Langues juives

Les langues juives sont un ensemble de langues qui se sont développées dans différentes communautés juives de par le monde et plus particulièrement en Europe, en Asie occidentale et en Afrique du Nord. Le développement habituel de ces langues passait par l'addition de mots et de phrases issus de l'hébreu et utilisés pour exprimer des concepts principalement juifs. Étant donnée la nature de nombreuses communautés juives dans le passé, nombre de langues juives gardent un vocabulaire et une structure linguistique issus de la langue qui les a engendrées, même après que celle-ci qui a perdu cette structure[1].

Page d'un dictionnaire yiddish-hébreu-latin-allemand, XIVe - XVIe

Histoire jusqu’au XIXe siècle

Les livres les plus anciens et plus importants pour le peuple juif ont été la Torah et le Tanakh, composés presque entièrement en hébreu biblique à une époque où les judéens parlaient araméen et abondamment utilisés par les juifs durant leur histoire. Les juifs ont beaucoup étudié ces textes hébreux, ont observé leurs commandements, ont basé leurs prières sur ceux-ci, et ont parlé la langue de ceux-ci. Pour les Juifs, l'hébreu est la langue de Dieu, d'où le nom de « lashon hakodesh » langue sacrée »).

La plus ancienne inscription en hébreu qui nous est parvenue, le calendrier de Gezer, date du Xe siècle avant notre ère. Il fut écrit en alphabet paléo-hébraïque, alphabet qui fut utilisé à l'époque du Temple de Salomon, jusqu'à ce qu'il soit modifié pour devenir l'alphabet assyrien (ktav ashurit) par Esdras, à la suite de l'Exil à Babylone. À cette époque il y eut également des modifications dans la langue alors qu'elle se développait vers l'hébreu mishnique. Jusqu'alors, la plupart des Juifs avait parlé l'hébreu en Israël et en Judée. Mais avec la destruction du Second Temple, la plupart s'étaient mis à parler l'araméen, et une grande partie de la diaspora juive parlait le grec. Alors que les Juifs émigraient vers des pays lointains, et que les langues des pays dans lesquels ils se trouvaient changeaient, ils adoptèrent de plus en plus la langue locale et se mirent à parler plusieurs langues. Pendant l'Antiquité tardive, l'araméen et le yévanique étaient les langues principales des Juifs. Le Targoum et la plus grande partie du Talmud étaient écrits en araméen. Plus tard, durant le Moyen Âge, la plupart des œuvres littéraires juives furent écrites en judéo-arabe, c'est-à-dire de l'arabe écrit avec l'alphabet hébreu. Ce fut ainsi par exemple la langue utilisée par Maïmonide. L'hébreu restait utilisé dans des cadres religieux et officiels tels que les événements religieux et gardait ainsi une importance, tout comme l'araméen, pour l'écriture des Ketouba (contrats de mariages).

Au fil du temps, ces dialectes juifs se différencièrent tellement du langage-parent qu'ils constituèrent des langues à part entière. Elles étaient influencées de façon notable par des mots issus de l'hébreu et de l'araméen, mais aussi par d'autres innovations. Ainsi, une grande variété de langues propres à la communauté juive apparurent. Les plus répandues furent ainsi successivement le mizrahi parlé par les juifs mizraïques orientaux ») du Moyen-Orient jusqu'au Caucase, au Yémen et à l'Inde, le yévanique parlé par les juifs romaniotes romains ») dans l'Empire romain d'Orient (dit byzantin), le judéo-espagnol parlé par les juifs séfarades espagnols ») en Andalousie puis tout autour de la Méditerranée à la suite de la persécution de l'Inquisition espagnole et de l'expulsion de 1492, et le yiddish parlé par les juifs ashkénazes allemands » ou « scythes ») en Europe centrale, occidentale puis orientale. Le premier était une variété d'hébreu biblique mêlé d'arabe, de turc, de persan ou d'hindi, le deuxième était du grec hébraïsé, le troisième du roman hispanique hébraïsé, le quatrième de l'allemand médiéval hébraïsé. Ces communautés suivaient des rites distincts : mizraïques ou ladinos selon le Talmud de Babylone pour les juifs orientaux, arabes et hispaniques, mais romaniotes ou ashkénazes selon le Talmud de Jérusalem pour les juifs romains, byzantins et européens (hormis la péninsule Ibérique)[2],[3],[4].

Les Juifs de la diaspora ont formé de nombreuses communautés souvent isolées, en raison de l'intolérance religieuse médiévale qui se traduisait par une stricte séparation entre les différentes confessions (ghet, d'où le mot italien ghetto), provoquant l'ostracisme et des persécutions à l'encontre des communautés minoritaires, repliées sur elles-mêmes pour maintenir leur propre culture. Ce facteur sociologique a contribué à la formation de dialectes qui ont souvent divergé pour former différentes langues.

Au début du XIXe siècle, le yiddish était la langue principale des Juifs en Europe de l'Est (ce qui en faisait la langue la plus parlée par les Juifs dans le monde), tandis que le judéo-espagnol s'était répandu dans le Maghreb, en Grèce, dans les Balkans et jusque dans l'actuelle Turquie. De petits groupes en Europe parlaient des langues telles que le judéo-italien, le yévanique, le karaïm, ainsi que le judéo-provençal (shuadit). Les Juifs du monde arabe parlaient différentes langues regroupées sont l'appellation de judéo-arabe, tandis que les Juifs d'Iran parlaient le judéo-perse, d'autres le judéo-berbère ou encore, au Kurdistan, le judéo-araméen.

Évolutions récentes

Ce tableau général a été fortement modifié par des événements historiques majeurs à partir de la fin du XIXe siècle. L'émigration de plusieurs millions de juifs européens vers l'Amérique du Nord a fortement augmenté le nombre d'anglophones juifs. Pour beaucoup de Juifs du Maghreb, la période coloniale a entraîné le passage au français et à l'espagnol. Enfin, le sionisme a relancé l'hébreu comme langue vivante, en a augmenté le vocabulaire de façon substantielle et en a simplifié la phonétique. Éliézer Ben-Yehoudah a joué un rôle de tout premier plan dans la renaissance de cette langue, tandis que la Haskala promouvait l'hébreu au détriment du yiddish. La Shoah a éradiqué la grande majorité des Juifs européens parlant le yiddish, l'allemand et le judéo-espagnol. Le conflit israélo-palestinien a amené de nombreux Juifs à quitter le monde arabe.

Les Juifs d'aujourd'hui parlent un grand nombre de langues, adoptant pour leur grande majorité les langues de leur pays de résidence. La langue la plus parlée par les Juifs aujourd'hui est l'anglais. Vient ensuite l'hébreu, la langue parlée en Israël ainsi que par des émigrants israéliens vivant à l'étranger. L'hébreu est la langue de tous les jours en Israël, bien que pour une grande partie de la population, l'hébreu soit la deuxième langue.

La troisième langue la plus parlée par les Juifs est actuellement le russe, avec environ deux millions de locuteurs issus de l'ancienne Union soviétique et dont la majorité vit actuellement en Israël. Environ 1 million d'Israéliens parlent russe couramment.

Le français, l'espagnol et le portugais sont les autres langues parlées par un grand nombre de Juifs. Des centaines de milliers de Juifs parlent le français en France et au Québec, la plupart d'entre eux étant issus d'Afrique du Nord où ils parlaient autrefois le judéo-espagnol ou l'arabe. L'espagnol et le portugais sont parlés par les communautés juives d'Amérique centrale et du Sud. Buenos Aires possède ainsi une importante communauté juive. Une part importante des immigrants en Israël parlent ainsi couramment français ou espagnol.

Le yiddish et le judéo-espagnol, qui correspondaient aux deux grandes aires de civilisation ashkénaze et séfarade, continuent à être parlés par certaines générations et dans certains îlots d'Europe (Anvers) et d'Amérique (États-Unis). Le yiddish est toujours parlé chez les Haredim. Si le nombre de locuteurs diminue, on note cependant un regain d'intérêt pour ces langues considérées comme porteuses d'un héritage culturel. Nombre des langues évoquées précédemment restent malgré tout des langues en danger. Certaines, comme le judéo-araméen ou le judéo-provençal disparu en 1977, tendent même à devenir des langues mortes.

Présentation des variétés linguistiques

Galerie

Notes et références

  1. Zuckermann, Ghil'ad (2014). Jewish Language Contact (International Journal of the Sociology of Language 226)
  2. http://judaism.stackexchange.com/questions/6067/yerushalmi-versus-bavli.
  3. (en)« http://www.yeshiva.org.il/ask/eng/?id=4612 »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?).
  4. (it)http://www.morasha.it/sbr/sbr_somekh.html.
  5. (en) Yohannes K. Mekonnen, Ethiopia : The Land, Its People, History and Culture, Intercontinental Books, , 428 p. (ISBN 978-9987-16-024-2, lire en ligne), p. 334.
  6. (en) Grover Hudson, « A Comparative Dictionary of the Agaw Languages by David Appleyard (review) », Northeast African Studies, vol. 13, no 2, (lire en ligne, consulté le ).
  7. (en) « Inscriptions », sur The Morgan Library & Museum, (consulté le )
  8. (en) « Provenance », sur The Morgan Library & Museum, (consulté le )

Liens externes

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