Histoire de Thérouanne
L'histoire de Thérouanne concerne l'ancienne ville de Tarvenna (itinéraire d'Antonin, flamand Terenburg, néerlandais Terwaan) et non l'actuel village de Thérouanne, refondé en contrebas puis gagnant à l'époque moderne sur l'emplacement de l'ancienne ville détruite au XVIe siècle. En 1793, la population de la commune n'était plus que de 430 habitants pour atteindre 1 000 habitants à la fin du XIXe siècle, créant la « nouvelle Thérouanne ».
Tarvenna - Taruenna Thérouanne | ||
Localisation | ||
---|---|---|
Pays | France | |
Gaule belgique | ||
Type | Ville | |
Coordonnées | 50° 38′ 33″ nord, 2° 15′ 13″ est | |
Géolocalisation sur la carte : France
| ||
L'ancienne Thérouanne (Taruenna) fut un bourg de l'Artois florissant au Moyen Âge, mais fut entièrement détruite en 1553 sur ordre de Charles Quint.
Préhistoire
L'archéologie ne nous renseigne pas sur le site de Thérouanne pendant les périodes du paléolithique, du mésolithique et du néolithique.
Protohistoire
- Âge du fer, la Tène
La Tène ou second âge du fer fut la période d'apogée de la civilisation celtique. À l'époque gauloise, Thérouanne ou Tervanna (anciennement Civitas Morinum ou Morenum, Morini, Morinum, Morenum, Morian Moriana ou Moriane ou Morinon puis Terroane, Terewane, Thierowane, Teremiane ou encore Théroaanne selon divers documents ou chroniqueurs anciens) était la capitale de la Morinie, pays des Morins (tribu belge).
Antiquité
La conquête romaine
Quand Jules César conquit la Gaule en 56 av. J.-C., le Nord de la France actuelle était habité par différentes tribus belges.
À cette époque, les territoires des actuels arrondissements de Saint-Omer et de Calais étaient habités par les Morins[1] (entre l'Aa et Boulogne-sur-Mer), les Ménapiens (entre l'Aa et la Lys) et les Atrébates (qui ont donné son nom à l'Artois), de loin la tribu la plus importante des trois.
Une position de carrefour pendant le haut empire
Tarvenna[Note 1] était alors aux confins de l'Empire romain. L'influence romaine a été surtout sensible dans le centre urbain, qui a été essentiellement une création romaine et a été rapidement rebaptisé en Colonia Morinorum ou Civitas Morenum (capitale du pays des Morins)[Note 2].
Il était situé à un carrefour de voies romaines :
- l'une venait de Gesoriacum (Boulogne-sur-Mer, avec une branche menant directement à la Tour d'Ordre) et joignait Nemetacum (Arras) et Colonia Claudia (Cologne), dont le tracé persiste dans la D341, et parfois appelé chaussée Brunehaut (parmi d'autres),
- l'autre se dirigeait vers Cassel (devenu la D190).
Une route, probablement plus ancienne que la voie romaine, était la Leulène, vicinale sinuant vers Wissant sur la côte; dont le tracé ne s'est conservé que partiellement, et dont le début coïncide avec la D192.
Destruction de Thérouanne à la fin du bas empire
En 407, Thérouanne fut entièrement dévastée par les Francs qui incendièrent la ville.
Lors de leur invasion de la Gaule en 451, Attila et les Huns dévastent Thérouanne, Arras, Tournai, etc., avant de se diriger vers Amiens et Paris[2].
Vestiges de la cité gallo-romaine
L'étendue de cette cité et le réseau urbain antique est mal connu. Grâce aux fouilles archéologiques, trois nécropoles antiques ont été localisées. Une seule a été en partie étudiée: plusieurs tombes à incinération ont été mises au jour.
Des vestiges d'une maison à hypocauste du IIe siècle ont été mis au jour sous le chœur de l'ancienne cathédrale ainsi que des fonds de cabane du début du Ier siècle. L'archéologie nous révèle plusieurs destructions par le feu, notamment au IIe siècle. Elle nous montre également que vers le milieu du IIIe siècle quelques aménagements furent effectués[3].
Thérouanne au Moyen Âge
Le berceau de la dynastie capétienne ?
Si Thérouanne reste une ville médiévale aujourd'hui méconnue, les études et les recherches historiques récentes ont mené à l'implication des nobles thérouannais, pendant le Haut Moyen Âge, dans l'ascendance de la famille royale capétienne et de l'épiscopat carolingien.
Un noble de Thérouanne, possible duc des Alamans en 632[réf. nécessaire], aurait donné naissance à un fils prénommé Robert, futur maire du palais de Neustrie en 654. Il donne également naissance à Erlebert, père de saint Lambert dont le frère, Robert, fut duc en Neustrie entre 654 et 677. Robert et Erlebert semblent donc à l'origine d'une lignée au bout de laquelle, 7 générations plus tard, naît Robert le Fort, marquis de Neustrie mort en 866 et arrière-grand-père d'Hugues Capet, premier souverain capétien des Francs.
En 751, le dernier Mérovingien, Childéric III, fut enfermé à l'abbaye Saint-Bertin, où les moines locaux lui tondirent les cheveux et où Pépin le Bref le déposa afin de revêtir la puissance royale sur les peuples francs.
Christianisation de Thérouanne par Audomar
Les cartes et chroniques médiévales placent Taruanna comme centre névralgique intellectuel, religieux, routier, administratif de l'ancienne région des Morins, romanisée, puis christianisée.
Thérouanne put renaître grâce à la christianisation après qu'Audomar ou Omer, moine de l'abbaye de Luxeuil, eut entrepris, entre 639 et 667, d'évangéliser ce qui est aujourd'hui l'arrondissement de Saint-Omer et, qu'à la fin de sa vie, il fut devenu avec l'appui de saint Achaire de Noyon le premier évêque de Thérouanne. Il reçut l'aide de Bertin de Sithiu qui donna son nom à l'abbaye de Saint-Omer (abbaye Saint-Bertin). Le territoire du diocèse, suffragant de l'archevêché de Reims, était très vaste, délimité au nord par l'Yser et au sud par la Canche et à l'est par la Lys.
Le plus important évêque de Thérouanne fut Jean de Warneton (1099-1130) qui au début du XIIe siècle introduisit la Réforme grégorienne.
Moyen Âge classique : Thérouanne, un territoire disputé
Lorsqu'à partir du IXe siècle les comtes de Flandre eurent par les armes agrandi leur territoire vers le sud, Thérouanne tomba aussi entre leurs mains. Pour peu de temps toutefois, car le comte de Flandre Philippe d'Alsace donna sa nièce Isabelle de Hainaut au jeune roi de France Philippe Auguste, avec en dot le Sud de la Flandre. Il espérait vainement acquérir une influence décisive sur le roi, qui par contre en 1191 détacha de la Flandre le cadeau qu'avait reçu sa femme et l'agrandit par la suite du comté d'Artois. Thérouanne revint elle aussi à la France et le français y devint la langue courante.
Bas Moyen Âge, Thérouanne entre France et Bourgogne
Après qu'en 1369 la comtesse Marguerite de Flandre eut épousé Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, elle lui apporta la Flandre en dot. En 1384 le duc lui-même hérita de l'Artois ; Flandre et Artois se trouvaient donc réunis de nouveau, même s'ils constituaient deux entités séparées. Moins d'un siècle plus tard le duc Charles le Téméraire essaya d'agrandir son domaine et par là entra en conflit avec le roi de France Louis XI. Il en résulta une série de guerres qui se terminèrent en 1477 avec la bataille de Nancy au cours de laquelle Charles trouva la mort. C'était la fin de l'ère bourguignonne et de la lutte pour l'indépendance du duché.
Le roi tenta d'ajouter l'Artois au domaine royal en le conquérant par les armes. C'est ainsi qu'en 1479 il assiégea Arras, mais il se heurta à une telle résistance qu'il décida de punir la ville après l'avoir prise : tous les habitants furent chassés et remplacés par des Français de la région de la Loire. Outrés par un tel procédé, les États d'Artois se rangèrent du côté de Marie, fille et héritière de Charles le Téméraire, et épouse de Maximilien d'Autriche. Ce dernier voulut défendre l'héritage de sa femme et livra bataille contre les Français le 7 août 1479 à Enguinegatte (un peu au sud de Thérouanne). La bataille fut indécise et les deux adversaires se virent plus ou moins contraints de faire la paix. Ils signèrent donc en 1482 la paix d'Arras qui accordait l'Artois à Maximilien et à Marie, sauf le Calaisis (aux mains des Anglais), le Boulonnais et le diocèse de Thérouanne qui revenaient au roi de France.
En 1496, Philippe de Luxembourg est fait évêque.
Siège et destruction de Thérouanne en 1553
Thérouanne était donc devenue une enclave française en Artois. Les tensions avec la France se sont un temps apaisées, au point que le 3 août 1529 Charles Quint et François Ier signèrent à Cambrai la paix des Dames. La France y renonçait officiellement à tout droit sur la Flandre et l'Artois. Mais le roi de France commença à militairement et intensivement renforcer Thérouanne, son enclave en Artois ; De 1521 à 1544, 500 villages des environs furent ravagés par la garnison française de la ville.
Appelées par les États d'Artois, les troupes impériales s'emparèrent de la ville, sous la conduite du seigneur de Lalaing. Le Charles-Quint donna l'ordre de raser jusqu'au sol la ville (qui comptait une grande cathédrale, deux églises paroissiales et plusieurs couvents et abbayes) d'une façon si parfaite que l'interprétation archéologique des fouilles récentes est complexe, en l'absence de toute élévation des maçonneries hormis la base massive de la tour nord de la cathédrale. Après l'arasage, on répandit du sel "pour que jamais plus rien ne pût pousser". Dans ses mémoires; le fourrier de la maison Charles Quint, Hugues Cousin, revient en détail sur cet événement dont il fut témoin ainsi que du siège de Hesdin[4].
Seuls quelques vestiges statuaires ont subsisté parmi lesquels une partie de la célèbre façade de la cathédrale, Le Grand Dieu de Thérouanne (milieu du XIIIe siècle), transféré dans la cathédrale voisine de Saint-Omer, et une descente de croix plus tardive retrouvée lors des fouilles et conservée au musée du village. La plupart des matériaux ont en effet été réemployés après le sac, dans des corps de ferme, etc. Récemment les statuts synodaux (législation diocésaine) ont été publiés[5].
C'est ainsi que le diocèse de Thérouanne, autrefois le plus riche et le plus étendu de toute l'Europe occidentale, disparut de la carte et du souvenir des populations locales ; lors de la réorganisation des évêchés de 1559 Philippe II d'Espagne en partagea le territoire entre Boulogne, Saint-Omer et Ypres. Les parties francophones échurent à Boulogne et Saint-Omer, et les néerlandophones à Ypres.
Le dernier évêque fut Antoine II de Créquy, officiellement nommé en février 1552, mais qui du fait de la destruction de sa ville ne put jamais être installé (Le 15 décembre 1553 il fut nommé évêque de Nantes).
Le territoire de Thérouanne appartient de nos jours du diocèse d'Arras.
Fouilles archéologiques
Des fouilles ont été entreprises sur le territoire de l'ancienne ville dès la fin du XIXe siècle par Camille Enlart, puis par Roland Delmaire et Honoré Bernard au cours des années 1960-1985[6]. Elles ont porté principalement sur les édifices se succédant sous le chœur de la cathédrale. L'ancienne enceinte de la ville est toujours matérialisée par un rideau d'arbres en forme de cerf-volant, symétrique par rapport à l'ancienne rue principale (chemin Saint-Jean, qui aboutit au site de la cathédrale détruite), à quelques centaines de mètres au nord-ouest du village actuel[7].
Le jubé de l'église Saint-Vaast de Lynde[8], près d'Hazebrouck, pourrait provenir de la cathédrale de Thérouanne[9].
Le musée municipal de Thérouanne conserve des gravures montrant la ville avant la destruction de 1553[10].
- Copie d'une carte ancienne, exécutée au XVIIe siècle
- Fouilles du chœur de la cathédrale de Thérouanne
- Indices de présence des anciens remparts de la ville
Notes et sources
Notes
- Nommée Tarvenna sur l' Itinéraire d'Antonin
- Nommée Tervanna sur la Table de Peutinger (1, 2)
Bibliographie
- Hector Beaurepaire Piers Histoire de la ville de Thérouanne, ancienne capitale de la Morinie
- Honoré Bernard, La reprise des fouilles de Thérouanne, vol. 176, t. 44, coll. « Revue du Nord », (lire en ligne).
Traductions
- (nl) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en néerlandais intitulé « Geschiedenis van Terwaan » (voir la liste des auteurs).
Références
- rapport d'activité 2006 de l’Inrap page 105
- Charles Delaroière, « Chronique de Bergues-Saint-Winoc », dans Mémoire de la société dunkerquoise pour l'encouragement des sciences, des lettres et des arts, Années 1860-1861, p. 364, lire en ligne.
- http://www.communedetherouanne.fr/sitearcheo/histoire.htm
- Alfred Morel-Fatio, « Une histoire inédite de Charles-Quint par un fourrier de sa cour », Mémoires de l'Institut de France, vol. 39, no 1, , p. 1–40 (DOI 10.3406/minf.1914.1597, lire en ligne, consulté le )
- S. Bossuyt, M. van Melkebeek, « Statuta synodalia ad usum Morinensem. Les statuts synodaux d’Antoine de Croy et de François de Créquy, évêques de Thérouanne (1495, 1541-1542) ». Bulletin de la Commission royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances | Handelingen van de Koninklijke Commissie voor de uitgave der oude wetten en verordeningen, XLVII (2006) 135-173.
- Fouilles archéologiques à Thérouanne
- Histoire d'une cité disparue, par Véronique Devred-Bura.
- Base Mémoire, site du gouvernement français
- Et Thérouanne fut détruite
- Thérouanne ville oubliée ; Marc de Moerman magistrat à Thérouanne
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Portail de l’histoire
- Portail de la Rome antique • section Empire romain
- Portail du Moyen Âge
- Portail de la Renaissance
- Portail du Nord-Pas-de-Calais