Crime et Châtiment
Crime et Châtiment (en russe : Преступление и наказание) est un roman de l’écrivain russe Fiodor Dostoïevski publié en feuilleton en 1866 et en édition séparée en 1867. Archétype du roman psychologique, il est considéré comme l'une des plus grandes œuvres littéraires de l'Histoire[1],[2],[3],[4].
Pour les articles homonymes, voir Crime et Châtiment (homonymie).
Crime et Châtiment | ||||||||
Couverture du premier tome de l'édition en volume de 1867. | ||||||||
Auteur | Fiodor Dostoïevski | |||||||
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Pays | Empire russe | |||||||
Genre | Roman | |||||||
Version originale | ||||||||
Langue | Russe | |||||||
Titre | Преступление и наказание | |||||||
Éditeur | Le Messager russe | |||||||
Lieu de parution | Moscou | |||||||
Date de parution | 1866 | |||||||
Version française | ||||||||
Traducteur | Victor Derély | |||||||
Éditeur | Plon | |||||||
Lieu de parution | Paris | |||||||
Date de parution | 1884 | |||||||
Chronologie | ||||||||
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Le roman dépeint l'assassinat d’une vieille prêteuse sur gage et de sa sœur par Rodion Raskolnikov, ancien étudiant de Saint-Pétersbourg tombé dans la pauvreté, et ses conséquences émotionnelles, mentales et physiques sur le meurtrier.
Genèse du roman
L’idée de traiter certains thèmes de ce qui deviendra Crime et Châtiment remonte à la période où Dostoïevski était au bagne (1850-1854), en particulier la découverte de certains traits psychologiques particuliers des bagnards[5]. C'est dans une lettre à son frère Mikhaïl le que Fiodor Dostoïevski en ferait pour la première fois explicitement mention :
« En décembre, je commencerai un roman... Tu te souviens peut-être que je t'avais parlé d'un roman-confession que je voulais écrire après tous les autres, en disant qu'il me fallait encore vivre cela moi-même. Maintenant, j'ai décidé de l'écrire sans retard... Je mettrai mon cœur et mon sang dans ce roman. Je l'ai projeté au bagne, couché sur les bats-flancs, en une minute douloureuse de chagrin et de découragement... Cette Confession assoira définitivement mon nom. »
— Fiodor Dostoïevski, Lettre à Mikhaïl Dostoïevski du 9 octobre 1859[6],[7].
Cette idée d'une gestation précoce du roman n'est toutefois pas unanimement admise. Appuyée par le fait que Dostoïevski avait d'abord conçu son récit comme une confession à la première personne par le criminel lui-même — une idée qu'il a tardivement abandonnée —, et défendue par certains biographes[8], la liaison directe du roman avec la katorga est remise en question par d'autres[9], voire totalement ignorée[N 1].
En , Dostoïevski rentre à Saint-Pétersbourg après dix ans de relégation en Sibérie. Au début des années 1860, l'écrivain développe une intense activité littéraire (rédaction de Souvenirs de la maison des morts), éditoriale (préparation d'une édition de ses œuvres, dont Humiliés et offensés) et journalistique (rédacteur et codirecteur du Temps). En , Dostoïevski part en voyage en Europe occidentale ; en , il effectue un deuxième voyage. Aucun signe cependant d'un travail autour d'un roman ressemblant à Crime et Châtiment. En 1864, plusieurs deuils frappent l'écrivain : le , sa femme, Marie Dmitrievna ; le 10 juillet 1864 ( dans le calendrier grégorien), son frère Mikhaïl ; le 25 septembre 1864 ( dans le calendrier grégorien), son ami Apollon Grigoriev. La situation financière de l'écrivain, déjà précaire, empire et devient intenable ; il risque la prison pour dettes[10].
En 1865, Dostoïevski tente par tous les moyens d'obtenir un peu d'argent et d'apaiser ses créanciers. Il vend ses droits sur des œuvres non encore écrites. C'est ainsi de l'été que date son contrat léonin avec l'éditeur Stellovski[N 2].
À partir du , il travaille à un projet de roman intitulé Les Poivrots[11],[12],[N 3]. Le de Wiesbaden, il écrit une lettre[N 4] à Mikhaïl Katkov, rédacteur du Messager russe, dans laquelle il lui propose une nouvelle, qu'il pense pouvoir lui livrer dans les trois semaines : « le compte rendu psychologique d'un crime ».
« L'action est actuelle, de cette année même. Un jeune homme, exclu de l'Université, de modeste origine et vivant dans une extrême pauvreté, par légèreté, par manque de fermeté dans les principes et sous l'influence de ces « idées mal digérées », bizarres qui sont dans l'air, a résolu de sortir d'un coup de sa triste situation. Il a décidé de tuer une vieille femme, veuve d'un conseiller titulaire, faisant métier d'usurière. La vieille est bête, sourde, malade, avide, elle pratique des taux de juifs, elle est mauvaise et dévore son prochain, tourmente et exploite sa propre sœur cadette. « Elle ne sert à rien », « pourquoi vit-elle ? », « est-elle utile à quiconque ? », etc. Ces questions font perdre la raison au jeune homme. Il décide de la tuer, de la dévaliser ; [...] »
— Fiodor Dostoïevski, Lettre à Mikhaïl Katkov[13].
En , il écrit une nouvelle fois à Katkov[N 4] dans laquelle Dostoïevski accuse réception de 300 roubles, mais il semble douter de la volonté de Katkov de vouloir le publier. Très embarrassé, il lui demande alors de ne pas toucher au texte qu'il lui a fait parvenir[14].
Dans une lettre ultérieure[N 5] à Alexandre Wrangel, Dostoïevski explique ses difficultés financières et raconte qu'à la fin , alors qu'il avait déjà beaucoup écrit, mécontent de son travail pour Le Messager russe, il a tout brûlé et tout recommencé de zéro[N 6],[15].
Publication
Crime et Châtiment paraît d'abord en feuilleton dans Le Messager russe durant toute l'année 1866[16].
- janvier : première partie
- février : deuxième partie
- avril : troisième partie[N 7],[N 8]
- juin : début de la quatrième partie
- juillet : fin de la quatrième partie et début de la cinquième partie[N 9],[17],[N 10]
- août : fin de la cinquième partie
- novembre : début de la sixième partie
- décembre : fin de la sixième partie et épilogue.
En 1867, Dostoïevski en publie une première édition séparée et légèrement remaniée à Saint-Pétersbourg. Le roman connaîtra quatre éditions du vivant de l'écrivain. La situation financière de Dostoïevski est si préoccupante qu'il doit céder les droits de la seconde édition de Crime et Châtiment à ses créanciers[18].
Réception
Dès , dans une lettre à Wrangel, Dostoïevski confie : « Il y a quinze jours, la première partie de mon roman est parue dans le numéro de janvier du Messager russe. Il s'appelle Crime et Châtiment. J'ai déjà entendu beaucoup d'opinions enthousiastes. Il y a là des choses hardies et nouvelles[19]. »
Le roman fut un grand succès dès sa parution :
« Crime et châtiment assura la popularité de l’écrivain. On ne parla que de cet événement littéraire durant l’année 1866 ; toute la Russie en fut malade. À l’apparition du livre, un étudiant de Moscou assassina un prêteur sur gages dans des conditions de tout point semblables à celles imaginées par le romancier[N 11]. »
— Eugène-Melchior de Vogüé, Le Roman russe, 1886, p.254.
Seul Le Contemporain (concurrent du Messager russe) adressa quelques critiques visant le manque supposé de vraisemblance du roman : « A-t-on jamais vu un étudiant tuer quelqu'un pour commettre un vol ? », s'interroge par exemple le critique Grigori Elisseïev[20].
D'autres témoignages vont dans le même sens :
« En 1866, on ne lisait que Crime et Châtiment. Les passionnés de littérature ne parlaient que de ce roman, et se plaignaient souvent qu'il causait une pénible impression d'étouffement, au point que les lecteurs nerveux en tombaient quasiment malades et que les flegmatiques étaient forcés d'abandonner totalement sa lecture. »
— Nicolaï Strakhov[21].
Dans son introduction au roman, Pierre Pascal précise toutefois : « On a d'abord accueilli Crime et Châtiment comme un récit policier : le plus terrifiant de tous, expliquait E.-M. de Vogüé dans le Roman russe ; comparable encore à ceux d'Émile Gaboriau prononce encore Jules Legras dans sa Littérature en Russie. [...] C'est aujourd'hui seulement qu'est apparue la richesse extraordinaire, quasi inépuisable, de l'œuvre[22]. »
Personnages
- Rodion Romanovitch Raskolnikov (dit Rodia) : le personnage principal du roman.
- Avdotia Romanovna Raskolnikova, appelée aussi Dounia ou Dounietchka : la sœur de Raskolnikov.
- Poulkhéria (Pulchérie) Alexandrovna Raskolnikova : mère de Raskolnikov et de Dounia.
- Semion Zakharovitch Marmeladov[N 12] : mari de Katerina Ivanovna et le père de Sonia.
- Sofia Semionovna Marmeladova, souvent appelée Sonia ou Sonietchka : fille de Semion Zakharovitch Marmeladov. Elle se prostitue pour subvenir aux besoins de sa famille.
- Katerina (Catherine) Ivanovna Marmeladova[N 13] : seconde femme de Marmeladov, donc la belle-mère de Sonia.
- Dmitri Prokofiévitch Razoumikhine : ami dévoué de Raskolnikov.
- Arkadi Ivanovitch Svidrigaïlov : ancien employeur d'Avdotia Romanovna.
- Piotr Petrovitch Loujine : fiancé d'Avdotia Romanovna.
- Andreï Semionovitch Lebeziatnikov : compagnon de chambre de Loujine.
- Aliona Ivanovna : usurière.
- Lizavéta (Élisabeth) Ivanovna : sœur de l'usurière.
- Nikodim(e) Fomitch : chef de la police.
- Ilia Petrovitch, appelé aussi « Poudre » : lieutenant de Fomitch.
- Porfiri (Porphyre) Petrovitch : juge d'instruction chargé de l’enquête du meurtre de l'usurière.
- Alexandre Grigorievitch Zamiotov : ami de Razoumikhine travaillant pour la police.
- Nastassia Petrovna : servante dans l'immeuble de Raskolnikov.
- Zossimov : médecin et ami de Razoumikhine.
Résumé
Rodion Romanovitch Raskolnikov est un ancien étudiant en droit âgé de 23 ans, sans le sou. Par manque d'argent, il a dû abandonner ses études et vit dans un quartier mal famé de Saint-Pétersbourg. Rongé par la pauvreté, il s'isole du reste du monde. Après avoir vendu son dernier bien, la montre de son père, à une usurière, une idée lui vient à l'esprit : un meurtre est-il moralement tolérable s'il conduit à une amélioration de la condition humaine ? Il a décidé d'assassiner l'usurière depuis quelque temps, mais son plan ne se déroule pas comme prévu et il commet un double meurtre. Pris de remords et de culpabilité, il se rend compte qu'il ne peut être pardonné et qu'il ne sera jamais un grand homme, comme il l'espère tant. Raskolnikov passe du crime au châtiment.
Après être tombé malade et être resté au lit, cloué par la fièvre, pendant plusieurs jours, Raskolnikov s’imagine que tous ceux qu’il rencontre le suspectent du meurtre ; la conscience de son crime le rend presque fou. Mais il rencontre Sofia Semionovna, une jeune prostituée dont il tombe amoureux. Dostoïevski utilise cette relation comme une allégorie de l’amour de Dieu pour l’humanité déchue et du pouvoir de rédemption de l’amour. Mais Raskolnikov n’est racheté que par l’aveu du meurtre et la déportation en Sibérie.
Première partie
Au début juillet[N 14], Raskolnikov, ancien étudiant désargenté à Saint-Pétersbourg, sort furtivement de chez lui et pour emprunter de l'argent auprès de la vieille usurière Alena Ivanovna : il met en gage la montre en argent de son père. La transaction n'est pas très intéressante. Son affaire faite, il se promène et se décide à entrer dans un cabaret.
Il y fait la connaissance de Semion Zakharitch Marmeladov, alcoolique invétéré : l'ex-fonctionnaire a déserté son travail après avoir peiné à en retrouver, et bu toute sa paie ; il a également accepté la prostitution de sa fille Sonia, à qui il est allé réclamer le jour même de quoi poursuivre sa beuverie. Long récit de Marmeladov avec notamment la tirade du Jugement Dernier, où il s'accuse : peinture de la misère et de la lâcheté de la condition humaine. Raskolnikov reconduit Marmeladov dans son taudis, où celui-ci est « reçu » par Katerina Ivanovna, son épouse phtisique désespérée et très en colère. Raskolnikov est congédié brutalement.
Le lendemain, Raskolnikov reçoit une lettre de sa mère qui lui annonce un prochain envoi d'argent, ainsi que le mariage à venir de Dounia, la sœur de Rodia, avec Piotr Petrovitch Loujine. Raskolnikov est d'emblée hostile au fiancé qu'il ne connaît pourtant pas encore.
Il sort et rumine sa rage en errant dans Pétersbourg au hasard ; il s'emporte contre un inconnu louche - que Raskolnikov semble confondre avec Svidrigaïlov - qui suit une jeune fille ivre dans la rue et le menace. Première évocation de Razoumikhine qui habite non loin.
Un rêve hante Raskolnikov depuis plusieurs mois : tuer la vieille usurière. Il s'assoupit dans un parc sous un taillis et fait un cauchemar[N 15] : jeune enfant, il voit une petite jument être fouettée à mort par son propriétaire ivre et ses compagnons de beuverie. Il l'interprète comme une annonce du meurtre de la vieille prêteuse.
Les coïncidences se multiplient : dans un estaminet, Raskolnikov surprend la conversation de deux « clients » de l'usurière qui s'interrogent sur un éventuel meurtre ; Raskolnikov, superstitieux, y voit un signe du destin. Il se laisse désormais conduire par une main plus forte que lui qui guide ses pas au crime (tout est déjà prémédité jusqu'aux moindres détails). Le lendemain, il dort toute la journée, puis à l'heure du crime, une « agitation extraordinaire, fébrile et comme incohérente s'empar(e) soudain de lui[23]. Dissimulant une hache sous son manteau, il va sonner chez la vieille[N 16].
Il tue la vieille Alena Ivanovna, seule chez elle, puis commence à fouiller dans ses affaires pour la voler. Mais la demi-sœur de la vieille, la simplette Élisabeth Ivanovna, rentre à ce moment par la porte restée ouverte. Pris au dépourvu, Raskolnikov la tue d'un coup de hache. Il panique et ferme la porte ; puis Koch et Pestriakov (des clients de l'usurière) arrivent : suspicieux (la porte n'est fermée que par le loquet, ils vont chercher le concierge, ce qui permet à Raskolnikov de s'échapper sans être vu. Il rentre ensuite chez lui, remet discrètement la hache à sa place et s'allonge dans son lit, sans pour autant arriver à s'endormir.
Deuxième partie
Le lendemain du crime, alors qu'il n'a pas encore fait disparaître toutes les preuves, Raskolnikov reçoit une convocation du commissariat. Il décide de s'y rendre sur-le-champ malgré son anxiété et sa fièvre croissante. Une fois sur les lieux, il fait la rencontre du commissaire Nikodim Fomitch ainsi que de son lieutenant, Ilia Petrovitch, qui lui explique le motif de sa convocation : sa logeuse a porté plainte pour non-remboursement de dettes. Tandis que Raskolnikov effectue la déposition, pris d'un délire fiévreux, il décide de tout avouer au commissaire ; c'est alors qu'il se rend compte que ce dernier est en train d'en discuter avec son lieutenant ; il décide donc de s'en aller mais s'évanouit. Il reprend rapidement connaissance mais craint d'avoir éveillé les soupçons, il rentre alors chez lui rapidement afin d'éliminer les preuves de l'assassinat.
Il décide donc de se débarrasser des pièces qu'il a volées chez les sœurs Ivanovna et songe à les jeter dans le fleuve mais, se ravisant en cours de route, il préfère les enterrer dans un lieu discret, sous une pierre. Après avoir erré quelque temps, il arrive (par hasard ou non ?) près de la maison de son ami Razoumikhine. Il monte chez son ami sans trop savoir pourquoi et le trouve en train de traduire des livres allemands pour gagner de l'argent. Razoumikhine lui offre de l'argent pour l'aider mais Raskolnikov refuse et s'en va, il est de plus en plus malade. Il rentre donc chez lui et entend sa logeuse se faire battre dans la cage d'escalier par Ilia Petrovitch. Nastassia, la servante, lui apporte de la soupe, il l'interroge sur ce qui vient de se passer, elle répond qu'il n'y a eu aucun bruit dans l'escalier. Raskolnikov a une hallucination, il perd connaissance.
Raskolnikov se réveille après un certain temps de maladie, il découvre à son chevet Razoumikhine, Nastassia et un commis lui apportant une somme d'argent de la part de sa mère. Razoumikhine lui raconte comment il l'a retrouvé et comment il a arrangé l'affaire avec sa logeuse. Il lui apprend aussi que pendant son délire il a parlé des pièces à convictions qu'il a cachées et ce, en présence des policiers (sans pour autant que les témoins de cette scène ne sachent à quoi il a fait allusion). Raskolnikov pris de panique veut s'enfuir mais se rendort. À son réveil, six heures plus tard, il retrouve Razoumikhine qui lui a acheté une nouvelle garde-robe avec une partie de l'argent reçu de sa mère.
Entre alors Zossimov qui vient examiner l'état de Raskolnikov puis commence à discuter avec son ami Razoumikhine du meurtre des sœurs Ivanovna. On apprend que la police a arrêté un peintre, ami de Razoumikhine qui travaillait dans l'appartement du dessous.
La discussion entre Razoumikhine et Zossimov est interrompue par l'arrivée de M. Loujine qui se présente. L'accueil est froid surtout de la part de Raskolnikov qui en vient à s'énerver contre Loujine et le somme de partir. Ce dernier s'exécute. Raskolnikov s'énerve ensuite contre Razoumikhine et Zossimov et les congédie.
Raskolnikov sort de son appartement, résolu à abréger le mal-être qui le ronge depuis le crime. Il erre dans les rues de Saint-Pétersbourg, puis se pose dans un café et rencontre le secrétaire du commissariat Zamiotov. S'ensuit une discussion sur le crime et le meurtre. Le comportement et les propos de Raskolnikov sont des plus étranges. Il quitte le bar avec l'intention d'aller se suicider, mais rencontre Razoumikhine avec qui il se dispute et refuse son invitation à une soirée chez ce dernier. Il arrive sur un pont et voit une femme se jeter puis être repêchée ce qui le dissuade d'en faire autant. Il décide d'aller se rendre au commissariat et passe devant l'immeuble des sœurs Ivanovna, il monte et découvre l'appartement en travaux. Il quitte les lieux et poursuit son chemin, comme pris de délire.
Le héros aperçoit en sortant de l'immeuble, un homme ivre écrasé par un cheval : Semion Zakharovitch Marmeladov. Il le transporte avec l'aide de passants jusque chez lui. Marmeladov meurt un peu plus tard, laissant sa famille seule. Raskolnikov offre son aide et de l'argent à sa femme Katerina Ivanovna. Il quitte l'appartement en promettant de revenir, une des filles le rattrape pour lui demander son nom et son adresse. En sortant il décide de se rendre à l'invitation de son ami Razoumikhine qui le raccompagne chez lui. Les deux amis aperçoivent de la lumière dans le cagibi de Raskolnikov. Celui-ci, redoutant que ce soit la police, invite son ami à le suivre mais il découvre sa sœur et sa mère qui l'attendaient dans son appartement et s'évanouit à nouveau.
Troisième partie
Raskolnikov congédie avec froideur sa mère et sa sœur et s'endort pendant que Razoumikhine passablement ivre et amoureux d'Avdotia Romanovna les raccompagne dans leur appartement provisoire. Il leur promet de retourner voir Raskolnikov, seul une première fois juste après les avoir laissées et une seconde fois un peu plus tard avec son ami médecin Zossimov. Après avoir tenu parole, il va dormir avec Zossimov dans l'immeuble de Raskolnikov afin de surveiller l'état de celui-ci.
Le lendemain Razoumikhine se rend chez Avdotia et Pulchérie afin de prendre de leurs nouvelles. S'ensuit une longue discussion sur l'état physique et mental de Raskolnikov ainsi que sa vie ces trois dernières années. Elles font lire à Razoumikhine la lettre qu'Avdotia a reçue ce matin même de la part de Loujine qui expliquait ce qui s'était passé lors de la rencontre entre ce dernier et Raskolnikov ainsi que ce qu'avait fait le jeune homme la veille. Ils se rendent ensuite tous les trois chez le jeune homme.
Ils arrivent à l’appartement et voient Zossimov au chevet de Raskolnikov qui semble aller bien mieux. Il commence par s'excuser auprès de sa mère et sa sœur pour son comportement de la veille et s'explique sur ce qu'il a fait la veille dans la soirée, notamment chez les Marmeladov. Il lit ensuite la lettre de Loujine et maintient son opposition au mariage entre Loujine et sa sœur ; de plus, il critique violemment ce dernier.
Sofia Semionovna Marmeladova vient lui faire part de son invitation à l'enterrement de Semion Marmeladov (enterrement possible grâce au don de Raskolnikov) et à son invitation chez Katerina pour un repas funéraire. Le jeune homme congédie ensuite sa mère et sa sœur, qu'il retrouvera le soir à 18 heures avec Loujine et dit à Sonia qu'il passera la voir l'après-midi. Puis, il se rend avec Razoumikhine chez Porphiri Petrovitch, connaissance de son ami et juge d'instruction de l'affaire des sœurs Ivanovna. Raskolnikov veut récupérer les objets qu'il avait laissés chez l'usurière ainsi que savoir ce que sait Petrovitch sur lui.
Raskolnikov et Razoumikhine arrivent chez Porphiri Petrovitch; Zamiotov, le secrétaire du commissariat est aussi présent. L'accueil de Petrovitch est assez étrange, il semble avoir des doutes sur Raskolnikov. Commence alors un jeu de questions-réponses entre Petrovitch et le jeune homme ; le juge d'instruction tente de le piéger en le questionnant sur ses actions (c'est-à-dire celles de Raskolnikov) des derniers jours ainsi que sur sa vision du meurtre. On apprend que Raskolnikov a écrit un article sur le crime quelques mois plus tôt, dans lequel il distingue deux types d'hommes : les gens « ordinaires » qui n'ont pas le droit de tuer et les gens « extraordinaires » qui, eux, peuvent tuer au nom d'un principe supérieur (c'est précisément dans ce chapitre que le narrateur évoque des personnalités comme Napoléon, Isaac Newton, Johannes Kepler et même le prophète de l'islam Mahomet). Cette vision semble intéresser profondément le juge d'instruction. Raskolnikov et Razoumikhine s'en vont.
Raskolnikov se sent de plus en plus fiévreux et rentre chez lui (en effet, alors que les deux jeunes gens se dirigent vers la demeure provisoire de Dounia et Pulchérie, Raskolnikov est saisi d'effroi à l'idée que Porphyre nourrit des soupçons contre lui et qu'il s’apprête alors à perquisitionner chez lui ; il décide alors à brûle-pourpoint de rentrer chez lui pour bien se rassurer qu'il ne reste aucune pièce à conviction quelque part) tandis que Razoumikhine s'en va tout seul chez la mère et la sœur de son ami. Une fois chez lui, le jeune homme s'endort et rêve de l'appartement des sœurs Ivanovna. À son réveil, un homme le regarde, c'est Arkadi Ivanovitch Svidrigaïlov, l'ancien employeur de sa sœur, qui tient à lui parler.
Quatrième partie
Svidrigaïlov veut persuader Raskolnikov d'intervenir pour lui auprès de sa sœur qu'il aimerait au moins revoir une fois. Il lui annonce que Marfa Petrovna - dont il prétend avoir rencontré le fantôme par trois fois - a prévu une dotation de 3000 roubles pour Dounia dans son testament, et lui-même se propose de lui verser une somme de 10000 roubles afin de faciliter sa rupture avec Loujine, car il n'approuve pas la perspective de cette union. Il confie à Raskolnikov qu'il a le projet de partir en voyage.
Avec Razoumikine, Raskolnikov se rend au rendez-vous prévu avec sa mère et sa sœur. Loujine est là, qui s'insurge de sa présence puisqu'il avait expressément demandé à ce qu'il ne vienne pas. Se considérant offensé, il explique à Dounia que ce sera son frère ou lui, elle doit choisir. La dispute s'envenime, et finalement Loujine est congédié : personne ne veut plus entendre parler d'un mariage entre Dounia et lui.
Voilà Loujine abasourdi par ce qu'il vient de se passer, lui qui pensait que les deux femmes, Dounia et sa mère, lui seraient éternellement reconnaissantes de sa bonté. Dans la chambre, Dounia s'accuse de s'être laissée séduire par la richesse de Loujine. Raskolnikov lui fait part de sa conversation avec Svidrigaïlov et de l'argent promis. Razoumikine entendant cela se met à faire des projets pour toute la famille : investir dans une maison d'édition. Raskolnikov fait brusquement ses adieux à sa mère et sa sœur.
Raskolnikov se rend chez Sonia,pour lui annoncer qu'il ne la verrait plus. Il la confronte à sa foi religieuse, qu'il tient pour une faiblesse. Il l'oblige à lui lire l'épisode de la résurrection de Lazare dans l'évangile de Jean. Enfin, il lui dit qu'il sait qui est l'assassin de la vieille usurière et qu'il viendra lui dire demain. Derrière la porte se trouve Svidrigaïlov qui a tout entendu.
Raskolnikov se présente chez Porphyre, en vue de récupérer les objets gagés chez la vieille. Porphyre le noie sous un discours ambigu qui laisse penser à Raskolnikov que celui-ci essaye de le piéger. A la fin Porphyre annonce qu'il a une "petite surprise" derrière le mur, mais un évènement interrompt leur conversation.
On amène Nikolaï qui s'accuse du crime à la place de Mitka. Raskolnikov rentre chez lui, inquiet d'avoir pu être démasqué par Porphyre dont les raisonnements paraissent avoir déchiffré son esprit et ses mobiles. Il croise l'homme "surgi de terre" de la veille qui vient s'excuser d'avoir été coupable de mauvaises pensées : c'est lui que Porphyre avait caché derrière la cloison.
Cinquième partie
Loujine et André Lebeziatnikov sont invités au repas de funérailles organisé chez Catherine Ivanovna. Les deux hommes refusent d'y aller. Loujine demande à André d'aller chercher Sonia pour une certaine affaire. Quand elle arrive, Loujine lui offre un billet de 10 roubles comme sa propre obole car il souhaitait venir en aide à la veuve, sa belle-mère.
Ceux qu'on attendait comme principaux convives, pour le repas funéraire, ne sont pas là. Par contre, on voit arriver le Polonais (un des locataires d'Amalia Ivanovna), deux compatriotes de celui-ci, un employé de chancellerie, un vieillard et un manutentionnaire. À table, les deux femmes (c'est-à-dire la veuve et sa logeuse) se mettent d'abord à se dire mutuellement de légères plaisanteries puis elles prennent au sérieux leur piquant dialogue et en arrivent à s'insulter et à se menacer. La veuve a failli fouler aux pieds un bonnet dont Amalia était coiffée quand soudain quelqu'un ouvre la porte et s’arrête au seuil : Loujine.
À ce moment, Catherine Ivanovna accourt vers Loujine pour chercher défense auprès de lui. Celui-ci, furieux et venu pour une autre affaire, remarque à la veuve qu'il ne peut pas se mêler à ses éternelles disputes avec l'autre. Aussitôt, il accuse Sonia de lui avoir volé un billet de 100 roubles quand elle était chez lui (sur son invitation). Toute la société (c'est-à-dire les invités à table) se trouble et on commence à proférer des sottises et menaces. Catherine, éperdue, somme Loujine de fouiller Sonia. Il refuse et veut appeler la police. Après quoi, la veuve se met à fouiller elle-même les poches de sa belle-fille. Soudain, un billet de banque, plié en 8, tombe par terre. La figure de Loujine s'illumine et Amalia suggère qu'on devrait envoyer Sonia au bagne. André était aussi venu par hasard quelques minutes après l'arrivée de Loujine. À la vue de cette scène André dit : « Quelle bassesse ! ». Il explique, devant l'auditoire, comment Loujine avait introduit doucement ce billet dans l'une des poches de Sonia (sans que celle-ci s'en aperçoive) au moment où elle prenait congé. Nouveau désordre et un vacarme plus puissant. Loujine prend la fuite. Sonia rentre chez elle un moment plus tard. Raskolnikov, quant à lui, s'en va non à son taudis mais plutôt chez Sonia.
Raskolnikov, arrivé chez elle, se sentait très faible et semblait redouter quelque chose. Lorsque les deux jeunes gens parlèrent un peu, soudain, Sonia remarque qu'il ne se sentait pas à l'aise. Après de vagues paroles, Raskolnikov avoue à Sonia (comme il le lui avait promis) que c'est lui l'assassin d'Élisabeth. Sonia perd contenance et croit un moment qu'il est tout bonnement devenu fou. Mais au bout d'un instant, elle se rend compte qu'il disait vrai. Raskolnikov lui explique qu'il a tué pour sauver sa mère et sa sœur qui plongeaient dans l'indigence. Après quoi, il affirme à Sonia qu'il ne s'agit pas de cela : il lui dit qu'il avait tué pour lui, rien que pour lui-même (pour se sentir un Napoléon). Sonia fond sur-le-champ en larmes et promet à Rodia qu'elle le suivrait au bagne, en Sibérie, si on le découvrait. Sur ces entrefaites, André Lebeziatnikov fait irruption.
Lebeziatnikov vient retrouver Sonia chez elle. Celle-ci était en compagnie de Raskolnikov. André leur dit que la veuve, Catherine Ivanovna, a perdu sa raison en sortant mendier dans la rue et en déguisant ses mioches en saltimbanques. Après quoi, tous se mettent en chemin vers la malheureuse. Une fois auprès d'elle, personne ne peut la faire rentrer chez elle. En effet, elle prétendait jouer de l'orgue de Barbarie. Essoufflée, hors d'elle, courant furieusement derrière ses enfants, elle tombe par terre. Aussitôt le sang jaillit de sa bouche. On emmène la phtisique chez Sonia et, un moment plus tard, elle meurt. Le chapitre finit par un dialogue entretenu par Rodia et Svidrigailov dans lequel ce dernier évoque certaines expressions qu'a dites Rodia lorsqu'il parlait à Sonia avant l'arrivée de Lebeziatnikov.
Sixième partie
Raskolnikov rentre chez lui, où le retrouve Razoumikhine. Une fois chez lui, ce dernier lui annonce que sa mère, Pulchérie Alexandrovna, est tombée gravement malade, car elle n'accepte pas l'idée d'aller mendier les caresses de son fils. Razoumikhine le met aussi au courant que Dounia a reçu dernièrement une lettre. De son côté, Rodia dit à son ami que Dounia est venue avant-hier le voir. Une minute plus tard, Razoumikhine prend congé de chez son ami. Celui-ci, après un instant de réflexion, se décide d'aller en finir une fois pour toutes avec le juge d'instruction Porphyre. À peine dans l'escalier, Rodia le rencontre. Celui-ci vient le voir pour une affaire. Porphyre dit qu'il ne resterait que le temps d'une cigarette.
Porphyre fait tout d'abord des allusions en s'adressant à Raskolnikov et ce en lui disant que Nicolas (Mikolka) est venu avouer avoir tué la vieille usurière. Après quoi le juge d'instruction rit méchamment et déclare à brûle-pourpoint à Rodia que c'est lui l'assassin. Raskolnikov s'étonne mais se plonge tout de suite dans une profonde angoisse, voire épouvante. Porphyre gagne la porte au moment même.
Raskolnikov se décide d'aller voir Svidrigaïlov. Celui-ci l'intrigue beaucoup ces derniers temps, surtout après certaines allusions... Les deux hommes se rencontrent par hasard dans un cabaret, où ils parlent longtemps sur différents sujets.
Les deux hommes sont toujours ensemble et à ce moment-là ils se mettent à parler de Dounia. Svidrigaïlov lui relate comment vivait sa sœur, en tant que gouvernante, lorsque Marfa était encore en vie. Rodia paraît se fâcher à plusieurs reprises mais ne recourt point à la violence. Svidrigaïlov lui dit également qu'il a à peine pris une fiancée n'ayant presque que 16 ans.
Raskolnikov et Svidrigaïlov se rendent chez Sonia. Elle n'est pas chez elle. Peu de temps après, Svidrigaïlov va à la rencontre de Dounia. Une fois avec elle, il l'amène chez lui. Svidrigaïlov parle à la fille de son frère et lui déclare tout à coup qu'il est prêt à lui obéir totalement ainsi à voyager avec elle, n'importe où. Brusquement, Svidrigaïlov tente d'abuser de la jeune fille. Celle-ci proteste et le menace d'un revolver. Elle le vise à la tête et tire, mais la balle ne fait qu'effleurer ses cheveux. Après quoi, elle tire de nouveau, mais finit par jeter l'arme enrayée. Svidrigaïlov approche d'elle et essaie de lui parler davantage. Elle lui signifie de s'éloigner. Celui-ci, furieux et aigri, y consent et presse Dounia de gagner la porte.
Svidrigaïlov sort de chez lui et s'en va à un cabaret. Ensuite il se dirige vers un hôtel pour y passer la nuit. Soudain, après son arrivée, tandis qu'il était endormi, il fait un rêve où il voit une jeune fille saisie d'épouvante. Il essaie de la calmer en l'emportant à son lit. Soudain, il se réveille. Il quitte l’hôtel, va errer auprès de la Néva, aperçoit un beffroi, s'en approche, rencontre un soldat debout aux alentours, lui adresse quelques mots et se suicide en se tirant une balle à la tempe droite avec le pistolet de Dounia.
Rodia sort de chez lui pour se rendre chez sa famille, où il ne trouve que sa mère. Il lui dit qu'il devrait bientôt voyager trop loin pour gagner sa vie et lui promet de retourner dans neuf mois. Celle-ci, en larmes, lui donne ses bénédictions et lui fait ses adieux. Puis il rentre chez lui et s'étonne en trouvant Dounia en train de l'attendre. Rodia dit à sa sœur que le temps presse et qu'il doit aller se livrer. Les deux personnes gagent la porte. Dounia s'en va chez elle, lui chez Sonia.
Une fois chez elle, il lui parle un peu, mais lui dit soudain qu'il est grand temps d'aller se dénoncer. C'est ce qu'il fait : il se dirige vers le commissariat. Sonia s’apprête à l'accompagner, mais il le lui défend. Dans la rue, il se livre à une longue méditation et se demande à qui il ferait mieux de se dénoncer. Aussitôt, il se résout à tout raconter à monsieur Poudre. Mais au commissariat, il ne trouve pas Poudre à son bureau. Un instant plus tard, celui-ci fait irruption. Rodia se ravise et décide de ne rien dire. Il descend les escaliers. Dans la rue, près du commissariat, il rencontre Sonia. Il sourit amèrement et remonte vers le commissariat. Poudre, après l'avoir revu, ordonne qu'on apporte de l'eau :« - C'est moi... commença Raskolnikov.
- Buvez.
Le jeune homme repoussa le verre, et d'une voix basse et entrecoupée, fit la déclaration suivante :
- C'est moi qui ai assassiné à coups de hache pour les voler la vieille prêteuse sur gages et sa sœur Élisabeth.
Ilia Petrovitch ouvrit la bouche. De tous côtés on accourut. Raskolnikov renouvela ses aveux... »
— Fiodor Dostoïevski, Crime et Châtiment, VI, 8[24].
Épilogue
Raskolnikov, bien qu'il bénéficie de circonstances atténuantes, se voit alors condamné à huit ans de bagne en Sibérie (« travaux forcés de seconde catégorie »). Razoumikhine épouse Dounia. Pulchérie Alexandrovna meurt peu de temps après la détention de son fils sans savoir exactement ce qui est arrivé à son fils. Sonia se met en devoir de visiter régulièrement le jeune homme, et fait part à Dounia et son époux de ses nouvelles.
Rodia tombe malade ; on l'amène à l’hôpital du bagne. Pendant sa maladie, il fait un affreux songe où il semblait voir le monde désolé par un fléau venu de l'Asie. Hommes et choses, tout périssait. Cependant, il croit apercevoir quelques-uns qui vont survivre (ce sont des élus). Un beau matin, peu de temps après sa maladie, il s'en va travailler au bord d'un fleuve où l'on avait établi un four. Soudain, il sort du hangar et s’assoit. Là, très loin dans les steppes, il voit les tentes des nomades. Sonia apparaît à ses côtés et ils se trouvent seuls. Rodia se jette à ses pieds et les embrasse. Sonia se rend enfin compte de l'amour que Rodia ressentait pour elle. Sonia retombe malade, mais elle est envahie d'un tel amour infini et noble pour Rodia qu'elle en oublie ses souffrances. Commence alors la régénération de Raskolnikov.Analyse
Au-delà du destin de Raskolnikov, le roman, avec sa grande galerie de personnages variés, traite de sujets tels que la charité, la vie de famille, l’athéisme, l’alcoolisme, des remords, et de la recherche identitaire avec le regard aigu que Dostoïevski portait sur la société russe de son temps. Même si Dostoïevski rejetait le socialisme, le roman est aussi une critique du capitalisme qui se mettait en place dans la société russe de cette époque.
Raskolnikov pense être un « surhomme », et qu’avec une bonne raison, il pourrait exécuter un acte ignoble — le meurtre de l’usurière — si cela peut l’amener à faire le bien. Il cite souvent Napoléon, estimant qu’il a eu raison de répandre autant de sang : « Si un jour, Napoléon n’avait pas eu le courage de mitrailler une foule désarmée, nul n’aurait fait attention à lui et il serait demeuré un inconnu. » Raskolnikov estime qu’il peut transcender les limites morales en tuant l’usurière, en volant son argent et en l’utilisant pour faire le bien. Il soutient que si Isaac Newton ou Johannes Kepler avaient dû tuer une ou même cent personnes pour éclairer l’humanité de leurs idées, cela en aurait valu la peine. Le vrai châtiment de Raskolnikov n’est pas le camp de travail auquel il est condamné, mais le tourment qu’il endure tout au long du roman. Ce tourment se manifeste sous la forme d’une paranoïa, autant que de la prise de conscience qu’il n’est pas « surhomme », puisqu’il est incapable de supporter ce qu'il a fait.
La douleur psychologique qui poursuit Raskolnikov est une thématique chère à Dostoïevski et se retrouve dans d’autres de ses œuvres, comme Les Carnets du sous-sol et Les Frères Karamazov (son comportement ressemble beaucoup à celui d’Ivan Karamazov). Il se fait souffrir en tuant la prêteuse sur gages et en vivant dans la déchéance, alors qu’une vie honnête mais commune s'offre à lui. Razoumikhine, dans la même situation que Raskolnikov, vivait beaucoup mieux; ainsi, alors que Razoumikhine lui propose de lui trouver un emploi, Raskolnikov refuse et convainc la police qu’il est le meurtrier, bien qu’elle n’eut aucune preuve. Tout au long des quatre dernières parties, la souffrance toujours accrue qu'éprouve Rodion Romanovitch semble autant provenir de la culpabilité du crime propre que de la prise de conscience du héros que ce qu'il perpétrait selon lui pour le bien (enlever au monde un individu vivant sur l'usure des pauvres, et que la société ne prévoit pas de punir, à savoir par le droit) s'efface devant la victime innocente qui résulte du méfait (la sœur de l'usurière, que Raskolnikov avait prise en empathie et qui avait provoqué son indignation), se confronte à sa propre nullité envers les maux sociétaux qu'il croyait symboliquement combattre, ne fait de lui en rien un prophète d'une morale du surhumain, un Napoléon ou un Mahomet ; le crime se confronte au jugement outré du corps social, au désaveu d'autrui comme de lui-même envers l'éthique qu'il défend, à sa propre anodinité dès lors qu'il prend conscience des malheurs des Marmeladov ou des propres mère et sœur de Raskolnikov ou de la banale malveillance de Loujine ou Svidrigaïlov. Alors que Raskolnikov semble vouloir soumettre l'illusion de sa toute-puissance individuelle (tandis qu'il se sait faible, pauvre et désespéré) au reste du monde lorsqu'il commet le double-meurtre, c'est sa propre prise de conscience en tant qu'un individu parmi d'autres dans l'immensité du corps social et de ses situations, lequel ne sait exprimer rien d'autre qu'incompréhension, tristesse ou indifférence face au méfait, qui rend nulle sa tentative de changer le monde, ne lui laissant que le seul choix de se rendre pour exister socialement. Il essaye en permanence de franchir les frontières de ce qu’il peut ou ne peut pas faire (tout au long du récit, il se mesure à la peur qui le tenaille, et tente de la dépasser), et sa dépravation (en référence à son irrationalité et sa paranoïa) est souvent interprétée comme une expression de sa conscience transcendante et un rejet de la rationalité et de la raison. C’est un thème de réflexion fréquent de l’existentialisme.
Raskolnikov pense que les grands hommes peuvent se permettre de défier la moralité et la loi, comme il le fait en tuant quelqu’un. Dostoïevski utilise aussi Sonia pour montrer que seule la foi en Dieu peut sauver l’homme de sa dépravation, ce en quoi Dostoïevski diffère de nombreux autres existentialistes. Bien que cette philosophie particulière soit propre à Dostoïevski, parce qu’elle insiste sur le christianisme et l’existentialisme (le point de savoir si Dostoïevski est un vrai existentialiste est débattu), des thèmes comparables peuvent être trouvés dans les écrits de Jean-Paul Sartre, d'Albert Camus, Hermann Hesse et de Franz Kafka.
Un roman polyphonique
En 1929, l'historien et théoricien de la littérature, Mikhaïl Bakhtine publie à Léningrad un important[25] ouvrage analytique, Problèmes de l'œuvre de Dostoïevski[N 17] dans lequel il défend l'idée que :
« Dostoïevski est l'inventeur du roman polyphonique. Il a inventé un genre romanesque fondamentalement nouveau. C'est pourquoi son œuvre ne se laisse enfermer dans aucun cadre, n'obéit à aucun des schémas connus de l'histoire littéraire, que nous avons pris l'habitude d'appliquer au roman européen. »
— Mikhaïl Bakhtine, La Poétique de Dostoïevski, chap. 1[26].
Cette « polyphonie » que Bakhtine oppose au roman « monophonique » » (ou « homophonique ») est une dimension essentielle pour apprécier Dostoïevski sur le plan artistique. Bakhtine récuse ainsi comme incomplètes les lectures idéologiques que l'on fait traditionnellement de Dostoïevski. Selon lui, la polyphonie traverse toute l'œuvre de Dostoïevski (à l'exception des tout premiers romans).
« La pluralité des voix et des consciences indépendantes et distinctes, la polyphonie authentique des voix à part entière, constituent en effet un trait fondamental des romans de Dostoïevski. Ce qui apparaît dans ses œuvres ce n'est pas la multiplicité des caractères et de destins, à l'intérieur d'un monde unique et objectif éclairé par la seule conscience de l'auteur, mais la pluralité des consciences « équipollentes » et de leur univers qui, sans fusionner, se combinent dans l'unité d'un événement donné. Les héros principaux de Dostoïevski sont, en effet, dans la conception de l'artiste, non seulement objets de discours de l'auteur, mais sujets de leur propre discours immédiatement signifiant. Le mot de ces héros n'est pas épuisé par ses fonctions habituelles : caractérologiques, « anecdotes », pragmatiques, mais il ne se réduit pas davantage à l'expression de la position idéologique personnelle de l'auteur. »
— Mikhaïl Bakhtine, La Poétique de Dostoïevski, chap. 1[26].
Crime et Châtiment ne fait évidemment pas exception. Parmi de nombreux autres exemples[27] que donne l'analyste :
« Le merveilleux juge d'instruction de Crime et Châtiment, Porphyre Petrovitch (c'est lui, précisément, qui qualifie la psychologie d'« arme à double tranche ») ne s'appuie pas sur une psychologie judiciaire mais sur une intuition dialogique particulière qui lui permet de pénétrer dans l'âme inachevée et sans solution de Raskolnikov. Les trois rencontres de Porphyre et de Raskolnikov ne sont pas des interrogatoires policiers classiques, non pas du fait qu'elles ne se déroulent « pas dans les règles » (ce que Porphyre souligne continuellement), mais parce qu'elles rompent avec les fondements mêmes des rapports psychologiques traditionnels entre le juge d'instruction et le criminel (ce que souligne Dostoïevski). Ces trois rencontres sont d'authentiques et de merveilleux dialogues polyphoniques. »
— Mikhaïl Bakhtine, La Poétique de Dostoïevski, chap. 2[28].
Adaptations
Au cinéma
- Crime et Châtiment (Prestuplennje i Nakazannje), film russe réalisé par Vassili Gontcharov en 1910 ;
- Crime et Châtiment, film américain réalisé par Josef von Sternberg en 1935 ;
- Crime et Châtiment, film français réalisé par Pierre Chenal en 1935 ;
- Crime et Châtiment, film français réalisé par Georges Lampin en 1956 ;
- Crime et Châtiment, film soviétique réalisé par Lev Koulidjanov en 1970 ;
- Crime et Châtiment (Rikos ja rangaistus), film finlandais réalisé par Aki Kaurismäki en 1983 ;
- Sans pitié (Sin compasión), film péruvien réalisé par Francisco José Lombardi en 1994 ;
- Nina, film brésilien réalisé par Heitor Dhalia en 2004 ;
- L'étudiant (Студент), film kazakh réalisé par Darezhan Omirbayev en 2012.
À la télévision
- Crime et Châtiment, téléfilm français réalisé par Stellio Lorenzi en 1955 ;
- Crime et Châtiment, téléfilm français réalisé par Stellio Lorenzi en 1971 ;
- Crime et Châtiment, téléfilm britannique réalisé par Michael Darlow en 1979 ;
- Crime et Châtiment, téléfilm américain réalisé par Joseph Sargent en 1998 ;
Au théâtre
- Crime et Châtiment, Gaston Baty, 1933
- Crime et Châtiment, Gabriel Arout, mise en scène de Michel Vitold à la Comédie-Française, 1963
- Crime et Châtiment, Compagnie Lester McNutt, mise-en-scène Ariel Dervieu, Association France-URSS, 1987
- Crime et Châtiment, Gabriel Arout, mise en scène de Paul-Émile Deiber au Théâtre de Boulogne-Billancourt, 1989
- Le retour de Raskolnikov, libre adaptation par Régis Barale, 1990
- Crime et Châtiment, mise en scène de Robert Hossein au théâtre Marigny, 2001
Littérature
- La Tête d'un homme : dans ce roman de Georges Simenon faisant partie de la série des Maigret et adapté plusieurs fois au cinéma et à la télévision, le personnage de Radek est inspiré de Raskolnikov.
Manga
Une adaptation moderne intitulée Syndrome 1866 de Naoyuki Ochiai a été éditée chez Futabasha Publishers, et est parue en 2007.
Éditions en français
- Le Crime et le Châtiment, traduit par Victor Derély, 1884, a été la première version française du roman
(Cette version est toujours facilement accessible en particulier en édition électronique.) - Fiodor Dostoïevski (trad. D. Ergaz, préf. Pierre Pascal), Crime et Châtiment, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade » (no 83), (1re éd. 1950), 1276 p. (ISBN 978-2-07-010174-0)[N 18]
(existe aussi dans la collection de poche « Folio ») - Fiodor Dostoïevski (trad. Pierre Pascal, préf. Pierre Pascal), Crime et châtiment, Paris, Flammarion, coll. « GF » (no 1466), (1re éd. 1984), 720 p. (ISBN 978-2-08-124098-8)
- Fiodor Dostoïevski (trad. André Markowicz, préf. André Markowicz), Crime et Châtiment. Le Joueur. L'Idiot (Anthologie), Arles, Actes Sud, coll. « Thesaurus », , 1360 p. (ISBN 978-2-7427-1936-5), partie 1, « Crime et Châtiment ».
(existe aussi dans la collection de poche « Babel ») - Fiodor Dostoïevski (trad. Elisabeth Guertyk), Crime et Châtiment, Paris, Le livre de poche, (ISBN 978-2-253-08250-7) (1re éd. 1947).
- Fiodor Dostoïevski (trad. André Markowicz), Crime et Châtiment, Arles, Actes Sud, coll. « Actes noirs », , 667 p. (ISBN 978-2-330-06324-5).
Notes et références
Notes
- Selon Jacques Catteau, même cette « confession » fait référence à un autre texte.
- Voir l'article Le Joueur (roman).
- Ce projet est refusé et ne verra jamais le jour ; il sera fondu dans Crime et Châtiment. Le personnage de l'ivrogne Semion Marmeladov en est apparemment issu.
- Cette lettre a été perdue. Il n'en reste que le brouillon.
- La lettre à Wrangel date du 18 février 1866.
- C'est alors qu'il renonce à la narration en première personne, qu'il change le prénom du héros, le plan, etc.
- Selon Virgil Tanase 2012, p. 150, Dostoîevski fut très marqué par la tentative d'attentat contre Alexandre II par Dmitri Karakozov le . Son émotion fut telle qu'elle mit en question la publication de la livraison suivante du feuilleton.
- Selon Joseph Frank 1998, p. 96, l'annonce de l'événement plongea Dostoïevski dans un état de panique. Mais l'événement eu d'autres conséquences plus graves : instauration d'un période « terreur blanche » dans les mois qui suivent, arrestations d'écrivains et de journalistes, interdiction du Contemporain, etc. Katkov joue un rôle trouble pendant la période...
- En juin, Katkov exige une modification du roman, en particulier le chapitre 9 de la deuxième partie (chapitre 4 de la 4e partie dans l'édition définitive) et refuse l'excessive idéalisation de Sonia. Selon Virgil Tanase, c'est probablement plutôt la crainte de la censure qui fait bouger Katkov. Plusieurs demandes modifications de Katkov suivront.
- Leonard Grossman 1993, p. 322 donne une description détaillée de l'incident.
- Virgil Tanase 2012, p. 149 indique comment l'incident, déjà relevé à l'époque, renforça Dostoïevski dans sa conviction que sa conception « idéaliste » de la littérature était la bonne, puisqu'elle lui avait permis de décrire un crime non encore commis.
- Marmeladov serait fortement inspiré d'Alexandre Ivanovich Issaïev, premier mari de la première épouse de Dostoïevski et alcoolique notoire. (Par exemple : Joseph Frank 1998, p. 117).
- Selon Jacques Catteau 2005, p. 978, ou Joseph Frank 1998, p. 118, Katerina Marmelodova a beaucoup de traits de la première épouse de Dostoïevski.
- 1865, si l'on croit le caractère absolument contemporain que Dostoïevski a voulu imprimer à son roman.
- Souvenir personnel de Dostoïevski (p. 87 éd. LGF).
- Le coup de sonnette à la porte de l'appartement de l'usurière : moment « sacré » qui sera « revécu » plusieurs fois.
- Traduit en français sous le titre La Poétique de Dostoïevski.
- Dans la présentation assez complète qu'il donne au roman, Jean-Louis Backès (op. cit.) met à plusieurs reprises les qualités et les défauts de la traduction (légèretés, mots en trop ou manquants, incohérences, etc.).
Références
- « The 50 Most Influential Books of All Time », sur Open Education Database
- « The Greatest Books », sur thegreatestbooks.org
- « The 100 greatest novels of all time », sur The Telegraph
- « 100 must-read classic books, as chosen by our readers », sur Penguin
- Joseph Frank 1998, p. 112 et 115.
- Leonid Grossman 1993, p. 294.
- Fiodor Dostoïevski 1998, p. 583.
- Leonid Grossman ou Virgil Tanase.
- Joseph Frank 1998, p. 113.
- Leonid Grossman 1993, p. 297.
- Leonid Grossman 1993, p. 298.
- Karen Haddad-Wotling 1996, p. 24 et 112.
- Fiodor Dostoïevski 2000, p. 114.
- Fiodor Dostoïevski 2000, p. 126.
- Fiodor Dostoïevski 2000, p. 133.
- Fiodor Dostoïevski 2009, p. 35.
- Virgil Tanase 2012, p. 150.
- Fiodor Dostoïevski 2000, p. 256.
- Leonid Grossman 1993, p. 301.
- Joseph Frank 1998, p. 92.
- Cité par Joseph Frank 1998, p. 92.
- Introduction à Crime et Châtiment, p. 14.
- Crime et Châtiment, p. 103, éd. LGF
- Crime et Châtiment, p. 595.
- Donald Fanger 2005, p. 1020.
- Mikhaïl Bakhtine 1998, p. 35.
- Mikhaïl Bakhtine 1998, p. 122, 138, 325....
- Mikhaïl Bakhtine 1998, p. 106.
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Jean-Louis Backès, Fiodor Dostoïevski : Crime et Châtiment (commentaire), Paris, Gallimard, coll. « Foliothèque » (no 40), , 190 p. (ISBN 978-2-07-038618-5)
- Mikhaïl Bakhtine (trad. du russe par Isabelle Kolitcheff, préf. Julia Kristeva), La Poétique de Dostoïevski, Paris, Le Seuil, coll. « Points Essai » (no 372), (1re éd. 1970), 366 p. (ISBN 978-2-02-035337-3)
- Fiodor Dostoïevski (trad. du russe par Anne Coldefy-Faucard, préf. Jacques Catteau), Correspondance, t. 1 : 1832-1864, Paris, Bartillat, , 813 p. (ISBN 978-2-84100-176-7)
- Fiodor Dostoïevski (trad. du russe par Anne Coldefy-Faucard, préf. Jacques Catteau), Correspondance, t. 2 : 1865-1873, Paris, Bartillat, , 908 p. (ISBN 978-2-84100-241-2)
- Joseph Frank (trad. de l'anglais par Aline Weill), Dostoïevski : Les années miraculeuses (1865-1867), Arles, Actes Sud, coll. « Solin », , 720 p. (ISBN 2-7427-1546-0)
- Leonid Grossman (trad. Michèle Kahn, préf. Michel Parfenov), Dostoïevski, Paris, Parangon, coll. « Biographies », , 520 p. (ISBN 2-84190-096-7)
- Karen Haddad-Wotling, Crime et Châtiment : Dostoïevski, Paris, Nathan, coll. « Balises » (no 114), , 128 p. (ISBN 978-2-09-180724-9) (Présentation critique)
- Virgil Tanase, Dostoïevski, Paris, Gallimard, coll. « Folio biographies » (no 92), , 425 p. (ISBN 978-2-07-043902-7)
- Efim Etkind, Georges Nivat, Ilya Serman et Vittorio Strada, Histoire de la littérature russe, t. 3 : Le XIXe siècle. Le temps du roman, Paris, Fayard, , 1553 p. (ISBN 978-2-213-01987-1, LCCN 88146549)
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- (ru) Преступление и наказание (texte intégral)
- Crime et châtiment. (Ebook/PDF)
- « Un repentir sur Crime et Châtiment » : réflexion du traducteur André Markowicz dans La République des Lettres ()
- Daniel Lefèvre, Sur les pas de Raskolnikov, article paru dans la revue Imaginaire et Inconscient, no 19, Les Figures du mal en littérature, , L'Esprit du Temps (ISBN 9782847951059) Disponible sur : le site du CAIRN
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