Monnaie romaine

La monnaie romaine est de toutes les monnaies antiques celle qui a connu la plus longue et la plus grande expansion géographique, jusqu'à devenir durant plusieurs siècles la monnaie commune du monde occidental et méditerranéen. Après des débuts frustes basés sur le bronze au poids et l'usage du monnayage grec, elle s'est constituée à la fin du IIIe siècle av. J.-C. selon un système monétaire fondé sur le bimétallisme argent et bronze[1]. Au début du Haut-Empire sous Auguste s'ajoute la monnaie d'or, créant un système à trois métaux qui reste stable pendant près de deux siècles et demi. La crise militaire et économique du IIIe siècle et la spirale inflationniste qui l'accompagne voient l'effondrement des monnaies d'argent et de bronze. Au IVe siècle, la réforme de Dioclétien qui tente de revaloriser les monnaies d'argent et de bronze ne parvient pas à contenir l'inflation, tandis que celle de Constantin Ier parvient à créer un système monétaire dominé par le solidus stabilisé à 4,5 grammes d'or fin et sans parité fixe avec les autres monnaies qui se dévaluent. Le solidus connait ensuite une exceptionnelle stabilité dans l'empire d'Orient jusqu'au XIe siècle.

L'art du portrait, une des caractéristiques du monnayage romain de l'époque classique (sesterce de Trajan, 105 après J.-C.)

La monnaie fut collectionnée, de tous temps, à toutes les époques : déjà à Pompéi, on a retrouvé des collections de monnaies de la Grèce antique depuis les débuts.

Connaissance du monnayage romain

Les monnaies romaines sont un des témoins de la vie économique antique le mieux connu, dans la quasi-totalité de ses déclinaisons[2]. L'étude du monnayage romain date de plusieurs siècles. Objets dont la diffusion fut abondante et qui sont imputrescibles, les pièces romaines sont découvertes de façon fortuite depuis longtemps. À partir du XVIIIe siècle, des collectionneurs érudits constituent des cabinets des médailles, du nom que l'on donnait aux monnaies antiques, où ils accumulent et classent leurs acquisitions. Des musées nationaux forment leur collection à leur tour. La fusion des divers inventaires de ces collections permet d'établir des catalogues numismatiques de plus en plus exhaustifs qui répertorient les monnaies selon leur type et leur motif. Une illustration de ce processus nous est donnée à la fin du XIXe siècle par Henry Cohen, auteur d'un célèbre catalogue de plusieurs dizaines de milliers de monnaies impériales : dans sa préface, il décrit son étude des catalogues des musées de Turin, du Danemark, de Vienne et des collections du Musée britannique et celle du Cabinet des médailles de France. Ce cabinet fut lui-même enrichi des legs d'amateurs tel le comte de Caylus, qui suivit avec passion les premières découvertes archéologiques d'Herculanum et de Pompéi au début du XVIIIe siècle[3].

À partir de 1900 et avec les travaux d'Adrien Blanchet, la numismatique jusqu'ici cantonnée aux activités de catalogage, s'élargit en étudiant les trouvailles monétaires comme des documents archéologiques et historiques[4]. On recherche les lieux d'émissions, les volumes frappés et leur dispersion, certains chercheurs analysent les caractéristiques physiques des monnaies, en poids et en teneur des alliages, mais de façon encore partielle pour des approches statistiques[5].

Les trouvailles au cours du XXe siècle, avec les trésors monétaires, parfois spectaculaires comme le trésor de Marcianopolis (plus de 80 000 pièces d'argent, découvert en 1929 à Devnya en Bulgarie), le Trésor d'Eauze découvert en 1985 en France (28 000 pièces d'argent), celui de Trèves (1993, 2 500 pièces d'or) ou encore le trésor de Frome en 2010 (52 000 pièces, en majorité de bronze), et les travaux britanniques[6] ont complété les travaux de Cohen et créé le célèbre catalogue en dix volumes du Roman Imperial Coinage, achevé en 1994[7].

La seconde moitié du XXe siècle voit se diversifier les recherches numismatiques : la multiplication des chantiers archéologiques, l'emploi des détecteurs de métaux lors des fouilles officielles et clandestines[Note 1] enrichissent la masse des découvertes. L'étude s'élargit à des domaines un peu négligés, comme les nombreuses et diverses émissions locales, ou le monnayage de cuivre[8]. L'informatique offre de puissants moyens d'inventaire, tandis que les techniques spectrographiques permettent une analyse fine des alliages[9].

Le monnayage sous la République

Les origines du monnayage romain

uncia de bronze frappée entre 215 et 212 av JC Rome et un globule à l'avers, Proue, ROMA et globule au revers

Vers 400 av. J.-C., les Romains remplacèrent le troc basé sur les têtes de bétail ou l'usage de monnaies grecques par un système monétaire relativement archaïque. Il s'agissait dans un premier temps de « blocs » de bronze nommés aes rude puis à la fin du IVe siècle de lingots en bronze représentant sur une des faces leur équivalent en têtes de bétail, l'aes signatum[1]. Ensuite, en -289 apparaissent des disques de bronze nommés aes grave (latin grave = lourd)[1] pesant une livre romaine (324 g) et valant 1 as. Le double visage de Janus y est gravé sur l'avers (face). Des sous-multiples normalisés sont émis pour un usage courant, semis (1/2), triens (1/3), quadrans (1/4), sextans (1/6), uncia ou once (1/12), demi-once (1/24)[10].

Le poids de l'as étant fixé en fonction de sa valeur, celui-ci diminue lors de la première guerre punique (264-241) pour peser environ 290-280 grammes, baisse due aux fortes dépenses de Rome pour la constitution de sa flotte. Vers 225 av. J.-C. apparaît sur le revers de l'aes grave, une proue en hommage à la flotte militaire romaine constituée quelques décennies plus tôt.

Monnayage républicain

Denier d'argent de la gens Cupienna de 147 av JC

Lors de la deuxième guerre punique (218-201), qui impose à Rome des dépenses considérables, l'as s'effondre et finit par devenir un disque de bronze d'une vingtaine de grammes. Il a un multiple, le dupondius valant 2 as, et des sous-multiples le semi (½ as), et le quadrans (¼ as). Toutes ces monnaies sont en bronze. C'est à ce moment que l'argent métal apparaît véritablement dans le système monétaire romain avec le denier, le quinaire et le sesterce valant 2 as et demi.

Équivalences entre monnaies romaines (1re moitié du IIe siècle av. J.-C.)
Monnaie Denier Quinaire Sesterce As Métal Marque Avers Revers
Denier 12410 ArgentXRome casquéeDioscures
Quinaire 1/2125 ArgentVRome casquéeDioscures
Sesterce 1/41/212,5 ArgentIISRome casquéeDioscures
As 1/101/52/51 BronzeJanusproue de navire

Le monnayage d'argent : denier et sesterce

Le système monétaire est réformé et s'appuie désormais sur le denier d'argent[1].

En 211 av. J.-C. le denier apparaît et vaut 10 as de 53 grammes de bronze chacun (d'où sa marque du chiffre romain X, et d'où son nom qui vient du radical latin DENI = dix par dix ; même racine DE[K] que decem = dix). Le denier pesant 4,5 g d'argent[1], soit 1/72 livre, 530 g de bronze sont égaux à 4,5 g d'argent en 211. On a donc un rapport de 1/120[11].

Le denier connait une première baisse de poids vers 206 av. J.-C. avec un poids théorique de 4,20 grammes, puis une seconde dans la période 199 à 190 avant notre ère[1]. Le denier est désormais taillé à 1/84 livre avec un poids théorique de 3,87 grammes[1],[12].

Vers 170 av. J.-C., le denier est dévalué une troisième fois et son poids est ramené à 3,7 grammes (le rapport entre l'argent et le bronze est alors de 1/70).

Enfin, vers 140 av. J.-C. la valeur relative du denier d'argent par rapport au bronze est réestimée[13] :

  • le denier vaut désormais 16 as de bronze[1] soit un rapport de 1/110.
  • le sesterce passe à 4 as[1], mais conserve sa marque de HS, souvenir de sa parité initiale avec l'as (deux as et demi, soit en chiffres romains IIS, vite retranscrit en HS).
Équivalences entre monnaies romaines (Ier siècle av. J.-C.)
DenierQuinaireSesterce AsMétal
Denier 12416 Argent
Quinaire 1/2128 Argent
Sesterce 1/41/214 Argent
As 1/161/81/41 Bronze

Le sesterce comme unité de compte

Le sesterce devient au cours du IIe siècle av. J.-C. l'unité de compte usuelle en lieu et place de l'as libral, les dépenses, les revenus et les fortunes s'évaluent en sesterces, d'abord dans les comptes officiels de l'État romain, puis auprès des particuliers. La date d'introduction de ce changement comptable n'a pas pu être déterminée par les historiens, qui s'accordent pour considérer qu'elle est un peu antérieure à 141 av. J. C. selon l'inscription du premier sénatus-consulte qui chiffre en sesterces[14],[15].

L'impact de ce changement comptable sur la gestion publiques et particulièrement sur les seuils déterminant les classes lors des recensements est difficile à apprécier faute de documentations antiques. Si Michael Crawford considère que les valeurs en as ont été simplement retranscrites en sesterces, transformant le minimum pour la première classe de 100 000 as en 100 000 sesterces[16], Claude Nicolet trouve le changement trop considérable, et après analyse des rares indices écrits, constate qu'on ne peut affirmer que l'échelle censitaire a été multipliée par quatre lors du passage des comptes en sesterces. Seule certitude, le nouveau cens crée à cette époque pour les chevaliers s'exprime à 400 000 sesterces[17].

Le monnayage sous le Haut Empire

Le système augustéen

À partir de la réforme monétaire d'Auguste de 19 av. J.-C., le système entre dans une période de stabilité qui va durer plus de deux siècles. L'aureus créé par César est maintenu, le monnayage d'or et d'argent est complété par une série de sous-multiples en métal moins noble. Le bronze, alliage de cuivre et d'étain, est abandonné. Le sesterce, qui était une minuscule pièce en argent sous la République, devient une monnaie dans un nouvel alliage de cuivre et de zinc, dit orichalque, similaire au laiton, tandis que l'as est fabriqué en cuivre pur. Valeur la plus importante des espèces cuivrées, le sesterce devient l'unité de compte de l'économie romaine[18].

Le système monétaire augustéen se présente alors comme suit[19] :

Système monétaire sous Auguste[20]
Denier Sesterce As   Monnaie Métal Poids sous Auguste
25 100  400
  Aureus
or 7,85 g
 12½ 50 200
  Quinaire d'or
or 3,92 g
1 4 16
  Denier
argent 3,79 g
1/ 2 2 8
  Quinaire d'argent
argent 1,9 g
1/ 4 1 4
  Sesterce
laiton 25 g
1/ 8 1/ 2 2
  Dupondius
laiton 12,5 g
1/ 16 1/ 4 1
  As
cuivre 11 g
1/ 32 1/ 8 1/ 2
  Semis
cuivre 4,6 g
1/ 64 1/ 16 1/ 4
  Quadrans
cuivre  

L'unification monétaire n'était toutefois pas totale. Dans la partie orientale de l'Empire, les cités frappaient leur propre monnaie pour l'usage local ou régional, comme la drachme grecque ou temporairement le cistophore d'argent, d'environ 12 grammes et valant 3 deniers romains ou 4 drachmes grecques[21].

En 64, sous Néron, le poids de monnaie d'or et d'argent est modifié, diminuant la valeur de l'or monnayé par rapport à l'argent. L'aureus passe de 7,8 à 7,26 grammes soir 1/45e de livre, et le denier d'argent descend à 3,40 grammes[22].

Propagande impériale

Dupondius d'Antonin le Pieux empereur en 138.

Les empereurs soignent particulièrement leur portrait sur les monnaies qui servent de propagande, le sesterce en laiton valant un quart de denier est, avec son diamètre d'environ 33 mm, la monnaie reine de l'époque.

Les portraits d'empereurs les plus réussis sont sans doute ceux de Trajan et Hadrien : le même artiste graveur semble avoir réalisé le portrait des deux empereurs, entre 98 et 138 sur la plupart des monnaies parues entre ces deux règnes. Sous Trajan, avec la conquête de la Dacie vers 105 l'empire se doit d'afficher avec faste sa propagande, et avec de beaux traits, et un beau relief, le portrait de l'empereur est presque idéalisé comme un dieu, et au revers de la monnaie, les victoires militaires ou politiques sont célébrées, souvent avec une allégorie, ou des symboles, facilement lisibles pour une population le plus souvent analphabète .

À diverses périodes, les portraits sont moins ébauchés, et paraissent très simplistes, surtout après 410 : ces monnaies indiquent des périodes de crises économiques, ou des périodes de troubles, ou l'art est beaucoup moins mis en avant pour mettre en valeur l'empire, avec de beaux portraits, et à ces périodes, les portraits sont sommaires, presque enfantins, ou caricaturaux. Ainsi par exemple, on a du mal à reconnaître un empereur sur les monnaies des dernières décennies avant la chute de l'empire d'occident, en 476 : les yeux sont souvent globuleux ou exorbités, la tête est disproportionnée, le nez est trop gros, ou trop petit, etc.

Médaillon multiple d'aureus, d'un poids de 39,79 g, émis par Constantin en 313.

L'avers côté face ») représente la plupart du temps l'effigie de l'empereur régnant à l'époque de l'émission de la monnaie. Les revers des monnaies sont l'occasion de faire de la propagande : ils célèbrent les victoires et les conquêtes des empereurs, ils représentent des dieux, des déesses, des allégories symbolisant des qualités associées à l'empereur, des monuments, des provinces personnifiées, des animaux. On compte parfois plusieurs centaines de revers différents pour un seul empereur, parmi lesquels certains d'une grande importance historique. Les impératrices et les enfants de la famille impériale sont aussi parfois représentés.

Sous plusieurs empereurs, des monnaies d'or de prestige, multiples de l'aureus et appelées médaillons, sont frappées pour être distribuées en hommage aux dignitaires méritants de l'Empire. D'un poids de 2 à 10 aurei, ces émissions n'étaient pas vraiment destinées à circuler et s'apparentaient plutôt à des médailles. On trouve également des médaillons en bronze et en argent.

Les monnaies sont aussi un formidable outil pour les archéologues pour déterminer les frontières de l'empire, ou les zones d'influence : quand on trouve des monnaies en grand nombre en un endroit, cela signifie que la région était bien romanisée, et entretenait des activités économiques régulières avec le reste de l'empire.

La période des troubles politiques

Denier de Commode empereur en 180

Au fil du temps, la dévaluation est de plus en plus rapide. Sous Septime Sévère, le titre du denier passe de 70 % à 50 % d'argent. Vers 215, Caracalla, qui a besoin d'argent pour pouvoir payer les soldats dont il a augmenté la solde, institue une nouvelle monnaie, un double denier appelé antoninien ne pesant le poids que d'un denier et demi avec un titre de 50 % d'argent[23]. Cette monnaie dont on ignore quel fut le nom à l'époque, se reconnait à la couronne de l'empereur faite de rayons (couronne radiée), et sur les monnaies des impératrices au fait que le buste est placé sur un croissant de lune.

La nouvelle monnaie est abandonnée ou peu frappée par certains empereurs, mais elle reviendra toujours, avec une valeur intrinsèque de plus en plus affaiblie, tandis que le denier disparait peu à peu, une mauvaise monnaie en chassant une bonne. Avec l'anarchie militaire du IIIe siècle, la multiplication des ateliers monétaires et l'instabilité politique, le système monétaire est dans la tourmente. Les monnaies se déprécient constamment, contenant de moins en moins de métaux précieux.

En 258 sous le règne de Valérien, l'antoninien n'était plus que d'un titre d'environ 20 % d'argent, et le gouvernement a commencé à traiter les monnaies par « un procédé d'enrichissement de l'argentation en surface » pour améliorer leur aspect et pour les faire sembler d'une finesse plus élevée qu'elles n'étaient réellement.


Sous le règne de Claude le Gothique, l'antoninien ne contiendra plus que 3 ou 4 % d'argent, et son aspect sera alors plus proche de celui d'une monnaie de bronze que de celui de l'argent sonnant et trébuchant. Le sesterce, valant 1/8e d'antoninien n'est presque plus frappé.

En 271, Aurélien réforme la monnaie et augmente le poids de l'antoninien que l'on nomme parfois actuellement aurelianus, il tente aussi de réintroduire l'as de cuivre et le sesterce.

Le monnayage sous le Bas Empire

La réforme du système monétaire

nummus/follis de Maximien Hercule frappé à Aquilée, avec le Génie du Peuple Romain au revers. Cette monnaie conserve des traces d'une argenture superficielle.

Durant le règne de Dioclétien, la situation politique et militaire se stabilise, tandis que l'inflation galopante persiste. Fin 294, il mène une nouvelle réforme monétaire, il diminue l'aureus d'Aurélien, qui passe de 1/50 à 1/60 de livre d'or, et crée de nouvelles monnaies : l’argenteus ou denier d'argent à 1/96e de livre d'argent, de même qualité que l'ancien denier de Néron, et trois monnaies de bronze dont un grand bronze avec un faible pourcentage d'argent, le follis ou nummus. L'unité de compte reste le denier courant, malgré sa dépréciation.

Tableau des principales monnaies de Dioclétien en 300. Leurs parités respectives à cette date proviennent d'un papyrus égyptien[24],[25]

Livre or Aureus Denier   Monnaie Métal Poids
1 60 60 000
  Libra aurea
or 327 g
1/60 1 1000
  Aureus
or 5,45 g
 1/1500 1/25 40
  Denarius argenteus
Argent 3,4 g
1/12000 1/200 5
  Nummus ou Follis
bronze argenté 9,7 g
1/30000 1/500 2
  neo antoninianus
Billon 2,9 g
1/60 000 '1/1 000 1
  Denarius communis
bronze 1,3 à 1,5 g

Ces parités respectives sont très vite remises en cause par l'inflation galopante. Une dizaine d'années plus tard, Constantin recrée un nouveau système, où le solidus en or remplace l'aureus qui ne sera plus émis que pour des occasions particulières en très petites quantités.

Le succès du solidus

Monnaie de 1 1/2 solidi de Constantin, 327, Thessalonique

Constantin Ier, vers 311 opère une dévaluation de la monnaie d'or en créant une nouvelle monnaie, le solidus frappé au 1/72 de la livre d'or pur (soit environ 4,5 g) contre 1/60 de livre précédemment. Son nom solidus (= solide, stable) constituait un véritable programme politique face aux dévaluations monétaires répétées des générations précédentes. Constantin Ier put maintenir la stabilité de cette nouvelle monnaie et l’émettre en quantités considérables, grâce à la confiscation des importants stocks d'or thésaurisés depuis des siècles dans les temples païens.

Face à la baisse constante des autres monnaies d'argent et de bronze, celle du follis par exemple qui perd rapidement son contenu d'argent, le solidus devint la monnaie refuge, pour tous les règlements importants (dons de l'empereur aux soldats, paiement des impôts, tributs versés par les peuples barbares, etc.).

Des sous-multiples du solidus furent créés : le semissis soit un demi-solidus, le tremissis ou triens, soit un tiers de solidus.

La stabilité du solidus de 4,5 g d'or se conserva durant l'évolution de l'Empire romain en empire byzantin, où il prit le nom de nomisma. Il ne connut de dévaluation qu'au XIe sous les Comnènes, soit une extraordinaire stabilité de sept siècles.

Persistance du système monétaire romain en Occident

Après la chute de l'Empire romain d'Occident, le solidus continua à circuler quelque temps chez les Francs ; son nom se maintint et se transforma en français en « sol », puis « sou ». Les peuples installés dans l'Empire, Burgondes, Ostrogoths et Wisigoths, émirent aussi des monnaie à l'imitation du système romain, dont des solidi[26].

L'étymologie monétaire

  • Le bétail, pecus en latin, unité originelle des échanges, a donné le mot « pécuniaire ».
  • Les monnaies romaines étaient au début frappées dans le temple de Junon Moneta, origine du mot « monnaie ».
  • Le terme grec o nomos « la loi », aurait donné nomisma, selon l'étymologie choisie par Aristote (Politique), ce qui suppose pour lui que la monnaie a d'abord une valeur légale, définie par l'autorité civique, et une incidence politique, nomisma (qu'on peut traduire approximativement comme « légalisé ») est donc devenu dans sa forme latinisée numisma (ou encore numus) qui a donné « numismatique ».
  • Le denier, denarius est à l'origine du dinar arabe, qui est une pièce d'or du poids d'un denier
  • Le solidus s'est transformé au fil des siècles en « « sold », « sol » », puis « sou » (parent de « solde, solder » et de « souder » par l'italien (< « saldo » = chose [rendue] solide).

Marques monétaires

Abréviations latines

Un rhinocéros sur un quadrans de Domitien.

Abréviations apparaissant sur des monnaies romaines. Notez que le "v" latin se rend phonétiquement par "u".

  • AVG: AVGVSTVS, AVGVSTA = empereur, impératrice
  • AVGG: AVGVSTORVM = des empereurs (génitif pluriel)
  • CAES: CAESAR = empereur
  • COS: CONSVL = consul
  • D: DIVVS,DIVA = divinisé
  • F: FILIVS = fils
  • FIL: FILIA = fille
  • IMP: IMPERATOR = général victorieux
  • PM: PONTIFEX MAXIMVS = grand pontife
  • PP: PATER PATRIAE = père de la Patrie
  • SC: SENATVS CONSVLTO = par décret du Sénat
  • TRP: TRIBVNICIA POTESTAS = puissance tribunicienne, renouvelée chaque année

Exemple : TI CLAVD CAESAR AVG P M TR P VI IMP XI (Tibère Claude César Auguste, Grand Pontife, revêtu pour la sixième fois de la puissance tribunitienne, salué victorieux pour la onzième fois).

Chiffres

Sesterce d'Antonin le Pieux ; revers avec l'indication COS IIII

Les chiffres apparaissent sur les monnaies impériales dans les indications de titulature portée plusieurs fois, comme le titre d'imperator (exemple IMP XII), de puissance tribunicienne (exemple TR PP II) ou de consul (exemple COS II), Parmi ces notations, les formes additives IIII et VIIII sont celles couramment employées (voir comme exemple le sesterce ci-après, avec l'indication COS IIII et non COS IV pour le quatrième consulat d'Antonin le Pieux). C'est la notation originelle des chiffres romains, les formes soustractives sont quant à elles plus récentes et ne sont pas employées sur les monnaies[27].

Des chiffres apparaissent aussi au IVe siècle dans les revers frappés pour les anniversaires de règne. Là encore on trouve des notations additives pour les chiffres : une monnaie émise pour les trente ans de règne de Constance II porte VOT XXX MULTIS XXXX[28].

Voici les chiffres utilisés dans les titulatures avers et revers des monnaies romaines :
I II III IIII V VI VII VIII VIIII X
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Marques d'atelier

À partir du IIIe siècle, les ateliers de frappe se multiplient, et les monnaies portent la marque d'origine de l'atelier d'émission.

Voir dans l'article ateliers monétaires romains, le tableau des marques d'atelier romain.

Notes

  1. Rappel : L'utilisation des détecteurs de métaux, à l'effet de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans autorisation administrative préalable est prohibée par l'article L. 542-1 du code du patrimoine

Sources

Références

  1. Catherine Virlouvet (dir.) et Stéphane Bourdin, Rome, naissance d'un empire : De Romulus à Pompée 753-70 av. J.-C, Paris, Éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 796 p. (ISBN 978-2-7011-6495-3), chap. 11 (« De la cité-état à l'"Empire-monde" »), p. 600-606.
  2. Michel Christol, Daniel Nony, Rome et son empire, des origines aux invasions barbares, Hachette, collection HU, 2003, (ISBN 2011455421), p 167
  3. Henry Cohen, Monnaies tome I, préface, p XI
  4. Adrien Blanchet, Les trésors de monnaies romaines et les invasions germaniques en Gaule, Paris, 1900
  5. Jean Lafaurie, Réformes monétaires d'Aurélien et de Dioclétien, Revue numismatique, 6e série - Tome 17, année 1975, pp. 74-75
  6. Depeyrot 1987, p. 6
  7. Harold Mattingly, Edward Allen Sydenham u.a.: Roman Imperial Coinage, Londres 1923–1994
  8. Depeyrot 2006, p. 122
  9. Depeyrot 1987, p. 114
  10. Depeyrot 2006, p. 11
  11. Zehnacker 1992, p. 3
  12. Zehnacker 1992, p. 4
  13. Michel Christol, Daniel Nony, Rome et son empire, des origines aux invasions barbares, Hachette, collection HU, 2003, (ISBN 2011455421), p 75
  14. Robert Kenneth Sherk, Roman documents from the Greek East; senatus consulta and epistulae to the age of Augustus, The Johns Hopkins Press, 1969, Baltimore, p. 49, S.C. 9, ligne 20
  15. Nicolet 2000, p. 155
  16. Crawford 1974, p. 631
  17. Nicolet 2000, p. 155-160
  18. Hubert Zehnacker, « Aperçus de numismatique romaine (III) », Vita Latina, N°129, 1993. p. 3
  19. Depeyrot 2006, p. 33
  20. Depeyrot 2006, p. 33
  21. Depeyrot 2006, p. 37
  22. Depeyrot 2006, p. 45
  23. Catherine Virlouvet (dir.) et Claire Sotinel, Rome, la fin d'un empire : De Caracalla à Théodoric 212 apr. J.-C - fin du Ve siècle, Paris, Éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 687 p. (ISBN 978-2-7011-6497-7, présentation en ligne), chap. 1 (« Un pouvoir impérial en quête de continuité (212-249) »), p. 21.
  24. Paul Petit, Histoire générale de l’Empire romain, Seuil, 1974, (ISBN 2020026775), 549
  25. Roger Remondon, La crise de l’Empire romain, PUF, collection Nouvelle Clio – l’histoire et ses problèmes, Paris, 1964, 2e édition 1970, p 131
  26. Lafaurie et Morrisson 1987, p. 40.
  27. Mireille Cébeillac-Gervasoni, Maria Letizia Caldelli, Fausto Zevi, Épigraphie latine Annexe 3 Onomastique et titulature des empereurs, Armand Colin, 2006, (ISBN 2200217749), pp. 38-61
  28. Monnaie de d'argent de Constance II C337 - Henry Cohen, Description historique des monnaies frappées sous l'Empire Romain, Paris, 1892,

Ouvrages généraux

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Andrew Burnett, traduction de George Depeyrot, La Numismatique romaine, de la République au Haut-Empire, Paris, Errance, 1991, (ISBN 9782903442699)
  • Jean-Pierre Callu, La politique monétaire des empereurs romains de 235 à 311, Paris, Éditions E. De Boccard,
  • (en) Michael Crawford, Roman republican coinage, t. II, Cambridge,
  • Georges Depeyrot, Le Bas Empire romain, économie et numismatique (284-491)., Paris, Edition Errance, , 140 p. (ISBN 2-903442-40-1)
  • Georges Depeyrot, La monnaie romaine : 211 av. J.-C. - 476 apr. J.-C., Paris, Éditions Errance, , 212 p. (ISBN 2-87772-330-5)
  • Claude Nicolet, Censeurs et publicains, économie et fiscalité dans la Rome antique, Paris, Fayard, , 500 p. (ISBN 2-213-60296-4)
  • Hubert Zehnacker, Moneta. Recherches Sur l'Organisation et l'Art des Émissions Monétaires de la République Romaine 2vo, École de Rome, 1973, 1214 pages, (ISBN 2728304599)
  • Claire Feuvrier-Prévotat, La loi de l'argent à Rome: VIè siècle - IIè siècle av. J.-C., Paris, L'Harmattan, , 280 p. (ISBN 978-2343175027)

Articles

  • Dominique Hollard, « La crise de la monnaie dans l'Empire romain au IIIe siècle après J.-C. Synthèse des recherches et résultats nouveaux », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 50e année, no 5, , p. 1045-1078 (lire en ligne).
  • Edith Karagiannis-Mazeaud, « Diane chez les « Antiquaires » : le discours sur les médailles », Albineana, Cahiers d'Aubigné, no 14, , p. 227-246 (lire en ligne)
  • Jean Lafaurie et Cécile Morrisson, « La pénétration des monnaies byzantines en Gaule mérovingienne et visigotique du VIe au VIIIe siècle », Revue numismatique, 6e série, t. 29, , p. 38-98 (lire en ligne).
  • Hubert Zehnacker :
    • « Premiers portraits réalistes sur les monnaies de la République Romaine », Revue numismatique, 6e série - Tome 3, année 1961 pp. 33-49
    • « Rupture ou continuité : La monnaie romaine de Sylla à Auguste », Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n°2, juin 1990. pp. 175-189
    • Hubert Zehnacker, « Aperçus de numismatique romaine (I) », Vita Latina, no 127, , p. 2-4 (lire en ligne)
    • Hubert Zehnacker, « Aperçus de numismatique romaine (II) », Vita Latina, no 128, , p. 2-5 (lire en ligne)
    • « Aperçus de numismatique romaine (III) », Vita Latina, N°129, 1993. pp. 2-5
    • « Aperçus de numismatique romaine (IV) », Vita Latina, N°130-131, 1993. pp. 3-6.
  • Roger Gounot, Le Trésor de Lissac : in Cahiers de la Haute-Loire 1965, Le Puy-en-Velay, Cahiers de la Haute-Loire, (lire en ligne) décrivant des monnaies romaines trouvées à Lissac (Haute-Loire) et conservées au Musée Crozatier au Puy-en-Velay.
  • Bernard Rémy, Les dépôts monétaires antiques du département de la Haute-Loire : in Cahiers de la Haute-Loire 1981, Le Puy-en-Velay, Cahiers de la Haute-Loire, (lire en ligne) décrivant 12 trésors de monnaies gauloises ou romaines découverts en Haute-Loire

Catalogues de monnaies romaines

En gras, les abréviations habituellement utilisées dans les catalogues.

Catalogues du XIXe siècle (obsolètes)
  • Babelon Description historique et chronologique de monnaies de la république romaine par Ernest Babelon, Paris 1885-86
  • COHEN = Henry Cohen, Description historiques des monnaies frappées sous l’Empire romain, Paris, 1882, plusieurs réimpressions, 8 vol. Il en existe une version en ligne
Catalogues du XXe siècle
  • Bastien = Pierre Bastien, Le Monnayage de l'atelier de Lyon
    • Dioclétien et ses corégents avant la réforme monétaire, Wetteren, Édition numismatique romaine, 1972
    • De la réouverture de l’atelier par Aurélien à la mort de Carin (fin 274 – mi-285), Wetteren, Édition numismatique romaine, 1976
    • De la réforme monétaire de Dioclétien à la fermeture temporaire de l’atelier en 316 (294 – 316), Wetteren, Édition numismatique romaine, 1980
    • De la réouverture de l’atelier en 318 à la mort de Constantin (318 – 337), Wetteren, Édition numismatique romaine, 1982
    • De la mort de Constantin à la mort de Julien (337 – 363), Wetteren, Édition numismatique romaine, 1985
    • Du règne de Jovien à la mort de Jovien (363 – 413), Wetteren, Édition numismatique romaine, 1987
  • BASTIEN 1983 = Pierre BASTIEN, Le Monnayage de Magnence (350 – 353), Wetteren, Édition numismatique romaine, 1983
  • Crawford ou RRC = Roman Republican Coinage, Michel H. CRAWFORD, Cambridge, (1re ed. 1974), 1991
  • LRBC = Late Roman Bronze Coinage, plusieurs réimpressions.
    • I. The Bronze coinage of the house of Constantine, AD 324 – 346, P.V. HILL, J.P. C. KENT
    • II. Bronze roman imperial coinage of the later empire, AD 346 – 498, R.A.G. CARSON, J.P. C. KENT
  • BMC = Coins of the Roman Empire in the British Museum
  • RIC = The Roman Imperial Coinage
  • RPC = Roman Provincial Coinage
    • I. From the death of Caesar to the death of Vitellius (44 BC – AD 69), Andrew BURNET, Michel AMANDRY, Pere Pau RIPOLLES. Paris, Londres, 1992
    • II. From Vespasian to Domitian. AD 69-96, Andrew Burnett, Michel Amandry, Ian Carradice, Paris, Londres, 1999
    • VII De Gordien I à Gordien III, 238-244 apr. J.-C., T.1, Les provinces d'Asie, Marguerite Spoerri Butcher, 2006
  • BNCMR (Bibliothèque Nationale. Catalogue des Monnaies de l’Empire Romain), publié par le Département des Monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France :
    • Jean-Baptiste Giard, BNCMER I, Auguste, Paris, 1re éd. 1976 ; 3e éd, 2001
    • J.-B. Giard, BNCMER II, de Tibère à Néron, Paris, 1988
    • J.-B. Giard, BNCMER III, du soulèvement de 68 à Nerva, Paris, 1998
    • Paul-André Besombes, BNCMER IV, Trajan, 2008
    • Sylviane Estiot, BNCMER XII.1, d’Aurélien à Florien. 270-276 ap. J.-C., Paris, 2004

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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