Bombardement de la Normandie

Les bombardements de la Normandie, avant le débarquement et pendant la bataille de Normandie entre le printemps et la fin de l'été 1944, ont pour principal objectif la destruction des voies de communication allemandes dans les villes et villages normands pour gêner le renforcement du front, ainsi que l'appui direct aux assauts des forces terrestres alliées. Ils entrent dans le cadre de la tactique de bombardement stratégique choisie par les Alliés dès 1942. Ils provoquent la mort de près de 20 000 civils.

Vue aérienne de Vire après les bombardements de 1944

Destructions

Caen est la cible des bombardements alliés à partir de 1942, en raison de la présence de l'usine de la Société métallurgique de Normandie. Les premiers grands bombardements commencent sur Caen à partir du mois de mars 1944, s'intensifiant à mesure que la date du débarquement approche.

Les bombardements de Normandie avant et après le jour J sont extrêmement intenses. Les bombardements ont détruit 96 % de Tilly-la-Campagne (Calvados), 95 % de Vire (Calvados), 87 % de Condé-sur-Noireau (Calvados), 88 % de Villers-Bocage (Calvados), 82 % du Havre (Seine-Maritime), 77 % de Saint-Lô (Manche), 76 % de Falaise (Calvados), 75 % de Lisieux (Calvados), 75 % de Caen (Calvados)[1]. Le bourg d'Aunay-sur-Odon (Calvados) est entièrement rasé[2] et Évrecy (Calvados), détruit à 86 %, perd un tiers de ses habitants[3].

L'importance des destructions est bien établie notamment dans la poche de Falaise.

Liste de centres de grandes villes historiques bombardés

(...)

  •  : Bombardements de Sotteville-lès-Rouen
  •  : Bombardements de Rouen, (900 morts sur l'agglomération), à nouveau du au (période appelée « semaine rouge » : 345 morts civils pour la seule commune de Rouen), puis 22 juin, 15 et 18 juillet, et 25, 26, 27 août : 30 000 sans-abris et 9 500 immeubles détruits.
  •  : Bombardement de Caen à plusieurs reprises (mais surtout les 7 et 18 juillet) détruisant 68 % du volume bâti de la ville ; environ 2 000 morts civils avant sa libération définitive le 20 juillet.
  • 6 et  : Bombardement de Lisieux à plusieurs reprises, détruisant environ 75 % de la ville et ayant fait environ 800 victimes. De nombreuses maisons à pans de bois qui faisaient la réputation de la ville sont détruites.
  •  : Bombardement d'Évreux, destruction de tout le centre-ville ancien ;
  •  : Bombardement du Havre. Le 3 septembre 1944, le lieutenant-général John Crocker, commandant du 1er corps d'armée britannique, qui venait de boucler la ville, propose au colonel Eberhard Wildermuth, commandant allemand de la garnison nouvellement assiégée, de se rendre, faute de quoi ses troupes subiraient un bombardement massif. Le refus de Wildermuth est assorti d'une demande que soit évacuée la population civile, ce que Crocker refuse à son tour. Les bombardements de la Royal Air Force commencent en début de soirée le 5 septembre, et se poursuivront les 6, 8, 10 et 11. Si les attaques du 5 et 6 représentent une tentative infructueuse de provoquer la reddition allemande, celles qui suivent préparent l'assaut terrestre, lancé le soir du 10 septembre et réussi en moins de 48 heures. Bilan: 9 790 tonnes de bombes, dont 175 d'incendiaires, 2 053 civils morts ou disparus. Le nombre d'Allemands tués, peu nombreux, reste inconnu, mais plus de 11 000 sont faits prisonniers.

Impact sur les populations

Une exposition au Mémorial de Caen présente des lettres écrites par des soldats alliés qui mentionnent leur pauvre réception par les habitants. Le colonel L.F. Roker écrit dans son journal « C'était un choc de s'apercevoir que nous n'étions pas accueillis comme libérateurs par la population locale, comme nous nous l'avions mentionné... Ils nous voyaient comme des porteurs de destructions et de douleurs »[4],[5].

Reconstruction après les bombardements

La reconstruction de ces villes a duré plusieurs années, près de vingt pour les villes de Caen (1963) et du Havre (1964). Cela a été l'occasion pour les architectes du ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, comme Auguste Perret, Marc Brillaud de Laujardière ou encore Henry Bernard, de mettre en œuvre un urbanisme moderne, d'inspiration néo-haussmannienne et reposant principalement sur l'utilisation du béton armé. Au Havre, ce choix résolu de la modernité par Perret conduit à l'inscription du centre-ville au patrimoine mondial de l'Humanité par l'UNESCO en 2005.

Une stratégie meurtrière pour les populations civiles

La stratégie anglo-américaine de bombardement intensif a suscité de nombreux débats entre les historiens pour apprécier son efficacité et sa pertinence. Stratégie particulièrement meurtrière pour les populations civiles puisqu'elle a pour conséquence la mort de près 20 000 civils (soit un tiers de tous les civils tués durant la Seconde Guerre Mondiale, civils tués par les bombardements mais aussi par les mitraillages aériens des convois de réfugiés ou les résistants et otages fusillés) pour une perte de 37 000 soldats alliés et de 80 000 soldats allemands. 3 000 civils normands sont tués le 6 juin, soit le même nombre de morts que les soldats alliés en ce Jour J. Les bombardements atteignent souvent des villes qui ne constituent pas un objectif majeur. Claude Quétel, directeur scientifique du Mémorial de Caen précise que les bombardements, en dépit de leur objectif initial, sont loin d'être parvenus à bloquer les mouvements allemands[6].

Pour ce qui est de la destruction de Caen, l'historien britannique Max Hastings dans son livre Overlord[7] décrit le bombardement comme « une des attaques aériennes les plus futiles de la guerre » car les Allemands étaient positionnés au nord de la ville et non dans la ville même. Les bombardements alliés sur Caen ont fait 2 000 victimes civiles, soit 3,5 % de sa population[8].

Le recensement des morts civiles fait l'objet d'une enquête depuis 1988 par le Centre de recherche d'histoire quantitative, unité mixte de recherche UNICAEN/CNRS et le Mémorial de Caen, qui donnent comme chiffres : 13 632 civils dans les trois départements bas-normands (8 000 dans le Calvados, un peu moins de 4 000 dans la Manche, un peu plus de 2 000 dans l'Orne)[9], 5 750 en Haute-Normandie (900 dans l'Eure, 4 850 dans la Seine-Inférieure)[10].

Références

  1. Jean-Claude Valla, La France sous les bombes américaines 1942-1945, Librairie nationale, Paris, 2001.
  2. « Normandie Mémoire : Aunay-sur-Odon » (consulté le ).
  3. « Site de la mairie d'Évrecy : bombardements 15 juin 44 » (consulté le ).
  4. (en) William Hitchcock, The civilian impact of the campaign, Liberation, The Bitter Road to Freedom, Free Press, October 2008.
  5. C'était profondément traumatisant pour le peuple de Normandie. Pensez à des centaines de tonnes de bombes qui détruisaient les villes entières et la vie des familles. Mais la souffrance des civils fut masquée pendant plusieurs années par une image outrepassée, ceux des Français qui accueillaient les libérateurs à bras ouverts, Christophe Prime, Histoire de la Normandie durant la Deuxième Guerre mondiale, 2009.
  6. Yves Nantillé, « 1944. La Normandie sous les bombes alliées », La Nouvelle Revue d'histoire, no 72, mai-juin 2014, p. 27-30.
  7. (en) Max Hastings, Overlord: D-Day and the Battle for Normandy (Simon & Schuster, 1984) (ISBN 0-671-46029-3).
  8. « Mémorial des victimes civiles de Basse-Normandie », sur http://www.crhq.cnrs.fr, Centre de Recherche en Histoire Quantitative, Université de Caen Normandie (consulté le ).
  9. Mémorial des victimes civiles Basse-Normandie, site du Centre de recherche d'histoire quantitative.
  10. Mémorial des victimes civiles Haute-Normandie, site du Centre de recherche d'histoire quantitative.

Bibliographie

  • John Barzman, Corinne Bouillot et Andrew Knapp (dir.) : Bombardements 1944: Le Havre, Normandie, France, Europe (Rouen: Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016), 485 pp. (ISBN 979-10-240-0611-6).
  • Eddy Florentin, Le Havre 44 à feu et à sang, Presses de la Cité, Paris 1985 (ISBN 2-258-01655-X)
  • Jean-Jacques Bertaux, Renaissance d'une ville, la reconstruction de Caen, Caen et Paris, Musée de Normandie et Éditions Delpha, 1994, 106 p.
  • Bernard Garnier (dir.) et Michel Boivin (dir.), Les Victimes civiles de la Manche dans la Bataille de Normandie : 1er avril-30 septembre 1944, Saint-Lô, éd. du Lys, , 336 p. (ISBN 978-2-908561-10-4 et 2908561107)
  • Bernard Garnier (dir.) et Gérard Bourdin (dir.), Les Victimes civiles de l'Orne dans la bataille de Normandie : 1er avril-30 septembre 1944 : récits des événements et liste mémoriale, Cormelles, éd. du Lys, , 207 p. (ISBN 978-2-908561-08-1 et 2908561085)
  • Bernard Garnier (dir.) et Jean Quellien (dir.), Les Victimes civiles du Calvados dans la bataille de Normandie : 1er mars 1944-31 décembre 1945, Caen, éd. du Lys, , 495 p. (ISBN 978-2-908561-16-6 et 2908561166)
  • Bernard Garnier (dir.), Michel Pigenet (dir.), M. Dandel, G. Duboc, A. Kitts et E. Lapersonne (préf. Antoine Rufenacht), Les Victimes civiles des bombardements en Haute-Normandie. 1er janvier 1944-12 septembre 1944, CRHQ-IRED-La Mandragore, , 350 p., relié (ISBN 978-2-912468-02-4 et 2-912468-02-7)
  • Andrew Knapp, Les Français sous les bombes alliées, 1940-1945 (Paris: Tallandier, 2014) (ISBN 979-10-210-0461-0).
  • Paul Le Trévier, 17 août 1942 : Objectif Rouen, 176 p.
  • Paul Le Trévier et Daniel Rose, Ce qui s'est vraiment passé le 19 avril 1944 : le martyre de Sotteville, Rouen et la région, Saint-Germain-en-Laye, Comever, , 160 p. (ISBN 978-2-9522138-0-6, OCLC 491919954)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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