Royaume de Soissons

Le royaume de Soissons[1], aussi connu sous le nom de domaine de Syagrius était un État de l'Empire romain d'Occident, dans le nord de la Gaule. Ce territoire romain autonome a existé en Gaule romaine au Ve siècle de notre ère, territoire dirigé notamment par Syagrius jusqu'à la conquête franque par Clovis.

Pour les domaines fonciers romains en Gaule, voir villa romaine. Pour grands domaines fonciers médiévaux, voir domaine médiéval.

Royaume de Soissons

461486

Le royaume de Soissons en 486.
Informations générales
Statut Comté
Capitale Soissons (462-486)
Langue(s) Latin
Monnaie Monnaie romaine
Histoire et événements
461 Non-reconnaissance de Sévère III
476 Chute de l'Empire romain d'occident
486 Bataille de Soissons
Magister militum, comte et duc
461-464 Aegidius
464-469 Paul
469-486 Syagrius

Entités précédentes :

Entités suivantes :

Carte des Empires romains d'Orient et d'Occident en 476 : les « invasions barbares » substituant des royaumes germaniques à l'Empire romain d'Occident mais la portion de Gaule romaine, séparée de l'ensemble, devient le domaine gallo-romain dirigé par une autorité sur laquelle Rome n'influe plus.

Ce domaine exista de la fin du mandat d'Aetius jusqu'au « règne » de Syagrius, où il fut grignoté de plus en plus vite, jusqu'à devenir un réduit autour de trois cités gallo-romaines qui deviendra le domaine royal de Soissons, conquis par les troupes saliennes de Clovis. Selon Renée Mussot-Goulard, la reconnaissance par l'Empire romain d'Orient de l'autorité sur les Gaules du roi wisigoth Euric, sans mentionner les généraux de Rome au nord de la Loire, vaut reconnaissance de la disparition de l'Empire d'Occident[2].

Mais de facto, le domaine de Syagrius existe entre 433 ou 461 (voir plus bas) et 485. La bataille de Soissons marque la chute de ce réduit, qui tombe aux mains des Francs en 486.

L'administration de la Rome antique ne s'exerçant plus, le général Ægidius fit sécession de l'Empire romain d'Occident ; il n'était pas le premier, il avait eu des précurseurs dès le début des « invasions barbares » : Sebastianus et Jovin. Ce qui est nouveau, c'est le fait qu'Ægidius fut reconnu par les maîtres des premiers royaumes germaniques en Europe occidentale ; mais ce n'était pas pour autant un roi et il ne se revendiquait pas comme tel.

Histoire

L'émergence du royaume de Soissons vient de la décision de l'empereur Majorien (457-461) de nommer Aegidius Magister militum de Gaule romaine. Lorsque Majorian fut tué sur les ordres de Ricimer en 461, Aegidius conserva le gouvernement d'une grande partie de la province, créant un État romain connu comme royaume de Soissons. Dans le chaos de la Gaule contemporaine, il maintint son pouvoir contre les Francs au nord-est et contre les Wisigoths vers le sud. Ses relations avec les romano-britanniques de Bretagne semblent avoir été amicales. Aegidius mourut en 464 ou 465 ; son fils Syagrius lui succéda. En 486, Syagrius perdit la bataille de Soissons contre Clovis et le domaine tomba ainsi sous le contrôle des Francs.

Les dits « rois » des Romains

  • Ægidius inaugure la scission avec le pouvoir impérial romain, lointain et affaibli.
  • Le comes Paulus lui succède peut être en 464.
  • Syagrius, fils d'Ægidius, atteste d'une transmission de type héréditaire ; il est tué par Clovis. Il fut le seul à être qualifié de roi des Romains par l'historiographie ultérieure.

Historiographie

  • Du point de vue de l'historiographie romaine, on pourrait identifier ce territoire durant son existence sur la carte géographique comme la dernière terre romaine de l'Antiquité tardive occidentale, entourée de royaumes à l'aristocratie germanique, qui mélangent peu à peu des coutumes qui leur sont propres à des éléments subsistants de droit romain, au contact avec les populations locales : ce mélange est caractéristique du Haut Moyen Âge.
  • Dans son tableau synoptique de l'Italie (frise chronologique) Maurice Griffe fait commencer le domaine en 433 par le patrice Flavius Aetius, mais ne mentionne pas le « comes Paulus », passant directement à Syagrius en 464.
  • Toutefois, Aetius, prédécesseur d'Ægidius dans la région, ne peut en être considéré comme « roi », dans la mesure où il affirmait clairement lui-même représenter Rome. Aetius fit un effort considérable pour mobiliser tous les contingents disponibles des fédérés de Rome de la région, afin d'endiguer la percée de l'empire hunnique. Il y parvint, mais cela donna, à ces fédérés germaniques, un poids politique et militaire accru. C'est ce qui fait dire à Georges Duby que ceux qui ont vécu la chute de l'Empire romain n'en ont, pour la plupart, pas eu conscience, puisque le transfert des pouvoirs des Romains aux Germaniques, accompagné par la germanisation des premiers et la romanisation (et la christianisation) des seconds, ont été des phénomènes progressifs[3].

Archéologie

Il semble qu'à la même époque, le temple gallo-romain de la forêt d'Halatte près de Senlis, voué à la religion romaine polythéiste, a été abandonné en raison de la christianisation.

Histoire générale

  • de 433 à 456 (selon l'hypothèse historiographique citée plus haut) :

Selon la biographie d'Aetius, la répartition de sa charge conjointe de comes et magister utriusque militiae amène peut-être la répartition des charges entre un comes (le fameux comes Paulus, ou « comte Paul ») et un maître des milices / gouverneur qui en est distinct (Ægidius). Après Aetius, les empereurs d'Occident à Ravenne n'ont plus aucun pouvoir et une délégation de l'Empire d'Orient en ambassade à Toulouse reconnaît au roi des Wisigoths l'autorité sur les Espagnes et les Gaules, ignorant Aetius ou considérant peut-être qu'il lui appartenait de se soumettre aux Wisigoths.

Les origines du domaine gallo-romain remontent au règne de l'empereur d'Occident Majorien (457-461). À cette époque, Majorien nomma Aegidius magister militum des provinces de Gaule. Le seul territoire encore sous domination romaine se trouvait au nord-ouest des Gaules, rattaché à l'Italie par un étroit couloir rhodanien. Sous le règne de Majorien, alors que le royaume wisigoth dominait l'Auvergne et la riche résidence impériale d'Arles, avec ses ateliers monétaires, ce couloir rhodanien fut annexé par les Burgondes, coupant ainsi Ægidius et ses concitoyens du reste de l'Empire.

Ægidius s'allia à Childéric Ier, roi des Francs saliens, et en 463 l'aida à mettre en déroute les Wisigoths à Orléans. Il est également possible que les Bretons romanisés aient sollicité l'aide militaire d'Ægidius après le retrait des Romains de l'île de Bretagne. Quoi qu'il en soit, les colonies romano-bretonnes d'Armorique avaient une frontière commune avec le domaine de Soissons à l'Ouest, et il y avait probablement des échanges commerciaux entre les deux communautés.

Ægidius gouverna jusqu'à sa mort en 464, que l'on soupçonne être un assassinat commandité par les ennemis de Childéric. Son fils Syagrius lui succéda. Ce dernier prit le titre de Duc (dux, chef militaire responsable d'une province), mais les tribus germaniques avoisinantes le qualifiaient de Roi des Romains, d'où le nom donné à son enclave : le domaine royal de Soissons. Pourtant, même après la chute de l'Empire d'Occident en 476, Syagrius continua à se comporter en simple gouverneur d'une province romaine.

En 457, les Saxons, venus du sud de la péninsule du Jutland, traversent les terres des Saliens et des Ripuaires, accélérant peut-être le mouvement de ces derniers vers le sud. Ils débarquent aussi en masse sur l'île de Bretagne à la fin du Ve siècle : les Britto-romains appellent à l'aide le « comte Paul »[réf. nécessaire] qui, en 470, combat les Saxons sur le continent, peut-être aidé des fédérés francs. Ambrosius Aurelianus tente de leur résister sur l'île de Bretagne, sans que la coordination dans la chaîne de commandement romaine puisse être établie (elle est même peu probable dans le chaos généralisé).

Entre-temps, Childéric était mort et son fils, Clovis, était devenu roi des Francs. Clovis mena une guerre sans relâche contre Syagrius, achevant en 486 la conquête du dernier territoire qui restait encore sous sa gouverne. Syagrius voulut alors se réfugier auprès du roi Wisigoth Alaric II, mais il fut trahi, fait prisonnier et livré à Clovis, qui le fit exécuter en 487. Quant aux Saxons et aux Angles, victorieux en Bretagne insulaire, ils s'emparèrent de la future « Angleterre » et en chassèrent progressivement une partie des Bretons et des Britto-romains, qui viennent grossir leurs colonies armoricaines, allant même, pour certains, jusqu'en Galice.

Extension géographique

De la Loire à la Somme, le domaine gallo-romain est bordé en 476 par le royaume wisigoth d'Euric au sud (qui à la suite de la bataille de Déols en 469 et à celle d'Arles en 471 gagne l'Auvergne en 475, par la défection d'Ecdicius), par l'Armorique au nord-ouest, devenue indépendante, par les royaumes francs au nord-est et par le royaume burgonde au sud-est. Il touche aussi sur une courte section le royaume Alaman à l'est, qui s'étend dans le bassin du Rhin à l'époque.

Durant le règne de Syagrius, le domaine gallo-romain ne compte plus que les terres autour des cités de Noviomagus Veromanduorum (Noyon), Augustomagus (Senlis) et Augusta Suessionum (Soissons).

Notes et références

  1. (en) Penny MacGeorge, Late Roman Warlords, Oxford, Oxford University Press, , 111–113 p. (ISBN 0-19-925244-0, lire en ligne)
  2. Renée Mussot-Goulard, Les Goths.
  3. Philippe Ariès, Georges Duby et Paul Veyne, Histoire de la vie privée de l'Empire romain à l'an mil, Tome 1, Seuil 1985

Voir aussi

Bibliographie

  • [Cândido da Silva 2001] Marcelo Cândido da Silva, « Les cités et l'organisation politique de l'espace en Gaule mérovingienne au VIe siècle », Histoire urbaine, vol. 4, no 2 : « L'espace des métiers dans les villes occidentales (XVIIe – XXe siècle) », , 2e partie, art. no 1, p. 83-104 (DOI 10.3917/rhu.004.0083, résumé, lire en ligne [PDF], consulté le ).
  • [MacGeorge 2002] (en) Penny MacGeorge, Late Roman warlords [« Seigneurs de guerre de l'Empire romain tardif »] (texte remanié de la thèse de doctorat soutenue à l'université d'Oxford en ), Oxford et New York, Oxford University Press, coll. « The Oxford classical monographs », (réimpr. ), 1re éd., 1 vol., XIV-347 p., 13,8 × 21,6 cm (ISBN 978-0-19-925244-2, EAN 9780199252442, OCLC 469640911, notice BnF no FRBNF39003520, DOI 10.1093/acprof:oso/9780199252442.001.0001, SUDOC 092138411, présentation en ligne, lire en ligne), part. II (« Aegidius, Syagrius, and the kingdom of Soissons ») [« Ægidius, Syagrius, et le royaume de Soissons »], en part. chap. 7 (« Syagrius and the kingdom of Soissons ») [« Syagrius et le royaume de Soissons »], p. 111-136 (DOI 10.1093/acprof:oso/9780199252442.003.0008).
  • [James 1988] Edward James, « Childéric, Syagrius et la disparition du royaume de Soissons », Revue archéologique de Picardie, nos 3-4 : « Actes des VIIIe Journées internationales d'archéologie mérovingienne de Soissons (-) », , art. no 2, p. 9-12 (DOI 10.3406/pica.1988.1527, lire en ligne [PDF], consulté le ).

Articles connexes

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