Charlotte de Belgique

Charlotte de Belgique, née au château de Laeken (Belgique) le et morte le au château de Bouchout à Meise (Belgique), est une princesse de Belgique, princesse de Saxe-Cobourg et Gotha et duchesse en Saxe. Elle est l'unique fille de Léopold Ier, roi des Belges, et de la reine Louise d'Orléans. En qualité d'épouse de l'archiduc Maximilien d'Autriche, vice-roi de Lombardie-Vénétie puis empereur du Mexique, elle devient, en 1857, archiduchesse d'Autriche, puis, en 1864, impératrice du Mexique.

Charlotte de Belgique
L'impératrice Charlotte.

Titre

Impératrice du Mexique


(3 ans, 2 mois et 9 jours)

Prédécesseur Ana María de Huarte y Muñiz (indirectement)
Successeur Abolition de l'empire
Biographie
Titulature Princesse de Belgique
Princesse de Saxe-Cobourg et Gotha
Duchesse en Saxe
Impératrice du Mexique
Dynastie Maison de Saxe-Cobourg et Gotha (puis maison de Belgique)
Naissance
Château de Laeken (Laeken, Belgique)
Décès
Meise (Belgique)
Sépulture Crypte royale de Laeken
Père Léopold Ier
Mère Louise d'Orléans
Conjoint Maximilien Ier
Enfants Agustín de Iturbide y Green (adoptif)
Salvador de Iturbide y Marzán (adoptif)
Résidence Château de Miramare (1860-1864) et (1866-1867)
Château de Miravalle (1864-1866)
Pavillon de Tervueren (1867) et (1869-1879)
Château de Laeken (1867-1869)
Château de Bouchout (1879-1927)
Religion Catholicisme romain

Signature

Charlotte demeure un peu plus de deux années au Mexique en tant qu'impératrice consort. Elle seconde son mari, qui la laisse gouverner lors de ses absences de Mexico. Lorsque l'empereur Napoléon III ordonne le retrait de l'aide militaire française destinée à appuyer le pouvoir impérial de Maximilien, la situation du couple impérial mexicain devient intenable. De sa propre initiative, Charlotte décide de se rendre personnellement en Europe afin de tenter une ultime démarche auprès de Paris et du Vatican.

Elle débarque en France en , mais essuie les refus successifs de l'empereur Napoléon III et du pape Pie IX. À Rome, sa santé mentale paraît compromise au point qu'un médecin aliéniste préconise le confinement de Charlotte dans sa propriété de Miramare. C'est au cours de son séjour en résidence surveillée que l'empereur Maximilien est fusillé au Mexique en . Ignorant qu'elle est veuve, Charlotte est ramenée en Belgique. Elle y demeure près de soixante ans dans un état psychique délétère, donnant lieu depuis lors à de nombreuses spéculations, avant de mourir en 1927.

Biographie

Premières années

Charlotte de Belgique par Franz Xaver Winterhalter en 1842.

Marie Charlotte Amélie Auguste Victoire Clémentine Léopoldine de Saxe-Cobourg et Gotha, plus connue sous le nom de Charlotte de Belgique, est la fille du roi des Belges Léopold Ier et de la reine Louise d'Orléans. Son prénom rend hommage à la défunte princesse de Galles, première épouse de son père. Elle est le quatrième et dernier enfant et la seule fille du couple, après Louis-Philippe (mort à moins d'un an en 1834), Léopold (né en 1835) et Philippe (né en 1837)[1]. La dernière grossesse de la reine est difficile au point que l'on craint en avril une fausse couche, mais le à une heure du matin, Charlotte naît en bonne santé[K 1]. Initialement déçu par la naissance d'une fille, qui n'est pas dynaste en Belgique à cette époque, le roi est peu à peu charmé par sa fille[2] qui devient sa favorite[B 1]. Petite-fille par sa mère du roi des Français Louis-Philippe Ier et cousine de la reine Victoria, Charlotte effectue des séjours réguliers à Ostende en été et passe de longues vacances chez ses grands-parents maternels dans les résidences royales françaises[B 2] et chez sa cousine à Windsor[K 2].

Léopold Ier et sa famille par Charles Baugniet vers 1850.

À la mort de sa mère, le [B 3], Charlotte n'a que 10 ans. La petite fille turbulente et expansive devient rapidement une adolescente pensive et introvertie. La défunte reine Louise supervisait personnellement l'éducation et l'instruction des enfants royaux. Respectant les souhaits de la défunte, le roi désigne la comtesse Denise d'Hulst, une aristocrate française, pour veiller particulièrement sur Charlotte, dont elle devient la gouvernante[B 4]. Fuyant Laeken dès qu'il le peut, le roi Léopold est peu présent auprès de ses enfants, qui en pâtissent[B 5]. Très tôt, Charlotte est à même de s'exprimer à l'oral et à l'écrit en français, anglais et allemand. Son instruction religieuse est confiée au père Victor-Auguste Dechamps, plus tard cardinal et archevêque de Malines et donc primat de Belgique. La religion tient une place majeure dans la vie de la princesse[3].

Le roi Léopold exige que ses enfants effectuent de fréquents examens de conscience, estimant que les têtes couronnées doivent posséder une grande force de caractère. Après le retour de madame d'Hulst en France, c'est la comtesse Marie-Auguste de Bovée, sa nouvelle gouvernante, qui éduque Charlotte, l'engageant à lire et méditer quotidiennement L'Imitation de Jésus-Christ[K 3]. À 13 ans, son auteur favori est Plutarque, tandis qu'elle juge Ovide puéril. Très tôt, elle est persuadée que les princes devront rendre davantage de comptes à Dieu que le reste de l'humanité[K 4]. Sa manie d'apprendre lui rend la société insipide, écrit-elle à 15 ans. À cet âge, elle est considérée comme une beauté distante, consciente de sa dignité et cherchant à atteindre une inaccessible perfection morale[K 5]. Elle a tendance à juger sévèrement son entourage et s'entend davantage avec son frère Philippe qu'avec Léopold[B 6].

Union avec Maximilien de Habsbourg-Lorraine

La princesse Charlotte et son fiancé l'archiduc Maximilien photographiés par Louis-Joseph Ghémar (1857).

En 1856, alors que Charlotte s'apprête à fêter ses seize ans, deux prétendants sollicitent sa main : le prince Georges de Saxe  rapidement évincé  et le roi Pierre V de Portugal. Ce dernier est le candidat favori de la reine Victoria et aussi du roi Léopold[B 7]. Par choix personnel, et sous l'influence de madame d'Hulst affirmant qu'à la cour portugaise aucun prêtre ne la comprendra, Charlotte décline l'offre de mariage avec le roi Pierre V[B 8]. Elle explique : « Quant à Pedro, c'est un trône, il est vrai, je serais Reine et Majesté mais qu'est-ce que cela, les couronnes de nos jours sont de lourds fardeaux et comme on regrette plus tard d'avoir cédé à de si folles considérations[P 1]. »

Au mois de , la princesse rencontre à Bruxelles l'archiduc Maximilien d'Autriche, frère cadet de l'empereur François-Joseph. Elle est immédiatement charmée par ce prince de huit ans son aîné[B 8] : ce sera lui qu'elle épousera[1]. Son père lui laisse d'ailleurs le choix de son futur époux ; comme elle en témoigne dans une lettre adressée à sa grand-mère Marie-Amélie : « il m'a écrit la lettre la plus impartiale, me mettant sous les yeux les avantages de l'un et de l'autre sans vouloir en rien m'influencer[P 1] ». Quant au roi Léopold, il écrit à son futur gendre : « Vous avez conquis en mai [...] toute ma confiance et ma bienveillance. J'ai aussi remarqué que ma fillette partageait ces dispositions ; cependant il était de mon devoir de procéder avec précaution[P 2] ». Charlotte déclare : « si comme il est en question l'Archiduc était investi de la vice-royauté d'Italie, ce serait charmant, c'est tout ce que je désire[P 2] ». Les fiançailles sont conclues le [DC 1].

Charlotte est littéralement exaltée par la perspective de son mariage avec Maximilien[V 1]. Elle ne tarit pas d'éloges sur son fiancé, auquel elle imagine un destin d'exception[B 8]. Elle ignore cependant qu'après leur première rencontre, Maximilien serait rentré à Vienne sans même mentionner Charlotte. S'il reste favorable à la proposition de mariage belge, il ne manifeste pas d'enthousiasme et n'est pas amoureux[C 1]. Opportuniste, il négocie âprement la dot de sa promise[V 1]. Jusqu'ici, Maximilien, prisant les arts, l'architecture flamboyante et les vastes domaines, ne peut donner corps à ses projets, ni mener le train de vie qu'il souhaite. L'archiduc dit de sa fiancée : « Elle est petite, je suis grand, ce qui doit être. Elle est brune, je suis blond, ce qui est bien aussi. Elle est très intelligente, ce qui est un peu ennuyeux, mais sans doute en viendrai-je à bout ». Le mariage est célébré le , au palais royal de Bruxelles[C 2]. Cette nouvelle alliance avec la Maison de Habsbourg-Lorraine conforte la légitimité de la dynastie Belge - encore récente - au sein des maisons souveraines fière de leur ancienneté.

Charlotte en Italie

Visite de l'impératrice Élisabeth au château de Miramare en 1861. Charlotte de Belgique (en toilette rose) accueille Élisabeth pendant que Maximilien et son frère l'empereur François-Joseph Ier d'Autriche attendent à bord par Cesare Dell'Acqua (1865).
Le château de Miramare au début du XXIe siècle.

En , l'empereur d'Autriche François-Joseph Ier nomme son frère Maximilien vice-roi du royaume lombardo-vénitien. Après une courte halte à Schönbrunn, où ils rencontrent la famille impériale autrichienne, les jeunes mariés se rendent à Miramare (que Charlotte découvre), où ils demeurent durant huit jours. Ils visitent ensuite Venise et Vérone. Le , Charlotte et Maximilien font leur entrée solennelle à Milan, où ils sont chaleureusement accueillis. Certains journaux prétendent que leur entrée aurait été ridicule en raison de leurs voitures et de leurs livrées. Léopold, duc de Brabant, écrit au comte de Flandre : « Tous les valets portaient des hallebardes ! À Paris on a beaucoup parlé de cela [...]. Si nous péchons ici par trop de simplicité, on leur reproche à eux un luxe bouffon d'un autre temps et qui paraît de nos jours trop déplacé »[K 6].

En Italie, le couple archiducal réside officiellement à Milan, siège du gouvernement de Lombardie-Vénétie[DC 2]. Ils séjournent tantôt au Palais royal, tantôt à la villa de Monza au caractère plus intime[DC 3]. En sa qualité de gouverneur, Maximilien est doté d'une cour importante comprenant chambellans et majordomes. Charlotte est entourée d'une grande-maîtresse, de dames d'honneur et d'une suite nombreuse. C'est cependant à Venise que Charlotte se plaît le mieux. Lors des fêtes de Pâques de 1858, Maximilien et elle descendent le Grand Canal à bord d'une gondole d'apparat. Charlotte accomplit également des visites aux institutions de charité et aux écoles[K 7]. De fastueuses fêtes et des bals sont donnés en l'honneur de la noblesse, mais les aristocrates y brillent par leur absence. En 1859, Charlotte acquiert l'île de Lokrum et son couvent en ruine. Elle fait procéder rapidement à la transformation de cette abbaye bénédictine en résidence secondaire[K 8],[N 1]. Sur le plan privé, Maximilien délaisse rapidement son épouse, qui se plaint après un an de mariage de sa solitude et de son ennui[V 2].

Le , Maximilien, jugé par le gouvernement de Vienne trop libéral dans les réformes qu'il souhaite entreprendre, trop indulgent à l'égard des rebelles italiens et trop dépensier[K 9], est contraint par son frère l'empereur d'Autriche de démissionner de sa fonction de vice-roi de Lombardie-Vénétie[DC 3]. Charlotte et Maximilien se retirent dès lors au château de Miramare à l'une des extrémités du golfe de Trieste[DC 4]. La construction du château se termine en 1860 selon les plans de Maximilien et grâce à la dot de Charlotte. Son frère, le futur Léopold II, ne manque pas de noter dans son journal : « La construction de ce palais par les temps qui courent est une folie sans borne »[5]. Lors de cet exil doré mais forcé à Miramare, Charlotte brosse un portrait idyllique de cette retraite au cours de laquelle l'éloignement des époux devient de plus en plus marqué. Pour tromper son ennui, Charlotte pratique l'équitation, peint et nage. Quant à leur vie conjugale, elle est réduite à néant[V 3].

Visite de Maximilien et Charlotte à Tétouan en . Gravure de Gustave Janet.

Entretemps, Maximilien et Charlotte entreprennent un voyage à bord du yacht Fantasia, qui les mène jusqu'à Madère en , sur les lieux où la princesse Marie-Amélie du Brésil, jadis fiancée à Maximilien, est morte six ans auparavant[6]. Là, Maximilien est en proie à d'intenses regrets mélancoliques[7]. Souffrante, Charlotte reste seule à Funchal durant trois mois, tandis que son époux poursuit seul son pèlerinage sur les traces de sa défunte fiancée jusqu'au Brésil où il visite trois états : d'abord Bahia, puis Rio de Janeiro et enfin Espírito Santo[7]. Au retour de son périple, Maximilien revient par Funchal, où Charlotte et lui s'apprêtent à rentrer en Europe, non sans avoir fait une escale à Tétouan, où ils accostent le [8].

Le , parvient à Miramare une délégation de notables mexicains qui offrent officiellement à l'archiduc la couronne de leur pays. En réalité, les négociations à ce sujet sont en cours depuis plus de deux ans : Napoléon III rêve de créer un empire latin et catholique qui limiterait l'influence des États-Unis d'Amérique alors en proie à la guerre de Sécession. L'empereur des Français promet de soutenir militairement Maximilien si celui-ci accepte de partir pour le Mexique. Toutefois, l'archiduc hésite et tarde à accepter de tenter l'aventure. Il subordonne son assentiment à la ratification par le peuple mexicain du choix des notables et exige des garanties pour assurer le pays contre les dangers qui menacent son indépendance et son intégrité. Quant à Charlotte, elle estime que la réception de la couronne mexicaine constitue une mission visant à ramener l'ordre et la civilisation sous la bannière des Habsbourg, qui régneraient de nouveau sur un empire où le soleil ne se couche jamais[V 4].

Le départ pour le Mexique

La frégate SMS Novara par Josef Püttner - (Venise après 1862).

Le dans la salle du trône de Miramare, Maximilien devient officiellement empereur du Mexique. Il affirme que les vœux du peuple mexicain lui permettent de se considérer comme l'élu légitime du peuple. En réalité, Maximilien a été trompé par quelques conservateurs mexicains qui l'assurent fallacieusement d'un appui populaire massif. Pour tout document justificatif, la députation mexicaine produit les actes d'adhésion sur lesquels on s'est contenté d'écrire en marge le chiffre de la population de la localité à laquelle chacun des délégués appartient, comme si tous les habitants s'étaient rendus aux urnes[C 3]. Maximilien leur déclare qu'il « accepte la couronne des mains de la nation mexicaine » et jure « d'assurer par tous les moyens le bien-être, la prospérité, l'indépendance et l'intégrité de cette nation »[C 4].

Audience de Maximilien et Charlotte auprès du pape Pie IX le 19 avril 1864 - gravure d'après Ferdinand Laufberger.

Ce même , un dîner officiel est prévu à Miramare dans le grand salon aux Mouettes. Au bord de la dépression nerveuse, Maximilien se retire dans ses appartements, où il est examiné par le docteur August von Jilek ; ce dernier le trouve prostré et si accablé qu'il lui propose de se reposer au pavillon du Gartenhaus. Charlotte préside donc seule le banquet. Le départ pour le Mexique est fixé au . À bord de la frégate autrichienne SMS Novara, escortée par la frégate française Thémis, Maximilien se montre plus serein. Charlotte et lui font escale à Rome afin d'y recevoir la bénédiction du pape Pie IX. Le , lors de l'audience pontificale, chacun évite d'évoquer directement la spoliation des biens du clergé par les républicains mexicains, mais le pape ne peut s'empêcher de souligner que Maximilien devra respecter les droits de ses peuples et ceux de l'Église[C 5].

Durant la longue traversée, Maximilien et Charlotte évoquent peu les difficultés diplomatiques et politiques auxquelles ils seront bientôt confrontés, mais ils conçoivent dans ses moindres détails l'étiquette de leur future cour. Ils commencent à rédiger un manuscrit de six-cents pages relatif au cérémonial, étudié dans ses aspects les plus minutieux. La Novara fait escale à Madère et en Jamaïque. Les voyageurs essuient de lourds orages avant une dernière escale en Martinique. En vue de Veracruz, Charlotte écrit à sa grand-mère : « Nous allons toucher dans quelques heures le sol de notre nouvelle patrie... Je suis ravie des Tropiques et je ne rêve que de papillons et de colibris [...] Je n'aurais jamais cru que en ce qui regarde les régions où nous allons vivre, mes souhaits fussent aussi complètement comblés. »[C 6].

Le règne

Portrait de l'impératrice Charlotte par Albert Graefle (1865).
Le château de Chapultepec au début du XXIe siècle.

Maximilien et Charlotte font leur entrée solennelle à Mexico, le [C 7]. Au palais national de Mexico, dont l'état requiert d'importants travaux, ils préfèrent le château de Chapultepec comme résidence[C 8]. Ils jouissent aussi en été du palais des Cortés à Cuernavaca. Maximilien et Charlotte commencent leur règne animés par une généreuse confiance. Peu après leur arrivée au Mexique, ils entreprennent d'onéreux aménagements dans leurs diverses propriétés et aux alentours, alors que la situation du Trésor est catastrophique[C 9]. Charlotte prise beaucoup les diverses fêtes, parades militaires, bals et représentations théâtrales[C 10].

En dépit des descriptions idylliques que Maximilien et Charlotte adressent à leurs proches en Europe[C 11], il ne leur faut guère de temps pour mesurer l'insécurité et le désordre qui règnent dans leur empire. Leurs résidences sont perpétuellement surveillées par une importante garde armée destinée à repousser des bandes rebelles qui se risquent jusqu'aux abords des palais[K 10]. L'intervention française, soutenue par des contingents belges et espagnols, succède à une longue guerre civile qui a tout désorganisé[C 12]. Les quelque 30 000 à 40 000 soldats du corps expéditionnaire français, dirigés par le maréchal Bazaine, doivent contrer de multiples escarmouches menées par les guérilleros sur un territoire grand comme quatre fois la France[C 13].

Il apparaît clairement que seule une minorité conservatrice du peuple mexicain a réellement fait appel aux puissances étrangères. L'empereur tente en vain une conciliation entre les partis libéraux et conservateurs[K 11]. Il décide de mener une politique libérale, mais il s'aliène les conservateurs et le clergé en approuvant la sécularisation des biens ecclésiastiques au profit du domaine national[C 14]. Lorsqu'il s'absente de Mexico, parfois durant plusieurs mois, Maximilien laisse Charlotte gouverner : elle préside le conseil des ministres et donne, au nom de son mari, une audience publique les dimanches[C 15]. La popularité des souverains est déjà éteinte avant la première année de leur règne[C 16].

Sans enfant issu de son mariage, Maximilien, à la désapprobation de Charlotte[C 17], décide en d'adopter les deux petits-fils du précédent empereur Augustin Ier du Mexique  Agustín de Iturbide y Green et Salvador de Iturbide y Marzán , fondant ainsi la maison de Habsbourg-Iturbide. Agustín n'a que deux ans lors de son adoption et doit être, selon la volonté de Maximilien, séparé de sa mère. Cette situation heurte Charlotte, obligée par son mari d'aller chercher elle-même l'enfant chez ses parents. Quant à l'opinion publique, elle est unanime contre Maximilien[C 18]. Afin que Charlotte ne puisse jamais contraindre son mari à revenir sur sa décision d'adoption des Iturbide, Maximilien demande la publication dans les journaux européens du traité secret conclu entre les Iturbide et lui[C 19].

Un an après l'arrivée de Maximilien et Charlotte, la situation au Mexique est toujours délétère et la pacification du pays est enrayée. Charlotte écrit : « Comme un désastre ne vient pas seul, l'intérieur continue à être ravagé. Des bandes sortent comme de dessous terre là où il n'y en avait pas avant »[C 20]. La question du financement détériore les rapports entre la France et le Mexique[C 16]. Les républicains de l'ancien président mexicain Benito Juárez multiplient les coups de main et enrôlent de nombreux éléments venus des États-Unis, où la guerre de Sécession a pris fin. La légion belge, composée de 4 000 hommes, est sévèrement battue par les juáristes à la bataille de Tacámbaro, le , mais elle remporte la victoire de la Loma le sous les ordres du lieutenant-colonel  plus tard général  Alfred van der Smissen[9].

Face à une situation aussi complexe qu'inextricable, Maximilien se résout, sous la pression du maréchal Bazaine et de l'armée française[10], à adopter une répression implacable à l'encontre des rebelles. Il publie le « décret noir » du qui, tout en promettant une amnistie aux dissidents qui se rendront, déclare en son premier article : « Tous les individus faisant partie de bandes ou de rassemblements armés existant sans autorisation légale, qu'elles proclament ou non un prétexte politique [...] seront jugés militairement par les cours martiales. S'ils sont déclarés coupables, lors même que ce ne serait que du seul fait d'appartenir à une bande armée, ils seront condamnés à la peine capitale et la sentence sera exécutée dans les vingt-quatre heures[11]. » En vertu de ce décret, plusieurs centaines[12] d'opposants sont sommairement exécutés[C 21].

Séjour au Yucatán et départ du Mexique

Uxmal : Grande pyramide vue de la pyramide du Devin. Au premier plan la maison des tortues et à droite le groupe du pigeonnier.

Quant à Charlotte, elle effectue à partir du une visite officielle de presque deux mois dans le Yucatán. Sans Maximilien, mais accompagnée par une suite imposante, elle s'embarque sur le Tabasco, navire en piètre état dont le tangage rend la traversée du golfe du Mexique très éprouvante. Le Yucatán, éloigné des tragiques événements qui ensanglantent le reste du Mexique, réserve un accueil presque chaleureux à l'impératrice[C 22]. Ce voyage lui offre une succession de festivités jusqu'à son arrivée à Mérida, capitale de la province[K 12]. La voyageuse en profite ensuite pour s'arrêter à Uxmal, l'antique cité maya dont elle admire les curiosités archéologiques[C 23]. Lorsqu'elle revoit Maximilien à Cuernavaca la veille du jour de l'an 1866, il lui fait part des nouveaux projets législatifs qu'il a conçus. Charlotte et son mari demeurent quelques jours à Cuernavaca, où le matin du , elle apprend la nouvelle de la mort de son père le roi Léopold presque quatre semaines auparavant[C 24]. Le , un nouveau deuil affecte Charlotte : sa grand-mère maternelle, la reine Marie-Amélie, à laquelle elle était très attachée, meurt en Angleterre[B 9].

À partir de , Napoléon III, poussé par l'opinion publique française, hostile à l'expédition mexicaine, décide de commencer à retirer les troupes qui devaient soutenir Maximilien au Mexique jusqu'en 1867[13]. À l'issue du retrait du corps expéditionnaire français, Maximilien ne disposera plus autour de lui que de l'appui de quelques soldats mexicains impérialistes auxquels se sont joints des Belges et des Autrichiens[C 25]. L'annonce du retrait français incite la légation belge à quitter le pays, elle aussi. Au printemps 1866, Charlotte prend l'initiative de tenter directement une ultime démarche auprès de Napoléon III afin qu'il revienne sur sa décision d'abandonner la cause mexicaine. Animée par ce dessein, Charlotte quitte le Mexique le [C 26].

Certains suspectent Charlotte d'être tombée enceinte peu avant ce voyage et qu'Alfred van der Smissen, aide de camp de l'impératrice, serait l'amant de Charlotte et le père caché de son enfant, mais cette hypothèse émise à la fin du XXe siècle est infirmée depuis lors[14],[N 3].

Retour en Europe

Photographie de l'impératrice Charlotte en robe de deuil, par Eugène Disdéri.

Le , l'impératrice Charlotte débarque en Europe avec ses deux fils à bord du paquebot Impératrice Eugénie. Elle vient plaider la cause du Mexique à Paris et à Rome. Lorsqu'elle accoste à Saint-Nazaire, aucune cérémonie officielle de bienvenue n'est prévue. Alors qu'elle pensait être invitée à résider aux Tuileries, Charlotte doit descendre au Grand Hôtel à Paris. Averti par Bazaine de l'arrivée de Charlotte en France, Napoléon III tergiverse avant de la rencontrer. Il a interrompu sa cure à Vichy pour soigner l'inflammation aiguë de la prostate et de la vessie dont il souffre. À Saint-Cloud, il reçoit le télégramme de Charlotte sollicitant une entrevue. Malade et alité, l'empereur ne souhaite pas voir Charlotte. Il envoie d'abord l'impératrice Eugénie au Grand Hôtel avant d'accepter de la recevoir le lendemain , au château de Saint-Cloud[B 10].

Charlotte a minutieusement préparé sa plaidoirie sous forme d'un mémoire d'une vingtaine de pages. L'entrevue avec Napoléon III se solde par un échec complet : l'empereur, affirmant qu'il ne peut rien décider sans l'aval de ses ministres, refuse de négocier de nouvelles garanties financières et militaires en faveur du Mexique. Deux jours plus tard, Charlotte revient à Saint-Cloud pour tenter d'infléchir de nouveau la décision de l'empereur. Une vive discussion éclate en présence de l'impératrice Eugénie, qui se laisse tomber dans un fauteuil en simulant un évanouissement. Le conseil des ministres du confirme la position de Napoléon III et s'oppose formellement à maintenir toute ingérence de la France au Mexique. Le , Napoléon III se rend personnellement au Grand Hôtel pour confirmer à Charlotte que la France n'agira plus au Mexique. Son refus est irrévocable[K 13].

Ébranlée par le refus de Napoléon III, Charlotte quitte la France pour se rendre dans son domaine de Miramare. Elle évite de passer par Bruxelles[N 4] et Vienne. La Belgique et l'Autriche s'étant déjà retirées, Charlotte ne songe même pas à demander de l'aide à sa famille ou à sa belle-famille. En effet, bien que le défunt père de Charlotte, Léopold Ier, ait été relativement réticent à l'aventure mexicaine[2], son fils, devenu Léopold II, autrefois ardent partisan des ambitions de sa sœur, ne peut plus ignorer l'hostilité des Belges envers un pays qui leur apporte souvent de mauvaises nouvelles. Charlotte est désormais isolée et ne peut compter sur le soutien de quiconque en Europe[B 11].

Après un séjour d'un mois à Trieste, Charlotte se met en route vers le Vatican, pour tenter de gagner le souverain pontife à sa cause, mais le pape Pie IX n'a aucune raison de compromettre l'Église dans cette entreprise[18]. Le , Charlotte arrive à Rome. Durant plusieurs jours, l'impératrice va s'entretenir avec le souverain pontife. À Rome, Charlotte adopte un comportement étrange. Elle revêt des habits de deuil et affirme que tout le monde veut l'empoisonner. Elle demande à être conduite à la fontaine de Trevi pour s'y désaltérer car elle n'a pris aucune boisson les jours précédents, craignant d'être empoisonnée. Elle refuse de regagner son hôtel et prétend demeurer dans les appartements pontificaux[B 11]. Le pape la laisse manger une partie de son propre dîner et contrevient aux règles du Saint-Siège en laissant Charlotte dormir[N 5] au Vatican[18].

Dépêché par le roi Léopold II inquiet des nouvelles qu'il reçoit de Charlotte, son frère Philippe, comte de Flandre arrive prestement à Rome le [B 12]. Deux jours plus tard, il emmène sa sœur et les deux princes à Miramare. L'impératrice persiste dans ses idées fixes d'empoisonnement. Le comte de Flandre narre au roi Léopold II les errements comportementaux de leur sœur. Après avoir examiné Charlotte, Josef Gottfried von Riedel, un médecin aliéniste viennois, pose le diagnostic de « folie avec des idées fixes de persécution[K 14] », estimant que le climat mexicain l'a prédisposée à son état, aggravé par le refus qu'elle a essuyé en France[B 11]. Arrivée à Miramare, Charlotte est maintenant littéralement séquestrée au pavillon du Gartenhaus de Miramare, que surveillent des agents de la sûreté autrichienne[DC 5].

L'Exécution de Maximilien, (représentation imaginaire) par Édouard Manet (1868).

Lorsque la nouvelle de l'exécution à Santiago de Querétaro de Maximilien est connue, la famille royale belge interrompt sa visite à Paris, où elle s'était rendue pour visiter l'Exposition universelle, et regagne Bruxelles au début . Sa famille décide de dissimuler à Charlotte la mort de Maximilien [DC 6]. Le mari de Charlotte étant mort, un problème d'autorité se pose. Charlotte acceptait jusqu'ici sa réclusion à Miramare, alors en territoire autrichien, croyant que Maximilien exigeait ce confinement pour sa sécurité. Léopold II considère qu'il n'y a aucune raison que Charlotte reste en Autriche. Cependant un autre écueil se dresse : après l'arrestation de Maximilien le , son frère François-Joseph lui a restitué son rang dans la famille royale, persuadé que personne n'oserait fusiller un archiduc. De fait, Charlotte est à nouveau archiduchesse et dépend donc en principe du bon vouloir de sa belle-famille Habsbourg[DC 7].

En , le roi Léopold II mandate à Vienne la reine Marie-Henriette, accompagnée du baron Adrien Goffinet, homme de confiance du roi, afin de plaider auprès de la cour d'Autriche la libération de Charlotte et de la ramener en Belgique[DC 1]. Quand la reine Marie-Henriette arrive à Miramare le [DC 8], elle découvre Charlotte dans un état physique et psychique dramatique. Elle constate que depuis neuf mois Charlotte est en réalité prisonnière de la sécurité autrichienne. Marie-Henriette et Goffinet réussissent, après deux semaines de négociations, à soustraire Charlotte à ses gardiens et à la convaincre de revenir avec eux en Belgique[DC 9].

Retour et établissement en Belgique

Incendie du Pavillon de Tervueren (gravure d'Auguste Trichon) (1879).
Le château de Bouchout, résidence de l'impératrice Charlotte (gravure de Charles Baude) (1880).
La princesse Charlotte de Belgique, impératrice du Mexique à Bouchout vers 1914.
Les obsèques de Charlotte de Belgique à Laeken, le .

Arrivée en Belgique, Charlotte réside jusqu'au près de Bruxelles, dans le pavillon construit dans le parc de Tervueren par Charles Vander Straeten pour Guillaume d'Orange[19], qui s'avère insuffisamment meublé et trop froid à la mauvaise saison. Elle rejoint donc Léopold II et Marie-Henriette au château de Laeken, où elle s'installe dans les anciens appartements de ses frères[B 13]. Lorsque Charlotte apprend en l'exécution de son mari six mois auparavant, elle est moralement brisée[C 28]. Dans un ensemble de près de 400 lettres retrouvées en 1995 et principalement destinées à un officier français rencontré au Mexique, Charles Loysel[V 5], elle se déclare « morte » à la chute de l'empire du Mexique. Ces lettres par leur nombre et leur longueur (parfois jusqu'à vingt pages) offrent également le témoignage d'une vie quotidienne ponctuée par les crises de paranoïa et les soins qui lui sont prodigués[N 6].

Ses deux fils adoptifs sont revenus avec elle en Europe. L'aîné Agustín part étudier en Angleterre puis aux États-Unis. Le second, Salvador, reste en Europe[N 7]. En , Charlotte quitte Laeken pour regagner Tervueren, où trente-sept personnes sont préposées à son service, dont cinq laquais à sa table[K 15]. Elle continue de vouer un culte passionné à son défunt mari, collectionnant tout ce qui lui avait appartenu. Après l'incendie du pavillon de Tervueren  dont elle est paradoxalement ravie[C 29]  en , Charlotte réside définitivement au château de Bouchout à Meise, non loin du château de Laeken, que son frère, le roi Léopold II, acquiert pour elle[B 14].

Charlotte disparaît complètement de la sphère publique, protégée par les hautes grilles de son domaine, le long desquelles passent des gardes en livrée, le mousqueton sur l'épaule. Elle ne reçoit que les visites de sa famille : principalement de ses belles-sœurs la reine Marie-Henriette et la comtesse de Flandre. Le dimanche, un abbé vient dire la messe au château. Pour se distraire, elle se promène, s'adonne à la broderie, joue aux cartes et écoute son gramophone depuis qu'elle a renoncé à jouer au piano. On ne lui annonce pas la mort de ses proches parents (Léopold II en 1909 et sa belle-sœur, la comtesse de Flandre, épouse de son frère Philippe, en 1912), ni celle de ses serviteurs car elle ne pose jamais de questions à leur sujet[K 16].

Sa dame d'honneur, Hélène, comtesse de Reinach-Foussemagne, raconte au sujet de Charlotte : « La plupart du temps, la malheureuse s'absorbait en de longs silences, ou au contraire en des discussions passionnées en français, anglais, allemand, italien, espagnol, avec d'imaginaires interlocuteurs, discussions trop incohérentes, trop décousues pour qu'on puisse deviner quelles pensées occupaient ce cerveau. [...] Dans ses soliloques passent de temps en temps, bien rarement, des phrases, des interjections qui prouvent que parfois sa pensée obscurcie revient sur ces lamentables souvenirs : « Monsieur, on vous a dit qu'on avait eu un époux ; un époux, Monsieur, et puis la folie ! La folie est faite des événements ! S'il avait été aidé par Napoléon[21] !… » » Pour leur part, la princesse Marie-José et le prince Charles évoquent les visites à leur grand-tante, se rappelant une dame âgée tenant des propos confus [K 17]. Les périodes de lucidité se font plus rares au fil du temps. À Bouchout, les crises de monomanie destructrices où elle laisse libre cours à de véritables explosions de colère (elle détruit de la vaisselle, des vases en cristal, s'acharne sur une camériste, lacère des tableaux ou déchire des livres) alternent avec des périodes calmes où elle vaque sereinement à des occupations simples[K 18].

Pendant la Première Guerre mondiale, la Belgique est envahie et seul subsiste un « lambeau de terre », La Panne, sur lequel le roi Albert Ier, neveu de Charlotte, s'installe jusqu'à l'armistice. Charlotte ne voit pas sa famille pendant ces années de guerre. En dépit du conflit, sa qualité d'archiduchesse d'Autriche la mettant à l'abri de l'occupant, son mode de vie ne change aucunement. Le pavillon autrichien flotte sur le toit du château de Bouchout. En , un officier allemand s'étant enquis de la raison de la présence des couleurs autrichiennes sur une propriété en Belgique occupée, le général Moritz von Bissing, à la tête du Gouvernement général impérial allemand de Belgique, fait apposer aux grilles du château une pancarte : « Cette habitation, propriété de la couronne de Belgique, est occupée par Sa Majesté l'impératrice du Mexique, archiduchesse Maximilien d'Autriche, belle-sœur de l'empereur François-Joseph, notre illustre allié. J'ordonne aux soldats allemands passant par ici de ne pas sonner et de laisser la place intacte[22]. »

Alitée durant quelques jours en raison de la grippe, Charlotte meurt paisiblement à Bouchout, le , à l'âge de 86 ans[1]. Le , sous une neige abondante, son cercueil étant porté par six anciens légionnaires belges survivants de l'expédition du Mexique, elle est inhumée dans la crypte royale à l'église Notre-Dame de Laeken[C 30] en présence du roi Albert Ier et de ses fils Léopold et Charles. Le , un service funèbre est célébré en l'église de Meise en présence cette fois de l'ensemble de la famille royale : le roi Albert Ier, la reine, leurs deux fils, la princesse Marie-José, la duchesse de Brabant, le prince et la princesse Napoléon, ainsi que la princesse Clémentine[21]. Une grande partie de sa fortune est gérée par le roi Léopold II, et sera utilisée pour financer l'entreprise coloniale du Congo[23].

Depuis 1902, Charlotte hébergeait dans son domaine de Bouchout le peintre Edwin Ganz, spécialiste de la représentation de chevaux et proche de la famille royale[24], en particulier de la princesse Clémentine[25]. Après la mort de Charlotte, l'artiste continue à occuper les dépendances du château jusqu'à sa mort en 1948[26].

En 1938, l'État belge achète le domaine de Bouchout en vue d'y implanter le Jardin botanique national de Belgique, trop à l'étroit sur son site bruxellois, inauguré 20 ans plus tard[27]. Ce jardin prend le nom de Jardin botanique de Meise en 2014 ; l'intérieur du château a été réaménagé à partir de 1980 en salles de réunions et de conférences, pour accueillir congrès, expositions et autres événements festifs[28],[29].

Opinions au sujet de la maladie de l'impératrice

Le château de Bouchout au début du XXIe siècle.

La nature de la pathologie mentale de Charlotte, psychose, paranoïa, monomanie..., extrêmement difficile à déterminer avec certitude a posteriori, a donné lieu à plusieurs hypothèses.

Plusieurs auteurs avancent une origine causée par une intoxication. Cette hypothèse est notamment émise par Joan Haslip, qui révèle qu'un des médecins de la cour mexicaine ajoutait du bromure dans le café de Charlotte à son insu[30]. Au Mexique, dès , des bruits se répandent que la folie de l'impératrice est attribuée à un poison qui lui aurait été versé régulièrement à petites doses[31]. Les recherches de Roger Heim corroborent cette éventualité, à savoir que Charlotte a pu être « peu à peu intoxiquée alors qu'elle était encore au Mexique, par l'introduction dans sa nourriture pendant un temps prolongé d'une drogue psychotrope[32],[33] ». Lorsqu'elle se rend en visite officielle au Yucatán, Charlotte écrit à son mari le  : « Le docteur est très gentil. Sans ses petits médicaments bien appropriés, je serais probablement tombée malade et je n'aurais pas pu supporter tout ceci. À plusieurs reprises, il me semblait qu'il y avait du poison dans l'air[34]. »

D'autres auteurs, comme Laurence Van Ypersele, Émile Meurice, Dominique Paoli ou Coralie Vankerkhoven, s'appuyant d'une part sur la correspondance de Charlotte (au cours de la seule année 1869, de février à juin, elle écrit quelque 400 lettres et billets) et d'autre part sur les rapports rédigés par les médecins qui l'ont examinée[N 8], privilégient l'étude de l'aspect psychologique de la pathologie de Charlotte[V 6], évoquant des causes biographiques et personnelles pour expliquer la démence de l'impératrice : le deuil de sa mère à 10 ans (la transformation radicale de son caractère enjoué et expansif vers l'introversion), son sens aigu du devoir, son idéal religieux élevé, son mysticisme latent, son exaltation lors de ses fiançailles, son idéalisation de Maximilien, l'absence de vie conjugale, les désenchantements et désillusions en Italie, puis au Mexique[V 7]. Coralie Vankerkhoven mentionne, elle aussi, les signes avant-coureurs de la maladie : les malaises ressentis à Uxmal (premiers signes de psychose nourris par l'étrangeté des conditions du séjour au Yucatán), le contrecoup des annonces successives de la mort de son père, puis de sa grand-mère, jusqu'à son arrivée en Europe où s'installera définitivement son trouble délirant[V 8].

Ordres

Réplique de la croix de l'Ordre de Saint Charles.

Pendant le Second Empire mexicain, Charlotte est :

Elle reçoit également les décorations suivantes :

Dans la culture populaire

La vie de l'impératrice Charlotte a inspiré des œuvres cinématographiques, des opéras, des feuilletons télévisés, des romans, ainsi qu'une bande dessinée.

Cinéma

Bette Davis qui incarna Charlotte (1938).

Plusieurs films relatent la vie de Charlotte de Belgique :

Opéras

  • Maximilien, opéra historique en trois actes et neuf scènes ; livre de R.S. Hoffman inspiré du drame Juárez und Maximilian de Franz Werfel ; musique de Darius Milhaud (1932)[39].
  • Carlota, opéra en un acte de Francisco Zendejas ; musique de Luis Sandi (1948)[40].
  • La emperatriz de la mentira, opéra d'Ángel Norzagaray ; musique de Dmitri Dudin (2012)[41],[42]

Télévision

  • Le réalisateur mexicain Raul Araiza consacre deux telenovelas au couple impérial :
    • Maximiliano y Carlota (1966) ; Charlotte y est incarnée par Maria Rivas.
    • El carruaje (1972) ; Charlotte y est incarnée par l'actrice argentine Nelly Meden.
  • Bernard Juncker et Jean-Marie De Coninck réalisent en 1993 un documentaire Charlotte et Maximilien, ou L'Empire des archidupes pour la RTBF, basé sur un scénario de Janine Lambotte[43].

Romans en langue espagnole

  • El cerro de las campanas (1868) de Juan Antonio Mateos.
  • Noticias del Imperio (1987) de Fernando del Paso.
  • Charlotte ou La nuit mexicaine (1989) de Liliane Wouters.
  • Mamá Carlota (2008) d'Adolfo Arrioja Vizcaíno.
  • El último príncipe del Imperio Mexicano (2010) de C.M. Mayo.
  • Juárez en el Convento de las Capuchinas: La reunión secreta con Maximiliano (2014) d'Adam J. Oderoll.
  • Carlota. La emperatriz que enloqueció de amor (2017) de Laura Martínez-Belli.

Bande dessinée

En 2018 paraît chez Dargaud le premier volume d'une série de bande dessinée biographique, Charlotte impératrice, par Matthieu Bonhomme (dessin) et Fabien Nury (scénario)[46]. Le second tome, intitulé Charlotte impératrice - l'Empire, paraît le et deux autres tomes sont prévus[47].

Actes d'état civil

Ascendance

Héraldique


Blason
Parti de Mexique et de Belgique.

soit : Parti

  • en 1) d’argent à une aigle royale contournée, dévorant un serpent, perché sur un double figuier de Barbarie, planté dans un rocher, mouvant lui-même d’une mer alésée, le tout au naturel.
  • et en 2) de sable, au lion d'or, armé et lampassé de gueules, sur-le-tout, écartelé, aux I et IV, contre-écartelé, aux 1 et 4 de gueules aux trois léopards d'or, armés et lampassés d'azur (d'Angleterre) ; au 2 d'or, au lion de gueules, armé et lampassé d'azur, dans un double trescheur fleuronné et contre-fleuronné du second (d'Écosse) ; au 3 d'azur, à la harpe d'or, cordée d'argent (d'Irlande) ; aux II et III, burelés de dix pièces de sable et d'or au crancelin de sinople, brochant sur le lion (de Saxe).
Ornements extérieurs
L'écu est entouré de la cordelière des douairières d'argent, accolé de l’Ordre de la Reine Marie-Louise et timbré de la couronne du 2nd Empire de Mexique.
Détails
Réunion des armes de son époux et de son père Léopold 1er.


Annexes

Articles connexes

Bibliographie

Le symbole renvoie aux ouvrages utilisés pour la rédaction de cet article.

  • (pt) Sylvia Lacerda Martins de Almeida, Uma filha de D. Pedro I : Dona Maria Amélia, Sao Paulo, Companhia Editora Nacional, , 172 p.
  • André Bénit, Charlotte, Princesse de Belgique et Impératrice du Mexique (1840-1927) : Un conte de fées qui tourne au délire, Plougastel, Historic'one, , 228 p. (ISBN 978-2-91299-462-2).
  • André Bénit, « Charlotte de Belgique, impératrice du Mexique. Une plongée dans les ténèbres de la folie. Essai de reconstitution fictionnelle », dans Mises en littérature de la folie, Universidad de La Lagune, coll. « Monografías de Çédille » (no 7), (ISSN 1699-4949, lire en ligne), p. 13-54.
  • André Bénit, Légendes, intrigues et médisances autour des « archidupes ». Charlotte de Saxe-Cobourg-Gotha, princesse de Belgique / Maximilien de Habsbourg, archiduc d’Autriche : Récits historique et fictionnel, Bruxelles, Éditions scientifiques internationales Peter Lang, , 438 p. (ISBN 978-2-8076-1470-3)[48].
  • Marthe Bibesco, Charlotte et Maximilien, Paris, Ditis, , 438 p..
  • Damien Bilteryst, Philippe comte de Flandre : Frère de Léopold II, Bruxelles, Éditions Racine, , 336 p. (ISBN 978-2-87386-894-9, présentation en ligne). .
  • André Castelot, Maximilien et Charlotte du Mexique : la tragédie de l'ambition, Paris, Perrin, (ISBN 978-2-26201-765-1). .
  • Victor Capron, Le Mariage de Maximilien et Charlotte. Journal du duc de Brabant. 1856-1857, Bruxelles, .
  • Olivier Defrance, Léopold Ier et le clan Cobourg, Bruxelles, Racine, , 370 p. (ISBN 978-2-87386-335-7). .
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  • Suzanne Desternes et Henriette Chandet, Maximilien et Charlotte, Paris, Librairie Académique Perrin, , 520 p.
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  • Dominique Paoli, L'Impératrice Charlotte : « Le soleil noir de la mélancolie », Paris, Perrin, , 328 p. (ISBN 978-2-262-02131-3). .
  • Hélène de Reinach-Foussemagne, Charlotte de Belgique, impératrice du Mexique, Paris, Plon, .
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Liens externes

Notes et références

Notes

  1. L'impératrice garde l'île de Lokrum parmi ses biens personnels. En raison de la démence de sa sœur, Léopold II est nommé tuteur et se charge de l'entretien de la propriété durant quelques années avant que l'île de Lokrum soit placée sous l'administration de l'intendant de la liste civile impériale d'Autriche. Ensuite, la possession de l'île passe en 1880 au prince héritier de Habsbourg, l'archiduc Rodolphe, fils unique de l'empereur François-Joseph. Après la mort de Rodolphe, la famille impériale vend l'île à la famille de Windisch-Graetz. Lors de son mariage avec le prince Othon de Windisch-Graetz en 1902, l'archiduchesse Élisabeth-Marie (fille unique de Rodolphe) reçoit l'île comme cadeau[4].
  2. Le père de l'enfant à l'origine de la rumeur était bien Van der Smissen, mais sa mère était la princesse Mélanie Metternich, fille du chancelier autrichien.
  3. Les tenants de cette thèse, démentie depuis le début du XXIe siècle[14],[15],[N 2], invoquaient la date de naissance d'un enfant né à Bruxelles le et déclaré de parents inconnus, mais cette date de naissance ne coïncidait pas avec la présence de Charlotte à Bruxelles (elle était confinée à Miramare depuis où elle est restée jusqu'en ). Ce fils serait le futur général français Maxime Weygand ; devenu adulte, ce dernier présentait une certaine ressemblance physique avec Van der Smissen, ce qui confortait les partisans de cette version d'une relation intime entre Charlotte et le général belge, alors colonel. Cette thèse soutenue par Dominique Paoli[16] et présentée dans une émission de télévision d'Alain Decaux est confortée par les propos de l'historien André Castelot[C 27], qui s'appuyait sur la révélation que lui fit le roi Léopold III de Belgique disant « Weygand est le fils de Van der Smissen ». La protection que le roi des Belges Léopold II de Belgique — dont Van der Smissen deviendra l'aide de camp — étendit à distance sur l'enfant en veillant à fournir des fonds qui permirent de le faire adopter par une famille de Nimal, puis par la famille française Weygand, semblait également étayer cette possibilité.
  4. Le Moniteur belge assure, à tort : « Bruxelles, le . S.M. l'impératrice du Mexique est attendue de moment en moment à Bruxelles. On assure que l'auguste voyageuse a exprimé le désir qu'aucun honneur officiel ne soit rendu à son arrivée et à son départ »[17].
  5. En réalité, Charlotte ne dort que quelques heures dans la bibliothèque pontificale avant d'être reconduite dans un hôtel à la tombée de la nuit[B 11].
  6. Parmi les soins prodigués, la presse évoque « un traitement par l'électricité » ajoutant : « Cet agent merveilleux, qui n'a pas dit son dernier mot, remporte tous les jours de nouveaux succès dans la cure des affections mentales et surtout de la lypémanie. »[20].
  7. Agustín meurt en 1925 à Washington, Salvador meurt en 1895 à Ajaccio.
  8. À son arrivée à Miramare en , Charlotte est examinée par le professeur Riedel directeur de la maison d'aliénés de Vienne et par le docteur Jilek, médecin personnel de l'empereur d'Autriche, lequel co-signe un rapport adressé à Philippe comte de Flandre[K 12]. Ce rapport précise que leur patiente « souffre décidément de folie avec des idées fixes de persécution qui sont produites par une maladie mentale plus grave et plus forte qu'on ne pouvait le croire d'abord. »

Références

  • Damien Bilteryst, Philippe comte de Flandre : Frère de Léopold II, 2014.
  1. Bilteryst 2014, p. 21.
  2. Bilteryst 2014, p. 23.
  3. Bilteryst 2014, p. 37.
  4. Bilteryst 2014, p. 42.
  5. Bilteryst 2014, p. 38.
  6. Bilteryst 2014, p. 51.
  7. Bilteryst 2014, p. 69-70.
  8. Bilteryst 2014, p. 70.
  9. Bilteryst 2014, p. 212.
  10. Bilteryst 2014, p. 165.
  11. Bilteryst 2014, p. 166.
  12. Bilteryst 2014, p. 166-168.
  13. Bilteryst 2014, p. 170.
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  1. Castelot 2002, p. 64.
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  4. Castelot 2002, p. 229-231.
  5. Castelot 2002, p. 231-238.
  6. Castelot 2002, p. 240-243.
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  8. Castelot 2002, p. 262-263.
  9. Castelot 2002, p. 264.
  10. Castelot 2002, p. 271-272.
  11. Castelot 2002, p. 273.
  12. Castelot 2002, p. 278.
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  14. Castelot 2002, p. 283-287.
  15. Castelot 2002, p. 287.
  16. Castelot 2002, p. 316.
  17. Castelot 2002, p. 363.
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  • Mia Kerckvoorde, Charlotte : la passion, la fatalité, 1981.
  1. Kerckvoorde 1981, p. 24-25.
  2. Kerckvoorde 1981, p. 25.
  3. Kerckvoorde 1981, p. 26.
  4. Kerckvoorde 1981, p. 27.
  5. Kerckvoorde 1981, p. 32.
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  8. Kerckvoorde 1981, p. 69.
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  18. Kerckvoorde 1981, p. 272.
  • Dominique Paoli, L'impératrice Charlotte : « Le soleil noir de la mélancolie », 2008.
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  2. Paoli 2008, p. 40.
  • Coralie Vankerkhoven, Charlotte de Belgique, Une Folie Impériale, 2012.
  • Autres références
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  16. Dominique Paoli, Maxime ou le secret Weygand, Bruxelles, Racine, coll. « Les racines de l'histoire », , 208 p.
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