Klaus Barbie

Nikolaus Barbie dit Klaus Barbie, né le à Bad Godesberg, en Allemagne, et mort le à Pierre-Bénite[1],[2], en France, est un criminel de guerre allemand, officier de police SS sous le régime nazi.

Pour les articles homonymes, voir Barbie.

Klaus Barbie

Surnom « Le boucher de Lyon »
Nom de naissance Nikolaus Barbie
Naissance
Bad Godesberg (Royaume de Prusse)
Décès
Pierre-Bénite (Rhône, France)
Origine Allemand
Allégeance  Reich allemand
Arme Schutzstaffel (SS, Sipo-SD)
Grade avril 1940 : SS-Untersturmführer
(sous-lieutenant SS)
octobre 1940 : SS-Obersturmführer
(lieutenant SS)
novembre 1944 : SS-Hauptsturmführer
(capitaine SS)
Années de service 1935 – 1945
Commandement Chef de la section IV (Gestapo) du KDS de Lyon
Conflits Seconde Guerre mondiale
Distinctions Croix de fer de seconde classe (1941)
Famille Épouse Regine Willms († 1982) en avril 1940, deux enfants

Il est chef de la section IV (Sipo-SD) dans les services de la police de sûreté allemande basée à Lyon, durant l'occupation de la France par l'Allemagne nazie. Surnommé « le Boucher de Lyon », en fuite durant plus de quarante ans, il se cache en Amérique du Sud sous le nom de Klaus Altmann et obtient la nationalité bolivienne en 1957. En , il est finalement extradé de Bolivie vers la France, où il est condamné à perpétuité pour crime contre l’humanité à Lyon en .

Biographie

Origines et débuts SS en Allemagne

Nikolaus "Klaus" Barbie naît le à Godesberg (actuelle Bad Godesberg, en Allemagne), une petite ville relativement calme proche du Rhin, au sud de Bonn[3].

La famille Barbie est originaire de Merzig, dans la Sarre près de la frontière française, où elle réside depuis la Révolution française[3]. Selon Klaus Barbie lui-même, ses ancêtres patrilinéaires sont des catholiques français, probablement du nom de Barbier, qui ont quitté la France en tant que réfugiés pendant le règne de Louis XVI[3].

En , son père, également nommé Nikolaus, a été enrôlé pour combattre dans la Première Guerre mondiale. Il est revenu de la guerre coléreux et amer. Blessé au cou à Verdun, capturé par les Français qu'il détestait, il ne recouvra jamais la santé. Il est devenu alcoolique et a abusé de ses enfants. Jusqu'en 1923, alors qu'il avait 10 ans, Klaus Barbie a fréquenté l'école locale où son père enseignait. Par la suite, il a fréquenté un pensionnat à Trèves et a été soulagé d'être loin de son père violent. En , toute la famille Barbie s'installe à Trèves.

Klaus Barbie obtient son Abitur (approximativement l'équivalent du baccalauréat en France, du diplôme d'études secondaires au Canada, de la maturité gymnasiale en Suisse) en et adhère aux Jeunesses hitlériennes (Hitlerjugend).

En 1935, il entre dans la SS. La même année, il commence à travailler à Berlin, au service central du Sicherheitsdienst (SD), le service de sécurité du parti nazi (déclaré service de renseignements du Reich par un décret du ). Il reçoit ensuite une formation d’enquêteur au quartier général de la police de l’Alexanderplatz. Après quelques semaines à la brigade criminelle, il est affecté à la brigade des mœurs. En , il est muté à Düsseldorf. L’année suivante, il passe par l'école du SD à Bernau bei Berlin avant d’être envoyé suivre un cours d’officier à Berlin-Charlottenburg. Les listes du NSDAP ayant été fermées en , ce n’est qu’à leur réouverture en que Barbie devient membre du parti. Il est alors âgé de 23 ans.

Fin , durant trois mois, il effectue son service militaire au 39e régiment d’infanterie, puis poursuit sa formation d’officier. Le , il est nommé SS-Untersturmführer (sous-lieutenant SS). Quelques jours plus tard, il épouse Regine Willms qui a adhéré au parti nazi en et travaille dans une crèche de l’association des femmes nazies[4].

Pays-Bas (1940-1941)

En 1940, après l'invasion des Pays-Bas, Klaus Barbie y est envoyé au sein d'un détachement de la Sipo-SD (Sicherheitspolizei und Sicherheitsdienst, police de sécurité  État  et service de sécurité — parti nazi) à la section VI (Amt VI, Ausland-SD, renseignements à l'étranger) chargée de la préparation du débarquement en Grande-Bretagne. Avant même que celui-ci ne soit annulé, Klaus Barbie est muté à la section IV (Amt IV, improprement appelée Gestapo, en fait formée des sections [Abteilungen] II et III de la Gestapo et de la section centrale [Zentralabteilung] III2 du SD Hauptamt). Dans ce cadre, d'abord à La Haye, puis à Amsterdam, il participe activement à la poursuite et à la rafle des Juifs, des francs-maçons et des émigrés allemands. Il travaille avec tant de zèle qu'en , il est promu SS-Obersturmführer (lieutenant SS). Pour avoir été l'un des officiers les plus énergiques dans l'assaut du ghetto juif d'Amsterdam et pour avoir commandé des pelotons d'exécution, il est décoré de la croix de fer de seconde classe (Eisernes Kreuz II.Klasse) le [4].

Front russe (1941-1942)

Bien que cela ne soit pas mentionné sur ses états de service, Klaus Barbie aurait été envoyé en URSS, de l'été 1941 au printemps 1942, dans un commando spécial de la Sipo-SD, chargé de la lutte contre les partisans sur les arrières de l'armée allemande (« J'avais suivi un stage de parachutisme [en Russie en 1941] »[5]).

France (1942-1944)

Au printemps 1942, comme il est bien noté et qu'il parle français, Klaus Barbie est nommé chef de la sécurité à Gex, sous-préfecture de l'Ain en France, à proximité de la frontière suisse. En fait, une mission délicate l'attend : il doit enlever Alexander Foote, un agent secret travaillant pour l'URSS à Genève. Barbie réussit à soudoyer le chef d'un poste de la garde-frontière suisse et s'introduit en Suisse par le poste de Prévessin-Moëns, douane proche de sa résidence privée, avant de constater qu'Alexander Foote avait disparu.

En , Klaus Barbie est affecté au Kommando der Sipo-SD (KDS) de Dijon où il est chargé de la surveillance des douaniers allemands[6], et à partir de  ; il est au casino de Charbonnières-les-Bains dans les faubourgs de Lyon où, avec une partie du commando DONAR, il est chargé de détecter les radios clandestines[7] ; puis, après l'invasion de la zone libre en France par les Allemands en , au KDS de Lyon (commandé par Rolf Mühler de à [8], par Fritz Hollert et, à partir de l'été 43, par Werner Knab), où il prend le commandement de la section IV (lutte contre les résistants, les communistes, les Juifs…).

En , Klaus Barbie devient le chef de la Gestapo de la région lyonnaise (troisième officier, par ordre d'importance, au sein du KDS de Lyon). Sous ses ordres, sont torturés et exécutés de nombreux résistants, dont Jean Moulin. Il arrête aussi personnellement, à la demande de Joachim von Ribbentrop, en , Albert Lebrun et André François-Poncet en Isère. Surnommé « le bourreau de Lyon », il donne l'ordre d'exécuter de nombreux otages et de déporter des milliers de Juifs à Drancy — étape intermédiaire avant Auschwitz. Parmi ses victimes, se trouvent les 86 personnes raflées le 9 février 1943 au siège de l'UGIF, situé 12, rue Sainte-Catherine à Lyon, mais aussi les 44 enfants d'Izieu raflés le . Le de la même année, Barbie réussit à faire partir directement de Lyon pour Auschwitz le dernier convoi de déportés avec 650 personnes dont 342 non-Juifs et 308 Juifs. Lors de son procès, il est accusé d'avoir fait fusiller 22 otages, dont des femmes et des enfants, en représailles d'un attentat sur deux policiers allemands en 1943, d'avoir torturé ou fait torturer au moins une vingtaine de personnes en 1943 et d'en avoir fait fusiller au moins une quarantaine la même année, d'avoir fait fusiller 70 Juifs à Bron et beaucoup d'autres parmi les 120 prisonniers de la prison Montluc exécutés à Saint-Genis-Laval durant l'été 1944, où il est vrai que, selon Max Payot, un agent français de la Gestapo, Fritz Hollert, deuxième officier du KDS de Lyon, donc supérieur à Klaus Barbie, est présent[4].

Durant le premier semestre de l'année 1944, Barbie dirige également le commando de la Sipo-SD qui accompagne les troupes de répression des maquis, notamment dans l'Ain et le Jura : il torture, tue ou fait tuer de nombreux villageois censés soutenir les maquisards. L’organigramme des services de la Gestapo à Lyon publié par le journal clandestin Spartakus () du groupe des Révolutionnaires communistes allemands et autrichiens (RKD) exilés en France le mentionne sous le nom de Mayer[9].

Il est également très actif du côté savoyard de la frontière franco-suisse, lieu de passage de clandestins vers la Suisse. Accompagné de son interprète Gottlieb Fuchs[note 1], il conduit des interrogatoires accompagnés d'actes de torture à l'hôtel Pax d'Annemasse en Haute-Savoie[note 2].

En , Klaus Barbie se trouve dans les Vosges. Le , sa présence est attestée à Bruyères avec de nombreux membres de la Sipo-SD de Lyon : le SS-Obersturmbannführer (lieutenant-colonel SS) Werner Knab, les sous-officiers Harry Stengritt et Krüll, des collaborateurs du PPF avec à leur tête Marcel Bergier et Charles Marandin, ainsi qu'une centaine d'auxiliaires français. Le , Barbie se rend à Rehaupal avec l'objectif de localiser un maquis[10].

Le , le SS-Sturmbannführer (commandant SS) Wanninger recommande Klaus Barbie — déjà jugé dans un rapport de 1940 comme « discipliné, travailleur, honnête, amical, bon camarade, officier irréprochable » — pour une promotion au grade de SS-Hauptsturmführer (capitaine SS) en ces termes : « Klaus Barbie est connu au Quartier général comme un chef SS enthousiaste, qui sait ce qu’il veut. Il a un talent certain pour le travail de renseignement et pour la recherche des criminels. Sa plus grande réussite réside dans la destruction de nombreuses organisations ennemies. Le Reichsführer-SS Heinrich Himmler a exprimé sa gratitude à Barbie dans une lettre personnelle qui le félicitait pour la qualité de son travail dans la recherche des criminels et la lutte contre la Résistance. Barbie est [un officier] sur lequel on peut compter aussi bien sur le plan psychologique que sur le plan idéologique. Depuis sa formation et son emploi au sein du SD, Barbie a mené une carrière assidue en tant que directeur d’un service supérieur et, s’il n’y a pas d’objection, il est recommandé qu’il soit promu SS-Hauptsturmführer. »

Après la Libération de la France, Barbie parvient, blessé, à gagner la ville de Baden-Baden en Allemagne. Le , il est promu SS-Hauptsturmführer. En poste à Halle, puis à Düsseldorf et à Essen, il termine la guerre à Wuppertal.

Après guerre (1945-1947)

Photographie recueillie par la gendarmerie pour la préparation de son procès. ADRML, 4544 W 23.

Recherché par les Alliés comme criminel de guerre, Klaus Barbie figure sur deux listes : à Londres, celle de la Commission des crimes de guerre des Nations unies (UNWCC : United Nations War Crimes Commission), sous le no 48 et le nom de Barbier, alias Kreitz, et, à Paris, celle du Registre central des criminels de guerre et des suspects pour raisons de sécurité (CROWCASS : Central Registry of Wanted War Criminals and Security Suspects), sous le no 57 et le nom de Barbie/Barbier/Barby/von Barbier/Klein/Kleitz/Mayer/Menez[11],[12]. L'ancien patron de la Gestapo de Lyon se fait discret, mais n'hésite pas à organiser, fin 1945, avec d'anciens SS, un réseau de résistance nazie[13]. Cependant, en butte à l'indifférence de la population et à la répression des Alliés, ce réseau est vite infiltré et la plupart de ses membres arrêtés début 1947 (opération Selection Board)[14]. Plusieurs fois arrêté, il réussit à cacher sa véritable identité et à s'évader[15].

Au service de l'Armée américaine (avril 1947 à mars 1951)

En , il rencontre Joseph Joseph Merck ou Kurt Merk, ancien officier de l'Abwehr en poste à Dijon pendant la guerre, avec qui il avait travaillé lorsqu'il était en poste à Lyon, qui lui propose d'entrer au réseau Peterson qu'il commande et qui est entièrement financé par le CIC (Counter Intelligence Corps, Armée américaine)[16]. Par deux fois des agents français demandent à parler avec Klaus Barbie au sujet de l'affaire René Hardy, mais le CIC pense qu'il s'agit alors de l'arrêter et cache sa présence. Le responsable de Barbie au sein du CIC, Erhard Dabringhaus, ne prend conscience que Barbie est un criminel qu'après plusieurs mois, informé par Kurt Merk. Début 1948, il en informe sa hiérarchie qui préfère continuer à utiliser Barbie. À partir de ce moment-là, la France commence à réclamer l'extradition de Klaus Barbie. Le Counter Intelligence Corps donne trois raisons pour expliquer la protection qui lui est accordée :

  • d'abord que son aide est précieuse au moment de la guerre froide,
  • ensuite, que ses « prétendus crimes » contre la Résistance étaient des actes de guerre et que les Français recherchent davantage la vengeance que la justice,
  • enfin, qu'on ne peut plus faire confiance à une France submergée par les communistes qui veulent en fait interroger Barbie sur la pénétration en Amérique du Parti communiste allemand et des services secrets français[17].

Le CIC est vivement intéressé par l'expérience que Barbie a acquise en France contre la résistance communiste[18], surtout afin d'obtenir des informations sur la pénétration communiste des services secrets français, sur les activités du Parti communiste français en France, dans l'armée française et la zone française en Allemagne ainsi que sur celles des services secrets français dans la zone américaine[19],[20].

Dans le cadre des deux procès intentés à René Hardy suspecté d'avoir trahi Jean Moulin, le tribunal militaire de Lyon poursuit Klaus Barbie, qui est condamné à la peine capitale par contumace le et le [21].

Au service de l'État bolivien

En 1951, Barbie est accusé de vol par la police allemande. Il est exfiltré vers l'Argentine avec le concours des services secrets américains (CIA) et de Krunoslav Draganović. Dans sa fuite, il passe notamment par Vienne, où il est aidé par Kurt Waldheim — Milan, Rome et Gênes[22].

Sous une fausse identité de « Klaus Altmann », il s'installe en Bolivie, obtient la nationalité bolivienne et dirige une entreprise d'exploitation du bois, puis, de 1966 à 1971, la Compagnie Transmaritima Boliviana, première compagnie maritime du pays qui s'adonne au trafic d'armes et de drogues au profit des dictatures militaires d'Amérique du Sud[23],[24].

À partir de 1964, il collabore activement avec l'armée bolivienne et donne des conseils pour la recherche et la torture des opposants. De 1965 à 1967, jusqu'à la mort de Che Guevara dans la jungle bolivienne, il semble qu'il soit de nouveau au service de la CIA. En 1971, il soutient le coup d'État du colonel Hugo Banzer et pour conforter son régime, Barbie crée une organisation paramilitaire d'extrême-droite les fiancés de la mort[22],[25],[26]. Sa compagnie ayant fait faillite, il s'installe au Pérou.

Cependant, l'arrivée de Beate Klarsfeld, militante allemande anti-nazie majeure de l'après-guerre, l'oblige à regagner la Bolivie.

Traque

En effet, dès 1961, une enquête de la police allemande, alimentée par les archives de la VVN, détermine que Barbie s'est réfugié en Bolivie. En 1969, lorsque sa fille Ute Messner[27], demande un visa pour l'Allemagne, les autorités découvrent finalement que « Klaus Altmann » est Klaus Barbie. Toutefois, face aux difficultés administratives, l'affaire est sur le point d'être classée quand les protestations de Beate Klarsfeld viennent la relancer : le , elle obtient, non sans mal, du procureur allemand Manfred Ludolph la reprise de l'instruction ouverte en 1960 par le parquet de Munich contre l'ex-SS-Hauptsturmführer Barbie. D'après l'historien Peter Hammerschmidt, Klaus Barbie aurait même travaillé pour le Service fédéral de renseignement de la République fédérale d'Allemagne entre 1966 et 1967 sous le nom de code Adler[22].

Le magistrat Manfred Ludolph remet à Beate Klarsfeld deux photographies de Barbie, dont l'une prise en 1968 à La Paz, avec un homme qui lui ressemble fortement autour d'un groupe d'hommes d'affaires. En , les Klarsfeld obtiennent d'Allemands établis en Bolivie l'adresse et le faux nom des Barbie installés à Lima. La photo paraît dans la presse, si bien que les autorités péruviennes demandent aux Barbie de partir, ne voulant pas risquer de refuser à la France son extradition. Le , L'Aurore publie un article retentissant : « L'ex-nazi Klaus Barbie vient de se réfugier au Pérou après un long séjour en Bolivie. La France va-t-elle le réclamer ? »[28]. Le dossier des Klarsfeld monté contre Barbie est désormais médiatisé.

Le journaliste Ladislas de Hoyos parvint à l'interviewer les 3 et , en Bolivie. Durant cette entrevue surveillée par le gouvernement bolivien, le journaliste s'adresse à Klaus Altman en français, et ce dernier répond à la question en allemand, trahissant sa compréhension de la langue française. Plus tard, Ladislas de Hoyos piège Klaus Altman en lui transmettant deux photos de Jean Moulin, lui demandant de les identifier. Altman nie connaître le résistant français et rend les photos au journaliste. En les manipulant, Altman laisse sur celles-ci ses empreintes digitales qui permettront aux autorités françaises de l'identifier formellement[29],[30],[31],[32]. Le reportage fut ensuite diffusé sur Antenne 2[33]. C'est lors de cette diffusion que Klaus Barbie a été reconnu par Simone Lagrange, qu'il avait torturée, en 1944. Le , le journal O Globo publie l'entretien dans lequel Altmann avoue être Klaus Barbie.

Fin des protections

Klaus Barbie, personnage important en Bolivie, est protégé par le régime Banzer, dont il est un soutien et un assistant dans sa lutte contre les opposants, jusqu'à sa chute en 1978.

Cependant, le gouvernement américain contraint le président bolivien à démissionner l'année suivante. Avec le retour des militaires dans leurs casernes, l'étau se resserre sur Barbie. Dans Le Monde du , l'ancien président Hernán Siles Zuazo qui sera élu pour un nouveau mandat de 1982 à 1985, déclare : « Évidemment, un gouvernement démocratique ne peut pas protéger un criminel comme Barbie. Nous luttons contre le fascisme local et contre tout fascisme d'où qu'il vienne »[34].

Il participe à la préparation du coup d'État de 1980 par Luis García Meza Tejada en recrutant des mercenaires pour le nouveau régime dans lequel Barbie est nommé colonel honoraire des services de renseignements ; à ce poste, il élimine plusieurs opposants[35].

Retour en France

Après bien des péripéties et des atermoiements, après que le gouvernement français a accordé à la Bolivie une importante aide au développement (certains parlent d'une livraison de plusieurs tonnes d'armes pour la police bolivienne en échange de Barbie[36],[37]), Klaus Barbie est arrêté à La Paz le , sous l'inculpation banale d'escroquerie pour défaut de paiement d'une dette de dix mille dollars et d'infraction aux lois sur l'immigration[38],[39],[40].

Il est expulsé vers la France le et, fait symbolique, incarcéré pendant une semaine à la prison Montluc (prison militaire située à Lyon servant de lieu de détention pendant la Seconde Guerre mondiale)[41] sur ordre de Robert Badinter ministre de la Justice à l'époque[42] : « Quarante ans après ses crimes, c’est à Montluc que Barbie devait passer la nuit, seul dans une cellule avec les ombres des êtres qu’il avait martyrisés. »

Procès

Jacques Vergès et Klaus Barbie lors de son procès. Lyon 1987 (dessin de Calvi)

Son procès devant la cour d'assises du Rhône débute le , dans la salle des pas-perdus du palais de justice de Lyon[43]. La salle principale de la cour d'Assises étant trop petite pour le nombre de parties civiles et de témoins attendus (sans compter le public et la presse), il est décidé de construire une salle d'assises temporaire dans la salle des pas-perdus (vaste hall à l'entrée du palais de Justice).

Le président du tribunal, André Cerdini[44], décide de ne pas faire comparaître Barbie dans une cage de verre blindée, estimant que l'accusé n'avait pas à bénéficier d'une telle protection[45]. L'accusation est menée par Pierre Truche, assisté de Jean-Olivier Viout. Sa défense est assurée par l'avocat Jacques Vergès ainsi que par Jean-Martin Mbemba (avocat congolais) et par Nabil Bouaita (avocat algérien). 39 avocats représentent les parties civiles, Juifs et résistants déportés[46].

Au troisième jour du procès, quand commencent les dépositions de ses victimes, Barbie, fuyant la confrontation, se lève et lit une brève déclaration. Il annonce son intention de ne plus comparaître aux audiences comme l'y autorise le droit français, au motif de l'illégalité de sa détention[47].

Le , au terme de neuf semaines de procès, et après six heures et demie de délibération, la cour d'assises du Rhône reconnaît Klaus Barbie coupable de dix-sept crimes contre l'humanité et le condamne à la prison à perpétuité « pour la déportation de centaines de Juifs de France et notamment l'arrestation, le 6 avril 1944, de 44 enfants juifs et de 7 adultes à la maison d'enfants d'Izieu et leur déportation à Auschwitz »[48]. C'est la première fois que ce chef d'accusation est retenu en France[49].

Mort

Pendant toute la période de son procès et après sa condamnation à la prison à perpétuité, Klaus Barbie est emprisonné dans les prisons Saint-Paul et Saint-Joseph à Lyon.

Le , Klaus Barbie meurt à la prison Saint-Joseph à Lyon, à 77 ans, des suites d'un cancer du sang et de la prostate[50],[51].

Vie personnelle

Sa femme, Regine Barbie, est décédée d'un cancer en Bolivie peu avant son extradition. Son fils, Klaus-Georg Altmann, est décédé dans un accident de deltaplane près de Cochabamba en 1981 et sa fille, Ute Messner, vit en Autriche[51].

Notes et références

Notes

  1. Gottlieb Fuchs a publié un livre intitulé Le Renard. 30 ans après, l'interprète de Klaus Barbie parle (Fuchs 1973).
  2. Fuchs affirme dans son livre qu'il falsifiait des documents que devait signer Barbie qu'il saoulait avec la complicité des serveuses, pour sauver des résistants (Fuchs 1973).

Références

  1. Archives municipales de Lyon, 2e arrondissement, année 1991, transcription no 75 de l'acte de décès no 267, cote 2E3593
  2. État civil sur le fichier des personnes décédées en France depuis 1970
  3. (en) Tom Bower, Klaus Barbie: The Butcher of Lyons, Open Road Media, (ISBN 978-1-5040-4325-0, lire en ligne), p. 15
  4. Bower 1985.
  5. Bower 1985, p. 153.
  6. Dominique Lormier, La Gestapo et les français, Paris, Pygmalion, , 301 p. (ISBN 978-2-7564-0589-6, OCLC 829993478) , p. 49.
  7. Dominique Lormier 2013, p. 58 et notice biographique pp. 59-60.
  8. (en) Isaac Levendel et Bernard Weisz, Hunting Down the Jews : Vichy, the Nazis and Mafia Collaborators in Provence, 1942-1944, Enigma Books, , 340 p. (ISBN 978-1-936274-32-1, lire en ligne), part 5, page 1
  9. Cécile Denis, Continuités et divergences dans la presse clandestine de résistants allemands et autrichiens en France pendant la Seconde Guerre mondiale : KPD, KPÖ, Revolutionäre Kommunisten et trotskystes, (thèse de doctorat réalisée sous la direction d’Hélène Camarade, soutenue publiquement le 10 décembre 2018 à l’université Bordeaux-Montaigne) (lire en ligne)
  10. « Avant la bataille », Ville de Bruyères (consulté le ).
  11. Bower 1985, p. 134.
  12. Bower 1985, p. 147-148.
  13. Bower 1985, p. 149.
  14. Bower 1985, p. 158.
  15. « La protection des Américains et la fuite en Bolivie », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  16. Dabringhaus 1986, p. 19.
  17. Bower 1985, p. 200/201.
  18. (de) Peter Hammerschmidt, « Die Tatsache allein, daß V-43 118 SS-Hauptsturmführer war, schließt nicht aus, ihn als Quelle zu verwenden », Der Bundesnachrichtendienst und sein Agent Klaus Barbie, dans Zeitschrift für Geschichtswissenschaft (ZfG), 4/2011, Metropol Verlag, Berlin, S. 333-348 (Download).
  19. Bower 1985, p. 169.
  20. (en-US) « Opinion | Shame, Pride and Klaus Barbie », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
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  22. Alexander Knetig, « Le procès Barbie », sur Arte-tv, (consulté le ).
  23. « « Klaus Barbie : la traque » : La seconde vie du « boucher de Lyon » », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
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  25. « Bolivian Express | The Butcher of Bolivia », sur bolivianexpress.org (consulté le )
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  27. (en) « Barbie's Daughter in Lyons », New York Times, (lire en ligne).
  28. Marcel Ruby, Klaus Barbie : de Montluc à Montluc, L'Hermès, , p. 212.
  29. « Texte d'une interview de Klaus Altmann (Klaus Barbie) parue dans un journal allemand », sur FranceArchives (consulté le )
  30. « " Hitler est un génie et je suis un nazi convaincu " déclare Klaus Barbie », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  31. Paris Match, (lire en ligne)
  32. Marcel Ruby, Klaus Barbie: de Montluc à Montluc, L'Hermès, (ISBN 978-2-85934-118-3, lire en ligne)
  33. Emmanuelle Skyvington, « Dans les coulisses de l’interview qui fit tomber Klaus Barbie », sur Télérama, (consulté le ).
  34. Jean-Claude Buhrer, « La fin des « jours tranquilles » pour Klaus Barbie? », Le Monde, (lire en ligne)
  35. « Bolivie: mort de l'ancien dictateur Luis Garcia Meza », sur RFI, (consulté le )
  36. Ladislas de Hoyos, Klaus Barbie, Virgin Books Limited, , p. 225.
  37. Jean-Claude Buhrer, « Un ami des trafiquants de drogue », Le Monde, (lire en ligne)
  38. Guy Morel, Barbie : pour mémoire, éditions Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes, , p. 12.
  39. Jean-Claude Buhrer, « Klaus Barbie est arrêté pour fraude financière », Le Monde, .
  40. « Klaus Barbie est l'objet de deux demandes d'extradition », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  41. Procès Barbie : l'Agence France-presse raconte, Agence France-presse, 1987, 269 p. (ISBN 978-2905162090).
  42. Florent Deligia, « Montluc : prison politique des nazis, l’horreur en plein Lyon », sur Lyon Capitale, (consulté le ).
  43. [vidéo] Ouverture du procès par le président André Cerdini.
  44. Né en Ardèche, André Cerdini a commencé sa carrière comme juge d'instruction à Alençon (Orne), avant d'être nommé successivement Procureur de la République au Puy (Haute-Loire) et à Nevers (Nièvre).
  45. Procès Barbie : l'Agence France-presse raconte, AFP, , p. 64.
  46. Paul Gauthier, Chronique du procès Barbie : pour servir la mémoire, Cerf, , p. 268.
  47. Sorj Chalandon, Pascale Nivelle, Crimes contre l'humanité : Barbie, Touvier, Bousquet, Papon, Plon, , p. 37.
  48. Pierre Truche, Juger les crimes contre l'humanité : 20 ans après le procès Barbie, Lyon, ENS Éditions, , 262 p. (ISBN 978-2-84788-150-9, lire en ligne), p. 87
  49. Pascale Robert-Diard, Didier Rioux, Le Monde : les grands procès, 1944-2010, Les Arènes, , p. 304.
  50. « Juger Barbie », sur memorializieu.eu (consulté le ).
  51. (en) Wolfgang Saxon, « Klaus Barbie, 77, Lyons Gestapo Chief », New York Times, (lire en ligne).

Annexes

Bibliographie

  • Beate Klarsfeld, Partout où ils seront, édition spéciale, premier trimestre 1973, page 324 à 409.
  • Erhard Dabringhaus (trad. Michel Breitman), L'Agent américain Klaus Barbie, Pygmalion, , 217 p. (ISBN 2-85704-203-5).
    Dabringhaus, né en Europe et parlant très bien l'allemand, et le français fut officier de renseignement pendant la guerre et fut démobilisé en 1946. Il vint en Europe parce que son épouse était belge et fut engagé en Allemagne dans le CIC en 1947. Il fut pendant deux ans l'agent chargé de contrôler le réseau Peterson.
  • Gottlieb Fuchs, Le Renard : 30 ans après, l'interprète de Klaus Barbie parle, Albin Michel, .
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Documentaires

Fictions

Télévision
Cinéma

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