Hervé Bazin
Hervé Bazin, de son nom de naissance Jean Pierre Marie Hervé-Bazin, né le à Angers, commune où il est mort le [1], est un écrivain et romancier français, connu en particulier pour ses romans autobiographiques (Vipère au poing, La Mort du petit cheval et Cri de la chouette).
Ne doit pas être confondu avec René Bazin.
Pour les articles homonymes, voir Hervé Bazin et Bazin.
Biographie
Famille
Hervé Bazin est né au sein d'une famille aisée. Son père, Jacques Hervé-Bazin (1882-1944), est docteur en droit, avocat de profession, et enseigne durant plusieurs années à l'Université Catholique de l'Aurore à Shanghaï (Chine). Sa mère, Paule Guilloteaux (1890-1960), est la fille de Jean Guilloteaux (1865-1949), député puis sénateur du Morbihan. Sa grand-mère paternelle, Marie Bazin (1850-1919), auteur de plusieurs romans sous le pseudonyme de Jacques Bret, est la sœur du romancier et Académicien français René Bazin (1853-1932)[2].
Enfance et jeunesse
Il passe son enfance à Marans, près d'Angers, dans la propriété familiale Le Château du Patys avec ses deux frères, où il s'oppose à sa mère qui était une femme autoritaire et sèche. Il fugue plusieurs fois pendant son adolescence et refuse de passer les examens à la faculté catholique de droit d'Angers qu'on lui a imposée et, l'année de ses vingt ans, il rompt avec sa famille, et part étudier à la faculté de lettres de la Sorbonne (il emprunte la voiture de son père, a un accident, dont il sort amnésique, ce qui le condamne à une longue hospitalisation). Malgré les souvenirs douloureux de son enfance, il reste toute sa vie très attaché à sa région natale où il situe bon nombre de ses romans.
En parallèle de ses études, il exerce de nombreux petits métiers et écrit de la poésie, durant une quinzaine d'années, sans éclats. En 1946, il crée la revue poétique La Coquille (huit volumes seulement). En 1947, il obtient le prix Apollinaire pour Jour, son premier recueil de poèmes, qui sera suivi d'À la poursuite d'Iris en 1948.
Sur le conseil de Paul Valéry, il se détourne alors de la poésie pour se consacrer à la prose.
Nom d'auteur
Il adresse aux éditions Grasset son manuscrit Vipère au poing sous son véritable nom, Jean Hervé-Bazin. Après son acceptation par Jean Blanzat, directeur littéraire, Bernard Grasset décida d'autorité que la publication du livre sous le nom d'Hervé Bazin suffisait. Il décida aussi de rajeunir son nouveau et dernier poulain littéraire en le faisant naître en 1917, au lieu de 1911, pour donner l'impression qu'il s'agissait d'un jeune auteur. En 1948 Hervé Bazin avait déjà 37 ans[3].
Vipère au poing
Les rapports conflictuels qu'il a eus avec sa mère pendant son enfance lui inspirent le roman Vipère au poing en 1948. Y est narrée la relation de haine entre Folcoche (nom donné par les paysans à une truie qui mettant bas dévore aussitôt ses petits[4]), mère sèche et cruelle constamment à la recherche de nouveaux moyens de brimade (par exemple, l'histoire de la fourchette) et ses enfants. Le narrateur est Jean Rezeau, surnommé Brasse-Bouillon, et l'action se déroule dans les lieux mêmes de son enfance, le château du Patys, rebaptisé La Belle Angerie. Maurice Nadeau apprécie ces « Atrides en gilet de flanelle », selon l'expression d'Hervé Bazin. Ce roman connaît un immense succès après-guerre et est suivi de nombreux autres qui décrivent, avec un certain naturalisme et un art du portrait psychologique, les mœurs de son époque. Plus tard, deux autres romans (La Mort du petit cheval et Cri de la chouette) auront comme héros les personnages déjà présents dans Vipère au poing.
Carrière littéraire
En 1950, il participe, avec d’autres écrivains comme Marcelle Auclair, Jacques Audiberti, Émile Danoën, Maurice Druon et André Maurois, au numéro de la revue La Nouvelle équipe française de Lucie Faure, intitulé « L’Amour est à réinventer ».
En 1954, il veut témoigner, à la suite de son expérience personnelle, de l'état déplorable des établissements psychiatriques (qui pour lui n'avaient pas changé depuis ses démêlés familiaux de 1940), et entreprend un tour de France de ces hôpitaux (entre autres l'hospice Pasteur à Poitiers), accompagné du photographe Jean-Philippe Charbonnier, enquête qui sera publiée dans la revue Réalités de .
En 1957, il obtient le grand prix de littérature de Monaco.
De 1959 à 1960, Hervé Bazin réside à Anetz dans la maison de l'Emeronce avec une vue imprenable sur la Loire et la rive opposée située en Anjou. C'est en ce lieu qu'il écrira son roman Au nom du fils.
Il est élu membre de l'Académie Goncourt en 1960, au couvert de Francis Carco. Il en deviendra président en 1973 et contribuera au développement du prix Goncourt des lycéens.
En 1970, il publie Les Bienheureux de La Désolation, récit racontant l'histoire vraie des 264 habitants de l'Île Tristan da Cunha, nommée aussi « île de la Désolation », rapatriés en Angleterre à la suite de l'éruption du volcan en 1961. Le roman relate le choc des cultures qui attendait les habitants de Tristan à leur arrivée en Angleterre.
De 1984 à 1992, Hervé Bazin vit à Mont-Saint-Aignan. Il passe les dernières années de sa vie à Cunault sur les bords de la Loire. Il meurt le à Angers. Conformément à son souhait, il est incinéré et ses cendres sont dispersées dans la Maine. Toutefois, une pierre tombale à son nom est visible au cimetière de Cunault.
Hervé Bazin est considéré comme « un romancier de la famille », thème central de tous ses romans. Sa vision de la famille traditionnelle y est toutefois très négative et destructrice, conformément à ses idées personnelles. Il a écrit également des nouvelles et des essais, comme Ce que je crois en 1977.
Engagements politiques
Politiquement, il s'engage en 1949 dans le Mouvement de la paix, un mouvement d'extrême gauche proche du Parti communiste qu'il rejoint pour s'opposer à sa famille qui appartient à la droite bourgeoise et conservatrice. Il soutient les époux Rosenberg durant leur procès. Il obtint le prix Lénine pour la paix en 1980, ce qui fit dire plaisamment à Roger Peyrefitte : « Hervé Bazin avait deux prix qui faisaient pendant : le prix Lénine de la Paix et le prix de l'humour noir[5] ». En 1985, il signe avec Albert Jacquard, Suzanne Prou, et Léon Schwartzenberg un article affirmant que « l'arme nucléaire est une arme de suicide autant qu'une arme de menace[6]. »
Manuscrits
En 1995, lors d'un déménagement, Hervé Bazin avait déposé ses manuscrits et sa correspondance aux archives municipales de la ville de Nancy, déjà en possession du fonds des frères Goncourt, originaires de la ville. Après sa mort, à la suite d'un imbroglio juridique, cinq de ses premiers enfants ont obtenu, contre l'avis de sa dernière épouse et de son dernier fils, la vente de ce fonds à l'hôtel Drouot, le . La bibliothèque universitaire d'Angers parvint à préempter la quasi-totalité de ce patrimoine, soit 22 manuscrits et près de 9 000 lettres : seuls manquent celui de Vipère au poing, vendu par l'auteur dans les années 1960, et celui des Bienheureux de la désolation, recueilli par son fils Dominique le jour de la vente.
Unions et enfants
Jean Pierre Hervé-Bazin se marie en premières noces à Paris (5e arrondissement) le avec Odette Danigo (1914 - 2003), dont il divorce en 1948. De cette première union est issu :
- Jacques (1934-1976), mort par suicide.
Il épouse en secondes noces à Paris (11e arrondissement) le , Jacqueline Dussollier (1920-2007), dont il divorce en 1967. De ce second mariage sont issus :
- Jean-Paul (né en 1948)
- Maryvonne (née en 1950)
- Catherine (née en 1953)
- Dominique (né en 1957)
Il épouse en troisièmes noces à Paris (13e arrondissement) le , Monique Serre (1933-2018), dont il divorce en 1987. De cette troisième union est issu :
- Claude (né en 1970)
Il épouse en quatrièmes noces à Barneville-sur-Seine (Eure) le (il a 76 ans), Odile L'Hermitte (1950-2017) de trente-neuf ans sa cadette. De cette quatrième union est issu :
- Nicolas (né en 1986, dans la soixante-quinzième année d'Hervé Bazin)[7].
Œuvre littéraire
Recueils de poèmes
- Jour, poèmes, 1947
- À la poursuite d'Iris, poèmes, 1948
- Humeurs, poèmes, 1953
Romans
- Vipère au poing, roman autobiographique, 1948
- La Tête contre les murs, roman écrit d' à , publié en 1949
- La Mort du petit cheval, roman autobiographique, suite de Vipère au poing publié en 1948, écrit de à , publié en 1950
- Lève-toi et marche, roman, écrit en 1951, publié en 1952
- Contre vents et marées, roman, 1953
- L'Huile sur le feu, roman, écrit d'oct. 1953 à , publié en 1954
- Qui j'ose aimer, roman, écrit de à oct. 1956, publié en 1956, puis en 1966 avec illustrations originales de Viko (Éditions Rombaldi)
- Au nom du fils, roman, écrit d' à , publié en 1960
- Le Matrimoine, roman écrit en 1966, publié en 1967
- Les Bienheureux de La Désolation, récit / enquête, 1970, sur l'évacuation des habitants de l'île de Tristan da Cunha suivant une éruption volcanique en 1961, leur malaise au sein de la société de consommation britannique où l'on tentait de les intégrer, puis leur volonté inébranlable de retourner vivre sur leur île, l'un des lieux les plus durs de la planète.
- Cri de la chouette, roman autobiographique (suite de Vipère au poing et de La Mort du petit cheval), écrit en 1971, publié en 1972, adapté à la télévision en 1986 sous le titre Le Cri de la chouette
- Madame Ex, roman, écrit en 1974, publié en 1975
Nouvelles
- Le bureau des mariages, nouvelles, 1951
- Chapeau bas, nouvelles, 1963 : Chapeau bas, Bouc émissaire, La hotte, M. le conseiller du cœur, Souvenirs d'un amnésique, Mansarde à louer, La Clope
Essais
- La Fin des asiles, essai/enquête, 1959
- Plumons l'oiseau, essai, 1966
Autres
- Traits, 1976
- Ce que je crois, 1977
- Un feu dévore un autre feu, 1978
- L'Église verte, roman, 1981
- Qui est le prince ?, 1981
- Abécédaire, 1984
- Le Démon de minuit, 1988
- L'École des pères, roman, 1991
- Le Grand Méchant Doux, 1992
- Œuvre poétique, 1992
- Le Neuvième jour, 1994
Citations
- « Écrire est un aveu doublé d’un camouflage. » - Abécédaire (1984)
- « Quand la loi redevient celle de la jungle, c'est un honneur que d'être déclaré hors-la-loi. » — Un feu dévore un autre feu (1978)
- « Il est significatif que le statut de la femme demeure à peu près inchangé là où les religions sont encore très puissantes. Partout ailleurs, il est remis en question. » — Ce que je crois (1977)
- « Mais plutôt que d'enseignement, c'est d'éducation que manque aujourd'hui la jeunesse. » — Ce que je crois (1977)
- « Je suis, je vis ; j'attaque, je détruis ; je pense donc je contredis. » - Vipère au poing (1948)
- « J'entre à peine dans la vie et, grâce à toi, je ne crois plus à rien, ni à personne. » - Vipère au poing (1948)
- « Merci, ma mère ! Je suis celui qui marche, une vipère au poing. » - Vipère au poing (1948)
- « Familles, je vous hais ! disait Gide (qui pourtant en fit une). Disons plus simplement, à deux lettres près : Familles, je vous ai. » — Ce que je crois (1977)
Décorations
- Grand-officier de la Légion d'honneur[8] le 31 décembre 1994 (Commandeur le 23 mai 1991)
Notes et références
- Archives du Maine-et-Loire, commune d'Angers, 1er arrondissement, acte de naissance no 396, année 1911 (avec mention marginale de décès)
- Il est donc cousin par alliance de Paul Claudel, celui-ci ayant épousé la fille d'une cousine germaine du père d'Hervé Bazin.
- Hervé Bazin, entretiens avec Jean-Claude Lamy, Stock, 1992
- Hervé Bazin, entretiens avec Jean-Claude Lamy, Stock, 1992, p. 68-69 : « Dans Vipère au poing la mère de Brasse-Bouillon est appelée "Folcoche", qui sonne comme une contraction de folle et de cochonne. Est-ce la bonne interprétation ? Réponse d'Hervé Bazin : "Erreur ! La véritable origine de Folcoche est paysanne. La folcoche, pour un fermier du coin, c'est la truie qui, mettant bas, dévore aussitôt ses petits. »
- Roger Peyrefitte, L'illustre écrivain : roman, Paris, A. Michel, , 434 p. (ISBN 978-2-226-01482-5, OCLC 252393996), p. 126.
- Hervé Bazin, Albert Jacquard, Suzanne Prou et Léon Schwartzenberg, « Vers le suicide collectif ? », Le Monde,
- Généalogie et descendance d'Hervé-Bazin publiée dans "A la découverte de leurs racines" de Joseph Valynseele et Denis Grando, éditions L'intermédiaire des chercheurs et curieux, 1988, page 118.
- Décret du 31 décembre 1994 portant élévation à la dignité de grand'croix et de grand officier
Voir plus
Bibliographie
- Hervé Bazin, Marc Beigbeder, Jean-Marie Domenach, Francis Jeanson, Michel Leiris, Jacques Madaule, Marcel Mer, Jean Painlevé, Roger Pinto, Jacques Prévert, Roland de Pury, J.H. Roy, Vercors et Louis de Villefosse (préf. Jean-Paul Sartre), L'Affaire Henri Martin : Commentaire de Jean-Paul Sartre (Collectif), Paris, Gallimard, coll. « nrf / Hors série Connaissance », , 296 p. (ISBN 2-07-024836-4, présentation en ligne).
Articles connexes
- Ferdinand Hervé-Bazin est né le à Brain-sur-l'Authion et mort le à Angers, né Ferdinand-Jacques Hervé, auquel il a ajouté le nom celui de son épouse Marie-Claire Bazin. Il était le grand-père de l'écrivain Hervé Bazin.
- Vipère au poing a connu deux adaptations : un film de télévision, réalisé par Pierre Cardinal en 1970, avec Alice Sapritch et un film de cinéma en 2004 avec Catherine Frot et Jacques Villeret, réalisé par Philippe de Broca (il s'agit du dernier film du célèbre metteur en scène, décédé quelques jours après sa sortie)
- La Tête contre les murs a connu une adaptation cinématographique, en 1959, réalisée par Georges Franju, avec Pierre Brasseur, Paul Meurisse, Anouk Aimée, Charles Aznavour, Jean-Pierre Mocky, également coadaptateur avec le réalisateur et Jean-Charles Pichon, auteur des dialogues, musique de Maurice Jarre.
- Le jeune Hervé Bazin est le héros du roman de Pierre Viaud Les Grelots de Triboulet (Paris, 1951).
- Hervé Bazin : entretiens avec Jean-Claude Lamy 1992 - Essai
- Dans les pas d'Hervé Bazin : biographie écrite par Catherine et Philippe Nédélec aux Éditions du Petit Pavé en 2008
Liens externes
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