Le Lotus bleu
Le Lotus bleu (à l'origine Les Aventures de Tintin, reporter, en Extrême-Orient) est le cinquième album de la série de bande dessinée Les Aventures de Tintin, prépublié en noir et blanc du au dans les pages du Petit Vingtième, supplément pour la jeunesse du journal Le Vingtième Siècle. La version couleur et actuelle de l'album a été réalisée en 1946.
Pour les articles homonymes, voir Lotus bleu (homonymie).
Le Lotus bleu | ||||||||
5e album de la série Les Aventures de Tintin | ||||||||
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Haut de couverture de l'album Le Lotus bleu. | ||||||||
Auteur | Hergé | |||||||
Genre(s) | Aventure | |||||||
Personnages principaux | Tintin Milou Tchang |
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Lieu de l’action | Raj britannique Chine Shanghai |
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Langue originale | Français | |||||||
Titre original | Les aventures de Tintin, reporter, en Extrême-Orient | |||||||
Éditeur | Casterman | |||||||
Première publication | 1936 (noir et blanc) 1946 (couleur) |
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Nb. de pages | 115 (noir et blanc) 62 (couleur) |
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Prépublication | Le Petit Vingtième | |||||||
Albums de la série | ||||||||
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Le Lotus bleu est classé à la 18e place des 100 meilleurs livres du XXe siècle établi au printemps 1999 dans le cadre d'une opération organisée par la Fnac et Le Monde.
Synopsis
Ces informations concernent l'édition en couleurs parue en 1946 chez Casterman.
Cet album est la suite des Cigares du pharaon, à la fin duquel Tintin est parvenu à démanteler une organisation de trafiquants de drogue dont seul le mystérieux grand maître, tombé dans un ravin et dont le corps n'a jamais été retrouvé, semble toujours en liberté, comme le révèle un fakir à Tintin[H 1]. Tintin séjourne donc auprès du maharadjah de Rawhajpoutalah quand il reçoit la visite d'un messager venu de Chine. Mais avant d'avoir pu révéler le véritable but de cette visite, ce dernier est touché par une fléchette empoisonnée au radjaïdjah, le « poison-qui-rend-fou », et ne peut que prononcer les mots « Shanghaï » et « Mitsuhirato »[H 2].
Arrivé en Chine, Tintin est invité à rencontrer ce même Mitsuhirato, un commerçant japonais très avenant qui lui conseille de se méfier des Chinois. Il le convainc également de rentrer en Inde pour protéger le maharadjah qui court selon lui de graves dangers[H 3]. En le quittant, Tintin échappe de peu à une fusillade grâce à l'intervention d'un mystérieux jeune homme, puis le soir même, alors qu'il s'apprête à boire du thé, le même homme brise sa tasse d'un coup de revolver. Tintin le poursuit mais il est arrêté par la police de la concession internationale de Shanghai[H 4]. Le lendemain, après s'être évadé, Tintin répond à une invitation anonyme à se rendre dans un lieu nommé T'aï P'in Lou. Il y rencontre l'homme qui l'a sauvé lors de la fusillade, mais sans le reconnaître. Pour toute explication, ce dernier tente de le décapiter à l'aide d'un sabre, mais Tintin le neutralise et constate qu'il a perdu la raison après avoir lui aussi été atteint par une fléchette empoisonnée[H 5].
Convaincu qu'il n'apprendra rien de plus à Shanghai, Tintin s'embarque pour l'Inde, mais il est enlevé sur le paquebot et ramené en Chine par les « Fils du Dragon », une organisation secrète chinoise dirigée par Wang Jen-Ghié qui combat le trafic d'opium. Ce dernier lui révèle à Tintin que c'est son propre fils, Didi, qui l'a sauvé lors de la fusillade, et que Mitsuhirato est en réalité un trafiquant d'opium qui a juré de se débarrasser de Tintin[H 6].
À la suite d'un attentat maquillé, le Japon envahit la Chine et Tintin se retrouve au cœur du conflit. Il est capturé par Mitsuhirato qui tente de l'empoisonner, mais Tintin s'en sort grâce au domestique de Mitsuhirato, un fidèle de Wang Jen-Ghié qui a remplacé le poison par de l'eau[H 7]. Dès lors, Tintin est poursuivi par la police de la concession internationale et par les autorités japonaises. Il cherche à rencontrer le professeur Fan Se-Yeng pour lui demander de trouver un remède au poison-qui-rend-fou, et doit pour cela se rendre à Hou-Kou[H 8].
Sur le chemin, il sauve de la noyade un jeune orphelin Chinois, Tchang, emporté par la crue du Yang-Tsé-Kiang[H 9]. Tintin et lui se lient d'amitié et, après plusieurs péripéties, ils découvrent que le gang de trafiquants d'opium a son repaire au Lotus bleu, une fumerie d'opium de Shanghai tenue par Mitsuhirato, et que son chef n'est autre que le milliardaire Roberto Rastapopoulos[H 10], également membre de la confrérie de Kih-Oskh.
Finalement, les Fils du Dragon démantèlent le gang et font arrêter l'ensemble des trafiquants. La guérison de ceux qui étaient devenus fous est rendue possible avec la libération du professeur Fang Se-Yeng, qui était lui aussi retenu par l'organisation crapuleuse. Enfin, Wang Jen-Ghié propose à Tchang de l'adopter, tandis que le Japon annonce le retrait de ses troupes d'invasion et son départ de la Société des Nations. Ses aventures terminées, Tintin peut rentrer en Europe, le cœur lourd de devoir quitter ses amis[H 11].
Création de l'œuvre
Contexte d'écriture : succès de l'aventure précédente
Le , la 124e et dernière planche des Aventures de Tintin en Orient, qui deviendront quelques mois plus tard Les Cigares du pharaon, paraît dans Le Petit Vingtième[p 1]. Vêtu à l'indienne et assis dans un salon du palais du maharadjah de Rawhajpoutalah, Tintin déclare à Milou qu'ils ont « bien mérité un peu de repos »[1]. Un mois plus tard, le , l'hebdomadaire publie une interview fictive de Tintin dans laquelle le héros laisse entendre que ses aventures ne sont pas terminées, et que la bande de trafiquants d'opium dont il a découvert le repaire dans l'histoire précédente a des ramifications jusqu'en Extrême-Orient, et plus précisément en Chine[p 2]. Hergé, à travers le succès populaire et critique des Cigares du pharaon[p 3], a désormais conscience des possibilités romanesques qui s'offrent à lui à travers la bande dessinée et veut prendre le temps de préparer soigneusement son nouveau récit[p 2]. C'est seulement le 1934 que la nouvelle aventure commence, sous le titre Les Aventures de Tintin en Extrême-Orient.
Écriture du scénario et travail de documentation
Hergé reçoit notamment une lettre de l'abbé Léon Gosset, aumônier des étudiants chinois à l'Université catholique de Louvain, qui exhorte le dessinateur à ne pas montrer les Chinois comme les Occidentaux se les représentent trop souvent, ce qui risquerait de blesser ses étudiants, lecteurs du Petit Vingtième. Les craintes de l'aumônier se fondent notamment sur les représentations stéréotypées de Chinois qui figuraient dans les premières aventures. D'abord, dans Tintin au pays des Soviets, deux mandarins à longues nattes s'apprêtent à torturer Tintin. Ensuite, dans la première version de Tintin en Amérique, le reporter se fait enlever lors d'une réception en son honneur et menacé par un bandit d'être envoyé au fond du lac Michigan, tandis que ses deux complices chinois veulent manger Milou[2].
Hergé et Gosset se rencontrent à Louvain et l'abbé met le dessinateur en relation avec deux de ses étudiants, Arnold Tchiao Tch'eng-Tchih, spécialiste du théâtre chinois, et sa femme Susan Lin, avec qui il se lie d'amitié[3],[p 4]. Le dessinateur contacte également le père Édouard Neut, hôtelier à l'Abbaye Saint-André de Bruges et proche de Lou Tseng-Tsiang, ancien ministre de Sun Yat-sen converti au catholicisme et moine de cette même abbaye. Le père Neut encourage Hergé dans sa démarche et lui fournit plusieurs ouvrages pour sa documentation, notamment Aux origines du conflit mandchou du père Thaddée Yong Ann-Yuen, Ma mère de Cheng Tcheng, ainsi qu'un article de presse paru dans L'Aube en 1932[4], qui détaille les points par lesquels les civilisations chinoise et japonaise diffèrent[p 5]. Hergé se passionne pour son sujet et enrichit la documentation qui lui est fournie par des recherches plus personnelles. Il est notamment inspiré par le visionnage du film Au bout du monde, réalisé par Henri Chomette et Gustav Ucicky en 1934 et dont la retranscription de l'atmosphère chinoise de l'époque apparaît très crédible[p 6].
La rencontre avec Tchang Tchong-jen est encore plus déterminante. Mis en contact avec l'étudiant chinois de l'Académie royale des beaux-arts de Bruxelles par l'intermédiaire de l'abbé Gosset, Hergé lui écrit le et les deux hommes se rencontrent pour la première fois le suivant, dans l'appartement du dessinateur. Une amitié sincère se noue immédiatement entre eux : Tchang Tchong-jen, dont la maturité et l'érudition impressionnent Hergé, se rend chez lui chaque dimanche après-midi et l'accompagne dans l'élaboration de sa nouvelle aventure. L'étudiant chinois ne se contente pas d'apporter de la documentation ou de vérifier l'authenticité des détails, mais il donne également des conseils à Hergé en matière de dessin[p 7].
Comme un témoignage de l'abondante documentation utilisée par Hergé pour la création de cet album, les archives des éditions Moulinsart conservent une soixantaine de feuilles sur lesquelles le dessinateur avait collé des coupures de magazines, des illustrations, des croquis ainsi que des photographies[5].
Évènements historiques
Au moment où Hergé entreprend son récit, la rivalité entre la Chine et le Japon atteint son paroxysme. L'incident de Mukden, qui se produit le , sert de prétexte à l'invasion japonaise de la Mandchourie[6]. Les Japonais orchestrent cet attentat contre une voie ferrée dans le but de faire accuser les Chinois et de justifier leur politique expansionniste. La dénonciation de cette attaque par la communauté internationale conduit le Japon à quitter la Société des Nations en 1933[7]. Les détails de ce conflit sino-japonais, pour la plupart inconnus d'Hergé, lui sont racontés par Tchang Tchong-jen qui le pousse à s'en inspirer pour mettre au point son scénario. De fait, l'attentat de chemin de fer assiste Tintin est directement inspiré de l'incident de Mukden, tandis que les autres évènements, de l'invasion japonaise au retrait de la Société des Nations, figurent eux aussi dans l'album[p 8].
Dans l'album Tchang fait référence à d'autres évènements plus anciens. Il raconte notamment à Tintin que ses grands-parents ont été tués pendant la révolte des Boxers, qui se déroule entre 1899 et 1901.
Par ailleurs, la rencontre entre Tintin et Tchang a lieu au bord du fleuve Yangzi Jiang, alors que le train de Tintin à destination de Hou-Kou est bloqué par son débordement. Hergé s'inspire notamment des terribles inondations de 1931 qui ont provoqué la mort de plusieurs centaines de milliers d'individus. Hergé utilise des photographies parues dans L'Illustration et Le Crapouillot pour dessiner cette scène avec la plus grande précision[6].
La scène où le consul de Poldévie, un pays imaginaire, est pris pour Tintin dans la fumerie d'opium fait allusion à un célèbre canular mis sur pied en France en 1929 par Alain Mellet, journaliste et membre de L'Action française de Charles Maurras, dans le but de ridiculiser des parlementaires républicains[8]. Dans l'album, Hergé invente lui aussi un pays fictif, la République Poldomoldaque, évoquée lors de la séance de cinéma où Tintin se rend.
Paysages, culture et traditions
Hergé transmet avec Le Lotus bleu une image de la « Chine immémoriale »[f 1], mais il montre également une ville en pleine mutation. Quand Tintin se rend au rendez-vous fixé à Taï Pin Lou, il traverse un paysage urbain dans lequel la tradition et la modernité se rejoignent. Tintin passe devant une maison au toit recourbé, dans le style traditionnel, tandis qu'au premier plan et à l'arrière-plan, Hergé dessine la silhouette d'une usine et d'un pylône métallique[f 1]. De même, un tableau fixé sur un mur du bureau de Gibbons montre un paysage industriel qui rappelle les œuvres du peintre américain Charles Sheeler, en particulier American Landscape, exécuté en 1930[f 2].
Analyse
Pour Benoît Peeters, « avec Le Lotus bleu débutent réellement les Aventures de Tintin[9]. » Dans ce cinquième album de la série, Hergé arrive au bout du processus de transformation de sa saga, entamé dans Les Cigares du pharaon et passe de petites œuvrettes infantiles à la bande dessinée de premier plan, exigeante et réaliste. Pierre-Yves Bourdil souligne cette évolution : « À partir du Lotus bleu, les événements étant organisés en référence à un monde plus réaliste, sinon plus réel, la fantaisie de Tintin se trouve limitée : il n'est plus ce joyeux luron farceur qui parle aux éléphants par l'intermédiaire d'une trompette, qui se tire sans mal des situations les plus désespérées, pour jouer le rôle modéré de l'aventurier soumis aux exigences de la vraie vie »[10].
Le début du réalisme
Avec Le Lotus bleu, le réalisme fait son entrée dans la série.
Les quatre premiers albums (Tintin au pays des Soviets, Tintin au Congo, Tintin en Amérique et Les Cigares du pharaon) sont aujourd'hui connus, parfois moqués et même critiqués, pour leur fantaisie et leur naïveté : ils ne sont en effet qu'un compte rendu des clichés qu'Hergé - et plus généralement la société belge de l'époque - avaient de ces contrées lointaines. Hergé va ainsi se défendre toute sa vie d'être raciste à cause notamment de l'image qu'il donne des Congolais dans Tintin au Congo. Il expliquait ainsi à Numa Sadoul, quelques années avant sa mort :
« Pour le Congo tout comme pour Tintin au pays des Soviets, il se trouve que j'étais nourri des préjugés du milieu bourgeois dans lequel je vivais... C'était en 1930. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l'époque : « Les nègres sont de grands enfants… Heureusement pour eux que nous sommes là ! » Et je les ai dessinés, ces Africains, d'après ces critères-là, dans le pur esprit paternaliste qui était celui de l'époque, en Belgique. »
— Hergé[11]
Pour la dernière destination exotique qu'Hergé donne à son héros, il choisit la Chine. Il annonce ainsi dans Le Petit Vingtième la future aventure de son héros. Il reçoit une lettre de l'abbé Gosset qui le met en contact avec Zhang Chongren, un jeune étudiant chinois à l'Académie des Beaux-Arts. Les deux hommes sympathisèrent et se rencontrèrent régulièrement pendant la préparation de l'album. Zhang apprit ainsi à Hergé les bases de la culture et de l'histoire chinoise, confrontant pour la première fois l'auteur avec les contrées où il envoyait son personnage. Benoît Peeters résume ainsi la prise de conscience d'Hergé :
« Tintin, qui jusque-là se nourrissait allègrement de mythes et de poncifs, entreprend désormais de les combattre ; il sera celui qui démonte les apparences et non plus celui qui s'en satisfait. [...] Il prenait conscience de sa propre responsabilité de conteur. Désormais, il s'agira pour lui de présenter au lecteur une image aussi fidèle que possible des pays dans lesquels il envoie Tintin, et donc de se documenter de façon aussi précise que possible. »
— Benoît Peeters, L'Œuvre Intégrale d'Hergé, volume 3[9]
Ce souci de réalisme sera dans cette aventure poussé au point de donner une vision très réaliste des tensions de l'époque entre la Chine et le Japon, allant jusqu'à en reconstituer les principales étapes telles que l'incident de Moukden, provoqué et instrumentalisé par les Japonais pour déclencher la conquête de la Mandchourie[alpha 1]. Hergé donne une forte coloration politique à l'album, faisant sien le combat pour la défense de la Chine. C'est sans doute la seule fois de sa carrière où il n'aura pas la même opinion que la presse européenne, qui prenait la défense du Japon. Ce parti pris ne fut pas du goût de représentants japonais qui vinrent se plaindre à la direction du Vingtième Siècle. Un général alla même jusqu'à dire « Ce n'est pas pour enfants ce que vous racontez là... C'est tout le problème de l'Est asiatique ! ». Toutefois, les dirigeants chinois apprécièrent l'album ; l'épouse de Tchang Kaï-chek invita Hergé en Chine, mais celui-ci ne s'y rendit pas avant 1973.
Pour le sémiologue Pierre Fresnault-Deruelle, « Le Lotus aura déclenché chez Georges Remi le désir de ne pas se satisfaire de sa seule aptitude à faire vivre des histoires plus ou moins bien ficelées. L'auteur, désormais, fait montre d'un authentique sens du lieu visité, ce qui signifie dans son esprit qu'un dosage est à trouver entre la couleur locale et l'obligation de ne pas trop en faire »[12].
Les qualités de l'album
L'album est aussi pour Hergé l'occasion de se perfectionner, à plusieurs égards ; il souhaite notamment « se documenter plus sérieusement qu'il ne le fit précédemment[13]. »
Au niveau du scénario, Le Lotus bleu est le premier album véritablement unifié de la série[14]. Les Cigares du pharaon, l'album précédent, innovait déjà par sa volonté d'unification, avec notamment le signe du pharaon Kih-Oskh, qui revenait régulièrement dans l'histoire, mais il ne réussissait que modérément à cacher l'improvisation de l'aventure. Avec Le Lotus bleu, les éléments de roman populaire disparaissent, au profit d'une intrigue certes pleine de rebondissements, mais véritablement centrée sur la poursuite des trafiquants de stupéfiants. Cette unification n'empêche pas l'histoire d'être très variée, avec notamment l'amitié entre Tintin et Tchang, les victimes du poison-qui-rend-fou, ainsi que les manœuvres de Mitsuhirato et la recherche du professeur Fan-se-yang ; Hergé réussit le tour de force de relier tous ces éléments entre eux par l'omniprésence des trafiquants. L'auteur continuera d'ailleurs sur cette voie avec L'Oreille cassée, histoire encore plus fortement unifiée que Le Lotus bleu.
Un album mythique et intemporel
Selon le sémiologue Pierre Fresnault-Deruelle, Le Lotus bleu est un « album mythique ». D'une part, il considère que cette histoire forme avec celle de Tintin au Tibet « la plus émouvante des suites », malgré les vingt-cinq années qui les sépare : « Le Tibet fait rétrospectivement de la fin pathétique du Lotus un secret au revoir. On sait que, dans les mythes, le temps n'a guère prise sur les hommes. » D'autre part, il relève que, si le mythe « est une histoire étrange qui éclaire nos existences », Le Lotus bleu « nous parle allusivement de nous-mêmes, de nos désirs et de nos craintes », comme un « un chemin initiatique »[f 3].
Par ailleurs, Pierre Fresnault-Deruelle souligne le caractère universel et intemporel du récit, dans la mesure où « la méchanceté, la folie, l'arrogance colonialiste ou les ravages de la drogue » évoqués dans la Chine de 1934 sont également des traits marquants des sociétés du début de XXIe siècle. Selon lui, la case qui montre Tintin franchissant la ligne de démarcation sous le regard des autorités japonaises et internationales fait écho aux différents conflits qui marquent l'actualité mondiale d'après guerre, comme le conflit israélo-palestinien, les rivalité coréenne ou encore la ligne verte chypriote. De même, il voit dans le plan chargé de promouvoir le film produit par Rastapopoulos et qui montre deux hommes fouettant une femme à terre une image de la permanence des « médias racoleurs », utilisant le « sadisme comme produit d'appel »[f 4].
Le Lotus bleu porte en toile de fond la rencontre entre une Chine encore imprégnée de traditions et le nouveau monde marqué par l'industrialisation, un choc des cultures qui « se manifeste avec une violence toute particulière » et fait naître une certaine désespérance au sein de la population. À cette évolution brutale s'oppose le caractère de Tintin, dont les valeurs de courage, de compassion, d'amitié et de générosité font contrepoids[f 5]. Dans tout l'album, Hergé multiplie les occasions de présenter cette image d'une Chine ancestrale prise en tenaille entre, d'une part le Japon aux visées expansionnistes, et d'autre part l'Occident et « son féroce appétit économique et ses innovations technologiques »[f 6]. À titre d'exemple, une case de la cinquième planche montre un tireur de pousse-pousse qui passe devant une affiche publicitaire faisant la promotion des ampoules Siemens[f 6].
Frédéric Soumois considère que c'est avec Le Lotus bleu que Tintin acquiert une dimension complète de héros : « [D]e passif, il devient véritablement actif, agissant sur le destin des hommes et sur l'Histoire avec un grand H. Alors qu'il subissait l'exil des Indiens d'Amérique, il défend les Chinois envahis[15]. »
Style graphique
« Il semble que l'esthétique du maître de Bruxelles ait pour la première fois trouvé dans la Chine d'avant-guerre, le standard qu'il cherchait. [...] Le Lotus bleu conduit Hergé à améliorer sa technique narrative pour des raisons d'affinité spirituelle avec son sujet. »
— Pierre Fresnault-Deruelle, Hergé ou le secret de l'image, 1999[16]
La rencontre de l'art chinois
La rencontre de Tchang Tchong-jen, un artiste comme lui, permet à Hergé de s'imprégner de l'art chinois. Le jeune étudiant fournit notamment à l'auteur des manuels de dessin chinois afin de perfectionner la maîtrise des silhouettes ou du mouvement[f 7]. L'utilisation du pinceau notamment apporte plus de souplesse à son dessin, comme le relève le critique d'art Pierre Sterckx : « la ligne claire devient moins sèche, moins brute »[17]. Benoît Peeters souligne lui aussi la grande qualité des dessins et considère la version noir et blanc du Lotus bleu comme le premier chef d'œuvre d'Hergé : « L'ensemble des planches se caractérise par un remarquable travail de stylisation où élégance et lisibilité se marient parfaitement »[18]. Il note la parcimonie des décors : en effet, seuls les objets de base ou les éléments importants sont présents ; par exemple, Tintin ne se sert d'une théière que parce qu'elle va lui exploser au visage deux cases plus tard. Après-guerre, on verra apparaitre de nombreux éléments « futiles » dans les nouvelles aventures de Tintin. Pour Philippe Goddin, spécialiste de l'œuvre d'Hergé, le dessinateur atteint dans cet album le sommet de son art : « L'influence de l'art chinois a poussé Hergé dans le sens d'un dépouillement propice à la lisibilité. Ce qu'il a perdu par la suite quand il a confié la réalisation de ses décors à des assistants »[5].
L'influence du style shanshui, un art du paysage qui « souligne l'insignifiance de l'être humain dans l'immensité du cosmos », est elle aussi présente. Une case de l'album en particulier est directement inspirée d'une peinture de Fan Kuan, Voyageurs au milieu des Montagnes et des Ruisseaux. Hergé la transpose pour représenter Tintin et son ami Tchang, descendant vers le village de Hou-Kou et à peine reconnaissables aux pieds d'une montagne immense[5]. De même, les scènes nocturnes sont plus nombreuses dans ce récit que dans les autres albums. Si elles permettent, selon l'expression de Pierre Sterckx, une « montée du fond vers les formes », elles donnent également à Hergé l'occasion d'un travail sur les ombres profilées[19].
L'apport de Tchang Tchong-jen est essentiel sur le plan graphique. Il ne se contente pas de fournir des précisions documentaires à Hergé mais se charge également de tracer la majeure partie des inscriptions et calligraphies chinoises. Jean-Michel Coblence, professeur d'histoire et éditeur de documentaires, considère que ces inscriptions « offr[ent] à l'album son inimitable parfum d'authenticité »[f 7].
La ligne claire
Le sémiologue Pierre Fresnault-Deruelle considère qu'avec cet album, Hergé franchit un pas décisif vers la ligne claire, dans la mesure où « une constance rythmique s'établit et une cohérence formelle s'affermit »[f 8]. Le dessinateur fait preuve d'une certaine économie de l'image, dans un souci de lisibilité. Dans certaines cases, le décor est simplifié à l'extrême, au point que c'est le personnage de Tintin qui fait le raccord entre des éléments laissés en partie hors-champ, et sans lequel ce décor ne serait autre qu'un tableau abstrait. C'est notamment le cas de la vignette où Tintin saute de l'arrière de la benne d'un camion : excepté le personnage, les éléments figurant le camion à l'arrière-plan sont constitués d'un ensemble de cercles ou de rectangles[f 9].
Le 31e planche de l'édition originale en noir et blanc, qui correspond aux deux premières bandes de la planche 16 de l'édition en couleurs, est considérée comme l'une des plus réussies de l'album[f 10]. Cette scène nocturne, qui présente un groupe de Chinois repêchant à la mer des caisses en bois pour les charger dans une voiture, se démarque par un jeu de silhouettes associé à un sens du cadrage hors pair, et se montre par ailleurs infiniment mystérieuse car aucun indice ne renseigne le lecteur sur l'identité de ces pêcheurs et le contenu de ces caisses. Pour renforcer ce découpage, la lune, absente, est remplacée par la blancheur des bulles, auxquelles fait écho le phare de la voiture dans l'avant-dernière case. Pierre Fresnault-Deruelle ne voit pas de contradiction dans ce recours aux silhouettes avec les principes de la ligne claire car les « formes noires et pleines découpent les choses [...] avec précision et délicatesse ». En cela, il rapproche le travail d'Hergé de celui du peintre et graveur Henri Rivière, ou encore de l'affichiste Henri de Toulouse-Lautrec, tous deux capables de traiter des scènes en ombres chinoises et des personnages bordés d'un trait net[f 10].
D'autres cases, aussi épurées, ont un puissant caractère poétique, comme la vignette qui montre le vénérable Wang Jen-Ghié assis à une table près de sa fenêtre, un livre à la main, attendant le retour de Tintin qui ne vient pas. Isolée de son contexte, cette case peut prendre un tout autre sens, montrant un lettré chinois qui médite en contemplant la campagne annonçant que la saison est avancée. Ainsi, pour Pierre Fresnault-Deruelle : « L'immémoriale Chine est là tout entière dans cette petite vignette de rien du tout »[f 1].
De fait, la recherche de la vraisemblance des motifs, combinée à la rigueur des tracés, parvient à conférer au dessin une valeur de reportage. À travers les différentes séquences, Hergé fournit finalement au lecteur « des représentations d'une étonnante véracité où semble se reforger la géographie mythique du XXe siècle[20]. »
Amis et ennemis
On peut également noter l'apparition des deux premiers véritables méchants de Tintin. On découvrait déjà un premier antagoniste particulièrement persévérant dans Tintin en Amérique : Bobby Smiles, mais il n'avait pas encore l'ampleur de ses successeurs, n'étant pas présent dans tout l'album. Mitsuhirato est le premier grand adversaire de Tintin. Chef de la filière japonaise du réseau de trafic de stupéfiants évoqué dans l'album précédent, il passe tout l'album à tenter d'éliminer le reporter et de l'empêcher d'accomplir ses missions, avant d'être déjoué par Tintin et Tchang et de se faire hara kiri à la fin de l'aventure, devenant ainsi un des premiers personnages décédés dans Les Aventures de Tintin[alpha 2] et l'un des deux seuls à mourir par suicide (voir la section Autour de l'album). Le deuxième méchant bénéficie d'une aura particulière : il s'agit de Roberto Rastapopoulos, chef du trafic de stupéfiants, qui révèle enfin sa véritable nature à la fin de l'aventure, après s'être fait passer pour un homme bon depuis le début des Cigares du pharaon. À la différence de Mitsuhirato, il ne meurt pas, ce qui lui laisse l'occasion de retrouver Tintin de nombreuses années après dans Coke en Stock puis dans plusieurs autres aventures, gagnant le statut de pire ennemi de Tintin.
En plus de ces premiers ennemis apparaît le premier véritable ami de Tintin (si l'on excepte Milou, présent depuis le début de la série) : Tchang. Ce jeune Chinois est le premier personnage qui semble avoir une réelle importance pour le héros, avec qui il n'a pas de simples rapports d'action mais bel et bien des rapports affectifs[14]. À la fin de l'album, Tintin, obligé de quitter ce nouvel ami, lâche une des seules larmes de sa vie[14]. Il le reverra longtemps après, dans Tintin au Tibet, où il affrontera à nouveau de nombreux dangers pour lui venir en aide. Ce personnage est inspiré par Zhang Chongren, ami d'Hergé qu'il a rencontré pendant la préparation de l'histoire (voir Le début du réalisme). Comme son héros, il retrouvera son ami bien longtemps après, en 1981.
Une critique de l'impérialisme japonais
Le Lotus bleu n'est pas seulement une œuvre littéraire ou artistique. Sous l'impulsion de Tchang Tchong-jen, qui convainc Hergé de présenter l'oppression que subit son peuple, elle se charge d'une dimension politique. Dans l'album, les Japonais sont systématiquement présentés sous un mauvais jour : hommes d'affaires véreux, gangsters sanguinaires, soldats bornés ou officiers corrompus. L'impérialisme japonais est également critiqué à travers les inscriptions en caractères chinois que Tchang Tchong-jen réalise pour Hergé. Plusieurs slogans figurent ainsi dans les pages de l'album, comme « À bas l'impérialisme ! » ou « Boycottez les marchandises japonaises ! »[f 11]. L'insertion de plusieurs évènements historiques, comme l'incident de Mukden ou le retrait du Japon de la Société des Nations, place cet album « au niveau du pamphlet le plus acéré », selon l'expression de Jean-Michel Coblence[f 12]. De même, Pierre Fresnault-Deruelle constate que la facture plastique des cases diffère selon qu'elles traitent des Chinois ou des Japonais, si bien que « l'aristocratisme de certaines cases », comme celles relatant l'accueil de Tintin chez monsieur Wang, tranche avec « la vulgarité du comportement des soldats de Tokyo »[21].
Le point de vue adopté par Hergé dans l'album se démarque de l'opinion majoritaire de l'époque en Europe. Les principaux journaux belges, comme La Nation belge, sans approuver l'intervention japonaise, la juge comme un mal nécessaire pour garantir la stabilité de la région et garantir les intérêts économiques occidentaux, non sans critiquer la supposée barbarie des Chinois[22].
Les représentants de la concession internationale font eux aussi l'objet d'un traitement à charge de la part du dessinateur qui les présente comme « racistes, affairistes, corrompus, prêts à tous les arrangements avec l'occupant sur le dos des Chinois »[f 13].
Allusions historiques et culturelles
Cette histoire regorge d'allusions diverses, parfois inattendues [3],[23] :
- Tchang initie Hergé à la peinture chinoise, en particulier au Shanshui (chinois : 山水, montagne-eau), tout comme il le convainc d’utiliser le pinceau, un des quatre trésors du lettré chinois, ce qui lui sera très utile pour représenter les paysages. Il lui offre même une série de manuels utilisés dans les écoles d'arts de chez lui. Le travail remarquable qui en résulte se retrouve particulièrement lors du voyage à Hou Kou, où Tintin et Tchang évoluent à travers un paysage montagneux. Il est aussi visible à travers les différentes peintures affichées dans différents lieux visités dans la BD, que ce soit sur des laques ou des rouleaux de soie. Si la peinture de paysage existe depuis longtemps en Chine, elle a connu son avènement lors de la dynastie Song, dès le XIe siècle. Par renversement, le paysage prend alors de l'ampleur, au détriment des personnages humains, qui ne sont plus qu'un élément du décor. En parallèle, elle se nourrit des trois enseignements : le taoïsme, le bouddhisme et le confucianisme. La peinture de paysage shanshui a grandement influencé la culture chinoise, au point de servir de modèle à la conception du jardin chinois (qui à son tour, inspira différents types de jardins d'agrément).
- Les deux amis se rendent au pied d'un vieux temple, qui doit être inspiré par la Pagode du temple Cishou, dans la banlieue de Pékin, comme l’atteste une photo des archives d'Hergé.
- Parmi les différents éléments de décor chinois, on remarque souvent les fameuses céramiques, tel que le vase dans lequel se cache Tintin et qui réapparaîtra dans son appartement, au début de L'Oreille cassée. Il est peut-être inspiré des vases Qing produit à Jingdezhen, ville réputée pour sa production de porcelaine. Dans la maison de Wang Jen-Ghié, Tintin se réveille dans un lit qui ressemble à un lit de noces, meuble chinois offert en dot par la famille de la mariée. La statuette dorée sur un guéridon rappelle celles de style Gelugpa, école des bonnets jaunes, est la plus récente des quatre lignées du bouddhisme tibétain. Parmi les autres éléments de décors intérieurs représentés, on reconnait aussi des penjing, ancêtres des bonsaïs japonais.
- Plusieurs créatures de la mythologie chinoise sont représentées dans l'aventure. Le dragon chinois (Long), bien-sûr, représenté de manière impressionnante dans la fumerie et reprise sur la couverture de l'album. Cet animal est réputé bienveillant, contrairement au dragon européen[24]. Aussi des statues de lions gardiens à la sortie du commissariat de Hou Kou, posant chacun une patte sur une boule.
- Lors de leur première conversation, Tintin et Tchang évoquent la manière dont beaucoup d'Européens imaginent alors les Chinois, de manière caricaturale, à partir de représentations datées et exagérées. Le héros évoque ainsi que ces derniers sont vus comme des gens fourbes et cruels coiffés d'une natte (signe de soumission à l’Empereur), inventant toutes sortes de supplices (voir Lingchi) et raffolant des nids d'hirondelle. Tout comme ils croient fermement que toutes les Chinoises sont forcées d'avoir les pieds bandés et que les rivières sont remplies de bébés chinois jetés à l'eau dès leur naissance[25].
- Malgré son souci de réalisme, Hergé joue beaucoup avec la topographie shanghaïenne. Par exemple, la muraille qui entoure la ville, que l'on voit lorsque Tintin entre et sort de la ville n'existait plus à l'époque. Elle a en effet disparue en 1912 et n'a jamais été aussi haute. Quant à la porte de la ville, elle aurait été inspiré d'une porte se trouvant à Pékin (zh)[23]. De même que la représentation de cette ville se résume essentiellement à sa Concession internationale. Or, ses bâtiments étaient à l'époque d'architecture occidentale, avec beaucoup d'Art déco (dont la ville est une des capitales mondiales), tandis que les cases montrent plutôt l'architecture chinoise de la vieille ville (en). Tout comme les noms de rues présentés qui sont parfois fictives, comme l'adresse de l'industriel Gibbons, habitant au numéro 53 du Bund, quartier de la concession, qui ne comptait à l'époque de l'aventure qu'une trentaine de bâtiments.
- L'Occidental Private Club, bien que fictif, s'inspire de ces clubs où se retrouvaient les étrangers, excluant les Chinois. Ils étaient très nombreux à l'époque de la BD, un prospectus touristique de 1939 en dénombrait d'ailleurs 200. Le Shanghai Club Building (en) par exemple, dont l'édifice existe encore aujourd'hui, transformé en hôtel de luxe. De même que la ville comptait alors beaucoup de cinémas, comme le Lyceum Theatre ou le Nankin (récemment déplacé pour céder la place à une avenue). Elle est d'ailleurs considérée comme le lieu de naissance de l'industrie cinématographique du cinéma chinois. Enfin, le Palace Hotel, dans lequel loge Rastapopoulos, est le nom d'un des deux bâtiments du Peace Hotel , actuellement nommé Swatch Art Peace Hotel. Détail intéressant, l'autre bâtiment, le Cathay Hotel (actuel Sassoon House), fut construit par Victor Sassoon (en), qui y résidait. Ce magnat anglo-indien a justement fait fortune dans le trafic d'opium, tout comme l'adversaire de Tintin.
- Des caractères chinois (ou sinogrammes) sont disséminés dans l'album, que ce soit dans les bulles des Chinois ou dans les décors, rendant hommage à la calligraphie chinoise. La plupart sont réalisés par Tchang et sont donc rigoureusement exacts, bien que Hergé se soit aussi essayé à l'exercice. Un ouvrage leur est consacré, Le Lotus Bleu Décrypté[26].
- Bien que l'histoire se déroule en quasi-totalité en Chine, de rares cases montrent des décors japonais (pages 18 et 22 de l'édition couleur), avec quelques éléments caractéristiques de la culture nipponne. Notamment lors que des Japonais (dont un coiffé d'un sandogasa (ja)) agitent des drapeaux nationaux, le tout devant un torii.
Autour de l'album
- Le Lotus bleu est le premier album directement publié par les Éditions Casterman possédant des hors-texte. Ces hors-texte, à l'origine au nombre de 5, furent réduits à 4 lors de l'édition suivante de 1939.
- Depuis 1993, Le Lotus bleu est édité au Japon, malgré le fort ton anti-japonais de l'album et l'allusion à l'incident de Mukden, très probablement perpétré par les Japonais, et qui fut le déclencheur de l'invasion japonaise en Mandchourie. La version japonaise comporte d'ailleurs une introduction expliquant la situation politique de l'époque. En outre, Hergé adopte pour la première fois une position anticolonialiste, décrivant une Chine opprimée par les Japonais et des Occidentaux sans scrupules et racistes, faisant du commerce d'opium et baignant dans des affaires louches.
- Mitsuhirato se fait hara-kiri à la fin de cet album. Mitsuhirato et Wolff (On a marché sur la Lune) sont ainsi les seuls personnages de la série à se suicider.
- La version originale présente quelques différences par rapport à la version actuelle :
- Le fakir des Cigares du pharaon est visible après qu'il a rendu fou le messager chinois des Fils du Dragon, et avant sa nouvelle arrestation.
- Les soldats chargés de bastonner Tintin dans sa cellule sont britanniques et non plus indiens, et dans leur chambre d'hôpital, un militaire leur rend hommage.
- Une fois Rastapopoulos et Mitsuhirato arrêtés, en remontant le repaire, Tintin et Tchang tombent sur un autre gangster, que Tintin neutralise en lui claquant une porte sur la figure.
- Dans le cinéma, Tintin entend parler du record de vitesse réalisé par Sir Malcolm Campbell dans son véhicule.
- En , Hergé réalise un projet de couverture de l'album, à l'encre de Chine et à la gouache, sur fond noir. Trop complexe à imprimer pour l'époque, il est abandonné au profit de la couverture actuelle. En , le dessin est vendu aux enchères à environ 3,2 millions d'euros (avec les frais) ; détrônant le record de vente dans le domaine de la bande dessinée précédemment établi en pour le dessin des pages de garde des albums de Tintin (2,51 millions d'euros)[27].
Adaptations
Autres versions de l'album
L'édition en couleurs date de 1946. Lors de la mise en couleur, seules quelques planches du début ont été redessinées. Les premières pages de l'album où Tintin est toujours en Inde sont redessinées pour ressembler aux albums récents, mais le reste du récit, à partir de la page où Tintin débarque en Chine, est laissé dans son style « ancien ».
Version animée
Cet album fut adapté dans la série animée de 1991 mais le contexte politique est très édulcoré et de nombreux personnages n'apparaissent pas.
Version radiophonique
Entre 1959 et 1963, la radiodiffusion-télévision française présente un feuilleton radiophonique des Aventures de Tintin de près de 500 épisodes, produit par Nicole Strauss et Jacques Langeais et proposé à l'écoute sur la station France II-Régional[Note 1]. La diffusion du Lotus bleu s'étale sur 28 épisodes d'une dizaine de minutes et débute le pour prendre fin le . Réalisée par René Wilmet, sur une musique d'André Popp, cette adaptation fait notamment intervenir Maurice Sarfati dans le rôle de Tintin, Linette Lemercier dans celui de Tchang, ainsi que Roger Carel et Gaëtan Jor dans celui des Dupondt[28].
En 2016, une nouvelle adaptation radiophonique est enregistrée puis diffusée du 24 au par France Culture, en coproduction avec la Comédie-Française et la société Moulinsart[29],[30]. L'adaptation en cinq épisodes est signée par Katell Guillou et réalisée par Benjamin Abitan sur une musique d'Olivier Daviaud, orchestrée par Didier Benetti pour l'Orchestre national de France. Le personnage de Tintin est interprété par Noam Morgensztern et celui de Tchang par Claire de La Rüe du Can[30].
Notes et références
Notes
- Chaîne de radio dont la fusion avec France I entre octobre et décembre 1963 aboutit à la création de la station France Inter.
Références
- Version en album du Lotus Bleu :
- Le Lotus bleu, planche 3, case A1.
- Le Lotus bleu, planche 3.
- Le Lotus bleu, planche 8.
- Le Lotus bleu, planches 9 et 10.
- Le Lotus bleu, planches 13 et 14.
- Le Lotus bleu, planches 15 à 17.
- Le Lotus bleu, planches 21 à 24.
- Le Lotus bleu, planches 31 à 41.
- Le Lotus bleu, planche 43.
- Le Lotus bleu, planches 45 à 57.
- Le Lotus bleu, planches 58 à 62.
- Benoît Peeters, Hergé, fils de Tintin, 2006 :
- Peeters 2006, p. 143.
- Peeters 2006, p. 144.
- Peeters 2006, p. 140.
- Peeters 2006, p. 144-145.
- Peeters 2006, p. 145-146.
- Peeters 2006, p. 149.
- Peeters 2006, p. 146-147.
- Peeters 2006, p. 152.
- Pierre Fresnault-Deruelle, Les mystères du Lotus bleu, 2006 :
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 26.
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 9.
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 7.
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 8-9.
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 10.
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 13.
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 3.
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 15.
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 16.
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 24-25.
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 4.
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 4-5.
- Fresnault-Deruelle 2006, p. 5.
- Autres références :
- « 124e planche des Aventures de Tintin en Orient, parue dans Le Petit Vingtième le » (consulté le ).
- Jacques Langlois, Tchang l'ami chinois, in Les personnages de Tintin dans l'histoire, vol. 1, p. 49-50.
- Philippe Goddin, Tintin à la découverte des grandes civilisations, "Tintin et l'empire du milieu", Coédition Beaux Arts Magazine & Le Figaro, , p. 30-41.
- Assouline 1996, p. 152.
- Anne Cantin, Avec le petit peuple de Chine, in Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé, p. 82-91.
- Hélène Combis, « Tintin, la Chine du Lotus bleu décryptée en six points », sur franceculture.fr, France Culture, (consulté le ).
- Philippe Moreau Defarges, « De la SDN à l'ONU », Pouvoirs, no 109, (lire en ligne).
- Antoine Jourdan, « « Les amis des Poldèves » : histoire d’un canular d’extrême droite », sur retronews.fr, Retronews, (consulté le ).
- Peeters 1985, p. 7-8
- Pierre-Yves Bourdil, Hergé, Bruxelles, Labor, (ISBN 978-2804005788), p. 27.
- Sadoul 1989, p. 49-50
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- Les archives de Tintin, Le Lotus bleu, Tchang Tchong-Jen, p. 14
- Peeters 1985, p. 10
- Frédéric Soumois, Dossier Tintin : Sources, Versions, Thèmes, Structures, Bruxelles, Jacques Antoine, (ISBN 2-87191-009-X), p. 92.
- Fresnault-Deruelle 1999, p. 89.
- Adrien Guillemot, Quel immense artiste, aussi ! Entretien avec Pierre Sterckx, in Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé, p. 54-59.
- Peeters mars 1985, p. 10.
- Fresnault-Deruelle 1999, p. 89-90.
- Fresnault-Deruelle 1999, p. 14.
- Fresnault-Deruelle 1999, p. 88.
- Conflit sino-japonais, in Les personnages de Tintin dans l'histoire, p. 51.
- Anne Catin, Géo, « Tintin : Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé », Éditions Moulinsart, géo (23/10/2015 (ISBN 978-2-8104-1564-9 et 2-8104-1564-1), « Avec le petit peuple de Chine »
- Patrick Mérand, Les arts et les sciences dans l'œuvre d'Hergé, Sépia,
- Hélène Combis, « Tintin, la Chine du Lotus bleu décryptée en six points », sur France Culture, .
- Patrick Mérand et Li Xiaohan, Le Lotus Bleu Décrypté, Saint-Maur-des-Fossés, Sépia, , 64 p. (ISBN 978-2-84280-153-3)
- « Record mondial d'enchères pour un dessin de Tintin : 3,2 millions d'euros ! », sur La Dépêche du Midi, (consulté le ).
- « Le Lotus bleu », sur madelen.ina.fr, Institut national de l'audiovisuel (consulté le ).
- Olivier Delcroix, « Tintin : les bonnes ondes du Lotus bleu sur France Culture », sur lefigaro.fr, Le Figaro, (consulté le ).
- « Les Aventures de Tintin : Le Lotus bleu », sur franceculture.fr, France Culture (consulté le ).
Notes
- Déplacé toutefois, pour les besoins de l'intrigue, sur la ligne Shanghai-Nanking, au kilomètre 123, près de la gare de Cheng Fou (Changzhou ?).
- Le "méchant" de l’aventure Tintin au Congo avait précédemment été dévoré par les crocodiles.
Annexes
Ouvrages sur Hergé
- Pierre Assouline, Hergé, Paris, Gallimard, coll. « Folio », , 820 p. (ISBN 978-2-07-040235-9).
- Benoît Peeters, Hergé, fils de Tintin, Paris, Flammarion, coll. « Champs biographie », , 629 p. (ISBN 978-20812-6789-3, lire en ligne).
Ouvrages sur l'œuvre d'Hergé
- Collectif, Le rire de Tintin : Les secrets du génie comique d'Hergé, L'Express, Beaux Arts Magazine, , 136 p. (ISSN 0014-5270).
- Collectif, Tintin et le trésor de la philosophie, vol. Hors-série, Philosophie Magazine, , 100 p. (ISSN 2104-9246).
- Jean-Michel Coblence (photogr. Yves Gellie), « Shanghai : Le réveil du dragon », Géo, Paris « Hors-série », no 1H « Tintin, grand voyageur du siècle », , p. 108-119
- Collectif, Les personnages de Tintin dans l'histoire : Les évènements de 1930 à 1944 qui ont inspiré l'œuvre d'Hergé, Le Point, Historia, , 130 p. (ISBN 978-2-7466-3509-8, ISSN 0242-6005). .
- Laurent Colonnier, Georges & Tchang : une histoire d'amour au vingtième siècle, City, éditions 12 bis, , 71 p. (ISBN 978-2-35648-378-2, OCLC 820626297).
- Pierre Fresnault-Deruelle, Hergé ou le secret de l'image : Essai sur l'univers graphique de Tintin, Éditions Moulinsart, , 142 p. (ISBN 2-930284-18-8). .
- Pierre Fresnault-Deruelle, Les mystères du Lotus bleu, Éditions Moulinsart, , 32 p. (ISBN 2-87424-121-0).
- Hergé, Jean-Marie Embs (préface et postface) et Philippe Mellot, Le Lotus bleu, Bruxelles/Évreux, Moulinsart, , 20 p. (ISBN 978-2-87424-200-7)
- Claude Le Gallo, « Le Lotus bleu », Phénix, no 10, , p. 12-18.
- Benoît Peeters, L'Œuvre Intégrale d'Hergé, vol. 3, Tournai, Rombaldi, , 282 p.
- Numa Sadoul, Entretiens avec Hergé : Édition définitive, Tournai, Casterman, coll. « Bibliothèque de Moulinsart », , 3e éd. (1re éd. 1975), 256 p. (ISBN 2-203-01708-2)
- Léon Vandermeersch, « L'empire du Milieu », Philosophie Magazine, Paris « Hors-série », no 8H « Tintin au pays des philosophes », , p. 24-27
- Chongren Zhang, Tchang au pays du lotus bleu, Paris, Séguier, , 136 p. (ISBN 978-2-87736-159-0, OCLC 25630930).
- Roger Faligot (interviewé) et Brieg F. Haslé, « Roger Faligot, les espions chinois et l'énigme du Lotus Bleu », dBD, no 22, , p. 48-51.
Liens externes
- Les planches originales parues dans le Petit Vingtième à partir de 1934
- Tintin, la Chine du Lotus bleu décryptée en six points
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