Infaillibilité pontificale

L'infaillibilité pontificale est un dogme proclamé par l'Église catholique selon lequel le pape ne peut se tromper dans son pouvoir ordinaire et extraordinaire lorsqu'il s'exprime ex cathedra en matière de foi et de morale.

Le peuple romain dans la basilique Saint-Pierre de Rome le jour du vote (18 juillet 1870).

Ce dogme a été défini solennellement en 1870 lors du premier concile œcuménique du Vatican dans la constitution dogmatique Pastor Aeternus. L'Église catholique lui confère des origines anciennes chez les Pères de l'Église. Les pontifes ont souvent revendiqué la constance parfaite de leurs prédécesseurs dans l'enseignement de la foi, usurpateurs mis à part. La doctrine de l'infaillibilité pontificale est à l'origine du schisme mineur de l'Église vieille-catholique.

À propos de la parole enseignante du pape, Léon XIII écrivait, dans son encyclique Immortale Dei (1885) : « il est nécessaire de s'en tenir avec une adhésion inébranlable à tout ce que les pontifes romains ont enseigné ou enseigneront ».

Le IIe concile œcuménique du Vatican reprend ce dogme dans la constitution dogmatique Lumen Gentium (n°12 et 25) en le replaçant dans un cadre ecclésiologique plus général[1], et en la situant dans la Collégialité épiscopale. Il introduit aussi le terme "définitif" pour qualifier l'infaillibilité de l'acte magistériel et l'adhésion requise.[2]

L'infaillibilité pontificale s'inscrit dans le cadre plus général de l'infaillibilité de l'Eglise, dont le pape est l'interprète souverain[3],[4]. Elle ne signifie pas que le pape soit exempt du péché.

Définition de l'infaillibilité pontificale

Conditions

Une déclaration d'un pape qui exerce l'infaillibilité pontificale est considérée comme une définition pontificale solennelle ou enseignement ex cathedra[5], mais l'expression est plus large, elle a pour synonyme ex officio[réf. souhaitée]. Par conséquent le propos du pape n'a pas besoin d'être solennel pour être infaillible. La solennité n'est pas une note de l'infaillibilité.

Selon l'enseignement du concile Vatican I et de la tradition catholique, les conditions requises pour l'enseignement ex cathedra sont les suivantes :

  1. « Le pontife romain » ;
  2. « parle ex cathedra » (c'est-à-dire dans l'accomplissement de sa fonction comme pasteur et enseignant de tous les chrétiens, et en vertu de son autorité apostolique suprême) ;
  3. « il définit » ;
  4. « qu'une doctrine concernant la foi ou les mœurs ».

Le caractère implicite, ou explicite, comme dans les définitions solennelles, fait parfois mentionner la formule textuelle ex cathedra. Bien plus, le pontife peut insister sur la nécessité de l’obéissance à la doctrine. Par exemple, dans Munificentissimus Deus, la définition infaillible de Pie XII concernant l'Assomption de la Vierge Marie, les formules suivantes sont indiquées en conclusion : « Qu'il ne soit permis à qui que ce soit de détruire ou d'attaquer ou contredire, par une audacieuse témérité, cet écrit de Notre déclaration, décision et définition. Si quelqu'un avait la présomption d'y attenter, qu'il sache qu'il encourrait l'indignation du Dieu Tout-Puissant et des bienheureux apôtres Pierre et Paul. »

Ex cathedra

Dans la théologie catholique, l'expression latine ex cathedra, signifiant littéralement « depuis la chaire », se réfère à un enseignement religieux. Dès qu'une doctrine est enseignée, elle doit être tenue pour véridique.

La « chaire » n'est pas littéralement une chaire, mais se réfère symboliquement au statut du pape en tant qu'enseignant officiel de la doctrine catholique : la chaire était le symbole de l'enseignant, et les évêques jusqu'à aujourd'hui ont une cathèdre (cathedra), un siège ou trône, comme symbole de leur enseignement et de leur autorité de gouvernement. Pour les catholiques, le pape occupe la « chaire de saint Pierre », cet apôtre étant le garant de l'unité de toute l'Église. Le pape en tant que successeur de saint Pierre joue le même rôle dans l'Église catholique, parmi les évêques, successeurs des apôtres. La possession de la chaire est d'ordre moral, et l'infaillibilité dogmatique de son possesseur, en matière de foi et de morale, fait partie de ses qualités propres. Cette caractéristique est indépendante de l'endroit où se trouve le pape, ou du degré de solennité de ce qu'il enseigne[réf. nécessaire].

Infaillibilité et primauté

L'infaillibilité pontificale, qui concerne la véracité des actes pontificaux en matière de foi et de morale, diffère de la primauté pontificale, qui concerne l'autorité juridictionnelle du pape dans l'Église.

Histoire théologique

Fondement scripturaires

Le dogme catholique fonde la légitimité de l'autorité apostolique de l'évêque de Rome dans l'interprétation théologique d'un certain nombre de passages des Évangiles  les Écritures , d'où découlerait le dogme théologique de son infaillibilité, à savoir que différents versets affirment la primauté de l'apôtre Pierre, celle-ci suppose l'infaillibilité  que les autres Apôtres partagent mais ne transmettent pas , sinon la primauté serait vaine :

  • « Jésus, l'ayant regardé, dit : Tu es Simon, fils de Jonas ; tu seras appelé Céphas (ce qui signifie Pierre) »[6] ;
  • « Voici les douze qu'il établit : Simon, qu'il nomma Pierre ;… »[7] ;
  • « Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle »[8] ;
  • « Jésus lui dit : Pais mes brebis (ou agneaux). » (déclaré trois fois)[9] ;
  • « Celui qui vous écoute m'écoute, et celui qui vous rejette me rejette ; et celui qui me rejette rejette celui qui m'a envoyé. »[10] ;
  • « Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point ; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères »[11] ;
  • « Car il a paru bon au Saint Esprit et à nous de ne vous imposer d'autre charge que ce qui est nécessaire, ... » (les Apôtres parlent avec la voix du Saint Esprit)[12] ;
  • « Voici les noms des douze apôtres. Le premier, Simon appelé Pierre,... » (Pierre est le premier)[13].

Bas Moyen Âge

L'épisode du Grand Schisme d'Occident, au tournant des XIVe et XVe siècles, où deux puis trois papes se disputèrent l'autorité suprême en s'accusant mutuellement d'hérésie et en s'excommuniant à tour de rôle, fut l'occasion de réaffirmer la supériorité du concile sur le pape lors du Concile de Constance. Marsile de Padoue et Guillaume d'Occam comptèrent parmi les théoriciens du conciliarisme. L'Église considère cette opinion, participant au gallicanisme, comme hétérodoxe.

Définition de 1870

La définition de l'infaillibilité pontificale comme un dogme de l'Église catholique, voulue par le pape Pie IX, a été décidée au cours de la quatrième et dernière session du concile Vatican I à la suite de vifs débats.

Pie IX (1792–1878).

La définition fut votée à l'unanimité moins deux voix contre, à la faveur du départ précipité des évêques français et allemands, soit en raison du contexte diplomatique (la guerre franco-prussienne étant sur le point d'éclater), soit préférant s'abstenir et quitter Rome plutôt que de voter non. Lors des séances préparatoires, une grande partie des évêques français (notamment Dupanloup), allemands et suisses s'étaient prononcés contre cette définition. La correspondance du futur cardinal Newman semble indiquer son opposition initiale et son ralliement final. Beaucoup d'opposants se sont soumis à la décision du pape, à la suite de la définition.

Après de longues confrontations et discussions théologiques, le encore, un quart de l'assemblée exprime son désaccord. Les tractations reprennent, des précisions sont apportées, mais sans se rallier pourtant à l'ensemble de la minorité. Le , le concile, par les voix de 533 des 535 pères présents, affirme la primauté universelle du pape et définit le dogme de l'infaillibilité pontificale.

Cette infaillibilité est strictement et précisément délimitée au cas où le pape se prononce ex cathedra (voir ci-dessus). Les deux Pères qui avaient voté non et ceux qui s'étaient abstenus se rallient alors, après la ratification par le pape du vote du concile[14]. Le monde catholique suivit dans son ensemble, à l'exception de quelques-uns dont le plus fameux fut l'historien et théologien Ignaz von Döllinger.

Dans le quatrième chapitre de sa constitution dogmatique Pastor Æternus, promulguée solennellement par Pie IX, le concile Vatican I énonce cette conclusion :

Nous enseignons et proclamons comme un dogme révélé de Dieu :
Le pontife romain, lorsqu'il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine, en matière de foi ou de morale, doit être admise par toute l'Église, jouit par l'assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue l'Église, lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi ou la morale. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont irréformables de par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l'Église.
Si quelqu'un, ce qu'à Dieu ne plaise, avait la présomption de contredire notre définition qu'il soit anathème.

Utilisation

Pie XII est le premier et le seul pape à avoir utilisé l'infaillibilité pontificale.

En date d', l'infaillibilité pontificale n'a été mise en pratique qu'une seule fois, par Pie XII dans la constitution apostolique Munificentissimus Deus (1950), pour la définition de l'Assomption de Marie. Cependant, la procédure de 1950 n'est pas différente de celle qui fut utilisée pour la définition du dogme précédent, l'Immaculée Conception, en 1854[15].

Contestation du dogme

Schisme vieux-catholique

Un certain nombre de fidèles catholiques, notamment en Allemagne, Suisse ou Pays-Bas, ont refusé les conclusions du concile de Vatican I et notamment la proclamation du dogme de l'infaillibilité. L'archevêque « vieil-épiscopal » d'Utrecht, dont la position est issue d'un schisme antérieur, Loos, s'associe au mouvement et l'aide à se structurer. L'acte fondateur de la nouvelle église est la Déclaration d'Utrecht adoptée en 1889.

Position des Églises orthodoxes et protestantes

Pour l'Église orthodoxe, l'infaillibilité pontificale est irrecevable car elle ne croit pas qu’un évêque individuel puisse être infaillible ou que l'idée d’infaillibilité pontificale ait été enseignée dans le christianisme primitif. Par principe, l'Église orthodoxe ne prend que des décisions collégiales, sans l’autorité du pape et de ses légats, comme ce fut le cas pendant les sept premiers conciles œcuméniques, seuls conciles infaillibles en tant que témoins exacts de la vérité de l’Évangile, non pas tant en raison de leur structure institutionnelle qu’en raison de leur accueil par les fidèles. C'est pourquoi elle ne peut admettre cette décision unilatérale.

Les synodes réunissant les évêques orthodoxes sont très rares ; pourtant, ceux-ci se sont réunis en 1848, pour mettre en garde l'Église catholique sur son choix d'établissement de l'infaillibilité pontificale.

L'Église orthodoxe note tout d'abord que les citations tirées des Écritures et qui prouveraient cette infaillibilité s'appliquent toutes à la primauté de Pierre et non à son infaillibilité. L'argument exprimé dans « Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point ; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères »[11] ne fonctionne qu'en français et en latin, puisque le terme grec pour défaillir est « ἐκλείπω » signifiant quitter ou abandonner[16] et non pas défaillir dans le sens entendu dans le latin deficio ou le français.

Les orthodoxes, tout comme les protestants, soulignent à titre de preuve que le pape Honorius Ier fut excommunié pour « doctrine impie » par le sixième concile œcuménique, celui de Constantinople III, anathème confirmé par le pape Léon II[17],

L'historiographie des conciles fut révolutionnée par les travaux du théologien catholique Karl Joseph von Hefele, qui a contredit l'interprétation datant du XVIe siècle, soutenue par Baronius, qui affirmait qu'Honorius Ier avait été victime d'un complot. Hefele a participé au concile Vatican I et a vivement contesté les fondements du dogme en développant des arguments historiques. De même, une controverse a opposé l'historien Ignaz von Döllinger (‘Papstfablen des Mittelalters’, 1863) et le jésuite Gerhard Schneemann, qui lui a répondu dans Stimmen aus Maria-Laach (’Studien über die Honorius Frage’, 1864) quelques années avant l'ouverture du concile Vatican I. L'historien protestant Philip Schaff a avancé 13 arguments pour démontrer qu'Honorius avait bien été condamné[18].

En 1993, le patriarche Bartholomée Ier de Constantinople déclare à propos des liens entre orthodoxes et catholiques : « par-dessus tout, les principes de primauté et d’infaillibilité nous séparent »[19]. En d'autres termes, le dogme de l'infaillibilité papale ajoute des difficultés dans le dialogue œcuménique.

Critiques au sein de l'Église catholique

Avant le concile Vatican I de nombreux catholiques s'opposent au dogme de l'infaillibilité pontificale, par exemple, l'abbé François-Philippe Mesenguy (1677–1763) qui écrit un catéchisme contre l'idée que le pape serait infaillible[20] et l'allemand German Felix Blau (1754–1798), qui comme professeur à l'université de Mainz a critiqué l'infaillibilité comme n'ayant pas de source claire dans les Écritures.[20]

En 1822, l'évêque Baine a déclaré : "Je ne pense pas qu'un seul catholique en Irlande ou en Angleterre croie à l'infaillibilité pontificale."[21] Cette assertion est renforcée par le Catéchisme de Keenan (1860) utilisé dans toute l'Eglise catholique d'Irlande et approuvé par les évêques d'Irlande :

(Question) Les catholiques ne doivent-ils pas croire que le pape est infaillible ? (Réponse) C'est une invention protestante, ce n'est pas un article de la foi catholique, aucune décision du pape ne peut passer outre l'hérésie à moins qu'elle soit reçue par le corps enseignant, c'est à dire les évêques de l'Eglise.

En France, la position est la même jusqu'à la proclamation du dogme, L'Encyclopédie théologique de l'Abbé Migne reprend durement l'idée d'infaillibilité papale[22] :

Le clergé de France et toutes les universités du royaume reconnaissent la même vérité, sans cependant croire que le pape soit infaillible ou qu'il ait aucun pouvoir sur le temporel des rois. La primauté du pape dans l'Eglise est une primauté d'honneur et de juridiction […] Quoique les décisions du pape ne soient pas infaillibles, elles doivent cependant être d'un grand poids.

En 1971, le prêtre catholique et théologien Hans Küng publie Infaillible ? Une interpellation, à la suite de la parution de l'encyclique Humanae Vitae du pape Paul VI (1968), qui condamnait les méthodes contraceptives utilisant des dispositifs mécaniques ou des médicaments[23] et qui, selon lui, tournait le dos à la collégialité épiscopale définie par Vatican II[24]. Cette critique déclenche une longue controverse avec Rome et spécialement la Congrégation pour la doctrine de la foi qui ouvre une enquête. Le , il se voit ainsi retirer sa missio canonica par le Pape Jean Paul II. Le , Küng écrit une tribune demandant au pape François l'abolition du dogme de l'infaillibilité pontificale[25]. En , il affirme avoir reçu une réponse, dont le contenu exact n'a pas été dévoilé, mais dans laquelle le pape se serait montré ouvert aux discussions doctrinales, dont l'infaillibilité pontificale fait partie[26].

L'autre infaillibilité : les conciles œcuméniques

Le pape n'est cependant pas seul à disposer de l'infaillibilité. L'Église est Infaillible dans son magistère ordinaire, qui est exercé quotidiennement principalement par le pape, et par les évêques unis à lui, qui pour cette raison sont, comme lui, infaillibles de l'infaillibilité de l'Église, qui est assistée par le Saint-Esprit tous les jours. En fait, les évêques reçoivent de leur supérieur hiérarchique une partie de l'infaillibilité, qui est reçue et non inhérente à leur personne, dès lors qu'ils sont unis au pape.

Quant aux conciles œcuméniques, ils se déroulent sous forme de débats suivis de votes. Mais l'autorité finale revient au pape, à la suite des votes. Il est présent physiquement ou relié à l'assemblée par des messagers.

Divergence sur la conception de l'infaillibilité

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L'infaillibilité pontificale est un point de théologie fondamentale dans l’Église Catholique, notamment depuis le Concile Vatican II. Cela a amené les théologiens, les ecclésiastiques, mais aussi les fidèles, à développer une conception différente du dogme de l'infaillibilité pontificale. Chacun établit les critères permettant de distinguer les actes relevant de l'infaillibilité du Pontife Romain et ceux n'en relevant pas. S'il existe un quasi-consensus sur le caractère infaillible d'un certain nombre d'actes du Pontife Romain, un nombre non négligeable d'entre eux sont sujets à controverse.

Les catholiques sédévacantistes, radicalement hostiles au Concile Vatican II, ont une conception stricte de l'infaillibilité. Ils estiment que le pape est infaillible dès lors qu'il enseigne publiquement une doctrine. Par conséquent, ils rejettent la légitimité des papes depuis Jean XXIII, constatant des oppositions avec la doctrine traditionnelle. Cette position est ultra-minoritaire.

Les catholiques traditionnels de la Fraternité Saint Pie X, mais aussi les instituts traditionnels unis à Rome (ICRSP, Fraternité Saint Pierre, Institut du Bon Pasteur...), ont une conception plus restrictive du domaine de l'infaillibilité. Tout en étant hostiles, à des degrés différents, aux interprétations issues du Concile Vatican II, ils revendiquent leur fidélité au pape et lui reconnaissent les prérogatives contenues dans la constitution dogmatique Pastor Aeternus. Ils utilisent le terme erreur, plutôt que le terme hérésie pour qualifier les interprétations qu'ils considèrent comme n'étant pas conformes à la Tradition. Afin qu'il n'y ait point d'opposition entre le dogme de l'infaillibilité pontificale et les doctrines non-traditionnelles, ils considèrent que les doctrines novatrices sont contenues dans des documents pastoraux n'engageant pas la foi de l’Église et auxquels les fidèles ne sont pas tenus d'adhérer. Pour autant, ils ne nient pas que l'infaillibilité du Magistère ait été engagée à certaines occasions depuis le Concile Vatican II. Cette position est répandue dans la frange conservatrice de l’Église.

Certains catholiques, généralement catégorisés comme progressistes, ont une conception ultra-restrictive du domaine de l'infaillibilité pontificale. Ils estiment qu'un document infaillible doit contenir explicitement la mention ex-cathedra. Ils limitent généralement le domaine de l'infaillibilité à trois actes : la constitution dogmatique Pastor Aeternus, la constitution apostolique Ineffabilis Deus définissant l'Immaculée Conception et la constitution Munificentissimus Deus définissant l'Assomption de Marie. Cette position, assez marginale, et a été rejetée par la Congrégation pour la Doctrine et la Foi qui, à plusieurs reprises, a énuméré des actes contenant des vérités définitives tels que Apostolicae Curae sur l'invalidité du rite d'ordination anglican et Ordinatio Sacerdotalis sur l'exclusion des femmes au sacerdoce.

La plupart des catholiques adoptent une position tempérée, se situant entre les positions traditionnelles et progressistes.

Dans une retraite donnée en 1959, le père Maurice Zundel tenait à rappeler que l'infaillibilité pontificale ne se rattache pas à la personne du pape, mais tient au contraire au fait que le pape, dans ses arrêtés dogmatiques, laisse sa place au Christ :

« Il y a quelque chose d'extrêmement pathétique à relire l'histoire du concile de Vatican I. On voit certains courtisans de Pie IX qui applaudissent le pape infaillible comme si c'était une promotion, comme si c'était une manière de lui faire la cour ou de l'acclamer : “Vive le pape infaillible!”
L'infaillibilité, c'est la grande démission de l'homme en Jésus-Christ. Elle veut dire : nous n'avons pas affaire à vous, vous n'êtes rien, rien, ce n'est pas votre pensée, ce n'est pas votre sagesse, ce n'est pas votre vertu, vous êtes de purs sacrements tout effacés dans la Personne de Jésus. [...] Et l'infaillibilité, c'est justement la garantie que nous n'avons pas affaire à vous mais à Lui, à travers vous et, s'il le faut, malgré vous. Car dans l'Église, la mission s'accomplit toujours dans la démission et c'est le contraire de ce qu'on s'imagine : plus on est appelé à assumer de charges dans la hiérarchie, plus on disparaît dans la personne de Jésus-Christ[27]. »

Notes et références

  1. Risto Saarinen, Article "Infaillibilité" in "Dictionnaire Critique de Théologie" (dir. Jean-Yves Lacoste), Presses Universitaires de France,
  2. Jean-François Chiron, Article "Infaillibilité" in "Dictionnaire Critique de Théologie" (dir. Jean-Yves Lacoste), Presses Universitaires de France,
  3. Risto Saarinen, Article "Infaillibilité", in "Dictionnaire Critique de Théologie" (dir. Jean-Yves Lacoste), Paris, Presses Universitaires de France,
  4. Henri de Lubac, Méditations sur l'Eglise, Paris, Aubier, , p.234
  5. Universalis.
  6. Jn 1. 42.
  7. Mc 3. 16.
  8. Mt 16. 18.
  9. Jn 21. 15-17.
  10. Lc 10. 16.
  11. Lc 22. 31-32.
  12. Ac 15. 28.
  13. Mt 10. 2.
  14. Cf. Jean-Yves Lacoste (dir), Dictionnaire critique de théologie, 1998, PUF, article « Vatican I », par Claude Bressolette.
  15. Mgr Jacques Perrier, « Qu’est-ce que l’infaillibilité pontificale ? », sur fr.aleteia.org, (consulté le ).
  16. (el) Anatole Bailly, Le Bailly, Orléans, (lire en ligne)
  17. Mgr Joseph Charles von Hefele, Histoire des Conciles, Paris (lire en ligne), tome III-1.
  18. « Philip Schaff: NPNF2-14. The Seven Ecumenical Councils », sur Christian Classics Ethereal Library (consulté le ), p. 351.
  19. Raphaël Zbinden, « Hans Küng appelle à une «discussion libre» sur l'infaillibilité papale », sur cath.ch, .
  20. (en) L. Lehner; Michael Printy, A Companion to the Catholic Enlightenment in Europe, Brill, (ISBN 978-90-04-18351-3, lire en ligne), p. 428 et p. 151
  21. (en) W. J. Sparrow Simpson, Roman Catholic opposition to papal infallibility, Londres, (lire en ligne), p. 100-101
  22. Jacques-Paul Migne et d'autres, Encyclopédie théologique, Paris, Abbé Migne, (lire en ligne), p. 736
  23. Hans Küng, Faire confiance à la vie, Seuil, 2010
  24. « Synode sur la Famille. Attentes d'un évêque diocésain »,
  25. Hans Küng, « Abolissons l’infaillibilité pontificale », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  26. Marie Malzac, « Hans Küng affirme que le pape a répondu à sa demande de discussion sur l’infaillibilité », sur la-croix.com, (consulté le ).
  27. Maurice Zundel, Silence, parole de vie, transcription d'une retraite donnée en 1959, éd. Anne Sigier, 1990, p. 129.

Voir aussi

Bibliographie

  • G. Thils, Primauté et infaillibilité du Pontife romain à Vatican I et autres études d'ecclésiologie, Presses de l'Université de Louvain, Louvain, 1989 ;
  • V. Conzemius, « Pourquoi l'autorité pontificale a-t-elle été définie précisément en 1870 ? », Concilium, no 64, 1971 ;
  • H. Rondet, Vatican I, le concile de Pie IX. La préparation, les méthodes de travail, les schémas restés en suspens, Lethielleux, Paris, 1961 ;
  • Bernard Sesboüé, Histoire et théologie de l’infaillibilité de l’Église, éditions Lessius, 2013.
  • (en) Brian Tierney, Origins of papal infallibility, 1150-1350. A study on the concepts of infallibility, sovereignty and tradition in the middle ages, E. J. Brill, Leiden, 1972 (aperçu)

Articles connexes

Liens externes

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