Road movie
Le road movie /ɹoʊd ˈmuːvi/[1] (en français « film de route ») est un genre cinématographique originellement nord-américain dans lequel le fil conducteur du scénario est un périple sur les routes avec divers moyens de locomotion, telles la moto, comme dans Easy Rider (1969), ou l'automobile, comme dans Thelma & Louise (1991).
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Terminologie
Le lexicographe Alain Rey emploie l'expression « film de route » comme traduction ou équivalent de road movie[2].
Histoire
Le road movie est l'avatar cinématographique nord-américain d'un genre littéraire ancien, le roman picaresque[3].
L'expression apparaît aux États-Unis dans les années 1960 avec la sortie d'Easy Rider de Dennis Hopper en 1969[4],[5].
Néanmoins Bernard Bénoliel et Jean-Baptiste Thoret considèrent que le road movie s'inscrit dans une histoire beaucoup plus ancienne et assimilent Le Magicien d'Oz (1939) et Les Raisins de la colère (1940) à des road movies[5],[6].
En Europe, Pierrot le fou (1965) de Jean-Luc Godard est aussi considéré comme un précurseur du genre[7]
Caractéristiques
Le road movie met en scène un ou plusieurs personnages qui prennent la route (en anglais américain hit the road) pour se libérer d'un espace clos et contraignant et atteindre une destination mythique ou inconnue[4]. La randonnée routière se termine souvent plutôt mal, sans que ce soit systématique[3].
L'errance des principaux personnages permet au film de proposer une chronique sociale abordant diverses questions. Dans Easy Rider, qui décrit les aventures de deux motards appartenant à la contre-culture des années 1960 auxquels se joint un troisième personnage qui est tombé dans la marginalité, Dennis Hopper s'interroge sur la viabilité de leur mode de vie face, entre autres, à l'intolérance radicale qu'il suscite parmi le reste de la population. Comme ils sont assassinés tous les trois, on peut dire que le film se termine sur une note pessimiste. Avec Thelma & Louise, Ridley Scott explore les limites de la liberté des femmes et non plus seulement celle des hommes. Comme les deux héroïnes se suicident, on peut faire, ici également, une lecture pessimiste du dénouement quoique certains critiques aient vu dans ce suicide des deux protagonistes un acte positif[8].
Analyse
Walter Moser[9] rappelle que le cinéma est apparu – comme l'automobile – à la fin du XIXe siècle. Pour lui, l'automobile est l'outil qui permet la mobilité individuelle, tandis que le cinéma est le média qui permet de représenter la mobilité du monde moderne[4].
L'usage de l'automobile, symbole de liberté individuelle, a été très vite contrôlé et réglementé par l’État. Pour Walter Moser, le road movie a pour fonction de réaffirmer le rôle de l'automobile comme pur moyen de mobilité individuelle et comme symbole de liberté[4].
L'accès à un paysage sauvage, loin de la ville, est un des éléments importants du road movie, mais l'accès à la nature se fait à travers un produit industriel (la voiture) et une infrastructure lourde (la route)[4]. De même, le personnage qui fuit la modernité (la ville), le fait à l'aide d'une voiture, symbole de la modernité[4].
Principaux road movies
- 1934 : New York-Miami (It happened one night) de Frank Capra, États-Unis[5]
- 1940 : Les Raisins de la colère (Grapes of Wrath) de John Ford, États-Unis[5]
- 1942 : Les Voyages de Sullivan (Sullivan's travels) de Preston Sturges, États-Unis[5]
- 1945 : Détour de Edgar George Ulmer, États-Unis
- 1953 : Le Salaire de la peur de Henri-Georges Clouzot, film franco-italien
- 1957 : Les Fraises sauvages (Smultronstället) de Ingmar Bergman, Suède
- 1962 : Le Fanfaron (Il Sorpasso) de Dino Risi, Italie
- 1963 : L'Odyssée du petit Sammy (Sammy Going South) d' Alexander Mackendrick, Grande-Bretagne.
- 1964 : Cent mille dollars au soleil de Henri Verneuil
- 1965 : Kanni Thaai de M. A. Thirumugam, Inde
- 1965 : Pierrot le fou de Jean-Luc Godard, film franco-italien[7]
- 1965 : Le Corniaud de Gérard Oury, film français
- 1967 : Bonnie et Clyde (Bonnie and Clyde) de Arthur Penn, États-Unis[4]
- 1967 : Week-end de Jean-Luc Godard, France
- 1969 : Easy Rider de Dennis Hopper, États-Unis[5].
- 1970 : Zabriskie Point[10], de Michelangelo Antonioni, États-Unis
- 1970 : Wanda de Barbara Loden, États-Unis
- 1971 : Duel de Steven Spielberg, États-Unis[5] (d'après le roman Duel de Richard Matheson)
- 1971 : Point limite zéro (Vanishing Point) de Richard Sarafian, États-Unis[5]
- 1971 : Macadam à deux voies (Two-Lane Blacktop) de Monte Hellman, États-Unis[5]
- 1971 : Trafic de Jacques Tati, film franco-italien
- 1971 : Harold et Maude de Hal Ashby, États-Unis
- 1973 : L'Épouvantail (Scarecrow) de Jerry Schatzberg, États-Unis[5]
- 1973 : Electra Glide in Blue de James William Guercio (en), États-Unis[5]
- 1973 : La Balade sauvage de Terrence Malick, États-Unis
- 1973 : Charlie et ses deux nénettes de Joël Séria, France
- 1974 : Alice dans les villes (Alice in den Städten) de Wim Wenders, Allemagne
- 1974 : Larry le dingue, Mary la garce de John Hough, États-Unis
- 1974 : Les Valseuses de Bertrand Blier, France
- 1974 : Sugarland Express de Steven Spielberg, États-Unis
- 1974 : Road Movie de Joseph Strick, États-Unis
- 1974 : Le Canardeur de Michael Cimino, États-Unis
- 1976 : Au fil du Temps (Kings of the Road) de Wim Wenders, Allemagne
- 1976 : Le Plein de super de Alain Cavalier, France
- 1978 : Je suis timide mais je me soigne, de Pierre Richard, France
- 1983 : Bonjour les vacances, d'Harold Ramis, États-Unis
- 1984 : Paris, Texas de Wim Wenders, Allemagne-France-Royaume-Uni-États-Unis
- 1984 : Starman de John Carpenter, États-Unis
- 1984 : Stranger Than Paradise de Jim Jarmusch, États-Unis, Allemagne de l'Ouest
- 1986 : Crossroads de Walter Hill, États-Unis
- 1986 : Dangereuse sous tous rapports de Jonathan Demme, États-Unis
- 1986 : Hitcher de Robert Harmon
- 1987 : Tandem de Patrice Leconte, France
- 1988 : Rain Man de Barry Levinson, États-Unis
- 1989 : Route One/USA de Robert Kramer, États-Unis[5]
- 1989 : Quand Harry rencontre Sally, de Rob Reiner, États-Unis, (première partie du film)
- 1990 : Sailor et Lula de David Lynch, Etats-Unis
- 1991 : Thelma & Louise de Ridley Scott, États-Unis
- 1991 : Jusqu'au bout du monde (Bis ans Ende der Welt) de Wim Wenders, film franco-germano-australien
- 1992 : Les Enfants volés de Gianni Amelio, Italie
- 1993 : Un monde parfait (A Perfect World) de Clint Eastwood, États-Unis[5]
- 1994 : Priscilla, folle du désert de Stephan Elliott, Australie
- 1994 : River of Grass de Kelly Reichardt, États-Unis
- 1995 : Dead Man de Jim Jarmusch, États-Unis[5]
- 1995 : Guantanamera de Tomás Gutiérrez Alea et Juan Carlos Tabío, Espagne, Cuba et Allemagne
- 1996 : Le Huitième Jour de Jaco Van Dormael, France
- 1996 : The Sunchaser de Michael Cimino, États-Unis
- 1998 : Las Vegas Parano de Terry Gilliam, États-Unis
- 1999 : L'Été de Kikujiro de Takeshi Kitano, Japon
- 1999 : Une histoire vraie de David Lynch, États-Unis[5]
- 2000 : O'Brother (O Brother, Where Art Thou?) de Joel Coen
- 2000 : Baise-moi de Coralie Trinh Thi et Virginie Despentes, France
- 2000 : Julie en juillet de Fatih Akın, Allemagne et Turquie
- 2002 : Monsieur Schmidt (About Schmidt) de Alexander Payne, États-Unis
- 2004 : Aaltra de Benoît Delépine et Gustave Kervern, France et Belgique.
- 2004 : Carnets de voyage de Walter Salles, Argentine
- 2004 : Le grand voyage de Ismaël Ferroukhi, France et Maroc
- 2005 : Saint-Jacques… La Mecque de Coline Serreau, France
- 2005 : Transamerica de Duncan Tucker (en), États-Unis
- 2005 : Eden à l'ouest de Costa-Gavras, France, Italie, Grèce
- 2005 : Papa de Maurice Barthélemy, France
- 2005 : Les États-Unis d'Albert, André Forcier, Québec
- 2006 : Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valerie Faris, États-Unis
- 2007 : Into the Wild de Sean Penn, États-Unis
- 2007 : My Blueberry Nights de Wong Kar-Wai, film franco-sino-hongkongais
- 2008 : Julia d'Érick Zonca, France
- 2008 : La Maison jaune d'Amor Hakkar, France-Algérie
- 2008 : Eldorado, de Bouli Lanners, Belgique, France
- 2009 : Simon Konianski de Micha Wald, Belgique- France- Québec
- 2010 : Date Limite de Todd Phillips, États-Unis
- 2010 : Tournée de Mathieu Amalric, France
- 2011 : Les Géants de Bouli Lanners, Belgique
- 2011 : Paul de Greg Mottola, États-Unis
- 2011 : Hasta la vista de Geoffrey Enthoven, Belgique
- 2012 : 10 jours en or de Nicolas Brossette, France
- 2012 : Black Tar Road de Rob Brownstein, États-Unis
- 2012 : Radiostars de Romain Levy, France
- 2012 : Sur la route de Walter Salles, Argentine
- 2013 : Nebraska d'Alexander Payne, États-Unis
- 2013 : Eyjafjallajökull d'Alexandre Coffre, France
- 2013 : La Vie rêvée de Walter Mitty de Ben Stiller, États-Unis
- 2013 : Vive la France de Michaël Youn, France
- 2013 : Elle s'en va d'Emmanuelle Bercot, France
- 2014 : The Homesman de Tommy Lee Jones, États-Unis
- 2015 : Mad Max: Fury Road de George Miller, Australie / États-Unis
- 2015 : Sky de Fabienne Berthaud, France / Allemagne
- 2015 : The Revenant d'Alejandro González Iñárritu, États-Unis
- 2015 : Un mouton nommé Elvis de Johannes Fabrick, Allemagne
- 2016 : American Honey d'Andrea Arnold, États-Unis
- 2018 : Trois visages de Jafar Panahi, Iran
- 2018 : Green Book : Sur les routes du sud de Peter Farrelly, États-Unis
- 2019 : J'veux du soleil de François Ruffin et Gilles Perret, France
Notes et références
- Prononciation en anglais américain retranscrite selon la norme API.
- Alain Rey, 200 drôles de mots qui ont changé nos vies depuis 50 ans, Nathan, 2017, 468 p., p. 109.
- Gérard Hocmard, What's what. Dictionnaire culturel du monde anglophone, Ellipses, 2004, p. 522.
- Walter Moser, « Présentation. Le road movie : un genre issu d’une constellation moderne de locomotion et de médiamotion », Cinémas : revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, vol. 18, nos 2-3, , p. 7-30 (lire en ligne, consulté le )
- (en) Bruno Icher, « Du goudron et deux plumes », Libération, (lire en ligne, consulté le ).
- Bénoliel et Thoret 2011
- Olivier Père, « Pierrot le fou », Les Inrockuptibles, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Nicholas Abercrombie & Brian Longhurst, Dictionary of Media Studies, Penguin Reference Library, 2007, p. 307-308.
- Professeur associé au département de langues et littératures modernes de l’Université d'Ottawa.
- Serge Kaganski, « Le road movie, un genre toujours en mouvement », Les Inrockuptibles, (lire en ligne, consulté le )
Bibliographie
- Bernard Bénoliel et Jean-Baptiste Thoret, Road Movie, Usa, Hoëbeke, , 239 p. (ISBN 978-2-84230-412-6 et 2-84230-412-8)
- Jenny Brasebin, sous la direction de Michel Marie, Road novel, road movie : approche intermédiale du récit de la route, thèse de doctorat en Études cinématographiques et audiovisuelles, université Sorbonne Nouvelle Paris 3, 2013, en cotutelle avec l'Université de Montréal, dans le cadre de École doctorale Arts & médias (2009-2015 ; Paris), en partenariat avec l'Institut de recherche sur le cinéma et l'audiovisuel (IRCAV, Paris). Accès réservé en intranet
- Walter Moser (sous la direction de), Le road movie interculturel, Cinémas : revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, Volume 18, numéro 2-3, printemps 2008, p. 7-250, lire en ligne
- Jean-Baptiste Thoret, Le cinéma américain des années 1970, Paris, Cahiers du Cinéma (collection Essais), , 395 p. (ISBN 2-86642-404-2)
- Programme du 28e Festival international du film de La Rochelle (2000), avec une section « Nuit blanche sur la route »
Voir aussi
Article connexe
Lien externe
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