Basse-Bretagne

La Basse-Bretagne (en breton : Breizh Izel), par opposition à la Haute-Bretagne, est une ancienne désignation d'une partie de la Bretagne, attestée dans les cartes du XVIIe siècle, comprenant le territoire des quatre diocèses de Quimper, de Vannes, de Saint-Pol-de-Léon et de Tréguier. Elle reste utilisée pour désigner la partie occidentale de la Bretagne bretonnante, c'est-à-dire où la langue bretonne est toujours parlée, dont Paul Broca remarquait en 1871 qu'elle ne comportait plus qu'un tiers de l'évêché de Vannes et une petite partie de celui de Saint-Brieuc.

Basse-Bretagne

La Basse-Bretagne de langue bretonne en couleurs et la Haute-Bretagne de langue gallèse en blanc et gris.

Pays France
Départements Côtes-d'Armor, Finistère, Morbihan
Région française Bretagne
Coordonnées 48° 21′ 44″ nord, 3° 33′ 44″ ouest

Histoire

Etymologie

En français, l'expression « Basse Bretagne », dont il existe des équivalents pour plusieurs autres provinces comme « Basse Lorraine », « Basse Normandie », « Basse Auvergne » ou « Bas Poitou », a été longtemps une désignation administrative qu'on trouve par exemple employée au XVIIe siècle dans une fable de La Fontaine, Le Chartier embourbé[1].

Le terme breton Breizh Izel pour désigner une personne (un Bas-Breton) ou la région (la Basse-Bretagne) est mentionné dans de nombreuses chansons bretonnes des XIXe et XXe siècles comme la Breiz-Izel de l'abbé Augustin Conq. Il est également repris par dans la station de radio régionale France Bleu Breizh Izel, sans avoir de connotation péjorative.

Une carte du monde en 1472,
le Nord est à gauche.

Les adjectifs haut et bas appliqués à des régions a une origine qui reste incertaine pour laquelle on a proposé plusieurs explications.

  • Dans les régions aux altitudes contrastées (les Alpes par exemple) les qualificatifs de « Bas » et « Haut » se réfèrent à l'altitude des régions. Mais cette explication ne convient pas ici car l'altitude de la Basse-Bretagne est plus élevée que celle de la Haute-Bretagne.
  • L'adjectif « bas » comme celui de « inférieur » sont très courants dans des désignations géographiques où ils n'ont pas de connotation péjorative. Mais au XXe siècle, le politiquement correct a considéré que ces adjectifs étaient dévalorisant et il a imposé de changer les noms des départements de Loire Inférieure, Seine-Inférieure, Basses-Pyrénées, des Basses-Alpes en Loire-Atlantique, Seine-Maritime, Pyrénées-Atlantiques et Alpes-de-Haute-Provence (seul le Bas-Rhin n'a pas changé de nom). Le mot « nord » a lui-même été considéré comme péjoratif du point de vue climatique et remplacé dans Côtes-du-Nord par Côtes-d'Armor.

De nos jours, le politiquement-correct fait remplacer l'adjectif « bas » par un équivalent plus flatteur comme Ouest : Université de Bretagne occidentale, Télé Bretagne Ouest (Tébéo)…).

La limite entre Basse et Haute-Bretagne

Les désignations de Basse et de Haute-Bretagne ont eu une existence officielle, on la trouve mentionnée au XVIIe siècle sur des cartes comme celle de 1642 intitulée Païs armorique, ou Description de la haute et basse Bretagne,, celle de Jean-Baptiste Nollin datée de 1695 et intitulée La province ou duché de Bretagne divisée en Grandes Parties, qui sont la Haute, et la Basse Bretagne : Le gouvernement general de Bretagne, comprenant les lieutenances generales de Bretagne et du Comté Nantois, celle de Nicolas de Fer datée de 1705 intitulée Gouvernement général du duché Bretagne divisée en haute et basse, dans une gravure allemande anonyme et sans date (1693): Surprise et Descente des Anglois à S.t Malo en Basse Bretagne (Nieder Bretagne, dans un Arrêt du conseil d'état portant modération des droits sur les plombs, l'alquifou, la litarge, le minium et la céruse, provenant des mines de Basse Bretagne, exploitées sous le nom de la Compagnie du sieur Guillotou de Kerver daté de 1744.

La Basse Bretagne comprenant le territoire des quatre diocèses de Quimper, de Vannes, de Saint-Pol-de-Léon et de Tréguier[2]. Elle reste utilisée pour désigner la partie occidentale de la Bretagne bretonnante, c'est-à-dire où la langue bretonne est toujours parlée, dont Paul Broca remarquait en 1871 dans son Anthropologie de La Bretagne, qu'elle ne comportait plus qu'un tiers de l'évêché de Vannes et une petite partie de celui de Saint-Brieuc[2]. La Frontière linguistique bretonne a suivi l'évolution des aires géographiques du gallo et du breton jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

L'existence de régions linguistiquement distinctes est attestée de bonne heure. Au XVe siècle, la chancellerie pontificale, qui demandait au clergé de parler la langue de ses ouailles, n'utilise pas les adjectifs haut et bas mais distingue la Brittania gallicana et la Brittannia britonizans.

Alfred de Courcy souligne, dans Le Breton, en 1840, les radicales différences entre les deux Bretagnes : « La langue constitue la différence la plus notable ; une ligne tracée de l'embouchure de la Vilaine à Châtelaudren séparerait assez bien les deux parties de la province : en deçà de cette ligne, on n'entend parler que le français ou un patois bâtard[3] ; mais le paysan de la Basse-Bretagne a conservé l'antique idiome, et les Celtes, ses pères, ne reconnaitraient qu'en lui leurs traits et leur sang. »

De nos jours, on considère que la Basse-Bretagne correspond à l'intégralité du département du Finistère et à une grande partie ouest des départements des Côtes-d'Armor et du Morbihan ; la Haute-Bretagne, quant à elle, regroupe principalement les départements d'Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique, ainsi que la partie orientale des Côtes-d'Armor et du Morbihan.

Ces limites sont toutefois à relativiser : elles ont toujours été floues et très poreuses. Rennes et surtout Nantes par exemple, bien que gallèses, ont connu une forte influence bretonnante au Moyen Âge, tandis qu'à Vannes et Brest, en pays bretonnant, on a toujours parlé breton et français. De même, Saint-Brieuc, en Haute-Bretagne, a longtemps été considéré comme une enclave bretonnante en pays gallo.

Le cas particulier de Nantes constitue encore une autre entorse à la distinction entre Haute et Basse-Bretagne. En 1499, c'est à Nantes que Arnold Von Harff recueillit ses mots et ses phrases bretonnes : Item, les Bretons, ou bien en Bretagne, ils ont une langue propre dont j'ai retenu quelques mots, ainsi qu'il est écrit ci-dessous.

Au IXe siècle, les langues d'oïl (picard, gallo...) subissent une évolution qui transforme par exemple des toponymes gallo-romain en -ac en é ou -ay. En élaborant une recherche toponymique entre les différentes communes, qui se superpose d'ailleurs avec les noms de communes commençant en tre-, on peut définir la limite breton-gallo de l'époque. Elle est d'ailleurs très à l'est, près de Nantes et de Rennes. Une commune d'Ille-et-Vilaine, près de Saint-Malo se nomme par exemple Pleugueneuc : ce nom fait référence à l'évidence au "plou" qui signifie paroisse en langue bretonne et de Guéhénoc du nom de son fondateur.

En 1554, du point de vue maritime selon Jean Fonteneau, marin de La Rochelle, la limite joignait Saint-Brieuc au Croisic[4].

En 1806, a été établi une recherche de la limite dans les départements des Côtes-du-Nord et du Morbihan par Charles Coquebert de Montbret et cela à la demande de l'empereur Napoléon. Des communes comme Pénestin, Camoël, Péaule, Questembert, Plumelec, Molac, Saint-Caradec, Plouagat, Saint-Martin-des-Prés, Saint-Mayeux y sont notées comme faisant partie de la Basse-Bretagne.

Les Bas-Bretons vus par divers auteurs

Le pasteur gallois Thomas Price (Carnhuanawc) (en) visite la Bretagne en 1829 : voici comment il rapporte la différence entre ce que « des Parisiens » (sans autre précision et sans citer ses sources) prétendraient à propos des Bas-Bretons et ce qu'il y a vu :

« À l'approche de la frontière des Bas-Bretons, je m'attendais à voir d'un instant à l'autre des êtres suprêmement surnaturels et primitifs, à mi-chemin entre les Esquimaux et les Hottentots, une sorte de condensé de tout ce que les deux hémisphères ont de plus caractéristique. J'en étais ainsi à chercher des yeux mes cousins bretons, vêtus de leurs peaux de bêtes et arborant un anneau dans le nez, m'efforçant d'imaginer le “beau idéal” en haillons et mendiant qui m'attendait, lorsque j'entends mes premiers mots de breton près de Châtelaudren. Quelle ne fut pas ma déception en constatant que manquaient les cris de guerre et les wigwams tant attendus ! [...] La vérité est que les Bas-Bretons, dans cette contrée, loin d'être de vrais sauvages comme ces Parisiens voudraient nous le faire accroire, vivent au contraire dans des chaumières aussi confortables que celles des gens de leur classe dans le reste de la France et apparemment aussi bien bâties que celles des petits fermiers de maint comté anglais[5]. »

Quant à Auguste Romieu, sous-préfet de Quimperlé en 1830, il écrit :

« La Basse-Bretagne, je ne cesserai de le dire, est une contrée à part, qui n'est plus la France. Exceptez-en les villes, le reste devrait être soumis à une sorte de régime colonial. Je n'avance là rien d'exagéré. […] Cet isolement né de la langue, cette inféodation native aux coutumes perdues ailleurs dans la nuit des temps, réclament des soins spéciaux qui doivent précéder l'application générale des lois de la patrie. Ce sont des Bas-Bretons ; qu'on en fasse des Français avant d'exiger d'eux les devoirs communs qu'ils ne sauraient comprendre. Multiplions les écoles, créons pour l'amélioration de la race humaine quelques-unes de ces primes que nous réservons aux chevaux ; faisons que le clergé nous seconde en n'accordant la première communion qu'aux seuls enfans qui parleront français ; bientôt alors il n'y aura plus de chouannerie possible, parce que la charte de 1830 pourra être lue par tout le monde, même par les paysans bas-bretons[6]. »

Notes et références

  1. Le phaéton d'une voiture à foin
    Vit son char embourbé. Le pauvre homme était loin
    De tout humain secours. C'était à la campagne
    Près d'un certain canton de la basse Bretagne,
    Appelé Quimper-Corentin.
    On sait assez que le Destin
    Adresse là les gens quand il veut qu'on enrage :
    Dieu nous préserve du voyage !

  2. Paul Broca, « Sur les origines de la population de Basse Bretagne », Mémoires d'anthropologie, C. Reinwald et Cie, t. II, , p.407-423 (lire en ligne).
  3. le gallo qui, à l'époque, était perçu comme une déformation du français.
  4. « De Croisil à Saint-Brieuc, la Basse Bretagne est nation de gens sur soy et n'ont d'amitié à autres nulles nations. Sont gens de grand penne et travail. »
  5. Thomas Price, Tour through Brittany, made in the year 1829, Londres, 1854, traduit et publié par J.-Y. Le Disez, Étrange Bretagne. Récits de voyageurs britanniques en Bretagne (1830-1900), Presses universitaires de Rennes, 2002
  6. La Revue de Paris 2de édition, 3e année, tome 6, 1831, p. 167-168

Voir aussi

Liens externes

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