Esdras

Esdras (en hébreu : עזרא, Ezra), ou Ezra, est un personnage du livre d'Esdras et du livre de Néhémie, qui font partie de la Bible hébraïque. Il est issu de la tribu de Lévi et descend d'Aaron. Ce prêtre et scribe juif a mené environ 5 000 exilés Judéens de Babylone à Jérusalem en Il a reconstitué la communauté juive dispersée sur le fondement de la Torah, en mettant l'accent sur la loi mosaïque. Il a convaincu les Juifs mariés à des étrangères de renvoyer leurs femmes et leurs enfants, et a apporté une lecture précise de la Torah. Esdras est grandement respecté dans la tradition juive. Sa connaissance de la Torah est considérée comme égale à celle de Moïse.

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Portrait d'Esdras, illustration du Codex Amiatinus.

Esdras a reçu le titre honorifique de scribe et est appelé Esdras le Scribe (en hébreu : עזרא הסופר, Ezra HaSofer) dans la tradition juive. Il est aujourd'hui chez les juifs le symbole des courants anti-diaspora juive[1]. Il est également le symbole de l'importance de l'étude de la Torah, et ce même en dehors de la Terre d'Israël : étudier la Torah en diaspora est plus important que de reconstruire le Temple[2].

Récit biblique

La 7e année d'Artaxerxès Ier Longue-Main, roi de Perse ( à ), Esdras est chargé par le roi de se rendre à Jérusalem pour y faire une enquête civile et religieuse sur les conditions d’existence de la communauté juive et pour l'exhorter à observer la loi de Dieu (v. 14). Esdras détient une lettre du roi, ordonnant aux autorités de la province située au-delà du fleuve de livrer au scribe l’argent et les vivres nécessaires au service du Temple, et d'exempter d'impôts ceux qui s'occupent de la maison de Dieu (v. 21, 24). Esdras est autorisé à conduire en Judée un nouveau groupe d’exilés juifs, 80 ans après ceux qui ont accompagné Zorobabel et le grand prêtre Josué en

En rassemblant et inspectant les Juifs désireux de retourner en Judée, Esdras ne trouve aucun Lévite de rang inférieur ; il le fait savoir à leur chef qui en persuade quelques-uns de se joindre à Esdras. Après avoir jeûné et recherché la direction de Dieu pour le voyage, le groupe de 1 700 hommes part le 12e jour du 1er mois de la 7e année d’Artaxerxès 458- (Esd. 8.1-23, 31). Esdras atteint Jérusalem 4 mois plus tard (7.8). Il remet aux responsables de la maison de Dieu les ustensiles qu’il a reçus pour elle ; il offre des holocaustes et transmet les ordres du roi aux gouverneurs des pays au-delà du fleuve (8.33-36).

Esdras est profondément affligé de découvrir que des Juifs de Judée et même des cohanim exilés ont, contrairement à la Torah, épousé des femmes païennes : il réussit à persuader la plupart d'entre eux de se séparer de ces étrangères (ch. 9 et 10). Treize ans plus tard, lorsque Néhémie, revenu à Jérusalem, en a restauré les murailles, Esdras préside à la lecture de la loi de Moïse au peuple (Ne 8).

Éléments historiques

Selon Flavius Josèphe, Esdras mourut vers l'époque où Eliachib (en) devint grand-prêtre (Ant. 11.5.5) ; il fut sans doute contemporain d’Eliachib. (Ne 3.1; 13.4, 7, 28)

Selon (Esd 7), Esdras a été envoyé avec d'autres exilés à Jérusalem par le roi perse Artaxerxès I en  ; il avait probablement été l'équivalent d'un secrétaire d'État aux affaires juives. On l'avait autorisé à imposer l'observation de la loi juive et à nommer des responsables de l’État juif. On n’entend plus parler de lui jusqu'à ce qu'il lise la loi en public (Ne 8) en , après sans doute être retourné en Perse pour un certain temps. On a suggéré que l'auteur d’Esdras et de Néhémie a confondu Artaxerxès I et II et a ainsi placé par erreur Esdras avant Néhémie. Mais s'il était venu à Jérusalem en 398, une telle erreur aurait été relevée par ceux qui avaient été les témoins des événements ou qui en avaient entendu parler par leurs parents.

Midrash

Dans certains courants de traditions juives, on prête à Esdras l'équivalent de la stature de Moïse qui aurait lui aussi mérité de recevoir la Torah. Ces courants le créditent de la rédaction de son livre et de celle des Chroniques.

Esdras a créé la Grande Assemblée de 120 sages dont auraient fait partie les prophètes Aggée, Malachie et Zacharie ainsi que Daniel. Cette assemblée évolua avec le temps pour devenir le Sanhédrin, tribunal suprême et arbitre de la loi juive. Sous son autorité, cette assemblée aurait édité les livres de Daniel, Esther et Ézéchiel.

Esdras aurait aussi été le disciple de Baruch ben Neria, le scribe du prophète Jérémie.

Selon le Talmud Meguilah 15b, il y aurait débat sur l'identité de Malachie. Selon une opinion, ce serait son nom. Selon une autre opinion, il serait en réalité Ezra[3].

Islam

Dans le Coran

Esdras est identifié par certains exégètes du Coran à Ouzaïr ou Uzayr (en arabe : عزير) de par la forte similarité de leurs noms. D'après le texte coranique, dans lequel il n'est cité qu'une fois, des Juifs auraient divinisé Uzayr en lui attribuant le titre de "Fils de Dieu" dans l'optique de lui attribuer une nature divine, comme l"explique la sourate du Coran « L’Immunité ou le Repentir », IX, 30 dit : « Les Juifs ont dit : « Uzayr [est] fils de Dieu » et les Chrétiens ont dit : « Le Messie [est] fils de Dieu ». Telle est leur parole provenant de leurs bouches. Ils imitent le dire des mécréants avant eux. Que Dieu les anéantisse ! Comment s’écartent-ils (ainsi de la vérité) ? »[4]

L’identification du personnage ‘Uzayr est complexe. Pour Newby, cette construction a pu se construire par identification d'Uzayr à Hénoch et par référence à son élévation au ciel. Dans certains apocryphes juifs, Hénoch se « serait métamorphosé en un personnage divin ». Pour Bar-Asher, le transfert de croyances d'Hénoch à Uzayr qui expliquerait l'accusation coranique, n'est qu'une « simple hypothèse »[4] Leszynsky et Casanova l’ont rapproché, au début du siècle du démon Azazel. Plus tard, Ginzberg l’a associé à Malachie en supposant une mésinterprétation du texte biblique par Mahomet. Schwarzbaum a montré dans une étude sur les traditions orales une confusion dans certaines traditions entre ‘Uzayr et Jérémie tandis que d’autres auteurs ont conservé l’identité traditionnelle d’Esdras et d’’Uzayr[5]..

Comerro, quant à lui, rappelle une tradition islamique selon laquelle Uzayr serait le compagnon de captivité de Daniel. Les traditionalistes musulmans auraient confondu Esdras et Azarias, les deux noms étant très proches. Selon cette hypothèse, l’accusation coranique découlerait d’une confusion entre ce personnage biblique et un « quatrième [personnage] à l'aspect d'un fils de Dieu », périphrase désignant un ange dans le cantique des hébreux dans la fournaise[5].

Ce verset a un but polémique pour accuser les juifs, comme les chrétiens, d'avoir perverti le monothéisme pur. La position de ce verset, associé à d'autres versets polémiques, montre l'appartenance à cette rhétorique polémique[4]. Pour Comerro, cette sourate s’inscrit dans une volonté de « guerre », physique et religieuse, pour instituer l’islam et dans un contexte « d'une polémique doctrinale contre deux religions constituées de la part d'une troisième qui est en train de s'élaborer »[5]. Le verset 31 accentue encore la polémique puisqu’il accuse les juifs et les chrétiens d’avoir fait des docteurs et des moines des « Seigneurs autres que Dieu ». D’autres versets coraniques accusent aussi les chrétiens et les juifs de s’élever comme communauté au rang de « fils de Dieu »[5].

Dans les traditions musulmanes

Même s'il n’est cité qu’une fois dans le Coran, les traditions islamiques l’associent à d’autres versets. Ils l’associent à la résurrection, à la guérison de l’aveugle et du paralysé... « II semble bien que les traditionalistes musulmans ont eu recours à la figure parfaitement constituée du Messie des chrétiens afin de mieux déterminer l'identité aléatoire de celui que le Coran avait élevé au rang de “fils de Dieu” »[5].

Le pseudoépigraphe Quatrième livre d’Esdras (rejeté par le judaïsme rabbinique) est utilisé par les traditionalistes pour composer le récit d’une restauration des Écritures juives par Uzayr[4]. Ce livre était alors connu en arabe par des traductions chrétiennes[6]. La mise en place de la figure d’Uzayr au sein du corpus traditionnel s’appuie à la fois sur une vision positive, issue des traditions juives mais aussi sur une vision négative, les traditions chrétiennes ayant accusé Esdras d’être à l’origine d’une falsification de la Bible. Ce second aspect est présent, par exemple, chez Ibn Hazm[4],[5].

Les traditionalistes musulmans tardifs ont « en dépit du texte » limité cette accusation générale de divinisation d'Uzayr à un seul groupe ou à un seul individu[5], probablement suite à des contacts avec des juifs qui ont permis la négation par ceux-ci de la fausse accusation[6]. Cette thèse est surtout présente dans l’exégèse médiévale[4]. Suivant cette tradition, et en s’appuyant sur un écrit d’Ibn Hazm, plusieurs auteurs (Hirschberg, Szyszman) ont pensé que cette accusation désignait une secte juive particulière[5]. Pour Bar-Asher, « aucune source juive ne corrobore l'accusation coranique »[4].

Exégèse critique

Baruch Spinoza dans son Traité théologico-politique de 1670, rejette l'idée que Moïse ait écrit le Pentateuque et suppose qu'Esdras est le véritable auteur d'une histoire du peuple hébreu qui irait du livre de la Genèse au Second livre des Rois (mais en ôtant le Deutéronome)[7]. Selon Richard Friedman, Esdras est le rédacteur (R) qui a recombiné les textes J, E, P et D selon un modèle de la théorie documentaire. « C'est lui qui créa véritablement la Torah »[8].

Notes et références

  1. (en) Ehud Ben Zvi, The Concept of Exile in Ancient Israel and Its Historical Contexts, ed. Walter de Gruyter, 2010, p. 341.
  2. Talmud, traité Mégila.
  3. Voir, Feinstein, 2014, p. 29, note 1.
  4. Bar-asher, « uzayr » dans Dictionnaire du Coran, 2007, p. 892 et suivantes.
  5. Viviane Comerro, « Esdras est-il le fils de Dieu? », Arabica, vol. 52, no 2, , p. 165–181 (lire en ligne, consulté le ).
  6. (en) « Uzayr », Encyclopedia of Islam, vol. 10, Brill, p. 960.
  7. Thomas Römer, « La construction du Pentateuque, de l'Hexateuque et de l'Ennéateuque : Investigations préliminaires sur la formation des grands ensembles littéraires de la Bible hébraïque », dans Thomas Römer et Konrad Schmid, Les dernières rédactions du Pentateuque, de l'Hexateuque et de l'Ennéateuque, Louvain, Presses universitaires de Louvain, (lire en ligne), p. 11.
  8. Qui a écrit la Bible ?, p. 240.

Annexes

Bibliographie

  • Richard Friedman (trad. de l'anglais), Qui a écrit la Bible ? La prodigieuse quête des auteurs de l'Ancien Testament, Paris, Exergue, (1re éd. 1997), 307 p. (ISBN 978-2-36188-059-0)
  • (en) Rabbin David Feinstein, Kol Dodi on the Haftaros : Comments, Insights, and Their Connection to The Parashah, édité par le rabbin Nosson Scherman, ArtScroll Mesorah Publications, New York, 2014 (ISBN 1-4226-1474-3 et 978-1-4226-1474-7)

Articles connexes

Liens externes

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