Willem Verhoeven

Willem Frans Gommar Verhoeven, né à Lierre le et mort à Malines le , est un poète, dramaturge et historien flamand, écrivant en langue néerlandaise.

Willem Frans Gommar Verhoeven
Portrait de Willem Verhoeven, par Henri Joseph Bernard van den Nieuwenhuysen (1790).
Naissance
Lierre
 Pays-Bas autrichiens
Décès
Malines
Empire français
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture néerlandais, français
Mouvement Les Lumières
Genres

Biographie

Enfance, études et débuts littéraires

Né d'un père qui avait quitté Bruxelles pour s'installer à Lierre, Verhoeven reçoit son éducation d'abord des dominicains de cette dernière ville. Il complète ses humanités au collège des Jésuites de Malines, ville où il se marie, où il s'établit comme marchand de draps et où il devient un homme de considération.

Ayant été marchand drapier à Malines, où il a collaboré à l'hebdomadaire Wekelyks Bericht[1], c'est pourtant à Lierre qu'il sera impliqué, à un jeune âge, dans les activités d'une chambre de rhétorique, celle des « Ongeleerden ». Il est possible qu'il ait travaillé pour la scène à ce moment-là. Quoi qu'il en soit, déjà le , les Ongeleerden représentent une première pièce d'un Verhoeven qui n'avait alors que 17 ans : il s'agit de la tragédie De onberoerlyke liefde van den persiaenschen prince Polidorus en de heldhaftige roomsche princesse Julia (L'Amour constant du prince perse Polydore et de la vaillante princesse romaine Julie)[2]. En outre, Willems rapporte que la chambre De Ongeleerden avait joué sa comédie rimée avec chant Den ooghst (La Récolte) en 1772[3].

Dans un manuscrit de 1792, Verhoeven se fait appeler « juré de la halle, ou sous-doyen des merciers » (« geswoorne van de Halle, ofte onder-deken van de Meerseniers-Neeringe »), membre « du conseil élargi de la ville et de la seigneurie de Malines » (« van den Breeden Raed der Stad en Provincie van Mechelen »). Dès 1771, il occupe aussi le poste de commissaire des pauvres (armmeester), qu'il cumule l'année suivante avec celui de secrétaire de l'Académie de dessin et d'architecture de Malines[4].

C'est en cette qualité qu'il écrit son premier poème, Proeve van dicht-kunde op de Oudtheydt, eer, achtbaerheydt, en voort-gangh der vrye konsten (Essai poétique sur l'Antiquité, l'honneur, la respectabilité et le progrès des arts libéraux, Louvain, 1774), composé à l'occasion de la célébration de l'adjudication à l'Académie d'un octroi : l'autorisation de porter le titre « royal ». En six chants, il fait l'éloge des arts et plus particulièrement de la peinture. En employant des alexandrins pompeux et des images mythologiques, il exprime son admiration pour les peintres des anciens Pays-Bas, en particulier pour celui qu'il décrit comme une prodigieuse lumière solaire : le grand Rubens.

La mort de la souveraine, en 1780, l'a conduit à écrire un poème funèbre versifié sur la défunte impératrice consort Marie-Thérèse, à qui il rend hommage, ainsi qu'à son successeur, Joseph II, en rejetant cependant toute flatterie par le biais de l'écriture (Pluym-strykery) « selon le modèle français »[5].

Historien non académicien

Verhoeven a écrit plusieurs tragédies et comédies, mais il doit sa plus grande renommée à des ouvrages historiques, dont six ont été couronnés par l'Académie de Bruxelles. Pour sa première étude, il entretient une correspondance avec l'historien d'origine zélandaise Jona Willem te Water, l'un des auteurs néerlandais les plus importants de son temps aux Pays-Bas septentrionaux[6].

Malgré le soutien offert par l'Académie et les récompenses obtenues d'elle à maintes reprises, Verhoeven n'a jamais pu adhérer à l'illustre société, sans doute pour cause d'intrigues [7], mais aussi en raison de ses opinions critiques au sujet de l'influence française et de la docilité de l'Académie envers le gouvernement impérial.

Verhoeven aurait également participé à des concours à l'étranger, comme en témoignent des fragments de réponses qu'il a formulées à des questions de concours organisés par les académies de Berlin[Laquelle ?] et de Besançon[8].

Parmi les auteurs figurant dans sa bibliothèque de quelque 4 000 volumes, on en trouve de la république des Sept Pays-Bas-Unis, écrivant en néerlandais, comme Lambert ten Kate, Vondel, Hooft, Cats, Van Mander, Westerbaen, Spieghel, Hoogvliet, Vos, Heemskerck et Langendijk, ou d'autres, écrivant en d'autres langues, tels que Voltaire, Rousseau, Le Clerc, Bayle, D'Alembert, Mably, Mirabeau et Leibniz ; c'est dans la langue originale qu'il les lit[9].

Précurseur du mouvement flamand

Verhoeven est considéré comme un précurseur du mouvement flamand. À l'instar d'un Francis de la Fontaine, et comme son contemporain Jean-Baptiste Verlooy, il s'insurge contre l'abâtardissement de la langue néerlandaise et le manque d'intérêt de la part des autorités autrichiennes francisées pour la langue vulgaire et véhiculaire de la majorité écrasante de la population « belgique ».

Pour les autorités autrichiennes, le français est la langue de la science. En 1771, l'impératrice Marie-Thérèse crée l'Académie impériale et royale des sciences et des belles-lettres de Bruxelles. Les contacts entre cette société savante et les représentants du gouvernement, supervisant ses activités, sont effectués exclusivement en français. À ce sujet, Verhoeven a remarqué qu'une académie parisienne avec autant de membres n'étant pas en état de parler français serait aussi étrange que l'Académie bruxelloise avec un président et plusieurs membres ne connaissant pas le néerlandais.

Verhoeven veut souligner l'importance de la langue maternelle pour l'identité d'un peuple. « Donc, ce discours me semble plus utile dans la langue flamande[10], puisque celle-ci enseigne en premier lieu notre caractère national »[11], écrit-il, sous la devise Belgice Pro Patria En néerlandais, pour la patrie »), dans l'introduction de son essai couronné sur l'introduction du droit romain dans les anciens Pays-Bas. Et en annexe de ce document, il donne la « preuve » détaillée de son argument : toutes les nations civilisées écrivent dans leur langue maternelle. Ainsi l'ont fait les Grecs et les Romains, comme l'ont fait le Tasse, Cervantes, Camões, Gessner, Milton ou les auteurs français, chacun d'eux pour son pays, et Vondel et Wagenaar pour les Pays-Bas.

S'il veut rester fidèle et honnête sujet de l'Église catholique, en tant qu'historien « éclairé », ne voulant pas passer par ce genre d'auto-culpabilisation par le biais de laquelle on compare les ancêtres des « Belges » aux peuplades les plus primitives, il ne peut que se prononcer avec écœurement sur certains événements historiques, tels que l'Inquisition espagnole et portugaise, qu'il met à pied d'égalité avec les sacrifices barbares des druides, la mauvaise conduite de nombreux croisés, et l'abus des reliques et des indulgences trouvant leur origine dans les croisades, qu'il désigne d'ailleurs comme sanglantes. Il affirme également que le fanatisme est inhérent à de nombreux ministres de toutes les religions[12].

Son exposé Oordeelkundige verhandelingen op de noodzakelijkheijd van het behouden der nederduijtsche[13] taele, en de noodige hervormingen in de schoolen, offert en 1780 au comte de Neny, président du Conseil privé, est un plaidoyer pour la sauvegarde de la langue néerlandaise menacée, entre autres, dans l'enseignement, ainsi que pour les réformes nécessaires à ce dernier, qui doit forcément employer la langue maternelle au détriment du français. Ce dernier n'aurait qu'une influence pernicieuse sur les bonnes mœurs néerlandaises et conduirait à un mode de vie artificiel, à de folles splendeurs, qui ne laissent que le triste souvenir d'un panache français mensonger. Il se plaint de l'enseignement, surtout de celui dispensé aux filles :

« Les gens y apprennent la musique en général, le chant, le jeu du clavecin, la danse, la broderie, le dessin et la peinture ; en outre, on passe son meilleur temps à des parures et à des guenilles. On n'apprend plus le flamand ; il a même été interdit de parler la langue néerlandaise[14]. »

Il plaide également pour la création d'une société littéraire néerlandaise qui devait avoir son siège à Gand ou, de préférence, à Bruxelles, parce que la prononciation brabançonne est plus belle. À la base de la méconnaissance de la langue maternelle se trouve l'ignorance. Il faut rendre obligatoire la connaissance du néerlandais pour toute fonction publique. Dans le but d'illustrer le lien entre la langue et les mœurs, Verhoeven a recours aux Romains de l'Antiquité, ainsi qu'à Montesquieu, à Voltaire, à Rivarol et à D'Alembert.

Révolutionnaire

Il a été associé à la conspiration des révolutionnaires brabançons de 1790 contre le pouvoir centraliste de l'empereur Joseph II : il fait l'éloge des vertus de Henri van der Noot et de la révolte contre la « tutelle » autrichienne[15].

Les écrits aussi bien que les actes de Verhoeven se situent à cheval sur les convictions idéologiques des deux factions impliquées dans la révolution brabançonne, les statistes et les vonckistes, et le seront bien en deçà de cet épisode de l'histoire, car il hésitera encore entre les partis doctrinaux lorsque les Pays-Bas méridionaux seront inondés par les sans-culottes. Eerbiedig lof-gezang (Chant de louange respectueux, non daté) et l’Ode de 1790 ont été écrits en vue de soutenir Van der Noot. Lorsque les Autrichiens restaurent leur autorité sur les Pays-Bas méridionaux, Verhoeven s'empresse de désavouer la paternité de ces écrits, comme il le fait pour un Mémoire historique politique et critique sur les constitutions, la religion, & les droits de la nation belgique, exceptionnellement rédigé en français, où il tient un discours aussi anti-joséphiste qu'antiphilosophique[16] ; en outre, il prend la défense du clergé, tout en chantant les louanges des bienfaits des cloîtres et abbayes pour les régions historiques des Pays-Bas, et il n'hésite pas à invoquer Rousseau comme argumentum ad verecundiam pour appuyer sa thèse[17]. Un trait préromantique est son admiration pour l’architecture gothique.

Les Autrichiens ayant réussi à restaurer leur pouvoir aux Pays-Bas méridionaux, Verhoeven prend la fuite et s'installe à Bréda, dans la république des Sept Pays-Bas-Unis, jusqu'à ce qu'arrivent, en 1792, les troupes révolutionnaires. Peu après, il reprend le chemin des Provinces-Unies, trouvant refuge à La Haye.

En 1795, il publie sa traduction néerlandaise de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Sous contrainte, il rejoint la municipalité de Malines. Quand il doit lire à haute voix le décret sur l'annexion des Pays-Bas méridionaux à la France, en novembre 1795, il est tellement ému que sa voix tremble et que les personnes présentes craignent qu'il ne soit frappé d'une apoplexie. En décembre de la même année, il se retire de toute fonction publique, refusant celle de juge de paix et, douze ans durant, il s'attelle à la tâche de versifier un poème épique de quelque 22 000 vers selon le modèle de l'Énéide de Virgile : le Belgiade ofte Mannus, où il glorifie Napoléon. À la même période, le régime français imposait de plus en plus de restrictions à l'emploi de la langue néerlandaise, ce qui rendait tout de même peu probable la publication du poème sous la domination française. Après sa mort, on en a trouvé le manuscrit parmi ses possessions. Le bibliophile Charles Van Hulthem l'obtient et, plus tard, l'épopée entre dans la collection de la Bibliothèque royale de Belgique[18].

Ressources

Liste d'ouvrages

Notes et références

  1. Jos SMEYERS, « Van traditie naar vernieuwing. De Zuidnederlandse letterkunde in de Oostenrijkse tijd. », Oostenrijks België, 1713-1794. De Zuidelijke Nederlanden onder de Oostenrijkse Habsburgers (réd. C. Billen et autres), Bruxelles, 1987, p. 338.
  2. Johannes Godefridus FREDERIKS et Frans Josef Peter VAN DEN BRANDEN, Biographisch woordenboek der Noord- en Zuidnederlandsche letterkunde, Amsterdam, éditions L.J. Veen, 1888-1891, p. 818.
  3. Pieter Gerardus WITSEN GEYSBEEK, Biographisch anthologisch en critisch woordenboek der Nederduitsche dichters, vol. 5, OGI-VER, Amsterdam, C.L. Schleijer, 1824, p. 454.
  4. Hermina Jantina VIEU-KUIK et Jos SMEYERS, Geschiedenis van de letterkunde der Nederlanden, vol. 6, Anvers/Amsterdam, Standaard Uitgeverij, 1975, p.  514.
  5. Hermina Jantina VIEU-KUIK et Jos SMEYERS, Geschiedenis van de letterkunde der Nederlanden, vol. 6, Anvers/Amsterdam, Standaard Uitgeverij, 1975, p. 515.
  6. Hermina Jantina VIEU-KUIK et Jos SMEYERS, Geschiedenis van de letterkunde der Nederlanden, vol. 6, Anvers/Amsterdam, Standaard Uitgeverij, 1975, p. 503-516.
  7. Selon Verhoeven, ces intrigues ont été menées par Des Roches. En tout état de cause, c'est le président de l'Académie, le chancelier de Crumpipen, qui est intervenu de sa propre personne pour empêcher son élection. Voir : Hermina Jantina VIEU-KUIK et Jos SMEYERS, Geschiedenis van de letterkunde der Nederlanden, vol. 6, Anvers/Amsterdam, Standaard Uitgeverij, 1975, p. 518.
  8. Le concours de l'Académie de Besançon a été annoncé en 1785.
  9. Hermina Jantina VIEU-KUIK et Jos SMEYERS, Geschiedenis van de letterkunde der Nederlanden, vol. 6, Anvers/Amsterdam, Standaard Uitgeverij, 1975, p. 516.
  10. Sur les prétendues différences entre le « flamand » et le « hollandais » : « Nous considérons ces deux idiomes, et tous ceux qui les connaissent les considèrent avec nous, comme formant une seule et même langue ; avec cette simple différence qu'une portion du peuple qui la parle, l'a travaillée plus que ne l'a fait l'autre portion, peut-être par suite de circonstances politiques. Cela est si vrai, que l'idiome des anciens auteurs hollandais est encore celui des flamands d'aujourd'hui. », cité de Joseph Octave DELEPIERRE, De l'origine du flamand avec une esquisse de la littérature flamande et hollandaise (d'après Joseph BOSWORTH, avec des additions et des annotations), Tournai, Hennebert frères, 1840, note 1 de la page I.
  11. « Déeze Redevoering dan, dunkt my nutter in de Vlaemsche tael, mids déeze voor al onzen Land-aerd onderwyst, », cité de Hermina Jantina VIEU-KUIK et Jos SMEYERS, Geschiedenis van de letterkunde der Nederlanden, vol. 6, Anvers/Amsterdam, Standaard Uitgeverij, 1975, p. 517.
  12. « Als die onmenschelyke offerhanden van de Druiden alleen genoegzaem zijn, om onze voor-vaderen met de wildste volkeren gelyk te stellen, mag men het zelve dan niet zeggen van de Spaegnjaerden en van de Portugiesen, welkers menigmael gevloekte Vuerschaer van geloofs onderzoek, gemeynelyk genoemd Inquisitie, niet zeer verschillig is van de barbaersche menschen slachting onzer vaderen? De geest-dryvery is eigen aan veele bediende van allen Godsdienst... » cité de Hermina Jantina VIEU-KUIK et Jos SMEYERS, Geschiedenis van de letterkunde der Nederlanden, vol. 6, Anvers/Amsterdam, Standaard Uitgeverij, 1975, p. 517.
  13. Vlaams (flamand), Hollands (hollandais), Nederduits (bas allemand) ou Nederlands (néerlandais) étaient des mots interchangeables à l'époque.
  14. « Men leert'er gemeijnelijk muziek, zingen, clavecimbel spéelen, Dansen, bordueren, teekenen, schilderen; voorders word den besten tijd in paleersel en vodderijen versléeten. men leert'er geen vlaemsch meer, zelfs word verboden van nederduijtsch te spréeken... », cité de Hermina Jantina VIEU-KUIK et Jos SMEYERS, Geschiedenis van de letterkunde der Nederlanden, vol. 6, Anvers/Amsterdam, Standaard Uitgeverij, 1975, p. 501.
  15. Kornelis TER LAAN, Letterkundig woordenboek voor Noord en Zuid, 2e tirage, La Haye/Djakarta, G.B. van Goor Zonen's Uitgeversmaatschappij, 1952, p. 552.
  16. Hermina Jantina VIEU-KUIK et Jos SMEYERS, Geschiedenis van de letterkunde der Nederlanden, vol. 6, Anvers/Amsterdam, Standaard Uitgeverij, 1975, p. 521-522.
  17. Jos SMEYERS, « Van traditie naar vernieuwing. De Zuidnederlandse letterkunde in de Oostenrijkse tijd. », Oostenrijks België, 1713-1794. De Zuidelijke Nederlanden onder de Oostenrijkse Habsburgers (réd. C. Billen et autres), Bruxelles, 1987, p. 333.
  18. Hermina Jantina VIEU-KUIK et Jos SMEYERS, Geschiedenis van de letterkunde der Nederlanden, vol. 6, Anvers/Amsterdam, Standaard Uitgeverij, 1975, p. 522-523.
  19. Cette liste est en partie basée sur : Johannes Godefridus FREDERIKS et Frans Josef Peter VAN DEN BRANDEN, Biographisch woordenboek der Noord- en Zuidnederlandsche letterkunde, Amsterdam, éditions L.J. Veen, 1888-1891, p. 818.
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