Banou Ifren
Les Banou Ifren, Aït Ifren ou Beni Ifren (en berbère : ⴰⵜ ⵢⴼⵔⵏ At Yefren)[1],[2], sont un des trois groupes berbère zénètes [3].
Ils ont créé au VIIIe siècle dans le Maghreb central (Algérie actuelle), un royaume sufrite dont la capitale était Tlemcen[4],[1].
Selon Ibn Khaldoun, ils font partie des quatre "grandes familles" qui commandaient les Zénètes au moment de la conquête arabe[1]. Au VIIIe siècle, ils se mobilisent autour du dogme kharidjite pour se révolter contre les pouvoirs arabes [4]. Ensuite, ils créent une dynastie au Xe siècle, Yala Ibn Mohamed en fondant la ville de Ifghan (L'actuelle Frenda) s'est attribué une ascendance d'homme pieux de la tribu pour asseoir son pouvoir [5]. Les Banou Ifren se sont alliés aux Omeyyades de Cordoue pour affronter les Fatimides[1].
Après avoir menacé le califat fatimide, les Ifrenides sont battus par le chef ziride Bologhine ibn Ziri et les derniers Ifrenides de Tlemcen sont tous tués lors de la prise de la ville par les Almoravides[1]. En Andalousie, des Berbères issus des Banou Ifren réussissent à conquérir les villes de Malaga, Jaén et Ronda en 955[1].
En 1039, les Banou Ifren forment dans la péninsule ibérique la Taïfa de Ronda[6].
Origine et territoire
Les Banou Ifren (en tamazight : At Yefren) sont des Zénètes[7]. Ibn Khaldoun fait remonter leur origine à Madghis [8](Medracen). Ils descendent des Izliten qui ont donné plusieurs branches des Zénètes d'Algérie [9].
Les Ifrens étaient concentrés dans la région des Aurès méridionaux, dans la Hodna et dans le Zab[10]. Au nord du Maghreb, les Merendjisa, les Beni Wargu (Hodna) sont des Banou Ifren ainsi que les Beni Wassin (Wasin ou Ouacine) dans l’Aurès)[11]. Ils habitaient le Maghreb central [12]. Dans l’Aurès en Algérie, une partie des habitants est Banou Ifren[13].
Mythologie berbère et étymologie

Wuilleumier explique l'origine du mot Africa en indiquant que le nom d'Ifri ou Yefren a été donné à une population vivant en Afrique du nord et que c’est un mot d’origine berbère signifiant la grotte [14]. Aussi ce nom est-il porté par la tribu berbère « Beni Yefren » en Algérie.
D'autres indiquent que le nom du continent africain, anciennement Ifriqiya (la Tunisie actuellement, plus les régions de l'est de l'Algérie), dérive du mot Ifri et Ifren que les Romains lui ont donné, par la suite, Afrique sera le nom de tout le continent africain[15],[16],[17],[18],[19].
Les différentes appellations Ifru, Ifri, Ifuraces, Ifira , Ifer, Ifri, Beni Ifren sont berbères [20]. Ifri veut dire caverne en langue berbère Zénète [21]. Les premiers auteurs arabes décrivent les localités des Berbères Ifren comme troglodytes. Ifren est en effet le pluriel du mot Ifri [22] qui signifie caverne, la racine berbère FR cacher ou se cacher. Le mot Ifren existe encore aujourd'hui dans la toponymie, ainsi près d'Ighzer Amokrane, dans la wilaya de Béjaïa en Kabylie [23].
Avant l'islamisation, les Banou Ifren étaient polythéistes[24]. Ifru était une déesse solaire et déesse des cavernes et protectrice du foyer, etc.[25] En revanche, Stéphane Gsell réfute la thèse d'Ifru, le bon mot serait Ieru qui veut dire lune[26].
Histoire


Antiquité
Les Banou Ifren ont joué un rôle en Afrique du nord dans l'Antiquité. Ils ont eu le contrôle de l'or des Phéniciens aux Romains[27]. À l'époque romaine, les Banou Ifren sont divisés en deux parties : les Afris (les gens romanisés) et les Maures (les gens qui ne sont pas romanisés)[28].
Les Banou Ifren ont combattu les Vandales à leur arrivée dans l'intérieur de l'Algérie, ce qui a limité la conquête des Vandales au nord de l'Algérie. Les Ifrenides au côté des Zénètes ont pu vaincre et chasser les Vandales[29].
En 544, les Byzantins exercent le pouvoir dans la province de Constantine. Des insurrections berbères contre les Byzantins provoquent l'organisation de plusieurs fédérations puissantes dont certaines sont Zénètes: les Djerawa, les Banou Ifren, les Maghraouas, les Awarbas [30].
Et, selon Corripus dans la Johannide, à l'époque de Jean Troglita sous le règne de Justinien entre 547 et 550, les Banou Ifren sont en guerre contre les Byzantins[31]. Certains noms ont été mentionnés pour des chefs Ifuraces, tel que Carcasan[32].
Moyen Âge
Au début de la confrontation de la reine Dihya dite Kahina et des Omeyyades, à la suite de la mort de Koceila, les Banou Ifren s'allient avec elle et la rejoignent dans les Aurès pour combattre[33].
Royaume sufrite
Vers le milieu du VIIIe siècle, les Banou Ifren adhèrent au dogme Sufrite. Abou Qurra des Banou Ifren rassemble tous les kharidjites contre les pouvoirs omeyyade et abbaside, il revient victorieux chez lui et fonde la capitale Agadir (actuellement Tlemcen)[34]. Le Royaume sufrite de Tlemcen des Banou Ifren rejetait l'autorité des califes omeyyades de Damas[35].
Au IXe siècle, vers 779, à l'époque des Idrissides, Abou Qurra chef du Royaume sufrite de Tlemcen, les invite à Tlemcen pour un traité[36]. Par la suite, les Banou Ifren déclarent la guerre aux Rostémides, bien que Rostom Abderrahman ait une grand-mère Banou Ifren sufrite[37], et sont vainqueurs.
Révolte d’Abu Yazid
Abu Yazid était un théologien ibadite et a pu mener une insurrection en Tunisie, mais il a finalement été vaincu [38]. Eugène Guernier dit que sa doctrine tenait en ces quelques mots: chasser le pouvoir fatimide et gouverner par des assemblées élues[39].
Dynastie
Les Banou Ifren traitèrent de la même façon les gouvernants omeyyades et abbassides afin d'asseoir leur propre pouvoir [40].
Au Xe siècle, ils sont une des premières dynasties musulmanes berbères[41],[42], au côté des Maghraouas, de 740 à 1033, à combattre les Fatimides[43]. Après avoir subi plusieurs défaites de la part des Fatimides[44], les chefs Ifrenides se regroupent par la suite à Salé et à Tadla [45].
Au XIe siècle, les Banou Ifren conquièrent le territoire des Berghwata, ils sont alliés de l'Émirat de Cordoue[46]. Ils restent maîtres des régions qu'ils ont conquises et des villes qu'ils ont fondées comme Salé, Kasba Tadla, etc.[47]. Il s'ensuit une guerre entre les deux dynasties Ifrenides et Maghraouides[48]. Abou Soda, calife ifrénide de Tlemcen, a été nommé vizir par Yala afin de combattre la coalition Hilaliens- Hammadides en Afrique du Nord. Ces derniers l'ont tué en 1058[49].
Par la suite, la montée des Almoravides met fin au pouvoir des Banou Ifren [50] , [51]. Au temps des Hafsides, vers 1437, les Banou Ifren chassent les Mérinides du Maghreb central et établissent leur pouvoir à Tlemcen[52].
En Andalousie
Une première vague d'Ifrénides est arrivée dans la péninsule Ibérique notamment à Cordoue au Xe siècle ; une seconde vague est reçue par le gouvernement omeyyade à la fin du Xe siècle et incorporée dans les milices berbères d'al-Andalus. En Andalousie, en raison de la brutalité des Berbères, les Banou Ifren jouent un rôle sécuritaire important dans deux des plus importantes villes d’Andalousie, Cordoue et Séville à l’époque du républicain Ibn Jawhar vers 1021, et à Ronda[53].leur chef Abou Yedda reçoit plusieurs concessions territoriales; Abu Yeddas est un chef militaire des troupes berbères en guerre contre le roi chrétien et El Mehdi[54]. Ses descendants ont eu des grades élevés dans les milices zénètes d'al-Andalus, au cours de la fitna.
Les Banou Ifren prennent Ronda et se déclarent indépendants. Un neveu d'Abu Yedda, Abu Nour Hilal ben Abi Qura ben Dounâs a expulsé de Takourouna le gouverneur omeyyade Amir ben Fatouh et s'établit à Ronda comme prince indépendant grâce au partage des territoires décidé par Soulayman al-Moust'ain; le royaume de Ronda passe par la suite sous la domination des Abbadides de Séville[55]. Les Banou Ifren ont gouverné la région de Cordoue pendant plusieurs siècles[56].
Les Banou Ifren forment la Taïfa de Ronda[6]. Abou Nour construit plusieurs édifices importants et renforce les murailles de défense de la ville. C'est alors que la ville de Ronda prend la configuration urbaine qu'elle a encore aujourd'hui[57].
Archéologie

- Pendant l'Antiquité, les Banou Ifren ont construit la cité Tilimeyen dans la région du Saf Saf à Tlemcen en Algérie[58].
- Au Moyen Âge, les Banou Ifren ont fondé plusieurs villes au Maghreb central après les Romains : Frenda, Tlemcen(Agadir), Salé, Kasba Tadla, Ouargla, N'gaous, Touggourt, Ifren, etc.[59],[60],[61],[62],[63],[64],[65],[66],[67],[68].
- Les Banou Ifren ont érigé la Kalaa de Tlemcen[69],[70].
- Les Banou Ifren ont construit la plus ancienne mosquée de Ouargla[71]
- Temim Ibn Ziri construit la Grande mosquée de Salé (المسجد الأعظم في سلا) à Salé[72].
- Le minaret de la mosquée Qarawiyyine de la ville de Fès[73].
- Ronda fut construite et édifiée par les Banou Ifren.
Monnaies
Le , un lot de 300 pièces dont 60 en or a été retrouvé à El Hachimia , ville de la Wilaya de Bouira, dont trois pièces en or d'Abu Yazid[74]. Le chef des Banou Ifren Yeddou avait sa propre monnaie [75].
Notes et références
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- Victor Piquet, Histoire des monuments
- Histoire sur les habitants de Ourgla
- Histoire de la ville Salé
- Djelfa et Tlemcen
- Kenitra
- Histoire de touggourt
- Ville de Mahdia et son histoire
- Histoire de la ville de Tlemcen
- les Zénètes et Adrar
- Complément de l'histoire des Beni-Zeiyan, rois de Tlemcen, ouvrage du cheikh Mohammed Abd'al-Djalil al-Tenessy De J J L Bargès, Muḥammad ibn ʻAbd Allāh Tanasī.Publié par E. Leroux, 1887
- Monument de la médine de Salé
- Prosper Boissonnade, Du nouveau sur la Chanson de Rolandla genèse historique, le cadre.
- Boissonnade, La Genèse historique, p. 160. Champion, 1923 version du livre
- Yahyá ibn Abī Bakr al-Warjalānī, Abou Zakariya, Yaḥyá ibn Abī Bakr Abū Zakariyāʾ al-Warjalānī, Emile Masqueray, Chronique d'Abou Zakaria, p. 261. Édition V. Aillaud, 1878 Version du livre en ligne
- (ar) وزارة الأوقاف و الشؤون الإسلامية
- Itineraire Culturel des Almoravides et des Almohades Legado Andalus, p. 107, 1999
- Serge Lancel, Histoire et Archéologie de l ́Afrique du Nord, volume 7, p. 120, 1999,
- Henri Lavoix, Catalogue des monnaies musulmanes de la Bibliothèque nationale, Volume 2, (France), p.405 livre en ligne
Annexes
Articles connexes
Liens externes
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- C. Agabi, « Ifren (Beni) », dans l'Encyclopédie berbère, vol.24 (Edisud 2001), p. 3657-3659 (lire en ligne)
- Ibn Khaldoun Les prolégomènes El Mokadima
- Ibn Khaldoun 1332-1406 L'histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique Septentrionale vol 1,2,3,4 Casanova, Baron de Slane (le tome 3 * (ISBN 2705336389). Ibn Khaldoun consacre plusieurs chapitres sur les Banou Ifren 'la première race des zénètes', page 197 à 226).
- Enest Mercier, L'histoire de la Berbérie Tome I.
- Ibn Abi Zar, Histoire des souverains du Maghreb, Roudh el Kartas, traduit par A. Beaumier.
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