Sabine Weiss

Sabine Weiss, née Sabine Weber le à Saint-Gingolph, est une photographe d'origine suisse naturalisée française en 1995.

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Elle est, aux côtés de Robert Doisneau, Willy Ronis, Édouard Boubat et Izis, l'une des principales représentantes du courant de la photographie humaniste française.

Biographie

Son père était ingénieur chimiste[1] et fabriquait des perles artificielles à partir d'écailles de poissons. La famille demeurait à côté du poste frontière, et quitte Saint-Gingolph, alors qu'elle est encore enfant. Attirée très jeune par la photographie, elle dit elle-même : « J'ai pris conscience très jeune que la photographie serait mon moyen d'expression. J'étais plus visuelle qu'intellectuelle… Je n'étais pas très douée pour les études. J'ai quitté le lycée, je suis partie un jour d'été à bicyclette »[2]. Sabine Weiss commence à photographier en 1935 à l'âge de 11 ans avec un appareil photo acheté avec son argent de poche. Son père la soutient dans son choix, et elle apprend plus tard la technique photographique, de 1942 à 1946, auprès de Paul Boissonnas, fils de Frédéric Boissonnas, photographe de studio à Genève. Elle obtient son diplôme en 1945.

Paris

Elle s'installe à Paris en 1946[1] et devient l'assistante de Willy Maywald : « Quand je suis venue à Paris, j'ai pu travailler chez Willy Maywald à qui un ami m'avait recommandée. J'y ai travaillé dans des conditions inimaginables aujourd'hui, mais avec lui j'ai compris l'importance de la lumière naturelle. La lumière naturelle comme source d'émotion »[2]. Willy Maywald travaillait à cette époque au premier étage d'une remise du 22 rue Jacob qui appartenait à un antiquaire, il n'y avait ni l'eau ni le téléphone. Ce travail lui permet pourtant de côtoyer le Tout-Paris de l'époque. Elle assiste ainsi à l'ouverture de la maison Dior et à la présentation de la première collection au 37 avenue Montaigne. En 1949, elle voyage en Italie et rencontre le peintre américain Hugh Weiss, qu'elle épouse le [3]. Elle ouvre alors son propre studio. Ses photographies témoignent de l'optimisme des années d'après-Libération : « C'était une belle période. Nous étions entre la fin de l'occupation allemande et le début de l'américanisation. Les gens sortaient d'une terrible épreuve et pensaient pouvoir tout rebâtir » déclare-t-elle[4].

Elle travaille dans des secteurs variés : passionnée de musique, elle fixe les visages de grands noms de la musique (Igor Stravinsky, Benjamin Britten, Pablo Casals, Stan Getz…) mais aussi ceux de la littérature et de l’art (Fernand Léger, F. Scott Fitzgerald, Jean Pougny, Alberto Giacometti et Annette Giacometti, Robert Rauschenberg, Jan Voss, Jean Dubuffet, Françoise Sagan…), du cinéma (Jeanne Moreau), de la mode (Coco Chanel). Elle collabore également à plusieurs revues et journaux connus en Amérique et en Europe pour des commandes publicitaires et de presse (Vogue, Paris Match, Life, Time Magazine, Town and Country, Holiday, Newsweek, etc.). Enfin, elle parcourt le monde en tant que photojournaliste et en rapporte de nombreux clichés.

L'agence Rapho

À partir de 1950, elle est représentée par l’Agence Rapho, première agence de presse française diffusant entre autres le travail de Willy Ronis et de Robert Doisneau qui lui propose d'entrer dans l’agence après une rencontre dans le bureau du directeur de Vogue. Elle se lie d’amitié avec des personnalités du milieu artistique comme Jean Cocteau, Maurice Utrillo, Georges Rouault, et Jacques-Henri Lartigue.

Le fait qu'elle soit l'une des rares femmes de l'univers de la photographie à l'époque n'est pas un problème. Pour le photojournaliste Hans Silvester, qui a travaillé avec elle sur les peuples de l'Omo (Éthiopie), : « Bien qu'elle soit dans un milieu très masculin, elle a vraiment réussi à se faire accepter immédiatement, à s'imposer comme ce qu'elle est depuis : une très grande photographe que j'estime et admire »[4].

En 1955, Edward Steichen choisit plusieurs de ses photographies pour l'exposition The Family of Man au Museum of Modern Art de New York[1].

En 1957, Sabine Weiss réalise une série de photographies du peintre Kees van Dongen qu'elle découvre avec son mari, et d'un coup de cœur achète un petit cabanon avec vue sur les ruines du château de Grimaud. Ils agrandissent la maison en 1969 et y viennent régulièrement en famille jusqu'à la mort de son mari en 2007[5].

En 1983, elle obtient une bourse du ministère des Affaires culturelles françaises et réalise une Étude sur les Coptes d’Égypte. Le même ministère lui délivre en 1992 une autre bourse lui permettant de réaliser une Étude sur la Réunion.

Elle publie une quarantaine d’ouvrages dont 100 photos de Sabine Weiss pour la liberté de la presse par Reporters sans frontières en 2007.

En 2017, Sabine Weiss a fait don de l’ensemble de ses archives, riches de 200 000 négatifs, 7 000 planches-contact, environ 2 700 tirages vintage et 2 000 tardifs, 3 500 tirages de travail et 2 000 diapositives au Musée de l’Elysée, à Lausanne[1],[6]. Ses photographies, aujourd’hui tirées par Guillaume Geneste[7], sont diffusées par l'agence Gamma-Rapho.

Une rétrospective de |’œuvre de Sabine Weiss est présentée aux Rencontres d’Arles en 2021[1].

Analyse de l’œuvre

Son travail personnel est attaché à la vie dans son quotidien, aux émotions et aux gens. Il mêle habilement poésie et observation sociale, c’est pour cette raison que l’on rattache son œuvre au courant de la photographie humaniste : « lumière, geste, regard, mouvement, silence, repos, rigueur, détente, je voudrais tout incorporer dans cet instant pour que s'exprime avec un minimum de moyen l'essentiel de l'homme. »[2]. « Mes photos (…) expriment un certain amour que j'ai pour la vie. »[2].

Sabine Weiss, comme le photographe Bernard Plossu, récuse le statut d'artiste. Son but est de témoigner plutôt que de créer : « Je témoignais, je pensais qu'une photo forte devait nous raconter une particularité de la condition humaine. J'ai toujours senti le besoin de dénoncer avec mes photos, les injustices que l'on rencontre »[2]. « Je n'aime pas les choses très éclatantes mais plutôt la sobriété… il ne s'agit pas d'aimer bien, il faut être ému. L'amour des gens, c'est beau. C'est grave, il y a une profondeur terrible. Il faut dépasser l'anecdote, dégager le calice, le recueillement. Je photographie pour conserver l'éphémère, fixer le hasard, garder en image ce qui va disparaître : gestes, attitudes, objets qui sont des témoignages de notre passage. L'appareil les ramasse, les fige au moment même où ils disparaissent. »[2].

La photographe utilise essentiellement le noir et blanc en axant sa recherche sur un cadrage précis, une certaine qualité de lumière, des ambiances. Elle fait de la photographie un art de vivre, en arpentant les rues de Paris, souvent la nuit, pour trouver des sujets variés mais toujours proche de l’homme dans ses moments universels : scènes de rue, solitudes, enfants, croyances, figures humaines dans le brouillard, fugacité d’une émotion. On retrouve dans sa production beaucoup d’enfants, de vieillards, de sourires de stars, tous reliés par une caractéristique commune de spontanéité et simplicité : « J'aime beaucoup ce dialogue constant entre moi, mon appareil et mon sujet, ce qui me différencie de certains autres photographes qui ne cherchent pas ce dialogue et qui préfèrent se distancier de leur sujet. »[2].

Robert Doisneau dit à propos des photographies de Weiss : « Les scènes, en apparence inoffensives, ont été inscrites avec une volontaire malice juste à ce moment précis de déséquilibre où ce qui est communément admis se trouve remis en question. »[2].

Bibliographie

Années 1960
  • J'aime le théâtre, de Catherine Valogne, Éditions Rencontres, Suisse, 1962, 301.p. In-12, illustré d'une photographie noir et blanc.
  • Une semaine de la vie de Daniel, Éditions Mac Millain, USA, 1969
Années 1970
Années 1980
  • Marchés et Foires de Paris, Éditions ACE, France, 1982
  • Intimes convictions, par Claude Nori, Éditions Contrejour, France, 1989
Années 1990
  • Hadad, Peintres, Éditions Cercle d'Art, 1992
  • Vu à Pontoise, Éditions municipales, 1992
  • La Réunion, Éditions de la galerie Vincent, Saint Pierre, 1995
  • Bulgarie, Éditions Fata Morgana, 1996
  • Giacometti, Éditions Fata Morgana, 1997
  • Des enfants, texte de Marie Nimier, Éditions Hazan, 1997, (ISBN 2-85025-574-2)
Années 2000
  • Poussettes, charrettes et roulettes, musée de Bièvres, 2000
  • André Breton, texte de Julien Gracq, Édition Fata Morgana, 2000
  • Sabine Weiss soixante ans de photographie, par Jean Vautrin et Sabine Weiss aux Éditions de La Martinière, 2003
  • Claudia de Medici, 2004
  • Musiciens des villes et des campagnes, par Sabine Weiss, Gabriel Bauret et Ingrid Jurzak (Filigranes Editions), 2006, (ISBN 9 782350 460741)
  • See and Feel , aux Éditions ABP (Pays-Bas), 2007
Années 2010
  • « Masques et Rites, Burkina Faso », dans la revue d'art TROU, no 20, 2010
  • l'Œil intime , Presses de e-Center, 2011, (ISBN 978-2-35130-056-5)
  • l'Œil intime , Impression Escourbiac, nouvelle édition , (ISBN 978-2-95493-890-5)
  • Sabine Weiss, co-édition Jeu de Paume / La Martinière, préface de Marta Gili, texte de Virginie Chardin,
Années 2020

Expositions

Années 1950
Années 1960
  • 1963, exposition collective « Femmes Photographes », Studio 28, Paris
  • 1967, exposition collective « Regards sur la Terre des Hommes » , Montréal
  • 1978, Centre Culturel Noroit, Arras
  • 1978, Centre Culturel de Châtillon
  • 1978, exposition itinérante organisée par L'ACMAE
Années 1980
Années 1990
Années 2000
Conférences animées par Sabine Weiss (France)
Années 2010
Années 2020
  • 2021, « Sabine Weiss, une vie de photographe », Rencontres d’Arles[1].

Émissions télévisées et vidéographie

Distinctions

Récompenses et prix

Liste non exhaustive

Bibliographie

  • Viviane Esders, Dictionnaire mondial de la photographie, Larousse, 1994 (ISBN 2-03-511315-6)
  • Jean Vautrin, Soixante ans de photographie, Éditions de La Martinière, 2007, 212 pages (ISBN 2-7324-3052-8)
  • Vincent Josse, L'Atelier, éditions Flammarion, 2013.
  • Raphaël Dupouy, « Figure Libre », in Le petit journal du réseau Lalan, no 29, .
  • Sabine Weiss, Émotions, Texte de Marie Desplechin, Éditions de La Martinière, 2020, 253 pages (ISBN 978-2-7324-9589-7)

Notes et références

  1. Claire Guillot, « Aux Rencontres d’Arles, Sabine Weiss, remède à la mélancolie », Le Monde, (lire en ligne)
  2. Jean Vautrin, Sabine Weiss, soixante ans de photographies, monographie, Éditions de La Martinière, 2007
  3. Le couple adoptera une fille, Marion.
  4. Vincent Jolly, « Sabine Weiss, le monde d'hier », Le Figaro Magazine, semaine du 10 juin 2016, pages 68-73
  5. Raphaël Dupouy, « La dame au regard d'enfant » in Figure Libre, no 29, avril 2010.
  6. « Je n’aime que les photographies prises dans la rue », letemps.ch, 12 juin 2017.
  7. « Guillaume Geneste : "La photographie est un leurre qui vous fait croire qu'elle peut arrêter le temps" », sur France Culture (consulté le )
  8. Liste établie à partir de celle publiée sur le site de l'artiste et de différentes galeries
  9. liste non exhaustive des expositions de Sabine Weiss
  10. Médiathèque des Rencontres d'Arles
  11. Présentation de l'exposition sur mep-fr.org
  12. Valérie Duponchelle, « L’espiègle Sabine Weiss, Prix « Women In Motion » 2020 de la photographie », sur Le Figaro.fr, (consulté le )
  13. Valérie Oddos, « Sabine Weiss reçoit le prix Women in Motion des Rencontres d'Arles pour l’ensemble de sa carrière », France Info, 6 novembre 2020.

Voir aussi

Liens externes

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