le gros de l'armée de Melas qui les attaque par surprise, sont soutenues en milieu de journée par les troupes que Bonaparte mène à leur secours. En fin de journée, l'arrivée des cavaliers du général Desaix permet aux Français, fort mal en point, de faire basculer l'issue de la bataille en leur faveur, au point de transformer leur retraite en déroute des Impériaux.

Après la défaite, les Impériaux négocient avec le général Bonaparte la fin de la guerre en Italie qui oblige notamment les troupes impériales à se replier au-delà du Tessin.

Ce fait d'armes permit à Napoléon d'asseoir un peu plus sa position au sein du triumvirat consulaire en tant que Premier consul après le coup d'État des 18 et 19 Brumaire an VIII, au mois de novembre précédent[2]. Malgré la mort de Desaix, la victoire est décisive pour la campagne d'Italie, et permet à Bonaparte de monter une opération de propagande fort importante, faisant passer la bataille à la postérité.

Contexte

Contraint à la guerre par l'arrivée de la nouvelle armée impériale dans la péninsule italienne, Bonaparte imagine une nouvelle campagne d'Italie, beaucoup plus audacieuse que la précédente. La situation militaire y est pourtant difficile, depuis que le général du Saint-Empire Melas a coupé (en février) l'armée française d'Italie en deux : il assiège à Gênes les troupes commandées par Masséna, et a repoussé Suchet derrière le Var. Bonaparte élabore à partir des événements en cours une vaste combinaison stratégique. Il se constitue une armée de réserve (officiellement commandée par le général Berthier) à Dijon, laissant croire que le gros de l'assaut est confié au général Moreau vers l'armée autrichienne du Danube qu'il doit refouler loin devant. En fait, l'objectif est de la couper du Tyrol pour interdire l'acheminement de renforts en Italie ; dès lors, au lieu de pousser toutes ses troupes vers l'est, Moreau, une fois l'action de l'armée du Rhin bien engagée, doit détacher vers le sud, à travers le col du Saint-Gothard, 17 000 hommes du corps du général Lecourbe vers l'Italie, pour y rejoindre les troupes de Bonaparte, venues de Dijon au même moment par le col du Grand-Saint-Bernard. Cette armée est prévue pour attaquer sur les derrières des troupes impériales occupées au siège de Gênes d'un côté, et à attaquer le Var de l'autre.

L'Empire, peu inquiet des préparatifs de l'armée de réserve, que l'on croit apprêtée en renforts pour Moreau, maintient son armée d'Allemagne sur la défensive, et concentre tout son effort sur l'Italie, rendant terrible le siège de Gênes où l'armée de Masséna est épuisée par la famine, les épidémies et les combats. Alors que la dureté du siège presse à agir, Moreau est lent à lancer ses opérations vers le Tyrol, ce qui retarde Bonaparte dans son franchissement des Alpes par les cols du Petit et Grand-Saint-Bernard. Malgré les difficultés, le 23 mai, enfin, le passage vers les plaines du Piémont est tout de même terminé dans de bonnes conditions, créant la surprise escomptée.

André Masséna

Le 2 juin, le général de division Murat, à la tête de l'avant-garde, entre à Milan ; les Impériaux sont repoussés sur Turin. Mais la stratégie initiale s'effondre lorsque le 4 juin, Masséna doit capituler à Gênes. La prise en étau de Melas entre Masséna et lui est désormais impossible, et un grand nombre de troupes impériales sont libérées pour de futures opérations contre les Français[3]. Bonaparte doit modifier son plan. Il s'oriente donc plus au nord, fortifie Milan, s'assure toute la ligne du jusqu'à son affleurement avec les Apennins au défilé de la Stradella, fermant ainsi la presque totalité des lignes de retraite des différentes troupes du baron de Melas vers l'Empire. Il pense alors l'accrocher dans une bataille décisive entre Alexandrie et Tortone.

Le 9 juin a lieu à Montebello près de la Stradella la bataille de Montebello. Le général Lannes, à la tête de l'avant-garde française, arrête une partie des Impériaux en retraite, menés par le général O'Reilly (en), qui sont rejoints par une armée venant de Gênes, commandée par le général Ott. Battue, l'armée impériale se replie, puis rejoint derrière la Bormida le général Melas, qui arrive à son tour à Alexandrie. Cette victoire rend Napoléon excessivement confiant en ses capacités et en celles de ses hommes. Il est désormais convaincu que Melas n'attaquera pas, et mieux encore, que les Impériaux étudient déjà les possibilités de retraite. Comme d'autres contingents français approchent à l'ouest et au sud, Melas doit retirer la majorité des troupes qui tenaient position près de Nice, Gênes et Alexandrie, les repliant sur la route entre Turin et Mantoue.

Déroulement

Préparatifs

Les Impériaux ont prévu de se frayer un chemin vers l'est mais, grâce à un agent double connu sous le nom de François Toli, ils essayent de tromper Bonaparte en lui faisant croire qu'ils se dirigent vers le nord, en direction de Milan, après avoir été rejoints par les forces en provenance de Gênes. L'espion conseille alors à Bonaparte de marcher à travers Sale, au nord de la plaine, pour qu'il puisse attaquer les Impériaux sur leur flanc gauche. Entretemps, le gros de l'armée impériale passe à travers le village de Marengo, se dirige vers le nord, avant de tomber sur le flanc gauche de l'armée française. Ott arrive de Montebello le 12 juin, portant les effectifs impériaux à 30 000 hommes, soit 2 000 de plus que les Français de Bonaparte, qui arrive à Sale le 13 juin[3]. La décision des Impériaux de marcher vers l'est a été prise à l'issue d'un conseil de guerre tenu le jour de l'irruption de Bonaparte à Sale. Les généraux les plus expérimentés de l'armée impériale ont vigoureusement approuvé cette stratégie, l'alternative étant que l'armée impériale se repliât le long du Pô, abandonnant le Piémont à l'ennemi sans se battre. Néanmoins, en abandonnant la plaine de San Guillano (it), où la redoutable cavalerie de l'armée impériale peut déterminer l'issue de la bataille en sa faveur, Melas a certainement commis une grave erreur[3].

Napoléon sait qu'Ott est coincé à Alexandrie, mais il ignore la position de Melas. Après sa rencontre avec l'espion et craignant de voir le général du Saint-Empire s'échapper vers Gênes ou Mantoue, Bonaparte sépare ses forces dans un large périmètre en envoyant Desaix avec le général de division Boudet (6 000 hommes) au sud à Novi Ligure et le général de division La Poype (3 500 hommes) au nord sur l'autre rive du Pô. Plus au nord, de Verceil au lac Majeur, sont stationnées les divisions d'Antoine de Béthencourt et de Joseph Chabran, et au nord de Plaisance, est stationnée la division de Lorge[4]. Le nouveau consul a également envoyé Lannes pour San Giuliano. Napoléon est convaincu d'avoir vu juste lorsque la division du général Victor, avec l'aide de la cavalerie de Murat, repousse le Feldmarschallleutnant Andreas O'Reilly von Ballinlough (en) du village de Marengo. Victor déploie ensuite les divisions des généraux de division Gardanne et Chambarlhac le long du Fontanone. Les généraux impériaux débattent de l'option de construire un pont au nord afin de prendre à revers la position française, mais le manque de temps et de pontonniers a raison de cette stratégie, forçant les Impériaux à traverser la rivière Bormida pour attaquer.

Champ de bataille

Torre Garofoli, quartiers de Napoléon avant la bataille.

La bataille a lieu à l'est d'Alexandrie, sur une plaine traversée par une rivière, la Bormida, sur laquelle les Impériaux ont établi une tête de pont. Les trois principaux sites de bataille forment un triangle, avec Marengo à l'ouest, Castelceriolo (it) au nord et San Giuliano Vecchio (it) à l'est. Un cours d'eau, le Fontanone, coule entre Marengo et la Bormida. Le Premier consul établit ses quartiers à Torre Garofoli (sh), encore plus à l'est.

Forces en présence

Au départ, 30 000 Impériaux et 100 canons sont opposés à 22 000 Français et 15 canons. Cependant, à la fin de la bataille, l'arrivée de Desaix, avec ses 6 000 hommes, va renforcer l'armée de Bonaparte[4].

La campagne de 1799 a épuisé l'armée impériale d'Italie, les pertes et la maladie ayant réduit certains régiments à 300 hommes. La composante principale de l'armée est stationnée dans le Piémont et dans la plaine voisine du Pô, une poignée d'unités ayant été placées dans leurs quartiers d'hiver dans des zones mieux ravitaillées. Éloignées de leurs bases, d'où les régiments reçoivent leurs renforts, les troupes vivent dans des conditions misérables. L'armée de est à peine plus forte que celle ayant opéré en 1799[5]. L'équipement et les uniformes ont été améliorés et mis à jour. Un nouvel uniforme a été mis au point, muni d'un casque en cuir et accompagné de mousquets de plus petit calibre, cependant seule une minorité de soldats peuvent en bénéficier en 1800. Des efforts ont été fournis afin de pouvoir standardiser l'équipement, mais l'on dénombre une multitude de calibres de mousquets, ainsi que plusieurs formes de sabres[6].

Melas divise son armée en trois groupes, face à la Bormida, juste devant Alexandrie. Au nord, le Feldmarschallleutnant Ott (Friedrich Heinrich von Gottesheim (en) et son avant-garde, en plus des divisions de Joseph von Schellenberg (en) et de Ludwig von Vogelsang (en)), au sud la division d'O'Reilly, pendant que Melas lui-même assume le commandement du centre, la plus importante formation, regroupant les divisions de Karl Joseph von Hadik-Futak (de), Konrad Valentin von Kaim, Ferdinand Johann von Morzin (en) et Anton von Elsnitz (en)[7].

Face à eux, les 36 000 soldats de l'Armée française d'Italie ne sont guère mieux lotis que leurs prédécesseurs de 1795. Le ravitaillement est inadéquat, la discipline et la cohésion font défaut, les désertions creusent les rangs, et parfois, des formations entières marchent vers l'arrière à la recherche de nourriture. Leur valeur combative est donc douteuse. En établissant l'Armée de Réserve en France, le premier mouvement de Bonaparte est de réviser intégralement le système d'approvisionnement en permettant aux troupes de bénéficier régulièrement de provisions et d'uniformes décents. Sans bénéficier de l'énorme supériorité de l'infanterie et de l'artillerie dont ont disposé les armées françaises à l'occasion de plusieurs campagnes républicaines, l'essentiel du corps de réserve de Bonaparte, provenant principalement de la République batave, a servi en Vendée sous le général Brune afin de réprimer la rébellion royaliste. Des vétérans viennent rejoindre ce corps, notamment en provenance de l'Armée des côtes de l'Océan[8]. La nouvelle doctrine militaire met l'accent sur l'attaque et l'action offensive, la mobilité et la baïonnette, plutôt qu'aux affrontements en ligne[9].

En face de l'armée impériale est stationné, au sein et au sud de Marengo, le corps de Victor (les divisions de Chambarlhac et Gardanne), soutenu à gauche par la cavalerie de Kellermann, et au nord-est par le corps de Lannes (la division Watrin, accompagnée de la brigades de cavalerie Champeaux), rassemblant 15 000 soldats[10]. À l'est de Castelceriolo se tient la division du général Monnier, renforcée par la garde des consuls, qui forme la réserve. Le corps de Victor prendra de plein fouet l'attaque des Impériaux[7].

L'attaque de l'armée impériale

Initialement, les deux assauts des Impériaux traversent le ruisseau Fontanone, près du village de Marengo. Les troupes impériales quittent Alexandrie pour se diriger vers l'est, afin de traverser la Bormida, là où deux ponts débouchant sur un bras plus étroit de la rivière rendent la traversée plus aisée. Le travail médiocre de l'état-major de l'Empire empêche le déroulement rapide des opérations, et toute l'armée doit finalement traverser la rivière sur un seul pont étroit[11]. L'opération débute à 6 heures du matin, les premiers coups de feu étant tirés vers 8 heures, mais l'attaque n'est véritablement lancée qu'à 9 heures[3].

Les 1 200 hommes composant l'avant-garde du colonel Frimont et une division de 3 000 hommes d'O'Reilly repoussent les avant-postes français et se déploient de façon à former l'aile droite de l'ensemble de l'armée impériale, faisant reculer par la même occasion les Français de la ferme de Pedrabona et de celle de Stortiglione, plus au sud[3]. Le centre de l'armée impériale (18 000 hommes sous les ordres de Melas) avance vers Marengo jusqu'à ce qu'il soit stoppé par l'infanterie du général de division Gardanne, déployée en face du Fontanone[12]. Sur la gauche des impériaux, les 7 500 hommes d'Ott attendent que la route soit libre pour se diriger vers le village de Castelceriolo, au nord des positions françaises. Ce mouvement menace à la fois l'armée française d'un encerclement fatal, mais également ses lignes de communication vers Milan[13].

Les troupes de Gardanne peuvent contenir l'avancée des Impériaux, faisant perdre à Melas des hommes et du temps. Quand la division de Gardanne est épuisée, Victor la retire derrière le Fontanone et lance la division Chambarlhac. Les Français peuvent conserver le village de Marengo et la ligne du Fontanone jusqu'à midi, avec leurs deux flancs exposés. Dans un premier temps, Melas envoie la division du Feldmarschallleutnant von Futak (en) (quatre bataillons) sur les défenses de Victor, soutenue par la batterie d'artillerie de l'avant-garde de Frimont, le long du Fontanone[3]. À cause du terrain boueux, la division de von Futak s'expose à des feux croisés ; son chef tombant, cette offensive est arrêtée. Le commandement des Impériaux fait alors donner la division du Feldmarschallleutnant von Kaim, mais cette dernière est également repoussée à 11 heures. Finalement, alors que la position française est renforcée par la cavalerie de Kellermann, et que la formation de Lannes est en marche, le Feldmarschallleutnant von Morzin (en) fait attaquer la position française avec ses grenadiers d'élite au niveau de Marengo[14]. Mais Melas commet également une sérieuse faute tactique en détachant le corps de 2 300 hussards du GeneralMajor Nimptsch et deux batteries d'artillerie par-dessus le pont de la Bormida afin de contenir le corps du général Suchet, que les impériaux croient avoir repéré à 9 heures en provenance d'Acqui Terme et se dirigeant vers Alexandrie par le sud[15]. Retarder la traversée de la gauche de l'armée impériale signifie que la brigade de Nimptsch ne peut prendre part à la bataille car située à 30 kilomètres de là[14].

Combat indécis au centre près de Marengo

François Étienne Kellermann joua un rôle important pendant la bataille.

Il faut attendre jusqu'à 10 heures pour que Napoléon (situé à 5 kilomètres de Marengo) comprenne que le mouvement des Impériaux n'est pas une diversion couvrant la retraite de Melas, mais bien une attaque massive dans le but de briser son centre. Ses subordonnés ayant dépêché leurs troupes en soutien au corps de Victor, dans le but de contenir les vagues des Impériaux, le corps de Lannes se déploie sur le flanc droit. Les bataillons de Bellegarde rattachés à la division de Kaim traversent le Fontanone au nord de Marengo et occupent la ferme de la Barbotta. Lannes repousse l'infanterie de Bellegarde grâce à celle de Watrin, puis il fait traverser le Fontanone à ses hommes. Cependant, ils sont rapidement repoussés par l'intense barrage d'artillerie des batteries de l'armée impériale. La cavalerie lourde de Kellermann et le 8e de dragons se déplacent vers la gauche et viennent écraser la brigade de dragons légers de Pilati (it) qui essayait de traverser le Fontanone afin d'envelopper Victor[14]. À droite, le général de cavalerie Pierre Champeaux est tué dans sa tentative de stopper la progression de la colonne d'Ott. Une petite partie du 6e régiment d'infanterie légère occupe Castelceriolo au nord, mais vers 11 h 30, les troupes d'Ott le reprennent aux Français, mettant la pression au niveau de l'aile droite française. Ott ne peut cependant prévoir l'arrivée d'un corps français en provenance de Sale (au nord-est), envoyant l'avant-garde renforcée de von Gottesheim dans le but de prendre de flanc Lannes au nord[14]. À 11 heures, Bonaparte arrive sur le champ de bataille. Il rappelle rapidement tous les détachements éloignés de sa position et fait donner ses dernières réserves. Dès leur arrivée, la division de Monnier et la garde consulaire sont envoyées au combat afin de renforcer le flanc droit, mais négligent d'apporter un soutien à Victor sur Marengo, où ses hommes commencent à manquer de munitions[16].

Percée des Impériaux au Fontanone

Vers 12 h 30, Lannes fait mouvement avec le reste de ses forces dans le but d'affronter Gottesheim, pendant que Kaim attaque encore une fois, mais cette fois-ci en ciblant les ailes de Victor. Un petit pont est jeté par-dessus le Fontanone, permettant aux Impériaux de traverser sous le couvert de leur artillerie. Les grenadiers de von Latterman (de) traversent afin d'engager les deux demi-brigades du général Rivaud qui tiennent le village de Marengo, les quatre escadrons de Frimont et de Bellegarde ayant repoussé Watrin. O'Reilly reprend Stortiglione à Rivaud vers 14 heures tandis qu'au nord, Ott prépare la colonne de von Schellenberg afin de l'envoyer en soutien à Gottesheim. Après avoir sécurisé le pont du Fontanone, la cavalerie de Pilati traverse mais est chargée et repoussée par celle de Kellermann. La colonne de Ott se rabat sur le flanc droit de la division Watrin, tandis que la colonne d'O'Reilly exécute une manœuvre similaire sur la gauche de Victor[10]. La position de ce dernier devient intenable, et celui-ci se replie vers le sud-est à travers les vignes, couvert par Lannes. Les troupes stationnées à la ferme de Marengo sont laissées à leur sort, et Melas s'empare de la ferme grâce à deux escadrons de cavalerie qu'il commanda personnellement[14].

Le capitaine Coignet présente le recul des Français comme particulièrement bien exécuté : « Nous battions en retraite en bon ordre, mais les bataillons se dégarnissaient à vue d'œil, tous prêts à lâcher pied, si ce n'avait été la bonne contenance des chefs[17]. »

Thiers, lui aussi, semble aussi confirmer cette vision d'une retraite parfaite :

« C'est dans ces moments que Lannes et ses quatre divisions font des efforts dignes des hommages de la postérité. L’ennemi qui a débouché en masse de Marengo dans la plaine, vomit par quatre-vingts bouches à feu, une grêle de boulets et de mitrailles. Lannes, à la tête de ses quatre demi-brigades met deux heures à parcourir trois quarts de lieue. Lorsque l'ennemi s'approche et devient trop pressant, il s'arrête et charge à la baïonnette. Quoique son artillerie soit démontée, quelques pièces légères, attelés des meilleurs chevaux, et manœuvrant avec autant d'habileté que d'audace, viennent aider de leur feu les demi-brigades…[18] »

Vers 14 heures, les Français attaquent Castelceriolo, retardant l'avancée de la colonne de Schellenberg en l'affrontant au niveau de sa queue[14]. Epaulé par Frimont, Ott parvint à défaire Monnier, forçant les deux tiers de la division française à une retraite vers le nord-est. Au même moment, Marengo passe sous contrôle de l'Empire[3], d'où une retraite des troupes de Bonaparte[19]. Alors que les Impériaux continuent de traverser le Fontanone, l'artillerie de l'armée impériale pilonne l'infanterie française dissimulée dans les vignes. Dans une nouvelle tentative pour endiguer l'avancée des Impériaux de Schellenberg, Bonaparte fait donner le principal bataillon de la garde des consuls et son artillerie, ceux-ci s'efforçant de flanquer la colonne. Après avoir repoussé les dragons de l'armée impériale avec l'aide des débris de cavalerie de Champeaux (commandée par Murat), ils attaquent la tête de la colonne. Après un quart d'heure de mousqueterie, aux environs de 16 heures, le gros de la Garde est quasiment anéanti par la cavalerie de Frimont[10],[14].

La dangerosité de la situation est décrite par Thiers :

« La présence du Premier consul, la vue des bonnets à poil de sa garde à cheval, ont ranimé les troupes. Le combat recommence avec une nouvelle fureur. Le brave Watrin, du corps de Lannes, avec le 6e de ligne et le 22e, rejette les soldats de Kaim dans le Fontanone. Lannes, remplissant le 40e et le 28e du feu de son âme héroïque, les pousse l'une et l'autre sur les Impériaux. Partout, on combat avec acharnement dans cette immense plaine. Gardanne essaie de reconquérir Marengo ; Lannes tâche de s'emparer du ruisseau qui a d'abord si utilement couvert nos troupes ; les grenadiers de la garde consulaire, toujours en carré, comme une citadelle vivante au milieu de ce champ de bataille, remplissent le vide entre Lannes et les colonnes de Carra-Saint-Cyr […] Mais le baron de Melas, avec le courage du désespoir, ramenant ses masses réunies sur Marengo, débouche enfin du village, repousse les soldats exténués de Gardanne, qui s'attachent en vain à tous les obstacles. O'Reilly achève d'accabler de mitraille la division Chambarlhac, toujours restée à découvert sous les coups d'une immense artillerie.
Il n'y a plus moyen de tenir, il faut céder le terrain[20]. »

Les Français reculent de 3 kilomètres, se regroupant au niveau de San Giuliano dans le but de le défendre. Cependant, submergés par le nombre et expulsés de leurs positions défensives, ils ne peuvent tenir tête longtemps aux Impériaux. Déjà, ceux-ci pensent la victoire acquise. Melas, 71 ans et légèrement blessé après la mort de deux chevaux sous lui, désigne comme commandant des opérations son chef d’état-major, le général Anton von Zach, assisté de Kaim, ceci dans l'espoir d'aller lui-même à Vienne pour annoncer son éclatante victoire[10]. Au centre, les Impériaux forment une colonne massive afin de poursuivre et de chasser les Français qui se replient ou se débandent, l'avant-garde du général Saint-Julien se positionnant en tête de colonne. Elle se forme à Spinetta, au sud-est de Marengo, et avance vers la nouvelle route. Cependant, la lenteur de ses flancs fait prendre à l'armée impériale une forme de croissant, étirant ses lignes[14]. Sur l'aile droite, O'Reilly perd du temps à poursuivre un détachement de 300 hommes sous les ordres du général Picot de Dampierre (qui sera finalement capturé), et se dirige vers le sud-est, ce qui éloigne ses hommes du principal corps d'armée impérial, et donc de l'action qui va se jouer[16]. Sur l'aile gauche, Ott hésite à exercer une pression sur l'aile française, la petite brigade de cavalerie de Rivaud rôdant au nord, derrière ses lignes[16].

Contre-attaque française

Pendant ce temps, Desaix, qui commande la force que Bonaparte a détachée de son armée auparavant, s'est hâté dans sa progression et a atteint un petit carrefour au nord de Cascinagrossa (it) (3 kilomètres à l'ouest de San Giuliano)[14]. Peu avant 17 heures, il vient prévenir en personne Bonaparte que sa force (9 000 hommes, neuf canons provenant de la division de Boudet), approche. On rapporte qu'après avoir questionné Bonaparte sur la situation, Desaix répondit : « Cette bataille est perdue. Cependant, nous avons encore le temps d'en remporter une autre[21] ». Il vient renforcer les troupes de Bonaparte avec ses troupes, réparties comme il suit :

Bonaparte fait rapidement se déployer les troupes de Desaix, fraîchement arrivées, à l'entrée du village de San Giuliano, alors qu'à leur habitude, les Impériaux sont lents à lancer leur attaque. Boudet et la 9e demi-brigade légère sont rapidement disposés dans les vignes, où ils se heurtent à la colonne de Saint-Julien. Pendant que celle-ci se place en ordre de bataille, Boudet et son infanterie légère se replient vers la position de Desaix. Celui-ci envoie la brigade du général Guénand au nord, pendant que les restes de la force française (Monnier et Lannes) sont positionnées encore plus au nord. Les Impériaux déploient trois batteries d'artillerie sur le côté nord de la route, soutenues par un régiment de dragons[14]. Le général de brigade Auguste de Marmont masse les canons restants en une seule batterie, et les fait tirer contre les colonnes impériales qui avancent. La division de Boudet avance en ligne contre la tête de la colonne, repoussant la principale brigade de l'armée impériale de Saint-Julien. Zach fait donner la brigade de grenadiers de Latterman afin de soutenir les colonnes de l'armée impériale.

Voyant que la bataille devient des plus indécises, cette confusion étant exacerbée par l'explosion d'un train de munitions des Impériaux, Napoléon envoie Desaix à la tête de la cavalerie pour une charge qui se veut décisive. La 9e demi-brigade légère contient l'avancée des Impériaux, alors que l'artillerie de Marmont arrose de mitraille les colonnes ennemies[14]. Au summum de cette confusion, la formation de Latterman est chargée et désorganisée par les 400 cavaliers de Kellermann, la puissance des Français ayant enfoncé son flanc gauche.

Au moment décisif, Desaix, au cheval plus léger et donc plus rapide, se retrouve isolé. Il est alors atteint par une balle au torse qui le désarçonne, le tuant ainsi au faîte de sa gloire[14]. Zach et au moins 2 000 de ses hommes sont capturés[22].

Napoléon regardant le corps de Desaix.

Murat et Kellermann se retournent directement contre les dragons de Liechtenstein qui sont trop lents à réagir et sont tout autant écrasés[14]. Les cavaliers de l'armée impériale se heurtent aux rangs de Pilati, les entraînant dans leur débandade. Alors que la cavalerie de Kellermann continue sa poursuite, l'infanterie de l'armée impériale épuisée perd tout espoir et se débande dans un violent sauve-qui-peut. Les artilleurs de l'armée de l'Empire se replient également, pressés par les sabres français, pendant que toute la ligne avance vers l'ouest[23]. La 2e brigade de grenadiers de von Weidenfeld et quelques unités de cavalerie n'ayant pas pris part à la débandade retiennent Boudet suffisamment longtemps pour permettre à la cavalerie d'O'Reilly de revenir. Celle-ci soutient Frimont dans sa défense du village de Marengo alors que la nuit tombe, permettant au centre des Impériaux de se replier au-delà de la Bormida[16]. Ott ne peut intervenir, et trouve sa route pour Castelceriolo coupée par un contingent français avançant vers le nord-ouest par rapport au bloc central. Il peut cependant se frayer un chemin vers la tête de pont sur la Bormida[24]. Les Impériaux rétrogradent vers Alexandrie, abandonnant près de la moitié de leurs forces. Les Français se rendent maîtres du champ de bataille et ont désormais l'initiative stratégique. La dépouille de Desaix est retrouvée parmi les morts[25].

Bilan

Ces douze heures de bataille ont coûté aux Impériaux 15 drapeaux, 40 canons, 8 000 prisonniers, dont le général Anton von Zack, et 9 400 morts dont le général Hadik von Futak[26],[27].

Les Français, quant à eux, déplorent 4 700 morts et blessés, 900 disparus ou capturés[28]. Ces pertes incluent Desaix lui-même. La division que commande Lannes a quatorze officiers tués et 40 % de son effectif est hors de combat.

Conséquences

La victoire de Marengo scelle le succès de la campagne d'Italie de 1800 menée par Napoléon.

Bonaparte devant revenir à Paris afin de présenter lui-même sa victoire à la population, il envoie le matin suivant le général Berthier faire une visite surprise aux quartiers généraux de l'armée impériale[24]. 24 heures après la bataille, Melas entre en négociations (convention d'Alexandrie (en)) qui pousse les impériaux à évacuer le Nord-Est de l'Italie et de se replier à l'ouest du Tessin, tout en suspendant leurs opérations militaires en Italie. La victoire de Marengo amène également la reddition de Turin que les impériaux acceptent de restituer pour obtenir la faculté de retirer leur armée d'Italie. Ainsi par un seul succès, le premier consul se fait restituer les places de la Lombardie et du Piémont qui avaient été conquises par la coalition au prix de combats meurtriers et de sièges longs et difficiles.

La position de Bonaparte en tant que Premier consul est renforcée grâce à l'issue victorieuse de la bataille et de la campagne menée[24]. Après cette victoire, Napoléon peut enfin souffler. En effet, les généraux qui lui étaient hostiles ont bien constaté que sa chance ne l'a pas quitté. Ainsi, il surpasse Schérer, Joubert, Championnet et même Moreau qui n'avaient jamais réussi à administrer une défaite décisive à la Coalition. La victoire de Moreau à Hohenlinden, bien qu'ayant mis fin à la guerre, est minimisée par Napoléon, qui ensuite s'impose comme le sauveur de la patrie, et même de la République. Il a en effet rejeté les offres du futur Louis XVIII, qui considère le Consulat comme une simple transition entre la Révolution et la restauration d'un roi. Enfin, sa victoire à Marengo lui laisse les coudées franches pour remodeler la France[7].

La tentative de dénigrement des qualités françaises

Cette victoire est souvent présentée par les ennemis de Napoléon Bonaparte comme ayant été une victoire in extremis.

Dans les bulletins de l'Armée, la victoire de Marengo est présentée comme héroïque, et dans trois « Rapports officiels », elle est décrite avec beaucoup d'exactitude et d'objectivité. Le rôle fondamental de la Garde consulaire, tenue en réserve et intervenant à un moment crucial, sous le commandement personnel du Premier consul, est mis en valeur.

Le général Kellermann se distingue aussi à Marengo. Melas, piégé à Alexandrie, ses espoirs de percer à l'est détruits, envoie le soir même à Vienne un message dans lequel il explique que « la charge de Kellermann avait jeté ses soldats dans la débandade, et ce soudain et terrible renversement de situation s'acheva en annihilant le courage de ses troupes. Le désordre semé par la charge de cavalerie désorganisa notre infanterie et précipita notre retraite[29] ». Au même moment, Murat écrit à Berthier : « Je me dois d'évoquer Kellermann qui, grâce à une puissante et judicieuse charge, fit pencher la balance en notre faveur[29] ».

Dans le Bulletin de l'Armée publié le jour suivant, Napoléon n'essaie pas d'éclipser Kellermann, qu'il cite, mais il insiste sur le rôle également joué par la charge de Bessières : « Le chef de brigade Bessières se porta à l'avant des terribles Grenadiers de la Garde, et exécuta une charge avec autant de vigueur que de valeur, pénétrant la ligne de cavalerie ennemie ; brisant les rangs ennemis et résultant dans une déroute massive[7] ».

Le mouvement de retraite de l'armée française, au début de la bataille, a été volontaire de la part du Premier consul. Berthier, dans la Relation de la bataille de Marengo, publié en 1804, le mentionne avec beaucoup de précision, preuves documentaires à l'appui. Berthier montre que le déploiement des divisions de Boudet et de Desaix nécessite du temps, et que cette manœuvre peut leur prodiguer : « Le général ennemi interpréta de manière faussée cette manœuvre, pensant que l'armée se repliait massivement, alors qu'en réalité il ne s'agissait que d'un mouvement de conversion »[29] ». Cependant, il est certain que l'arrivée de Desaix, bien qu'attendue, ne l'était certainement pas avant la retraite. Le bulletin explique que les forces de Desaix attendaient en réserve avec l'artillerie.

Plusieurs participants à la bataille ont vivement ressenti les ordres reçus au début de la bataille d'effectuer une retraite, notamment Marmont dans ses Mémoires, ou encore le capitaine Coignet : « Nous étions en train de nous replier en bon ordre mais également prêts à courir et à nous débander au premier signe de danger[7] » ; le capitaine Gervais confirme : « Pendant cette bataille, nous étions plusieurs fois sur le point d'être vaincus. La cavalerie autrichienne, sur un terrain favorable pour maximiser son potentiel destructeur, nous chargea maintes fois. Nous étions souvent obligés de concentrer nos feux ou même de nous replier[7] ».

Napoléon Bonaparte analyse le tournant de la bataille (extrait de "Les derniers moments de Napoléon", de François Antomarchi, le médecin et confident de l'Empereur à Sainte-Hélène, de 1819 au décès de l'Empereur, le , pages 754 à 756 de l'édition de 1842 du Mémorial de Sainte-Hélène, d'Emmanuel De Las Cases) : « Je voyais que les Autrichiens n’avaient pas employé leur réserve ». Dans une bataille, face à l’ennemi, « la difficulté est de le forcer à employer sa réserve ». Pour y parvenir, Napoléon Bonaparte effectue une petite et précise contre-attaque avec seulement une demi-brigade qui était en train de retraiter ; c’est une réussite. Auparavant, Bonaparte avait veillé à revêtir un uniforme voyant et remarquable afin que le généralissime autrichien, Mélas, soit informé par ses troupes que la contre-attaque française avait été menée par Bonaparte lui-même, et lui faire ainsi croire que le général français avait engagé ses réserves, ce qui n’était pas le cas, et ceci afin d’inciter Mélas à engager ses propres réserves. C'est une belle manœuvre d’intoxication qui fonctionne à merveille ! La réserve de Mélas était constituée de 6000 « grenadiers hongrois, l’élite de son infanterie ; ce corps remplit la trouée que j’avais faite, et nous attaqua à son tour ». La réserve de Bonaparte était également composée de 6000 h. aux ordres de Desaix, qu’il engage alors. Les fantassins français enfoncent les Hongrois ; ils avaient été précédés par « une vigoureuse décharge d’artillerie » et sont, par la suite, renforcés par une charge de 800 cavaliers de Kellermann. Bonaparte avait calculé que la cavalerie autrichienne ne pouvait pas intervenir avant un quart d’heure, et donc, la cavalerie française bénéficie d’un quart d’heure de supériorité, « et j’ai remarqué que ce sont toujours ces quarts d’heure qui décident du sort des batailles ». « J’appris, après la bataille, de la bouche de quelques officiers généraux prisonniers, qu’au milieu même de leur premier succès, les Autrichiens n’étaient pas sans inquiétude ; ils avaient un secret pressentiment de leur défaite. Pendant le combat, ils questionnaient nos prisonniers et leur demandaient : “ – Où est le général Bonaparte ? – À l’arrière-garde” ; et ceux qui s’étaient déjà battus contre moi en Italie, et qui connaissaient mon habitude de me réserver pour la fin, s’écriaient : “Notre tâche n’est pas encore finie”. Ils avouèrent aussi qu’en me voyant sur la première ligne, ils avaient complètement donné dans le piège, et cru que ma réserve était engagée »,

Postérité

Devenu empereur, Napoléon veut être sûr que cette victoire ne sera pas oubliée ; ainsi, en plus d'une promotion active, il charge le général Chasseloup de construire une pyramide à l'endroit où a eu lieu la bataille. Le , une cérémonie a lieu sur le champ de bataille. Napoléon, habillé comme il l'était le mais accompagné de l'impératrice Joséphine, vient assister à une parade militaire, assis sur un trône, à l'ombre d'une tente. Puis, Chasseloup présente à Napoléon la première pierre, sur laquelle est inscrit : « Napoléon, Empereur des Français et Roi d'Italie, aux Mânes morts pour la patrie en ce jour de la bataille de Marengo[30] ». La pyramide fait en fait partie d'un gigantesque projet architectural visant à glorifier les conquêtes de Napoléon en Italie. Le champ de Marengo est supposé devenir le site de la « Cité des Victoires », dont les boulevards nommés d'après les victoires en Italie, convergent vers la Pyramide. Le projet est abandonné en 1815 après la Restauration, les pierres étant ôtées par les paysans. La colonne érigée en 1801 est même déplacée, pour n'être restaurée qu'en 1922[30].

La colonne à Marengo.

Napoléon ordonne que plusieurs bâtiments de la Marine française soient nommés ou renommés en Marengo, notamment le Sceptre, le Jean-Jacques Rousseau et le Ville de Paris. En 1802, lors de l'annexion du Piémont, le département de Marengo est nommé en hommage à la bataille, et a pour chef-lieu Alexandrie[31]. Le cheval de Napoléon, que ce dernier a monté depuis le 14 juin jusqu'au à la bataille de Waterloo, est également nommé Marengo[32]. La rue du Coq-Saint-Honoré, à Paris, sera renommée en 1854 rue de Marengo.

Après la chute de Napoléon, le comté de Marengo, en Alabama, premier établissement de réfugiés bonapartistes de la Vine and Olive Colony est nommé ainsi en l'honneur de cette victoire. Depuis, une série de collectivités portent ce nom en Amérique du Nord. Un musée y accueille chaque année des représentations de la bataille afin de commémorer la victoire française[33].

Musée de Marengo

Le Museo della Battaglia di Marengo[34] (musée de la bataille de Marengo), était situé sur la Via della Barbotta, à Spinetta Marengo, Alexandrie. C'est à cet endroit qu'eurent lieu les principaux affrontements entre les armées française et impériales.

La bataille de Marengo dans les arts

Peinture

  • La bataille de Marengo d'Adolphe Roehn, 1801, en collaboration avec M. Gadbois.

Littérature

  • À la suite de l'arrivée des premiers messagers à Paris, Fouché et Talleyrand complotent avec un tiers. À l'arrivée des seconds messages, ils détruisent les documents compromettants, sauf ce troisième homme, que Fouché fait enlever. C'est le thème d’Une ténébreuse affaire de Balzac.

Opéra

Une partie importante de Tosca, opéra de Giacomo Puccini créé en 1900, se déroule à Rome pendant la bataille de Marengo. À l'acte I, un messager a apporté la fausse nouvelle de la victoire de Melas, célébrée par un Te Deum dans l'église Sant'Andrea della Valle. L'acte II se déroule dans le palais Farnèse : le baron Scarpia, chef de la police, reçoit la nouvelle de la victoire de Bonaparte et de la fuite de Melas ; le peintre Mario Cavaradossi, qu'il fait torturer, laisse alors éclater sa joie.

Marche

Chanson

  • Le général Lasalle aurait composé Fanchon, considérée comme « la » chanson des soldats napoléoniens, également connue comme La Madelon de Marengo[Note 1] ou Le Chant des Marie-Louise, lors du repas qui suivit la bataille et auquel assistait Bonaparte[36].

La légende impériale veut que La Chanson de l'oignon fut aussi composée le jour de cette bataille. En tout cas, elle continua de célébrer cette potion magique des soldats de Napoléon pendant toutes les guerres de l'Empire.

Cuisine

  • Une recette de sauté de poulet avec des oignons et des champignons dans une sauce au vin et à la tomate, le poulet Marengo, commémore la bataille[37]. Une autre fut improvisée par le cuisinier du Premier consul avec du poulet, des œufs et des écrevisses. Elle connaît plusieurs déclinaisons, selon les viandes utilisées, telles que le sauté de veau marengo par exemple.

Bibliographie

  • Louis-Alexandre Berthier, Relation de la bataille de Marengo, Imprimerie impériale, .
  • Jean-Baptiste Ladvocat, Dictionnaire géographique de Vosgien, Lyon et Paris, .
  • Adolphe Thiers, Histoire du Consulat et l'Empire faisant suite à l'Histoire de la Révolution française, vol. 1, Paris, Paulin, .
  • Charles Thoumas, Le Maréchal Lannes, Paris, éditions Calmann-Lévy, , 388 p.
  • Jean de Cugnac, La Campagne de Marengo, R. Chapelot, .
  • Alberto Adamo di Neipperg, Aperçu militaire sur la bataille de Marengo, Imprimerie scientifique et littéraire Bussière, .
  • Jean Roch Coignet, Les Cahiers du capitaine Coignet, Paris, Hachette, .
  • (en) David Chandler, Campaigns of Napoleon, Scribner, (ISBN 0-02-523660-1).
  • (en) David Chandler, Dictionary of the Napoleonic Wars, Macmillan, (ISBN 0-02-523670-9).
  • Georges Blond (trad. de l'anglais par Marshall May), La Grande Armée, Paris, Éditions Robert Laffont, , 544 p. (ISBN 978-1-854-09252-6).
  • Collectif, La Bataille de Marengo et ses préliminaires racontés par quatre témoins, Paris, Teissedre, (ISBN 978-2-912259-25-7).
  • Thierry Lentz, Le Grand Consulat 1799-1804, Paris, Fayard, , 909 p. (ISBN 978-2-818-50394-2).
  • (en) Jill Hamilton, Marengo, the Myth of Napoleon's Horse, Londres, Fourth Estate, , 256 p. (ISBN 978-1-841-15352-0).
  • Jérémie Benoît, Marengo : Une victoire politique, Paris/Rueil-Malmaison, Réunion des musées nationaux, , 180 p. (ISBN 2-7118-4010-7).
  • (en) David Hollins, The Battle of Marengo 1800, Osprey Publishing, , 112 p. (ISBN 1-84176-117-6).
  • (en) Gregory Fremont-Barnes, The French Revolutionary Wars, Routledge : New Edition, , 95 p. (ISBN 978-1-57958-365-1, présentation en ligne).
  • (en) James R Arnold, Marengo & Hohenlinden : Napoleon's Rise to Power, Pen & Sword, , 301 p. (ISBN 1-84415-279-0).
  • (en) David Hollins, The Encyclopedia of the French Revolutionary and Napoleonic War, ABC-CLIO, (ISBN 1-85109-646-9), « Battle of Marengo ».
  • Valeria Pansini, « La bataille, événement dans l'espace : localisation, mémoire, célébration Marengo,  », dans Ariane Boltanski, Yann Lagadec et Franck Mercier (dir.), La bataille : du fait d'armes au combat idéologique, XIe – XIXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 288 p. (ISBN 978-2-7535-4029-3, présentation en ligne), p. 245-259.
  • Jiří Procházka: Mitteleuropa-Frankreich. Das Jahr 18OO. ITEM, Brno 2OO8. 5O p. ISBN 8O-9O3476-2-2

Jeux de simulations historiques

  • Marengo 1800, de Frédéric Bey et Marc Brandsma (série Jours de Gloire, Væ Victis no 35, 2000).
  • Bonaparte at Marengo de Bowen Simmons (Simmons Games, 2005).

Notes et références

Notes

  1. Si le thème et le nom en sont semblables, il ne s'agit cependant pas de La Madelon interprétée par Charles-Joseph Pasquier dit Bach en 1914 et qui allait devenir la chanson des poilus.

Références

  1. Lentz 1999.
  2. Hollins 2006, p. 605-606.
  3. Hollins 2006, p. 606.
  4. Benoît 2000, p. 117.
  5. Hollins 2000, p. 16.
  6. Hollins 2000, p. 15.
  7. Benoît 2000.
  8. Hollins 2000, p. 17.
  9. Hollins 2000, p. 18.
  10. Thoumas 1891.
  11. Arnold 2005, p. 146.
  12. Arnold 2005, p. 149.
  13. Benoît 2000, p. 119.
  14. Hollins 2006, p. 607.
  15. Arnold 2005, p. 151.
  16. Arnold 2005.
  17. Coignet 1907.
  18. Thiers 1863, p. 441.
  19. Arnold 2005, p. 162.
  20. Thiers 1863, p. 440.
  21. Chandler, p. 269.
  22. Arnold 2005, p. 177–180.
  23. Hollins 2006, p. 607-608.
  24. Hollins 2006, p. 608.
  25. Benoît 2000, p. 137.
  26. D'après Jean Tulard in Marengo ou l'Etrange Victoire de Bonaparte, éd. Buchet-Chastel, 2021, p. 26.
  27. Selon Fremont-Barnes, 6 000 morts et 8 000 prisonniers, en plus de 40 canons (Fremont-Barnes 2001).
  28. Benoît 2000, p. 122.
  29. Benoît 2000, p. 123.
  30. Benoît 2000, p. 138.
  31. Ladvocat 1809.
  32. Hamilton 2000.
  33. (en) Peter Hicks, « Marengo Museum : opening weekend », Napoleon.org, (consulté le ).
  34. « Site du musée ».
  35. « St. Hilaire's History of the Imperial Guard : Music of the Imperial Guard », sur napoleon-series.org (consulté le ).
  36. Blond 1982.
  37. Emmanuel Rubin, « Les dessous du poulet Marengo », Le Figaro, encart « Le Figaro et vous », 24-25 avril 2021, p. 29.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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