Astérix chez les Bretons

Astérix chez les Bretons est le huitième album de la série de bande dessinée Astérix de René Goscinny (scénario) et Albert Uderzo (dessin), prépublié dans Pilote du no 307 () au no 334 () et publié en album en août 1966 (900 000 exemplaires).

Pour l’adaptation cinématographique, voir Astérix chez les Bretons (film d'animation).

Astérix chez les Bretons
8e album de la série Astérix
Scénario René Goscinny
Dessin Albert Uderzo

Personnages principaux Astérix
Obélix
Lieu de l’action Armorique
Bretagne

Éditeur Dargaud
Première publication
ISBN 2-01-210008-2

Prépublication Pilote
Albums de la série

L'album a été adapté dans un dessin animé éponyme en 1986, puis en prise de vues réelles en 2012 sous le titre Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté[1].

Synopsis

Jules César vient d’envahir la Bretagne, mais un village du Cantium (nom d'une civitas devenue le Kent), résiste encore aux légions romaines. Un de ses habitants, le Breton Jolitorax, est dépêché en Gaule pour quérir l’aide des habitants du village de son cousin Astérix, réputé pour sa potion magique qui multiplie la force. Astérix et Obélix le raccompagnent en Bretagne afin de transporter un gros tonneau de potion magique.

Une fois en Bretagne, le tonneau disparaît avec d’autres tonneaux (de vin ceux-ci). Les Romains se saisissent de tous les tonneaux disponibles pour les goûter afin de trouver le tonneau de potion magique. Le tonneau est finalement brisé et son contenu perdu.

Le village breton se bat contre les Romains avec l’aide d’Astérix et Obélix, mais sans potion magique. Afin de donner du courage au village, Astérix prépare une fausse potion à base d’herbes étranges qu'il avait emportées avec lui. Après leur victoire sur les Romains, le chef du village breton décide d’élever cette potion au rang de boisson nationale. Il s’avérera que ces herbes étaient en fait du thé.

Éléments historiques

Les Bretons du récit ne concernent pas les habitants de la péninsule Bretagne actuelle, mais du peuple Breton de l'actuelle Grande-Bretagne, ou plus précisément Pays de Galles, Cornouailles, Angleterre (avant l'invasion des Anglo-Saxons) qui sont aujourd'hui nommés « Bretons insulaires ».

Jules César a envahi la Bretagne en , dans le cadre de sa conquête des Gaules dès , couronnée par sa victoire sur Vercingétorix en Il a écrit un ouvrage intitulé Commentaires sur la Guerre des Gaules où cette campagne est abordée. Le pays ne fut toutefois occupé et colonisé qu'au Ier siècle, sous l'empereur Claude.

La colonie romaine de Londinium, qui est traversée dans l'album, ne fut d'ailleurs fondée par les Romains qu'en 43 après J.-C., soit près d'un siècle après les aventures d'Astérix. La présence de cette ville est donc anachronique.

Par la suite, les Angles et les Saxons sont venus sur l'île Bretagne formant l'actuelle Angleterre mais dans la conquête, la population ethnique bretonne s'est réfugiée en Armorique formant ainsi le pays de Bretagne unifiée en l'an 800 mais aussi la Galice et les Asturies.

Éléments humoristiques

NB : « p10-c5 » signifie « planche 10 case 5 » ; les éléments sont classés dans chaque sous-titre selon leur apparition chronologique dans l'album.

La langue anglaise

Outre le mode humoristique habituel de Goscinny et Uderzo dans leurs albums (souvent basé sur les anachronismes), Astérix chez les Bretons présente des éléments spécifiques liés à la culture britannique. Bien que Goscinny soit arrivé aux États-Unis en 1945 sans connaître un seul mot d'anglais, ses différents séjours les années suivantes lui permirent de maîtriser cette langue. Dans cet album, il pastiche systématiquement les tendances syntaxiques propres à l'anglais, en les traduisant mot-à-mot en français de manière comique.

  • « S'il vous plaît » (p2-c6) = Please, pour « Je vous en prie ».
  • « Fin de semaine » (p2-c7) = Week-end. L'expression est utilisée telle quelle au Québec et au Nouveau-Brunswick.
  • « Choquant ! » (p2-c8) = Shocking!
  • « Plutôt. » (p3-c2) = Rather.
  • « Et toute cette sorte de choses. » (p3-c7) = And all that sort of thing = et cetera.
  • « Je dis. » (p4-c4) = I say., que les Bretons de l'album placent à tout bout de champ dans leurs phrases (il en est de même pour « quoi » = what). Typique d'un Anglais de la haute société du début du XXe siècle. Cette tournure était utilisée pour souligner quelque chose.
  • « Un morceau de chance. » (p4-c5) = A bit of luck.
  • « Secouons-nous les mains. » (p4-c7) = Let's shake hands.
  • « Je demande votre pardon. » (p5-c3) = I beg your pardon.
  • « Je ne voudrais pas être un ennui pour vous. » (p6-c6) = I don't want to be any trouble to you.
  • « Un joyeux bon garçon. » (p24-c5) = A jolly good fellow.
  • « Nous devons. » (p24-c2) = We have to.
  • « Ma bonté ! » (p25-c2) = My goodness! (variante de « Bonté gracieuse ! » = Goodness gracious !, ou parfois Goodness gracious me !)
  • « Gardez votre lèvre supérieure rigide. » (p25-c4) = Keep a stiff upper lip = « Gardez votre sang-froid. »
  • « Il est devenu absolument noix. » (p26-c4) = He is going nuts = « Il devient fou. », « Il perd les pédales. »
  • « J'étais en dehors de mes esprits avec l'inquiétude. » (p28-c2) = I was out of my mind with worry. = « J'étais inquiet. »
  • « Ils n'ont pas été franc jeu » (p40-c1) = Fair play
  • « C'était grand de vous avoir ici. » (p43-c7) = It was great to have you here.

Noms de personnages

  • Zebigbos (p3-c1) = the big boss = le grand chef.
  • Jolitorax (p3-c2) = Joli thorax
  • O'Torinolaringologix (p3-c2) = oto-rhino-laryngologiste. Cet Hibernien représente les actuels Irlandais. Preuve en est la particule accolée à son nom, O', composant beaucoup de patronymes irlandais.
  • MacAnotérapix (p3-c2) = allusion à la mécanothérapie, branche de la kinésithérapie, traitement des maladies par des appareils mécaniques. Ce Calédonien représente les actuels Écossais. Preuve en est le préfixe accolé à son nom, Mac, composant beaucoup de patronymes écossais (et irlandais), ainsi que ses braies à base de tartan (tissu utilisé notamment dans la fabrication des kilts). D'autres peuples de l'actuelle Écosse apparaîtront dans la série, avec l'album Astérix chez les Pictes, les Pictes.
  • Ipipourax (p35-c8) = Hip hip hourrah !

Traditions britanniques

  • À cinq heures de l'après-midi (le five o'clock), les Bretons boivent de l'eau chaude (p2-c6) : il s'agit de la célèbre tradition du thé, collation prise dans l'après-midi à base de thé. Sauf que cette boisson n'existe pas à cette époque, laquelle arrive chez eux grâce aux Gaulois en planches 41, 43 et 44. En attendant, ils se contentent donc d'eau chaude, éventuellement accompagnée de nuage de lait.
  • La marmalade chère aux Britanniques est une sorte de faux-ami et ne correspond pas tout à fait à la marmelade française : il s'agit presqu'exclusivement de confiture d'oranges amères. Les Bretons la consomment sur des rôties, traduction littérale du toast (p2-c6).
  • Le flegme britannique (dans tout l'album, par exemple p30). Ce trait de caractère, qui incite à garder son sang-froid en toutes circonstances, y compris les plus dramatiques, est illustré par l'expression Keep a stiff upper lip. Signifiant littéralement « Gardez votre lèvre supérieure rigide. », elle fait référence à la lèvre qui tremble quand on pleure et incite donc à la maîtrise de soi (ou self-control). À l'époque victorienne, ce flegme était répandu dans la société, les Anglais subissant la répression de leurs émotions. Il s'agissait plus précisément de stoïcisme, consistant non pas à ne rien ressentir, mais plutôt à supporter les vicissitudes de la vie, nécessitant une prise de recul. Cet idéal est bien retranscrit dans le poème Si de Rudyard Kipling, ainsi que dans Invictus de William Ernest Henley. Mais actuellement, l'attitude consistant à rester toujours de marbre est plutôt mal perçue, renvoyant à cette répression émotionnelle[2].
  • Les incessants brouillards (p3-c8) et pluies (p10-c7).
  • Cambridge et ses rameurs (p3-c10) ; cf. The Boat Race.
  • L'heure hâtive de fermeture des pubs qui a longtemps prévalu (p11-c6).
  • La cervoise (tiède) (p11-c6), ancêtre de la bière, indissociablement liée aux pubs, dont il est fait une bien plus grande consommation outre-Manche qu'en France (voir ici).
  • Au restaurant (pub), le décurion joue aux fléchettes (p12-c7).
  • Les véhicules roulant à gauche (p13-c3).
  • Le gazon coupé ras, caractéristique du jardin à l’anglaise (p14-c1). On observe d'ailleurs d'autres éléments de ce type de jardin sur cette case comme le saule pleureur, à côté d'un cottage.
  • Les mesures anglo-saxonnes, non décimales, font dire à Obélix « Ils sont fous ces Bretons » (p16-c8).
  • Les anciennes unités monétaires (p18). Avant 1971, la livre sterling était divisée en 20 shillings, chaque shilling (noté "/" ou abrégé "s") étant lui-même divisé en 12 pence (noté "d"). La guinée valait 1 livre et 1 shilling (soit : 21 shillings). Jusqu'en 1971, 2 shillings équivalaient à un florin soit 1/10e de £, et 5 shillings équivalaient à une couronne (crown).
  • Le bus à impériale (p20-c6).
  • Les parapluies (p20-c7), liés au mauvais temps légendaire en Grande-Bretagne.
  • Le chapeau melon (p20-c8).
  • Les quartiers résidentiels où toutes les maisons se ressemblent (p28-c9).
  • Les Écossais radins (p31-c4 : les Calédoniens).
  • Le rugby avec le « Tournoi des cinq tribus » (p33). Obélix, enthousiaste de la nature violente du jeu, suggère de l'importer en Gaule, une référence à la popularité que ce jeu d'origine anglaise a obtenue en France.
  • L'humour britannique (p33-c1).

Syntaxe

Dans cet album, Goscinny joue sur les différences syntaxiques existant entre l'anglais et le français et les adapte mot-à-mot en français :

  • le question-tag typique de la grammaire anglo-saxonne, à savoir la tournure interrogative qui peut terminer une phrase, ce qui correspond au « n'est-ce pas ? » en français.
    « Je pense qu'il va être l'heure, n'est-il pas ? » (p2-c4), alors que le français jouerait d'un « n'est-ce pas ? » ; soit It's going to be about time, isn't it? ;
  • l'adjectif épithète antéposé (placé avant le substantif) en anglais (a good friend) : Jolitorax, le cousin germain d'Astérix, parle de la « magique potion » (p5-c1), puis des « romaines armées » (p5-c2), etc. Cette blague est la plus utilisée de l'album, identifiant même les Bretons. Obélix remarque cette spécificité orale et l'adapte immédiatement, à sa manière en postposant des adjectifs habituellement antéposés en français : « Je commençais à avoir un appétit gros » (p11-c1). Cela dit — et cela est d'autant plus vrai, que Goscinny précise bien que les Bretons parlent la même langue que les Gaulois (p2-c2) — Jolitorax et d'autres Bretons oublient de temps en temps cette inversion ; par exemple « la cervoise tiède », « un cousin germain » et « une potion magique » (p3-c4).

Autres éléments culturels

  • « Mon tailleur est riche » (p5-c9), célèbre repartie des manuels Assimil (My tailor is rich).
  • « Mon jardin est plus petit que Rome, mais mon pilum est plus solide que votre sternum ! », autre repartie détournée des manuels Assimil.
  • Il est souvent fait allusion au jugement continental quant aux qualités de la cuisine britannique. « En Bretagne, la nourriture est délicieuse » (p7-c3) ; ou à la célèbre sauce à la menthe (p15-c4).
  • Le tunnel sous la Manche (p10-c8). Bien qu'en 1966, le tunnel ne fût pas encore construit (étant en service depuis 1994), le projet était relancé depuis 1957, étant donc au cœur de l'actualité européenne à la création de l'histoire.
  • Les Beatles (p15-c10)[3].
  • Jolitorax toquant à la porte de Relax: "POM POM POM POM, POM POM POM POM". C'est l'indicatif de l'émission Les français parlent aux français sur Radio Londres (p16).
  • Les nombreuses cheminées fumantes (p18-c2).
  • Le Tower Bridge (p18-c2, p18-c6).
  • Le palais du gouverneur est inspiré du palais de Buckingham (p15-c2, p18-c2, p21-c1...), dont le portail est orné de lions (un des emblèmes du Royaume-Uni).
  • La célèbre tour de Londres (p25-c8), prison au sommet de laquelle volent ses légendaires corbeaux.
  • Une vitrine remplie de pie(en), préparation culinaire contenue dans une pâte couverte, correspondant à nos tourtes françaises (bien que ces dernières ne soient que salées) (p28-c1).
  • Les planches 29 et 30 sont l'occasion pour les auteurs de montrer un intérieur typique de la bourgeoisie anglaise, comme en témoignent différents éléments :
    • le paillasson portant l'inscription « BIENVENUE » (Welcome) placé devant la porte d'entrée (p29-c3) ;
    • la plaque portant l'inscription « FOYER DOUX FOYER » (Home sweet home) accrochée au-dessus de la cheminée (p29-c4) ;
    • les rideaux à nœuds (p29-c4) ;
    • la plaque de marbre s'apparentant à un journal et portant comme nom Le Temps, en référence au quotidien britannique The Times (p29-c7).
  • Les bardes calédoniens (p33-c5), jouant de la cornemuse et du tambour, inspirés de musiciens écossais.
  • La Tamise aux eaux glauques (p39 & 40).

Caricatures

  • Outre les Beatles, Achille Talon est également caricaturé dans cet album, sous les traits d'un légionnaire romain obèse qui dit « hop » (case 1 de la planche 10, page 14)[4].

Villes et lieux traversés/évoqués

Citations latines

  • Fluctuat nec mergitur ! : Il est battu par les flots, mais ne sombre pas. Devise de la ville de Paris.
  • O Fortunatos nimium, sua si bona norint agricolas : Trop heureux les hommes des champs, s'ils connaissent leur bonheur

Notes et références

  1. « Astérix et Obélix : Au service de sa Majesté », sur Allociné (consulté le )
  2. Julian Baggini, « Astérix chez les philosophes : "Du self-control au self-service" », Philosophie magazine, Hors-série 24,
  3. L'encyclopedix : The Beatles.
  4. L'encyclopedix : Talon Achille.

Bibliographie

  • Paul Gravett (dir.), « De 1950 à 1969 : Astérix chez les Bretons », dans Les 1001 BD qu'il faut avoir lues dans sa vie, Flammarion, (ISBN 2081277735), p. 256.
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