Thraces

Les Thraces constituaient un peuple de langue paléo-balkanique (donc indo-européenne) dont les tribus, signalées dans les Balkans en même temps que les Achéens, les Éoliens et les Ioniens, partageaient un ensemble de croyances, un mode de vie et une même langue avec des variantes et dialectes. Leur civilisation, encore mal connue, s'est épanouie du IIIe millénaire av. J.‑C. au IIe siècle av. J.-C., sur un substrat anté-indo-européen dit « pélasge » développé dès le Ve millénaire av. J.‑C. comme civilisation agricole et pourvue de nécropoles richement dotées en or. L'étymologie de ce nom reste incertaine. Orale, la culture des Thraces était faite de légendes et de mythes incluant la croyance en l'immortalité sous la forme de l'« orphisme », décrit par Hérodote. Les connaissances que nous avons de ce peuple viennent des auteurs grecs anciens et de découvertes archéologiques récentes.

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Thraces

Un peltaste thrace, Ve à IVe siècle av. J.-C.

Période IIe millénaire av. J.‑C. - IIIe siècle av. J.-C.
Région actuelle Thrace

Les Thraces vécurent sur un territoire situé entre les rivières Margos (Morava serbe) et Axios (Vardar) à l'ouest, la mer Égée au sud, le Pont-Euxin (la mer Noire) à l'est et les Carpates, ainsi que dans le nord-Ouest de l'Asie mineure (Phrygiens peut-être, Thyniens et Bythiniens sûrement). Ainsi, au sens élargi, les Thraces et les peuples apparentés sont présents dans l'Antiquité dans les actuelles Serbie, Macédoine, Bulgarie, Nord-Est de la Grèce, Roumanie, Moldavie, Ukraine occidentale (jusqu'au Dniepr) et Turquie (partie européenne et Asie Mineure occidentale).

Si l'on compte en plus les peuples apparentés des Bactres, des Massagètes ou des Dahes de langues iraniennes (proches des langues thraces et illyriennes), l'aire de répartition s'élargit au bassin inférieur de la Volga, à l'ouest du Kazakhstan, au Turkménistan, à l'Ouzbékistan et au Tadjikistan actuels[1].

Histoire des Thraces

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Origines

Pour Flavius Josèphe, Tiras serait l’ancêtre des Thraces et leur aurait donné leur nom.

Comme dans le cas des Étrusques et de beaucoup d'autres peuples, les avis des historiens diffèrent à propos des origines des Thraces, exogènes, aborigènes ou les deux. Une première hypothèse, qui privilégie les origines aborigènes, considère que les Thraces sont présents dans la région des Balkans plus de 5 000 ans avant notre ère : il n'y aurait alors pas eu de réelle rupture depuis le néolithique chez ce peuple, et leur société se serait complexifiée sur place au fur et à mesure. La seconde hypothèse privilégie les apports exogènes, en l'occurrence Indo-européens, et considère que les Thraces ne sont venus des steppes ukrainiennes que vers le début du IIe millénaire av. J.-C., époque au terme de laquelle se sont produits divers changements climatiques, dont les plus importantes conséquences sont le déferlement des peuples de la mer ainsi que les débuts de la civilisation de Hallstatt, en partie liées aux importations des Balkans (métaux, harnachement, cavalerie, charrerie).

Époque mycénienne

Un trésor d'or thrace provenant de Panagjurište (en), Bulgarie.

C'est l'époque des rois anonymes décrits par Homère dans l'Iliade. Dès le IIIe millénaire av. J.‑C. les Thraces présentent une société très hiérarchisée, où l'on retrouve la « trilogie indo-européenne » de Georges Dumézil avec les trois castes de producteurs et artisans (comates), de guerriers (tarabostes) et de prêtres (polistes). Sur chaque territoire tribal règne un souverain issu de la caste des guerriers. Cette civilisation comptait une importante population sédentaire mais était en contact avec les « cultures des steppes » au nord-est, et avec la civilisation mycénienne au sud. En l'absence d'écrits, les trésors des rois et des tarabostes permettent une approche de la culture thrace. Le service cultuel de Vălčitrăn (en), les trésors de Panajot Hitovo et de Kazičene donnent la preuve du pouvoir politique et économique des premiers souverains thraces anonymes, ainsi que de l'originalité, de la technologie et de la maîtrise artistique de leurs orfèvres.

Royaumes thraces : des États religieux

Alors qu'à la place de la culture mycénienne apparaissent les cités grecques, les Thraces évoluent : les royaumes sont désormais gouvernés par des dynasties de rois-prêtres (polistes) à la tête de troupes de cavaliers (tarabostes) et de paysans guerriers (comates). Les nombreuses résidences fortifiées correspondent à des capitales temporaires, quand le roi y réside. Les paysans sont libres. Les fouilles archéologiques sur un marché du Ve siècle av. J.-C. (près de Krăstevič (bg)) n'ont pas permis de découvrir d'atelier. Mais les mines, la métallurgie, le travail des métaux étaient des monopoles royaux et les ateliers étaient à la cour du roi.

L'influence grecque

À partir du VIe siècle av. J.-C. l'aristocratie thrace, surtout les Besses et les Odryses ont des échanges avec les Grecs et même utilisent l'alphabet grec pour des écrits non encore déchiffrés[2].

Hérodote explique dans le livre V de son Enquête que « la nation des Thraces est, après celle des Indiens, la plus importante du monde. S'ils avaient un seul roi et s'ils pouvaient s'entendre entre eux, ils seraient invincibles et, d'après moi, beaucoup plus puissants que toutes les nations. »

À cette époque, les Thraces sont en contact sur leurs marges occidentales avec les Illyriens de l'Adriatique et sur leurs marges méridionales avec les Macédoniens. La région côtière de l'Égée formant leur frontière sud voit les Grecs s'implanter en 464[3] et est traversée sans difficultés par les Perses de Darius Ier, mais après la défaite des Perses contre les Grecs, les Perses se retirent. Les Athéniens arrivent alors à contrôler une partie de la Thrace sud grâce à leur colonie d'Amphipolis.

Sitalcès, le roi des Odryses (le plus puissant des royaumes thraces de cette période) est l'allié des Athéniens dans la guerre du Péloponnèse. Après sa mort, Seuthès, cité par Thucydide et surtout par Xénophon dans l’Anabase puis ses successeurs, notamment Cotys Ier et Kersobleptès (en), conquièrent toute la Thrace ou presque. C'est l'apogée de l'Empire odryse qui parvient à unifier la Thrace, ce que Hérodote avait dit impossible[4].

Le trésor thrace de Rogozen, conservé au Musée national d'histoire de Bulgarie à Sofia.

Les Odryses forment alors une brillante civilisation[5], largement influencée par l'hellénisme comme le montre le personnage de Seuthès dans l’Anabase qui comprend de mieux en mieux le grec[6]. Le trésor de Rogozen est une des traces du développement de la civilisation odryse au IVe siècle.

Mais Philippe II de Macédoine puis Lysimaque étendent la domination macédonienne sur la Thrace méridionale puis sur la majeure partie du territoire. Les Odryses continuèrent la lutte contre Lysimaque proclamé roi de Thrace puis contre ses successeurs Séleucos, Ptolémée Kéraunos, les Attalides de Pergame.

De la période romaine à nos jours

La ligne Jireček (du nom de l'historien qui l'a déterminée Konstantin Josef Jireček) montre les zones de romanisation (au nord) et d’hellénisation (au sud) des Thraces.

En 168 et 133 av. J.-C. la Thrace passe sous domination romaine et le royaume des Odryses reste fidèle à Rome, sûrement en raison de la menace des Daces sur le Danube. Mais d'autres s'y opposent et sont soumis par la force. De nombreux Thraces sont pris comme esclaves : leur caractère rebelle et combatif les destine fréquemment à la carrière de gladiateurs (le plus connu d'entre eux est Spartacus).

En 46 est créée la province romaine de Thrace. La romanisation des Illyriens et des Thraces (du moins, au nord de la ligne Jireček) les transforme respectivement en Dalmates et en Valaques (latins orientaux). Une colonie grecque au nom thrace de Byzance (byza = rivage, coteau) est choisie pour être la capitale de l'Empire romain d'orient sous le nom de Constantinople.

Mais l'invasion des Goths en 376 inaugure une série de guerres qui transforme cette région en champ de bataille : pour ne citer que les plus marquantes, après les passages des Huns et des Avars, l'occupation par les Slaves et l'affrontement des Bulgares et des Byzantins s'achève par une slavisation de plus en plus marquée des pays jadis thraces. La Thrace n'est alors plus qu'une région géographique.

Les Turcs annexent toute la Thrace en 1389, puis encerclent et prennent Constantinople en 1453. Leur domination dure jusqu'en 1878. Se crée alors en Thrace septentrionale la province autonome de Roumélie orientale réunie à la Bulgarie en 1885. Durant la première guerre balkanique (1912) la Thrace est prise par les Bulgares, disputée entre Bulgares et Grecs, en partie rendue aux Turcs par le traité de Constantinople du 29 septembre 1913. Les frontières ont changé plusieurs fois mais finalement la Thrace reste partagée entre ces trois pays, dont deux (Bulgarie et Grèce) sont aujourd'hui membres de l'Union européenne, et le troisième (Turquie) candidat.

Liste des peuples thraces

Les Thraces étaient composés de plusieurs centaines de peuples différents selon les témoignages qui nous sont parvenus, sans qu'on puisse savoir toujours exactement qui sont ces peuples.

On trouve la première mention des Thraces dans l'Iliade d'Homère : ils sont alors les alliés de Troie. À l'époque classique, six principales dénominations désignent les peuples thraces : Besses, Triballes, Mésiens, Odryses, Gètes et Daces : ce ne sont pas des noms de tribus, mais plutôt de coalitions d'origines multiples (Triballes), voire de simples dénominations en différentes langues étrangères (Getoi en grec, Dacii en latin, par exemple). L'ensemble thrace était composé de nombreuses tribus, capables de se réunir en temps de guerre dans un seul État centralisé, ce qui faisait de leur puissance un potentiel contre-pouvoir face à l'Empire romain (falsifications massives des monnaies romaines par exemple). Un certain nombre de noms de tribus nous sont parvenus :

Les tribus suivantes avaient une composante thrace :

Thraces notables

  • Dionysos, dieu du vin et de la vigne.
  • Orphée, héros légendaire de la mythologie grecque, fils du roi de Thrace Œagre et de la muse Calliope. Il est le fondateur mythique d'un mouvement religieux appelé orphisme.
  • Spartacus fut un gladiateur thrace qui mena un soulèvement d'esclaves en Italie.
  • Burebista était un roi dace qui fédéra les tribus daces et thraces des deux rives du Danube.
  • Décébale, dernier roi dace : battu par Trajan, il s'est suicidé avec toute sa cour.

Tombeaux thraces

Cultures

Notes

  1. Bernard Sergent, Les Indo-Européens : Histoire, langues, mythes, Bibliothèque scientifique Payot, Paris, 1995.
  2. Plusieurs objets exposés au musée archéologique de Plovdiv ou à celui de Sofia portent des inscriptions en lettres grecques et en langue thrace (par exemple la bague-cachet no 5 217 du musée de Sofia) : voir Découverte de l'art thrace, Trésors des musées de Bulgarie, mai-août 1974, illustration no 167.
  3. Thucydide, IV, 102.
  4. Hérodote, Enquête, V, 3.
  5. Voir Archibald (1997).
  6. Au livre II, il a besoin d'un traducteur, mais au livre VII, il comprend le grec, à défaut de le parler.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Zofia Archibald, The Odrysian Kingdom of Thrace: Orpheus Unmasked, Oxford, Clarendon Press, 1997.
  • Archéologia 438, novembre 2006.
  • Collectif, L’or des Thraces, Snoeck-Ducaju & Zn, 2002, 240 p. : les Thraces ont produit les plus anciens objets en or connus à ce jour.
  • Dossiers de l'Archéologie, no 368, mars-avril 2015, L'épopée des rois Thraces.
  • (en) Ralph F. Hoddinott, The Thracians, Londres, Thames & Hudson, 1981, 193 p.
  • Jean-Luc Martinez, Alexandre Baralis, Néguine Mathieux et al., L'Épopée des rois thraces : des guerres médiques aux invasions celtes, 479 - 278 av. J.-C. : découvertes archéologiques en Bulgarie [exposition, Paris, Musée du Louvre, du 16 avril au 20 juillet 2015], Somogy, Paris, 2015.
  • (de) Manfred Oppermann, Thraker zwischen Karpatenbogen und Ägäis, Leipzig, Urania-Verlag, 1984.
  • Dragoslav Srejovic, Illyriens et Thraces, Édisud, 1997.
  • (en) Christopher Webber, The Thracians 700 BC–46 AD, Oxford, Osprey, 2001, 48 p.
  • (en) Christopher Webber, The Gods of Battle: The Thracians at War, 1500 BC - 150 AD, Barnsley, Pen & Sword Military, 2011, 288 p.

Articles connexes

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