Victor-Emmanuel III

Victor-Emmanuel III (en italien Vittorio Emanuele III, Vittorio Emanuele Ferdinando Maria Gennaro di Savoia), né le à Naples (Italie) et mort à Alexandrie (Égypte) le , est roi d'Italie entre le et le , empereur d’Éthiopie entre le et le , premier maréchal d'Empire à partir du et roi d'Albanie entre le et le . Il abdique le et est remplacé par son fils Humbert II peu avant la proclamation de la République. Il est le fils d'Humbert Ier et de Marguerite de Savoie, à sa naissance, il reçoit le titre de prince de Naples, dans l'intention évidente de souligner l'unité nationale construite depuis peu.

Victor-Emmanuel III

Victor Emmanuel III en 1930.
Titre
Roi d'Italie

(45 ans, 9 mois et 10 jours)
Président du Conseil Giuseppe Saracco
Giuseppe Zanardelli
Giovanni Giolitti
Alessandro Fortis
Sidney Sonnino
Luigi Luzzatti
Antonio Salandra
Paolo Boselli
Vittorio Emanuele Orlando
Francesco Saverio Nitti
Ivanoe Bonomi
Luigi Facta
Benito Mussolini
Pietro Badoglio
Ferruccio Parri
Alcide De Gasperi
Prédécesseur Humbert Ier
Successeur Humbert II
Empereur d'Éthiopie

(5 ans et 3 jours)
Prédécesseur Haïlé Sélassié Ier
Successeur Haïlé Sélassié Ier
Roi d'Albanie

(4 ans, 4 mois et 18 jours)
Prédécesseur Zog Ier
Successeur Mehdi Frashëri (président du conseil de régence)
Premier Maréchal de l'empire
titre partagé avec le Chef du gouvernement
Benito Mussolini
Biographie
Titre complet Prince de Naples
Duc de Savoie
Dynastie Savoie
Nom de naissance Vittorio Emanuele di Savoia
Surnom Roi soldat
Date de naissance
Lieu de naissance Naples (Italie)
Date de décès
Lieu de décès Alexandrie (Égypte)
Nature du décès Congestion pulmonaire et thrombose
Sépulture Sanctuaire de Vicoforte
Père Humbert Ier
Mère Marguerite de Savoie
Conjoint Hélène de Monténégro
Enfants Yolande-Marguerite de Savoie
Mafalda de Savoie
Humbert II
Jeanne de Savoie
Marie-Françoise de Savoie
Diplômé de École militaire Nunziatella de Naples
École militaire de Modène école de guerre
Profession Lieutenant-general
Religion Catholicisme
Résidence Palais du Quirinal


Monarques d'Italie

Son règne de 45 ans voit, outre les deux guerres mondiales, l'introduction du suffrage universel masculin (1912) et féminin (1945), des premières formes de protection sociale importante, le déclin et l'écroulement de l'État libéral (1900-1922), la naissance et l'écroulement de l'État fasciste (1925-1943), la composition de la question romaine (1929), la réunion des grandes frontières de l'Italie unie et les principales conquêtes en contexte colonial (Libye et Éthiopie). Il est mort un peu plus d'un an et demi après la fin du Royaume d'Italie.

À la suite de la victoire de la Première Guerre mondiale il est appelé le « Roi soldat ».

Il joue un rôle fondamental dans l'affirmation du fascisme, dans la promulgation des lois raciales, dans les guerres coloniales et dans l'entrée en guerre durant la Seconde Guerre mondiale à laquelle suivit la fugue précipitée de la capitale après l'armistice de 1943 laissant l'armée et les civils à leur propre sort[non neutre]. En 1946, il tente de sauver la monarchie en abdiquant en faveur de son fils. En Italie, 409 noms de lieux lui sont dédiés[1].

Biographie

Jeunesse et formation

Victor-Emmmanuel, à son premier anniversaire à Monza, en novembre 1870.

Victor-Emmanuel Ferdinand Marie Gennaro de Savoie, fils d'Humbert Ier et de Marguerite de Savoie, naît le à Naples, lieu choisi avec l'objectif de susciter un consensus dans le royaume des Bourbons. La grossesse ne fut pas facile, Marguerite faillit perdre l'enfant. De santé plutôt fragile, Victor-Emmanuel est de petite taille[2] et dépourvu de l'affection de ses parents qui ne s'entendent pas. À douze ans, ils le confient aux soins du colonel Egidio Osio (it), lequel avait été attaché militaire de l'ambassade italienne à Berlin. Homme très dur, impérieux et habitué aux ordres, celui-ci donne au prince une éducation sur le modèle prussien du roi aux armées. Il semble qu'à peine installé, il aurait dit à son élève : « On rappelle au fils d'un roi, comme au fils d'un cordonnier, combien quand il est un âne il est un âne. »[2] Certains précepteurs dirent que la sévérité d'Osio eut des effets nuisibles sur le caractère du futur souverain, le rendant encore plus anxieux et introverti[3].

Premières années et éducation

Victor-Emmanuel III en 1884 avec l'uniforme de l'école militaire de la Nunziatella.

Victor-Emmanuel apprécie William Shakespeare, parle quatre langues, dont le piémontais et le napolitain, mais il n'aime ni aller au théâtre ni aux concerts. Il a une éducation soignée qu'il complète par de longs voyages à l'étranger[4]. Elle comprend, entre autres, la fréquentation de la prestigieuse École militaire Nunziatella de Naples (1881-1884), puis l'École militaire de Modène (1884-1886) et enfin l'École de guerre (1886-1889) où il obtient le grade de sous-lieutenant d'infanterie en 1886[5]. Élevé au rang royal, il prend l'habitude de fréquenter les séances d'inauguration de l'Académie des Lyncéens ainsi que d'autres associations d’intérêt scientifique. Parmi toutes ses passions, dans le milieu culturel, émergent entre autres la numismatique[6], l’histoire et la géographie : sa connaissance dans ces domaines est reconnue à de hauts niveaux, jusque hors du royaume (il écrivit un traité sur la monnaie italienne, le Corpus Nummorum Italicorum). À plusieurs occasions, Victor-Emmanuel est appelé, en vertu de sa profonde connaissance dans le secteur géographique, comme médiateur dans les traités de paix et les disputes de frontières. Il fut appelé comme arbitre pour la dispute territoriale de l'île de Clipperton, entre la France et le Mexique[7]. En 1887, à l'âge de dix-huit ans, sous la protection d'Osio, Victor-Emmanuel III fait un long voyage en Égypte[8].

La disgrâce d'Osio

Photographie du prince de Naples en 1895.

À l'âge de vingt ans, Victor-Emmanuel commence une rapide carrière militaire. Pour le former au commandement, il est assigné au premier régiment d'infanterie « Roi » de Naples, où il reste pendant cinq ans (1889-1894). Tout d'abord en 1889 en tant que major d'infanterie. En 1890, il devient colonel, la même année il prend congé du colonel Osio, étant désormais majeur et ayant un grade égal à celui de son précepteur, avec lequel il maintint une correspondance presque journalière. Il obtient un avancement rapide comme général-major en 1892, puis lieutenant-général en 1894. Il est commandant de la division de Florence entre 1894 et 1897, puis commandant du 10e corps d'armée à Naples de 1897 à 1900 [5]. À Naples, il noue une amitié avec le prince Nicolas Brancaccio, qui réussit à vaincre la réticence et la timidité du jeune Victor-Emmanuel, l'initiant à la vie nocturne napolitaine faite de théâtre peu « respectable » et logeant des actrices[2].

Pour le jeune prince, la période napolitaine fut peut-être la plus heureuse de sa vie : il apprend à parler couramment le napolitain et a diverses amantes, dont la baronne Marie Barracco (il semble que de cette relation soit née une fille), même si sa préférence va pour les actrices et ballerines[8]. Dans son rôle de commandement, il montre une rigidité aboutissant à une maniaquerie telle que, comme il l'écrit dans ses lettres à Osio, il devient une vraie bête noire pour ses soumis. Dans une lettre il écrit « Mon peloton d’élèves officiers a atteint le nombre de 104 élèves ; rapidement, ils furent 103 parce que j'en ai chassé un pour avoir volé un compagnon. Je suis convaincu de la nécessité de leur faire peur à leurs débuts. » Victor-Emmanuel présente des capacités d'officier et se montre pointilleux, bon connaisseur des matières militaires. Nommé général, il est critique envers la campagne d'Afrique entre 1895 et 1896[2].

L'unique personne probablement plus tatillonne que lui était le général Joseph Ottolenghi de Sabbineta, qui ne perdait pas une occasion de faire un exemple sur des manques éventuels de forme. Cela donne à Victor-Emmanuel la fantaisie de l'affubler de surnoms (d'origine juive) comme « Joseph l'Hébreu » ou « Pauvre Macchabée ». Il ne s'agissait pas d'antisémitisme, mais d'un petit dédain personnel envers son supérieur[8].

Un fait remarqué durant sa période de résidence à Naples est qu'il entre en conflit avec une personne du même grade qui, à l'époque, commandait le dixième régiment des Bersagliers. Ce colonel était Luigi Cadorna et entre les deux naquit une défiance féroce qui dura toute leur vie et qui pût avoir des conséquences évidentes vingt ans plus tard, durant la Grande Guerre.

Mariage

Mariage de Victor-Emmanuel et d'Hélène de Monténégro.

Il interrompit la vie solitaire de caserne par des voyages qui achevèrent sa formation. Après des débuts pénibles en société, il connut, en 1888, les premières aventures galantes et, inévitablement, la cour (assistée notamment par Francesco Crispi) entreprit de planifier un mariage. Face aux résistances du prince, on s'en abstint jusqu'en 1894. On cherchait, cependant, une princesse utile à la diplomatie à l'italienne. Le choix tomba sur Hélène de Monténégro[9], âgée de vingt-trois ans, pas très gracieuse, mais aux traits doux et gentils. À l'insu de Victor-Emmanuel, on favorisa les occasions de rencontre et, grâce à leurs caractères proches, ils s'entendirent rapidement. Les accords entre les maisons furent simples et les fiançailles brèves. Hélène de Monténégro abjura le credo orthodoxe et, le , on célébra les noces. Suivirent des années heureuses pour Victor-Emmanuel. Le couple partageait une affection sincère et une vie réservée et presque frugale. Leurs passions communes étaient la photographie, la pêche, la vie à la campagne et les voyages en mer. Les enfants arrivèrent tard mais nombreux : Yolande Marguerite en 1901, Mafalda en 1902, Humbert II en 1904, Jeanne en 1907 et Marie Françoise en 1914. Durant ces années, Victor-Emmanuel pensa à renoncer au trône en faveur d'une carrière académique[10].

Accession au trône

Le régicide change tout, quand Humbert I est assassiné le . Victor-Emmanuel et Hélène sont en croisière en Grèce à bord de leur yacht Yela. Ils rejoignent Reggio di Calabria puis Monza. Victor-Emmanuel commence à « se consacrer à chaque emploi de roi »[11] aux institutions et à la monarchie. Giuseppe Saracco, président du Conseil des ministres, est à peine sorti de la chambre ardente du roi défunt quand Victor-Emmanuel le convoque dans son bureau. Sans lui donner le temps de présenter ses condoléances, le nouveau roi montre les papiers qui s'amoncellent sur sa table, les décrets sur lesquels son père n'a pas eu le temps de se pencher, mais qui, selon lui, sont peu en accord avec la Constitution. Giuseppe Saracco répond que la valeur de la Constitution n'est pas la compétence du roi, qui doit se limiter à signer comme il l'a fait depuis toujours. Le jeune roi répond « le roi veut signer ses erreurs, éventuellement, non celles des autres »[12]. Saracco qui, en outre, passe pour un grand expert du droit, se sent offensé et offre séance tenante sa démission. Le prince fait semblant de ne pas écouter, mais insiste pour que les décrets lui soient donnés en lecture avant toute signature. Après quoi, il explique au président comment il conçoit ses devoirs et ceux des autres. « Je n'ai pas la prétention de remédier avec la force du soleil aux difficultés présentes. Mais je suis convaincu que ces choses ont une unique cause. En Italie, peu de personnes accomplissent exactement leur devoir : il y a trop de mollesse et de relâchement. Il faut que chacun, sans exception, observe exactement ses devoirs ; je servirai d'exemple, en remplissant tous mes devoirs. Les ministres m'aideront, en ne caressant pas de vaines illusions, en ne promettant pas combien je suis certain de pouvoir maintenir. »

Le , quelques jours après le régicide, dans son premier discours à la nation, le nouveau roi liste les fondements de sa vision politique.

Prestation de serment de Victor-Emmanuel III au Sénat le 11 août 1900 par Achille Beltrame.

Le , il jure fidélité au statuts dans la salle du Sénat, devant le président Giuseppe Saracco et les deux chambres du Parlement disposées à ses côtés. Dans son discours, écrit de sa main, le nouveau roi expose une politique conciliante et parlementaire :

« Monarchie et Parlement procèdent solidairement dans cette œuvre salutaire »

 Victor-Emmanuel III, Discours à l’occasion de sa prestation de serment, le 11 août 1900

Après le couronnement, le nouveau roi commande à Guido Cirilli (it) le projet et la construction d'une chapelle commémorative pour son père assassiné. En faisant cela, le roi Victor-Emmanuel III fait détruire le siège de la Société Ginnastica Monzese Forti et Liberi di Monza et le fait reconstruire de l'autre côte du boulevard Cesare Battisti de Monza.


Enfin, la réconciliation nationale veut que le souverain prenne acte avec le décret du royaume , no 366, dans lequel le roi accorde l’amnistie pour les délits de presse et pour ceux contre la liberté de travail, et remette la moitié des peines infligées pour les mouvements populaires de 1898[13]. En 1901, est imprimée la première série de timbres qui inaugura les impressions philatéliques de son royaume, comme la série dite « Série Floreale » et amenait intrinsèquement la nouveauté d'utiliser le nouveau style dit Liberty, qui, dans les années à venir, est italianisé en Floreale.

Politique extérieure : entre Triplice et nouveaux accords

Carte postale des monarques régnants, prise en 1908 entre février (accession au trône du roi Manuel II de Portugal) et novembre (mort de l’empereur Guangxu). Probablement peut être daté encore plus précisément entre le 5 octobre et le 14 novembre, puisque Ferdinand Ier de Bulgarie ne s’est pas proclamé « roi » (comme étiqueté) avant le 5 octobre. Victor-Emmanuel est représenté ici

Selon la tradition savoyarde et dans le respect des prérogatives du statut, Victor-Emmanuel III exerce une action considérable dans le domaine de la politique externe et militaire[11]. Salué par de nombreux observateurs comme « anti-Triple Alliance », se maintenant dans le sillon de la Triple Alliance, il soutient le rapprochement avec les autres puissances contre lesquelles elle aurait potentiellement pu être construite, la Russie qui entrave les projets d'expansion autrichienne et la France dont les Allemands craignent le désir de revanche, et est exclu de l'alliance.

Rapprochement avec la France
Victor-Emmanuel III et le président Loubet 1904

La normalisation des rapports avec la République française a commencé quelques années avant l'accession au trône de Victor-Emmanuel, avec la signature des trois conventions entre l'Italie et la Tunisie le et ensuite avec l'accord commercial franco-italien le , qui met fin à la guerre douanière entre les deux puissances. En , avec la conclusion d'un accord Victor-Emmanuel et Emilio Visconti Venosta - Camille Barrère, le gouvernement obtient une première reconnaissance française de son intérêt pour la Cyrénaïque tripolitaine. L'accord a pour effet de vider la Triple Alliance d'une partie de son contenu, lié au contraste franco-italien en Méditerranée.

L'accord est renforcé en juillet 1902 par les accords de Prinetti-Barrère qui engage les deux puissances à maintenir neutres en cas de conflit avec d'autres puissances. Le rapprochement franco-italien est scellé par le voyage à Paris de Victor-Emmanuel, qui reçoit la Légion d'honneur, remise par le président Émile Loubet, en octobre 1903[5], un voyage réciproque à Rome a lieu en 1904.

La politique extérieure italienne désignait ainsi un système qui aurait rendu moins rigide la division entre les « blocs de puissances », qui aurait amené à la déflagration du conflit mondiale. Dans ce contexte, s'explique le comportement italien pendant la Conférence d'Algésiras au Maroc en 1906, où le représentant italien, Visconti Venosta, fut désigné pour ne pas appuyer l'Allemagne de Guillaume II.

Russie et Balkans
L'ambassade italienne avec le prince de Naples au centre pour le couronnement du tsar Nicolas II
Victor-Emmanuel III et le tsar Nicolas II à Racconigi en 1909. Au second rang, à gauche de Nicolas II, on reconnait le président du Conseil Giovanni Giollitti en 1909

L'établissement de bons rapports avec la Russie, dont la manifestation la plus évidente de rapprochement a été, à l'époque d'Humbert, le mariage de Victor-Emmanuel avec Hélène de Monténégro, est le complément nécessaire des directrices de politique externe dans l'aire balkaniques. Le statu quo dans lequel la Triple Entente s'engage, au moins formellement, à se maintenir, est menacée par la crise sans fin de l'Empire ottoman, et par les appétits concurrents autrichiens et russes, parmi lesquels l'Italie souhaite s'insérer en cherchant de limiter les tentatives d'alliance des Habsbourg, vouées à changer la situation à son avantage, en violation de l'article VIII du traité. L'Italie regarde vers les Balkans, comme une aire d'influence potentielle pour son économie. Devant les visées expansionnistes de la Serbie, Victor-Emmanuel se fait médiateur pour la création d'un état tampon, qui interdirait à Pierre Ier le blocage de l'Albanie sur l'Adriatique. Le comportement autrichien, qui en 1908 a annexé sans préavis la Bosnie-Herzégovine, suscitant des fortes protestations dans la partie serbe et russe, outre celle italienne, amène le gouvernement italien à passer accord avec la Russie. Le , est signé entre les deux puissances le traité de Racconigi qui, dans la partie russe, met fin à la politique des accords exclusifs avec l'Autriche sur les Balkans, pour lesquels on présente l'actualisation du principe de nationalité et une action diplomatique commune des deux puissances. Dans ce sens, en outre, la Russie reconnaît l’intérêt italien pour la Cyrénaïque tripolitaine.

Arbitrages internationaux
Le banquet d’État donné par le roi Édouard VII au roi Victor-Emmanuel III et à la reine Hélène au château de Windsor le 18 novembre 1903

Les bons rapports traditionnels avec le Royaume-Uni et l'estime dans le contexte international du roi d'Italie sont confirmés par le choix de Victor-Emmanuel comme arbitre pour stabiliser les frontières entre le Brésil et la Guyane britannique en 1903-1904 et pour les frontières Barotseland entre le Portugal et la Grande-Bretagne en 1905. Même la France et le Mexique ont recours en 1909 à l'arbitrage de Victor-Emmanuel III pour définir la possession de l'île de Clipperton[14].

Institution internationale pour l'agriculture

Arrivée du couple royal, Victor-Emmanuel III et d'Hélène pour la cérémonie de l'inauguration de l'Exposition d’Horticulture à Florence en 1908

« Un tel Institut, organe de solidarité entre tous les agriculteurs est donc un élément puissant de paix »

 Victor-Emmanuel III, Message à Giolitti, 1905

Systématiquement, avec sa propre pensée humanitaire, en 1905, accueillant la proposition de David Lubin , Victor-Emmanuel III fait personnellement la promotion au niveau international de la fondation de l'Institut international d'agriculture, qui par la suite évolue dans l'après-guerre vers la FAO, avec pour objectif d'éliminer la faim dans le monde.

L'organisme est financé au préalable à travers les contributions des États adhérents, d'un minimum de 12 500 lires lires jusqu’à un maximum de 200 000 lires. Victor-Emmanuel III, accoutumé à soutenir beaucoup d'institutions scientifiques et caritatives avec ses propres deniers, participe avec la somme annuelle de 300 000 lires, à quoi s'ajoute le loyer de l'immeuble devant servir de siège à l'institution[15].

Politique intérieure : ouverture à gauche et paix sociale

« Il convient maintenant de poursuivre, avec une détermination prudente, sur la stratégie que la justice sociale recommande [...] au regard des classes ouvrières. Ils sont heureux d’amener à la civilisation nouvelle l’honneur du travail, le contraire des compensations équitables, de la protection prémonitoire, l’élévation du sort des oubliés de la fortune. Si le gouvernement et le Parlement assurent, tout aussi rapidement, les droits de toutes les classes, ils font des mémorandums de justice et de paix sociale. »

 Disccorso della Corona, 20 février 1902

Le roi Victor-Emmanuel III lit un discours au Capitole à l'occasion du Cinquantième Anniversaire de l'unité italienne, en 1911 (à droite Thomas de Savoie-Gênes , oncle maternel du roi).

L'œuvre de Victor-Emmanuel III en politique interne concerne en premier temps la réalisation de la paix sociale, à travers une législation vouée à dépasser « le contraste ardent entre capital et travail »[16]. La paix sociale et la nécessité d'œuvrer avec équité entre les classes sociales sont, en effet, des thèmes récurrents des discours de la Couronne, normalement rédigés par le roi.

Dans la vision politique du souverain, le point fondamental pour atteindre la paix sociale souhaitée était « d’atteindre une condition intellectuelle, morale et économique plus élevée des classes populaires »[16], en particulier en assurant un devoir complet d'instruction pour tous les citoyens.

Cérémonie d'Inauguration du Palais Impérial ou Altare della Patria (Autel de la patrie) en 1911

Les lois promulguées entre 1900 et 1921, dans le contexte de la législation sociale voulue par Victor-Emmanuel III, concernent la tutelle juridique des émigrants (1901), la tutelle du travail des femmes et des mineurs (1902), les mesures contre la malaria (1902), la création de l'agence du travail (1902), les logements sociaux (1903), les accidents du travail (1904), l'obligation du repos hebdomadaire (1907) l'institution de la Caisse nationale de la sécurité sociale (1907), la mutuelle scolaire et l’institution de la Caisse nationale pour la maternité (1910), l'assistance en faveur des victimes du chômage involontaire (1917)[17]. Toujours en 1917, fut institué l'Œuvre nationale combattante.

Étant donné l’intérêt que Victor-Emmanuel III avait pour la question sociale, certains contemporains le dépeignent comme « Roi socialiste » [18]. Attentif aux exigences de progrès du pays, en 1908, à la veille de la Grande Guerre, l'Italie étant devenue la septième puissance industrielle du monde, il acquiert le statut de président honoraire de la Société italienne pour le progrès des sciences, fondée en 1839. Il contribue financièrement à la fondation à Milan de la première « Clinique de la médecine du travail » d'Europe et de l'une des premières institutions pour l'étude et le traitement du cancer.

Attentats

Le , le maçon romain Antonio d'Alba, un anarchiste, tire deux coups de pistolet contre le roi, mais il rate sa cible [19]. Quelques heures après l'attentat raté, Victor-Emmanuel reçoit la visite des socialistes romains Ivanoe Bonomi, Leonida Bissolati et Angiolo Cabrini (it)qui se réjouissent avec le roi. Ce geste donne ensuite un prétexte à la majorité du PSI pour expulser les trois réformistes coupables d'avoir appuyé le quatrième gouvernement Gioillitti dans la guerre contre la Turquie. Parmi les socialistes, le plus intransigeant reste Benito Mussolini, qui accuse les réformistes de connivence en disant « troupeau clergé-nationaliste-monarchique » , déclarant « Soit avec le Quirinale, soit avec le socialisme ! »[8]

Le , alors qu'il inaugure la VIIIe édition de la Foire de Milan, Victor-Emmanuel est la cible d'un attentat à la dynamite : une bombe explose dans la foule rassemblée en attendant de voir le roi et tue vingt personnes dont des femmes, enfants et des militaires présents. Le roi n'est toutefois pas touché. Les républicains Ugo la Malfa (it), Lelio Basso et Leone Cattani (it) [8] sont arrêtés. Mario Giampaoli (it), secrétaire du Fascio de combattant de Milan, est accusé de manière infondée, mais est impliqué quelques mois plus tard dans le scandale Belloni[20],[21]

En 1941, durant un voyage en Albanie, le roi est la cible d'un troisième attentat. Un jeune, Vasil Laci Mihailloff, tire cinq fois, mais aucun des coups de feu n'atteint le roi. Victor-Emmanuel III, impassible, commente « Tirez bien sur ce garçon »[8].

Rapports entre l'État et l'Église

Pie XII rencontre Victor-Emmanuel au Quirinal.

Dans la politique ecclésiastique, Victor-Emmanuel se montre peu disposé aux ouvertures vers les prétentions politiques de l'Église catholique : la signature, en 1929, des Accords du Latran se réalise davantage par le truchement de Benito Mussolini que grâce au monarque, qui aurait fait échouer une tentative précédente de Vittorio Emanuele Orlando dans l'immédiate après-guerre. Dans cette première période, et dans le plus grand respect des institutions ecclésiastiques et de la foi de la maison et des Italiens, le roi cherche à préserver le système de séparation entre l'État et l'Église, sans réussir par la voie concordataire ou par un pacte à maintenir les rapports coupés par la prise de Rome et les campagnes du Risorgimento.

Dans la vie privée, Victor-Emmanuel est assez différent de ses prédécesseurs en ce qui concerne les rapports avec l'Église. Son arrière-grand-père Charles Albert était très religieux. Son grand-père Victor-Emmanuel II était un incrédule qui toutefois mettait de côté une crainte superstitieuse pour l'Église. Son père Humbert était au contraire un agnostique observant, qui allait à l'église pour se montrer en exemple à ses sujets et non par conviction personnelle, mais en même temps avait un profond respect pour la hiérarchie. Victor-Emmanuel demeure au contraire un sceptique ni croyant ni pratiquant. Dans sa jeunesse, il a pratiqué des lectures positives ou positivistes, comme Auguste Comte, John Stuart Mill ou Roberto Ardigò (it) (1828-1920). Toutefois, plus que laïque, il demeure un gibelin, profondément conscient de son propre rôle comme de celui que l'Église a eu dans l'histoire de son pays, et donc il s'en méfie[22].

Victor-Emmanuel, en effet, considère que la question romaine est résolue avec la loi des Garanties (1871), qui assure la pleine autonomie au pontife, auquel sont reconnus les droits de légation active et passive, et dont la personne s'équilibre, par certains aspects, particulièrement de manière légale, avec celle du roi[23].

Un haut niveau de tensions dans les rapports entre l'État et l'Église est provoqué par le voyage en 1904 du président français Émile Loubet auprès de Victor-Emmanuel : le Saint-Siège proteste contre le fait qu'un chef d'État catholique en voyage à Rome a rendu hommage au Roi d'Italie avant le Pape. L'incident produit en France le renforcement des positions anticléricales et la rupture des relations diplomatiques avec le Saint-Siège.

Guerre de Libye

Délégations italiennes et turques pour les négociations du Traité de Lausanne.

Le voyage du tsar Nicolas II en amène, entre autres, la reconnaissance de l'influence italienne sur les régions africaines qui bordent la mer Méditerranée et, plus spécifiquement, sur l'aire libyenne. À partir de là, s'entrevoit le début de l'entreprise militaire en Tripolitaine et en Cyrénaïque, dès 1911. Afin de soutenir la répartition des sphères d'influence dans la mer Méditerranée africaine entre la France et l'Italie à la suite des crises marocaines, Victor-Emmanuel s'aligne sur Paris, reconnaissant, à sa manière, la priorité française dans l'aire la plus occidentale du Sahara.

L'initiative coloniale italienne est, toutefois, déjà active sur le continent africain. Elle occupe déjà l’Érythrée, et la Somalie est colonisée en 1907, mais ces possessions italienne sur la Corne de l'Afrique, éloignées et insignifiantes sur le plan stratégique de part leur configuration, ne renforcent pas l'état de la politique coloniale italienne en Afrique. L'Italie est avant tout centrée sur la Méditerranée et le dernier territoire encore non placée sous la domination d'une quelconque puissance européenne est la Libye.

Le gouvernement italien agit avec prudence : la Cyrénaïque et la Tripolitaine sont placés sous le contrôle de l'Empire ottoman, miné par un cancer interne qui en fait une entité presque moribonde. Mais dans tous les cas, une chose ne doit pas être négligée : la révolte des Jeunes turcs sert de rampe de lancement pour l'opération militaire.

Le , commence le débarquement italien en Libye, annexée, selon un décret royal, le , sans considérer la grande faiblesse de l'occupation, qui souffre d'une armée encore arriérée et la résistance active des chefs tribaux des aires intérieures. Cependant, à l'occasion de la Première Guerre mondiale imminente, la Libye ne tarde pas à reprendre, contre l'armée italienne toute employée sur d'autres fronts, une autonomie presque totale. Dans le contexte de la guerre turco-italienne, sont aussi annexées, en 1912, les îles du Dodécanèse. Avec la paix de Lausanne, le , l'Empire ottoman reconnaît à l'Italie la possession de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque. Le roi, pour défendre les intérêts italiens en Afrique du Nord, aurait préféré la voie diplomatique, mais se résout à l'action belliqueuse devant le soulèvement des forces nationalistes et tendances belligérantes qu’il ne peut ignorer.

Première Guerre mondiale

Le roi remettant des médailles pour actes de bravoure au front.
S.M. le roi Victor-Emmanuel III brandit le drapeau tricolore du Quirinal au cri « Vive l'Italie ! ».
Victor-Emmanuel III, le roi soldat.

La guerre contre l’Autriche-Hongrie, sous la haute direction de S.M. le Roi, chef suprême de l’armée italienne, inférieure en nombre et en moyens, débute officiellement le 24 mai 1915. Durant la première guerre mondiale, Victor-Emmanuel soutient la position initialement neutre de l'Italie. Beaucoup moins favorable aux chefs de la Triple Alliance (dont l'Italie fait alors partie avec l'Allemagne et l'Empire austro-hongrois) et hostile à l'Autriche, il promeut la cause de l'irrédentisme du Trentin et de la Vénétie julienne. Les avantages offerts par l'Entente (formalisés dans le Pacte de Londres et stipulés en secret, à l'insu du parlement) amènent Victor-Emmanuel à appuyer l'abandon de la Triple Alliance (), et à combattre aux côtés de la Triple-Entente (France, Grande-Bretagne et Russie).

Début mai, l'action prônant la neutralité de Giovanni Giolitti, avec la diffusion d'informations concernant les concessions territoriales de la part des Autrichiens, déclenche une crise parlementaire. Le , Antonio Salandra rend au roi son mandat : le Corriere della Sera écrit : « M. Giolitti et ses amis triomphent. Plus encore triomphe le prince de Bülow . Il a réussi à faire tomber le ministère qui menait le pays à la guerre ». Et le Messagiero : « Salandra donne un jeu gagnant aux organisateurs de l'embuscade maléfique, et se rend aux mauvais arts diplomatiques du prince de Bülow ».

Giolliti est convoqué en conséquence par le roi, pour former le nouveau gouvernement. Ainsi informé des nouveaux engagements pris avec la Triple Alliance, il décide de refuser la charge, tout comme d'autres politiques également convoqués par la suite.

Le , Victor-Emmanuel repousse officiellement la démission de Salandra. Les 20 et , à la très grande majorité, les deux parties du Parlement votent en faveur des pouvoirs extraordinaires du souverain et du gouvernement en cas d'hostilité. Le , l'Italie déclare la guerre à l'Autriche-Hongrie.

Dès le début des hostilités sur le front italien (), Victor-Emmanuel est constamment présent sur le front, gagnant le surnom de « Roi soldat ». Durant les opérations de guerre, il confie la lieutenance du royaume à son oncle Thomas, duc de Gênes. Il n'établit pas le siège du quartier général à Udine, mais dans une ville voisine, Torreano di Martignacco, près de la « Villa Linussa » (désormais appelée « Villa Italia ») avec une petite suite d'officiels et de gentilhommes.

Le roi Victor-Emmanuel III sur le front.

Chaque matin, suivi par les aides de camp, Victor-Emmanuel se rend en voiture pour inspecter le front ou les arrières. Le soir, au retour, un officiel de l'état-major informe de la situation militaire le roi, qui exprime ensuite ses avis, sans jamais dépasser les tâches du commandant suprême. Il se rend en France et accompagne Albert Ier (roi des Belges), dans les casernes et bases militaires. Les deux monarques envisagent également le mariage de leurs enfants, le prince héritier Humbert et la princesse Marie-José de Belgique, au grand dam de l'ex-reine, Marie des Deux-Siciles, grand-tante de la princesse dont les états ont été annexés en 1860 par l'arrière-grand-père du prince italien.

Après la bataille de Caporetto, par décision fixée entre les gouvernements de l'Alliance durant la conférence de Rapallo, le général Luigi Cadorna est remplacé par le général Armando Diaz. Le , au congrès de Peschiera (it), il expose sans interprète une analyse ponctuelle de la situation militaire difficile en confirmant sa confiance dans la réorganisation de l'armée. Il suit les décisions du gouvernement Orlando et les ratifie. Le Conseil des Ministres souhaite décerner au roi la Médaille d'or de la Valeur militaire, mais le souverain le refuse : « Je n’ai conquis aucune position difficile, gagné aucune bataille, coulé aucun cuirassé, accompli aucun exploit de guerre aérienne ». La victoire italienne donne à l'Italie les territoires du Trentin et du Haut Adige (avec Trente), de la Vénétie Julienne, de Zadar et certaines îles dalmates (dont celle de Lagosovo).

« [La guerre] menée avec une foi inébranlable et une ténacité valeureuse, pendant 41 mois est gagnée »

 Bulletin de la Victoire, 4 novembre 1918

Victor-Emmanuel, entre 1914 et 1918, a aussi reçu environ 400 lettres menaçantes, au caractère essentiellement anti-guerre, de la part d'individus de toute extraction sociale, surtout basse et semi-alphabète. Ce courrier est conservé dans les Archives centrales de l'État dans trois fonds, numérisés et de domaine public[24], en étant de grand intérêt historique et linguistique[25].

Le roi Victor-Emmanuel d’Italie avec l’ambassadeur Thomas Page, le brigadier-général C. G. Treat, le colonel Wallace et des officiers de la mission alliée en Italie, entre Villafranca ad Summacompania, le 1er août 1918

Au début de la première guerre mondiale, l'Italie se déclare neutre. Elle le reste jusqu'à ce que le Premier Ministre Antonio Salandra et le Ministre des Affaires Etrangères Sidney Sonnino , fortement soutenus par le roi, durant des tractations secrètes, se lient aux intentions du Pacte de Londres (). Après les mois difficiles des crises internationales, la préoccupation guerrière est utile au roi, perturbé par un des rares moments de tension avec la reine Hélène de Monténégro. Le roi se rend visite aux troupes, photographie et note avec obstination chaque détail, synthétisant les lacunes de l'armée et du commandement. La résolution positive du conflit crée le mythe du « roi victorieux » convaincu « d'avoir conclu le cycle des guerres risorgimentali et d'avoir donné un nouvel éclat ou une plus grande sûreté à la couronne » (Bertoldi, 1970, p. 278).[12].

De l'après Première Guerre mondiale au premier gouvernement Mussolini

En raison de la crise économique et politique, à la suite de la guerre, l'Italie connaît une agitation sociale durable et difficile à contrôler. Dans le pays, se diffuse la crainte d'une révolution communiste, semblable à celle en cours en Russie et, en même temps, les classes dirigeantes craignent d'être submergées par les idées socialistes. Ces conditions historiques mènent à l'affirmation de mouvements politiques antidémocratiques et antilibéraux.

Le mouvement Faisceaux italiens de combat est créé en 1919 par le directeur de Avanti!, Benito Mussolini. Dès , l'utilisation d'« escouades d'action », plus tard intégrées dans la Milice volontaire pour la sécurité nationale (), contribue à durcir la situation. Fin , Mussolini, élu à la Chambre, révèle son plan de prise du pouvoir. Le , commencent les premiers mouvements d'occupation des préfectures et des casernes, en Italie du Nord. Victor-Emmanuel se précipite à Rome, étant alors à San Rossore, et communique au premier ministre Luigi Facta son intention de décider personnellement sur la crise en cours.

Le roi Victor-Emmanuel III et le Président Wilson en 1919

Les événements consécutifs restent très confus. Facta a au moins deux rencontres avec le souverain, à la gare de Rome puis dans sa Villa Savoie, au cours desquelles le roi aurait dit au Ministre qu'il refusait de délibérer « sous la menace des mousquets fascistes » pour demander ensuite au gouvernement de prendre toutes les dispositions nécessaires et puis lui soumettre pour obtenir son approbation. Quelles que soient les versions assez discordantes (dont une où Facta aurait menacé de démissionner, persuadé d'un bluff mussolinien), le roi va dormir, mais est réveillé au cœur de la nuit par ses collaborateurs pour l'informer des avancées fascistes, dont l'invasion des colonnes de chemises noires de la Milice volontaire pour la sécurité nationale à Rome.

De gauche à droite : Italo Balbo , Benito Mussolini, Cesare Maria de Vecchi , Michele Bianchi, le 24 octobre 1922

À 6 heures du matin, le , Facta réunit le conseil des ministres, qui délibère, sur l'insistance précise du général Cittadini, premier aide de camp du roi, et décide le recours à l'état de siège pour bloquer la marche sur Rome. À 9 heures, Facta va chez le Roi au Quirinal pour la contre-signature, et reçoit le refus du monarque de souscrire à l'acte. Quand Victor-Emmanuel voit l'ébauche de sa proclamation, il se met en colère, déchire le texte des mains de Facta et, dans un élan de colère, dit au ministre : « Ces décisions ne relèvent que de moi. Après l’état de siège, il n’y a que la guerre civile. Maintenant, il faut que l’un de nous se sacrifie ». Facta aurait répondu : « Votre Majesté n’a pas besoin de dire à qui elle touche », avant de prendre congé [26].

Ce brusque changement de position n'a pas encore été clarifié par l'historiographie. Renzo De Felice, l'historien principal du fascisme, ébauche une liste de motifs possibles qui aurait induit le roi à éviter l'affrontement avec le fascisme :

  • la faiblesse du gouvernement Facta,
  • ses craintes pour les attitudes philo-fascistes du Duc d'Aoste,
  • les incertitudes des sommets militaires,
  • la crainte d'une guerre civile.

Selon Mauro Canali[27], il faut en ajouter un autre, reconductible à la personnalité du roi, c'est-à-dire à sa placidité supposée qui l'induit à ne pas défier sur le terrain militaire la déchirure fasciste. Canali ajoute : « Ses préoccupations étaient absolument hors de propos, donné l'équilibre des forces en camp ». En effet, les forces de l'armée stationnée à Rome étaient très supérieures à celles des fascistes, 28 000 hommes contre quelques milliers, et mieux équipées. Sur cette donnée, tous les historiens concordent, mais ils doivent considérer les « incertitudes » mentionnées par les élites militaires, les pressions de la classe dirigeante et la volonté d'éviter la détérioration de la crise interne.

À la suite de la décision du roi, Facta présente sa démission, immédiatement acceptée par le souverain. Le , Victor-Emmanuel consulte les personnages les plus importants de la classe politique dirigeante libérale (Giollitti, Salandra) et militaire (Diaz, Thaon di Revel). Après l'échec du parti de Mussolini, d'un cabinet possible Salandra-Mussolini (souhaitant faire rentrer le mouvement fasciste dans l'alvéole parlementaire constitutionnelle et de favoriser la pacification sociale), le roi confie à Benito Mussolini, député en , la charge de former un nouveau gouvernement.

Mussolini s'adresse au parlement avec un ton menaçant (« J'aurais pu faire de cette classe sourde et grise un bivouac de manipulés... ») et reçoit une large confiance du parlement, obtenant à la Chambre 316 voix en faveur, 116 contre et 7 abstentions. Rappelons les voix favorables de Giovanni Giollitti, de Benedetto Croce, qui fut ensuite le plus grand représentant de l'antifascisme libéral, et d'Alcide De Gasperi [26], puis père de la république italienne, alors que Francesco Saverio Nitti quitta la salle en signe de protestation[27]. Le Gouvernement, composé de quatorze ministres et seize ministères, avec Mussolini chef du gouvernement et ministre par intérim de l'Intérieur, est formé par des nationalistes, libéraux et populaires, dont le futur président de la république, Giovanni Gronchi, sous-secrétaire à l'industrie.

Dans la première composition du gouvernement Mussolini, son parti est représenté par deux ministres, lui-même ainsi que De Gasperi. Le , il obtient la confiance. Déjà en toutefois, les ministres de Mussolini en sortent sous l'impulsion de leur secrétaire, Luigi Sturzo. Le , ayant perdu l'appui de la hiérarchie vaticane pour son antifascisme, Sturzo démissionne du poste de secrétaire[28]. Le , Alcide de Gaspari, en tant que chef du groupe, tient un discours à la chambre des députés, en exprimant sa position envers la loi Acerbo et tentant de trouver un compromis entre les deux côtés du parti[29],[30]. Le , il devient secrétaire du Parti populaire en portant le parti sur une position d'opposition au fascisme, en tentant de le faire adhérer au bloc de la sécession aventine. Il conserve ce poste jusqu'au . Le , après l'approbation des lois exceptionnelles du fascisme, le parti fut totalement dissout par le régime.

Désormais isolé et dans l'impossibilité de faire de la politique, De Gasperi est arrêté par la police à la gare de Florence le , en compagnie de son épouse, en possession d'un passeport périmé et de faux documents, alors qu'il se rendait en train à Trieste. Il est arrêté en tant qu'expatrié clandestin pour motifs politiques, punissable au sens du premier article du nouveau Texte unique pour des Lois pour la sûreté publique (1926), avec une amende non inférieure à 20 000 lires et une réclusion non inférieure à trois ans. De Gasperi admet d'avoir été expatrié pour des motifs politiques, mais nie d'être en connaissance de la possession de faux documents, indiquant qu'ils avaient mis sur lui par des inconnus. Durant le procès, l'avocat de De Gasperi soutient que la tentative d'expatrié était motif de la nécessité de fuir à la colère des partisans du fascisme et donc non punissable aux sens de l'art. 49 du Code Zanardelli, qui disciplinait l'écrémage du danger imminent. Le tribunal reconnet le motif politique et condamne De Gasperi à quatre ans de réclusion, puis réduit à la moitié avec recours en cassation et une amende de 20 000 lires. De Gasperi est gracié en 1928 mais reste en surveillance surveillée à partir de ce moment.

Selon De Felice, « Sans le compromis avec la monarchie, il est très peu probable que le fascisme ait jamais pu vraiment arriver au pouvoir. »

Débuts de l'État fasciste (1925-1929)

Victor-Emmanuel III d'Italie à Darfo Boario Terme après la catastrophe du barrage de Gleno
Le roi et Benito Mussolini aux funérailles du général Diaz.

En sont organisées de nouvelles élections qui se déroulent avec de graves irrégularités. Le député socialiste Giacomo Matteotti , qui avait dénoncé cette irrégularité, est enlevé le et trouvé mort le . Ce fait secoue le monde politique et ouvre un semestre de fortes crises internes, résolu enfin le quand Benito Mussolini, renforcé sur le plan international par la rencontre récente avec Neville Chamberlain[31], revendique la responsabilité non matérielle de ce qui est arrivé, « Si le fascisme était une association de malfaiteurs, je serais le chef de cette association de malfaiteurs ! »[32], indiquant au parlement la procédure de mise en état d'accusation conformément à l'article 47 de la Constitution. La Chambre, où l'opposition était brisée par de multiples courants et incapable de se mettre d'accord sur des stratégies divisées, ne procteste pas et Mussolini commençe, par voie parlementaire, la transformation, au sens autoritaire et totalitaire[33], de l'État.

Le roi, qui jusque là avait conservé le contrôle de l'armée, ne s'oppose pas. Du reste, le parlement, où le Parti national fasciste avait la majorité absolue à la Chambre pour seulement sept sièges, affaibli par la sécession de l'Aventin, n'a pas fourni un prétexte juridique pour demander la démission de Mussolini ni élaboré une proposition crédible de gouvernement alternatif. La campagne extraparlementaire de l'opposition ne réussit pas non plus à mobilier les masses. Le roi reste ainsi dans l'attente d'une initiative parlementaire dans le respect des règles institutionnelles[34].

Victor-Emmanuel III en couverture du Time de 1925

Quand le sénateur Campello présente à Victor-Emmanuel les propositions de la responsabilité du président du conseil des ministres dans le délit Matteotti, le roi aurait répondu[35] Je suis aveugle et sourd. Mes yeux et mes oreilles sont la Chambre et le Sénat. ».

Francesco Saverio Nitti, durant son exil dû aux intimidations fascistes, commençe une lettre au monarque dans lequel il lui adresse des accusations d'ignare et de connivence avec Mussolini et l'exhorte à prendre des mesures contre le régime[36]. Le commencent à être publiées dans le Mondo et puis dans d'autres journaux les mémoires de l'escadrille Cesare Rossi, dans laquelle Mussolini était, de manière documentée, impliqué dans de nombreux actes de violence politique avant le délit Mattettotti et, au moins de manière implicite, dans ce dernier. Ces révélations conduisent le Roi à renvoyer Mussolini alors que, selon la procédure, il aurait dû passer devant le parlement en état d'accusation.

Par ailleurs, grâce aux lois électorales Acerbo et aux trucages dénoncés par Mattettotti, les fascistes avaient, pour seulement sept sièges, la majorité parlementaire absolue. Le recours manqué à l'article 47 ne témoignait ainsi pas de l'innocence de Mussolini mais plutôt son contrôle au Parlement[37]. Dans les jours suivants, en , sont fermés 35 cercles politiques d'opposition, dissous 25 organisations définies « subversives », arrêtés 111 opposants et exécutées 655 persécutions aux domiciles[35].

En , le roi signe les ainsi dites « lois fascistissimes » (legge fascistissime) par lesquelles sont dissouts tous les partis politiques (sauf celui du Parti nationaliste fasciste), et instauré la censure de la presse. Avec la loi du la constitution est modifiée[35], en attribuant au chef du gouvernement, responsable seulement devant le roi, le pouvoir de nommer et la révoquer les ministres. En 1926, le roi autorise la naissance du Tribunal spécial pour la défense de l'État, qui soustrayait à la magistrature ordinaire toutes les infractions politiques, et la formation de la police politique secrète OVRA. L'interdiction des charges de police pour les opposants est décrétée. Les rapports successifs avec le Duce sont caractérisés par des scènes privées agitées, dans lesquels le roi défend ses propres prérogatives, inquiet de sauver une légalité formelle et un rigoureux silence public.

Accords du Latran (1929)

Victor-Emmanuel III en visite au Vatican 1929

Victor-Emmanuel était anti-clérical, étant très aigri par le refus de l'Église catholique de reconnaître Rome comme étant la capitale de l'Italie, mais il réalisa qu'aussi longtemps que l'Église catholique resterait opposée à l'État italien, beaucoup d'Italiens continueraient à regarder l'État italien comme illégitime et qu'un traité avec le Vatican serait nécessaire[38]. Cependant, quand le premier ministre Victor-Emmanuel Orlando s'occupa d'ouvrir des négociations avec le Vatican en , il était bloqué par le roi qui était furieux , à ce point, que l'Église catholique ait maintenu une neutralité pro-autrichienne durant la Première Guerre mondiale[38]. À part la défense du Saint-Suaire de Turin, qui appartenait à la Maison de Savoie, le roi avait peu d’intérêt pour la religion[38]. En privé, Victor-Emmanuel regardait l'Église catholique avec un regard amer, faisant des remarques sur des vieux ecclésiastiques comme étant des hypocrites avides, cyniques et obsédés par le sexe, qui tiraient avantage de la croyance dévote des Italiens ordinaires.

En , le roi permet à Mussolini de faire ce qu'Orlando prévoyait en , en donnant la permission d'ouvrir des négociations avec le Vatican et en finir avec la « question romaine ». En , Mussolini, au nom du roi, signe le concordat. Ce traité est un des trois agréments signé cette année entre le Royaume d'Italie et le Saint-Siège. Le , le concordat est ratifié et la « question romaine » est scellée.

Rapports avec la culture populaire

La monarchie italienne a bénéficié d’un soutien populaire pendant des décennies[39]. Les étrangers ont noté comment, même aussi tard que les images d’actualités des années 1930 du roi Victor-Emmanuel et de la reine Elena évoquaient des applaudissements, parfois des acclamations, lorsqu’elles étaient jouées dans les cinémas, contrairement au silence hostile montré envers les images des dirigeants fascistes.

Le , le Parlement italien établit le grade de premier maréchal de l’Empire pour Victor-Emmanuel et Mussolini. Ce nouveau grade est le plus haut grade de l’armée italienne.

Sommet du consensus au régime fasciste, Empereur d’Éthiopie et roi d'Albanie

Photographe hongrois inconnu scanné par Derzsi Elekes Andor. Vivre en mai 1937. Budapest, sur le chemin du château royal, maintenant « Hunyadi János út ». Victor-Emmanuel III d'Italie, accompagné de Horthy Miklós, gouverneur de Hongrie lors de sa visite en Hongrie.

La nouvelle de la fin de la guerre avec l'Éthiopie est communiquée en Italie le soir du . Après cela, dans tout le pays, les sirènes réunissent la population. Depuis le balcon du Palazzo Venezia, se montre Mussolini, qui annonce la nouvelle à une foule amassée avec un bref discours[40],[41]. Entre les lignes du discours du , Mussolini dessine le destin de l'Éthiopie et, même s'il ne prononce pas le mot « empire ». Le discours le fait comprendre, comme la fugue du Negus, et le manque d'un interlocuteur valide aurait favorisé la vision du Duce d'un projet de gouvernement direct en Éthiopie, comme ce fut clairement expliqué dans le discours suivant du . Ce soir-là, après avoir consulté rapidement le Grand Conseil du fascisme et réuni pendant quelque temps le conseil des ministres, Mussolini décide de prendre rapidement à contre-pied la France et le Royaume-Unis avant que ceux-ci ne prennent possession de l'annexion italienne, et annonce au monde, depuis l'Italie, « la réapparition de l’Empire sur les collines du destin de Rome ». Ce rassemblement fut possible, encore plus triomphal et rhétorique que le précédent et, après avoir annoncé que « les territoires et les peuples qui appartenaient à l’Empire éthiopien sont placés sous la souveraineté totale et entière du Royaume d’Italie » et que le titre d'Empereur d'Éthiopie serait été assumé par le roi Victor-Emmanuel III de Savoie, dans le discours, il est tout de suite mis en évidence que le nouvel empereur est une création exclusivement fasciste et l'œuvre de Mussolini[42],[43]

Toujours le , le Grand Conseil décréte la reconnaissance à Mussolini du titre de « Fondateur de l'Empire », qu'Achille Starace insère tout de suite dans la formule officielle du « Saluto al Duce ». Le contexte politique offre à Mussolini une grande servilité et une exaltation personnelle au point que, comme l'écrit le général Enrico Caviglia, le Duce se fait traîner dans un climat de rhétorique d'adulation « qui a dangereusement accentué la confiance déjà extrême qu’il a dans sa propre capacité politique »[42]. Depuis ce moment et pendant de nombreux mois à venir, la presse et les personnalités majeures politiques et culturelles s’alternèrent dans une glorification de la figure de Mussolini et, dans ce climat, fin juin on arrive la réunion de la Société des Nations dans laquelle on doit discuter du problème des sanctions. La réunion, à laquelle participe aussi Hailé Selassie, dure jusqu'au , jour au cours duquel l'assemblée genevoise décide la révocation des sanctions qui devaient commencer le , à laquelle suit la décision britannique du de retirer la Royal Navy de la Méditerranée. Avec ces deux décisions, saluées par Mussolini, la guerre est complètement conclue sur le plan international[40]. Le prestige du Duce ne fut jamais si élevé (peut être égalé seulement durant la conférence de Munich) et le pays et les dirigeants du régime reconnaissent que l'empire est une réalisation liée presque exclusivement à l'œuvre de Mussolini. Le roi Victor-Emmanuel veut lui donner acte public en lui décernant la plus haute décoration militaire du règne, grand croix de l'ordre de Savoie[40]. Mussolini, la guerre finie, se dit ainsi satisfait des résultats : il avait battu la Société, une coalition de cinquante-deux nations qui avaient appliqué des sanctions contre son pays et avaient obtenu un énorme succès d'opinion publique interne. Ce qu'il ne voyait pas, ou faisait semblant de ne pas voir, était que l'entrée à Addis Abbeba ne signifiait rien puisque l'Éthiopie n'avait pas été pacifiée, que les possessions si lointaines augmentaient la vulnérabilité maritime de l'Italie et que la colonie aurait constitué un grave écueil pour un bilan déjà très déséquilibré, affaiblissant la position de l'Italie face à l'Allemagne et autres puissances occidentales[39]. À ce moment, beaucoup de membres du parti et des délégations étrangères comprennent que ce résultat aurait pu se révéler catastrophique, surtout après que Mussolini a commencé à parler et à agir comme si, ayant battu une armée mal équipée, mal organisé et incapable d'affronter une puissance européenne, il fut en état de défaire quiconque. Cet excès de confiance dans l'armée et le dilettantisme politique lui barrèrent chaque marge de manœuvre en politique externe et convainquirent les autres puissances européennes de se réarmer et de ne pas trop prendre sérieusement les déclarations du Duce[39]. Le succès facile en Éthiopie convainc Mussolini qu'avec son armée, la doctrine et l'organisation fasciste, il pouvait défier quiconque dans une guerre européenne et cela l'encourage dans sa tentative présomptueuse de jouer en Europe un rôle plus incisif que celui que les ressources lui aurait permis de terminer la guerre[39].

Détails de l'uniforme de premier maréchal de l'Empire

En , au sommet du consensus populaire au régime, qui avait obtenu la signature du Manifeste de la race de la part des grands exposants de la culture italienne entre le futur père de la Constitution Amintore Fanfani, le roi signe les lois raciales du gouvernement fasciste, qui introduisent des discriminations dans les rapports avec les Juifs[44]. De formation libérale, Victor-Emmanuel, est contrarié, mais sans le montrer publiquement, car ces dispositions annulaient un des plus grands apports de la Maison de Savoie au Risorgimento qu'est le principe de non-discrimination et de parité de traitement des sujets, indépendamment du culte professé établi en .

Avant l'invasion du gouvernement de Victor-Emmanuel en Éthiopie, celui-ci voyagea pour son soixante-cinquième anniversaire le [45],[46]. En , Victor-Emmanuel devient Empereur d'Éthiopie. Sa décision de faire cela n'est pas universellement acceptée, Victor-Emmanuel est seulement capable d'assumer la couronne après l'invasion de l'Abyssinie par les armées italiennes et le renversement d'Haile Selassie durant la deuxième guerre italo-abyssinienne.

L'Éthiopie est ainsi annexée à l'Empire italien. La Société des Nations condamne la participation de l'Italie dans cette guerre et la revendication italienne par la justice de conquérir l'Éthiopie est rejeté par de grandes puissances, telles que les États-Unis et l'Union soviétique, mais est acceptée par la Grande-Bretagne et la France en . En , l'Italie perd l'Éthiopie.

Le mandat d'action du vice-roi agissant en Afrique de l'Est italien, incluait l’Érythrée et la Somalie, qui est abandonnée aux aillées le . En , Victor-Emmanuel renonce sa revendication aux titres d'Empereur d'Éthiopie et Roi d'Albanie[47], en reconnaissant la légitimité de ses habitants.

En effet, l'actualisation des lois raciales est à la base d'une nouvelle aggravation entre la Couronne et le Duce, toujours plus fatigué par les obstacles à abattre (le principal étant l'opposition à l'Église catholique) et intentionné à cueillir le moment opportun pour instaurer un régime républicain.

En , l'Italie conquiert l'Albanie, de laquelle Victor-Emmanuel, aussi sceptique sur l'opportunité de l'entreprise « pour prendre quatre pierres », est proclamé roi. Le régime monarchique existant est renversé et l'Albanie est occupée par l'armée italienne[48].

La couronne du royaume d'Albanie est assumée par Victor-Emmanuel en quand les forces italiennes envahissent la monarchie voisine sans défense, de l'autre côté de la Mer Adriatique, causant la fugue du Roi Zog 1er.

En , à Tirana, le Roi échappe à une tentative d'assassinat par le patriote albanais âgé de 19 ans Vasil Laçi[49]. Plus tard, cet attentat est cité par les communistes albanais comme un signe du mécontentement général sur la population opprimée. Une seconde tentative par Dimitri Mikhailiov en Albanie donne une excuse aux Italiens pour affirmer un lien possible avec la Grèce comme le résultat de l'absence de la monarchie lors de la guerre gréco-italienne.

Rapports avec Mussolini

Visite officielle de Hitler a Rome en 1938; au premier rang à partir de la gauche: Benito Mussolini, Adolf Hitler, Victor-Emmanuel III et la reine Hélèna ; au deuxième rang à partir de la gauche: Joachim von Ribbentrop, Joseph Goebbels, Rudolf Hess, Heinrich Himmler (caché par le chapeau de la reine Hélène)

« Il a fallu ma patience, avec cette monarchie remorquée. Je n’ai jamais fait de geste dur envers le régime. J’attends toujours parce que le roi a 70 ans et j’espère que la nature m’aidera, et quand la signature du roi remplacera la moins respectable du prince, nous pourrons agir. »

 Mussolini, Diaro di Ciano 1937-1943

Les rapports entre Victor-Emmanuel III et Mussolini n'iront jamais au-delà des rapports formels entre le chef d'État et le chef du gouvernement. Le roi, de formation libérale[50], durant toute la période fasciste, ne manqua pas de rappeler positivement à Mussolini et ses collaborateurs l'expérience de l'État libéral. Victor-Emmanuel ne scella ses idées profondément anti-allemandes en général, et antinazies en particulier, idées qui se renforcèrent durant la visite d'État d'Hitler à Rome en . D'autre part, l'hostilité entre Hitler et Victor-Emmanuel III était réciproque[51] et plusieurs fois le dictateur autrichien naturalisé allemand et ses collaborateurs suggérèrent à Benito Mussolini de se débarrasser de la Monarchie[50].

Le chef du Fascisme méditait déjà depuis longtemps sur l'abolition de l'institution monarchique, de façon à avoir un plus grand espace d'action, mais reporta de nombreuses fois la décision à cause du soutien ample populaire de la monarchie[52].

Le roi se montra particulièrement hostile aux innovations institutionnelles du régime, à l'introduction de nouveaux honneurs et cérémonies qui contribuent à renforcer le poids du chef du gouvernement, aux projets de « modification des coutumes italiennes », comme l'introduction du salut fasciste, la question du vouvoiement et, majoritairement, la question raciale[50],[53],[54],[55]. Cette opposition, bien que pas comprise de la population, mina les relations avec Mussolini et les éléments plus radicaux du parti fasciste, fidèles au programme ordinaire du parti et soutiens du choix d'un régime républicain.

Mussolini écrit que le souverain avait commencé à le détester depuis la loi de la constitution du Grand Conseil du fascisme (), mais retient que la vraie cause de fracture fut le titre de Premier Maréchal de l'Empire, approuvé un plébicite de la Chambre le (sous l'impulsion de Starace, Costanzo et Galeazzo Ciano et en accord avec le Duce) et conféré au chef du gouvernement ainsi qu'au roi (selon Federzoni, alors président du Sénat, « on ne pouvait pas adresser un regard, du reste purement formel au Roi »[56]). Dans une rencontre privée, convoquée par Mussolini, Victor-Emmanuel III, pâle de colère, lui dit qu'il aurait préféré abdiquer plutôt que de subir cet affront[57].

Le , la rencontre de Victor-Emmanuel III et du pape Pie XII, la première d'un pontife au Quirinal après la prise de Rome, fut vue comme une tentative en faveur de la paix en Europe.

Victor-Emmanuel dans la synagogue de Tripoli

La relation entre Victor-Emmanuel et les juifs

Victor-Emmanuel III inaugure la synagogue de Rome en et affirme ce jour-là que les juifs étaient « pleinement » des Italiens[53]. En , Victor-Emmanuel visite Jérusalem en tant que prince et est bien accueilli par les membres de la communauté juive de la ville. Au début de son mandat, en , le général Giuseppe Ottolenghi est nommé ministre de la Guerre et devient le premier juif à être nommé ministre. Entre le 28 mars 1905 et le 8 février 1906, Alessandro Fortis est le premier président du conseil des ministres d'Italie de confession juive. Son médecin privé est le professeur Shmuel Sirni (1870-1944), le père du parachutiste Enzo Sirni.

Le silence du roi lorsque l’Italie commence, sous la pression d’Hitler, à accepter les lois antisémites qui exposent ses sujets juifs à la persécution et à la destruction éventuelle, a été fortement critiqué. En privé, le roi se plaint de la législation antisémite à Mussolini, mais ne prend aucune autre mesure. L’acceptation des lois contredit le serment de Victor-Emmanuel lors de son entrée en fonction, et son serment à la constitution italienne.

Visite de Victor-Emmanuel III à la Synagogue, Sa Majesté reçoit la bienvenue du Grand Rabbin, le 19 juin 1921

Victor-Emmanuel III était particulièrement lié son rôle de souverain constitutionnel. Il signe les lois raciales en , approuvées par le parlement et filtré par les organes compétents de l'État. Personnellement, le roi n'était pas du tout raciste, son médecin de cour, le docteur Stukjold, était juif et était fier de sa famille qui, presque un siècle auparavant, a assuré avec la Constitution les droits civiques et politiques des citoyens du royaume, y compris les juifs. Pour quelques raisons, le souverain ne perd pas d'occasion de faire part au chef du gouvernement, Mussolini, son propre désaccord, mais est aussi tenu par l'État à la promulgation de ces mesures et constatant avec frustration d'avoir peu de possibilité de s'opposer efficacement puisque, dans ce moment historique, le dictateur était au sommet de popularité, adoré par les masses et tenu en grande estime à l'extérieur, et indiqué comme « homme de la providence » par le pape. De la contrariété de Victor-Emmanuel, Galeazzo Ciano écrit dans son Journal 1937-1943, au jour du  : « Je trouve le Duce indigné par le Roi. Trois fois, au cours de l’entretien de ce matin, le roi a dit au Duce qu’il ressentait une pitié infinie pour les Juifs […] Le Duce a déclaré qu’en Italie il y a 20 000 personnes avec un dos faible qui sont émus par le sort des Juifs. Le roi a dit qu’il en faisait partie. Puis le roi s’est également prononcé contre l’Allemagne, pour la création de la 4e division alpine. Le Duce était très violent dans les expressions contre la monarchie. Il réfléchit de plus en plus au changement de système. Ce n’est peut-être pas encore le moment. Il y aurait des réactions. »[50]

Cependant, la recherche historique nie ce que Galeazzo Ciano écrit dans son journal. De Felice note dans son Histoire des Juifs italiens sous le fascisme : « Deux grands obstacles sur la voie de la pleine réalisation de l'antisémitisme d'État [...] étaient représentés par le roi et le Saint-Siège. » En ce qui concerne Victor-Emmanuel, ce fut simple et rapide : Mussolini envoya Buffarini-Guidi à San Rossore, où se trouvait alors le roi. La rencontre entre les deux fut rapide et se termina comme Mussolini l'avait prévu. Victor-Emmanuel fit une résistance timide mais, informé de la manière dont le Duce entendait mettre en place la politique antisémite, il céda immédiatement, se limitant à une invitation à reconnaître les mérites de ceux qui s'étaient distingués par leur patriotisme et s'exprimant en termes pleinement favorables à l'adoption des lois contre les Juifs de nationalité italienne. Le roi déclare textuellement « Je suis vraiment heureux que le Président ait l'intention de rendre hommage à ces Juifs qui se sont distingués par leur attachement à la patrie ». Il fut beaucoup plus difficile de surmonter l'obstacle du Saint-Siège, ou plutôt de Pie XI.

Une fois les lois promulguées, la discrimination a frappé les juifs italiens dans leurs droits, leur liberté et leur dignité, sans pour autant atteindre l'enfermement et l'élimination physique des sujets « non-aryens », du moins tant que le Royaume d'Italie restait intact et autonome du Reich. Cette étape n'a été franchie qu'avec la proclamation de la république de Salò. L'Italie brisée en deux, dans le royaume du Sud, le roi, qui n'en avait pas voulu, a enfin pu prévoir l'annulation des abominables lois raciales en .

À l'occasion de la journée de mémoire de 2021 Emmanuel Philibert de Savoie, dans une lettre à la communauté juive de Rome, s'est dissocié des lois raciales au nom de la famille de Savoie : « Je condamne les lois raciales de 1938, dont je porte encore tout le poids sur mes épaules et avec moi toute la Maison royale de Savoie et je déclare solennellement que nous ne nous reconnaissons pas dans ce qu'a fait Victor Emmanuel III : une signature douloureuse, dont nous nous dissocions fermement, un document, une ombre indélébile pour ma famille, une plaie encore ouverte pour toute l'Italie. »[58],[59],[60]

Visite en Libye

Visite de Victor-Emmanuel III à Bengasi, mai 1938.

Le , Victor-Emmanuel se rend à Tripoli, en Libye, avec sa femme Elena et ses filles. À Tripoli, il est accueilli par de nombreux civils et écoliers et, une parade militaire est organisée en son honneur, parade à l’issue de laquelle il rencontre les dignitaires de la ville, y compris des représentants de la communauté juive et le rabbin Yitzhak Chai Buchbaza. Dans les jours qui suivent, du au , il visite les petites villes autour de Tripoli, où des réceptions sont également organisées. Dans l’après-midi du , il visite l’ancienne ville de Tripoli, des mosquées et des églises. Lors de sa visite à la communauté juive et à la synagogue locale, il est accueilli par les dignitaires de la communauté, dirigés par le rabbin Yitzhak Chai Buchbaza.

Seconde Guerre mondiale

Le roi Victor-Emmanuel III en uniforme de premier maréchal de l'Empire.

Avec le Pacte de l'Acier signé le [61], qui était une alliance offensive et défensive avec l’Allemagne, l'Italie aurait été obligée de suivre l'Allemagne ans la guerre en 1939. Comme le Pacte de l'Acier était signé, le Ministre des Affaires Etrangères , Joachim von Ribbentrop, dit à Mussolini qu'il n'y aurait pas de guerre jusqu'en ou , mais l'ambassadeur italien à Berlin, Baron Bernardo Attolico, averti Rome que l'information qu'il avait entendu des sources du gouvernement allemand suggérait qu'Hitler avait l'intention de voir la crise de Dantzig s'intensifier en une guerre la même année[61]. Entre le 11 et le , le ministre des Affaires étrangères, Conte Galeazzo Ciano, rend visite à Hitler au Berghof, et apprend que, dans un premier temps, l'Allemagne avait décidé d'envahir définitivement la Pologne ce même été[61]. Mussolini était préparé d'abord à suivre l'Allemagne dans la guerre en , mais il fut bloqué par Victor-Emmanuel[61]. Lors d'une rencontre avec le Conte Ciano le , le roi déclare que « nous ne sommes absolument pas en état de faire la guerre ». Il déclare que l'armée du royaume était « pitoyable » et que l'Italie n'était pas prête à faire la guerre, qu'il ne serait pas rentré dans le conflit à venir, et qu'au moins il était clair qu'ils n'allaient pas la gagner[61]. De manière importante, Victor-Emmanuel déclara qu'en tant que roi d'Italie, il était le commandant en chef suprême, et il voulait être impliqué « dans toutes les décisions », qu'il avait un droit de veto sur chaque décision que Mussolini pourrait prendre en dehors de la guerre[61]. Le , Ciano écrit dans son journal qu'il a informé Mussolini, « furieusement belliqueux », que le roi était contre l'entrée en guerre de l'Italie en , forçant le Duce à concevoir que l'Italie se serait déclarée neutre. Au contraire de l'Allemagne où, depuis , les officiers avaient prêté serment de loyauté personnelle à Hitler, les officiers de l'armée royale, la marine royale et l'aéronautique royale avaient tous prêtés serment de loyauté au roi et non à Mussolini[61]. La grande majorité des officiers italiens, dans toutes les trois catégories, voyaient Victor-Emmanuel comme un opposant à Mussolini et comme le principal locus de leur loyauté, permettant au roi pour de prendre des décisions que Mussolini désapprouvaient[61].

L'Italie se déclare neutre en , mais Mussolini fait comprendre qu'il voulait intervenir aux côtés de l'Allemagne tout en promettant qu'il ne ferait pas pression sur les ressources italiennes (le coût de la guerre en Éthiopie et en Espagne avait poussé l'Italie dans la banqueroute en [61]). Le , Mussolini rencontre Hitler à un sommet au Col du Brennet, et lui promet que l'Italie rentrerait prochainement dans la guerre [61], Victor-Emmanuel avait de forts doutes sur la sagesse d'entrer dans la guerre et, en , il sous-entend à Ciano qu'il considérait la démission de Mussolini, comme l'écrit Ciano dans son journal : « le roi pense qu'il faut nécessairement qu'il intervienne à un moment pour mener les choses dans une direction différente, il préparait de faire cela rapidement ». Victor-Emmanuel espère qu'un vote contre l'entrée de l'Italie en guerre aurait été inscrit dans le Grand Conseil fasciste, comme il savait que les hiérarchies Cesare Maria De Vecchi, Italo Balbo et Emilio de Bono étaient tous contre la guerre, mais il refuse d'insister à appeler le Grand Conseil comme une condition préalable en donnant son consentement de déclarer la guerre[38]. Le , Mussolini soumet à Victor-Emmanuel une longue note argumentant que l'Italie, pour achever son espace vital recherché depuis longtemps, doit entrer en guerre aux côtés de l'Axe cette année[61]. Cependant, le roi reste absolument opposé à l'entrée en guerre de l'Italie jusqu'en , à la frustration intense de Mussolini[61]. À un moment, Mussolini se plait à Ciano, qu'ils y ait deux hommes, Victor-Emmanuel et le pape Pie XII, qui l'avait prévenu de ce qu'il voulait faire. En conduisant l'État, il voulait « faire sauter » la Couronne et l'Église catholique[61].

Le roi Victor-Emmanuel III en 1939.

Victor-Emmanuel était un homme prudent, il avait toujours consulté tous les savants capables de lui faire prendre une décision. Ici, les officier supérieurs des forces armées l'informe des déficiences de l'armée italienne[38]. Le , l'Allemagne lance une offensive majeure dans les Pays-Bas et la France. Comme la Wehrmacht continuait d'avancer en France, l'opposition du roi d'Italie d'entrer en guerre commence à l'affaiblir mi-mai 1940. Mussolini argumente en qu'il était évident que l'Allemagne allait gagner la guerre, que c'était une chance incomparable pour l'Italie d'avoir des gains majeurs face à l’expansion de la France et de la Grande-Bretagne, qui permettrait à l'Italie de devenir la puissance dominante sur la Méditerranée[61]. Le , Victor-Emmanuel donne à Mussolini la permission d'entrer en guerre, bien que le roi retienne le commandement suprême alors qu'il donne seulement à Mussolini le pouvoir sur les questions politiques et militaires[61]. Le délai de dix jours entre la permission du roi d'entrer en guerre et la déclaration de guerre est causé par une question de Mussolini qu'il ait les pouvoirs de commandement suprême, une tentative de prendre une prérogative royale que Victor-Emmanuel rejetait. Il a finalement scellé le compromis de donner à Mussolini les pouvoirs de commandement opérationnels[38].

Le , ignorant les conseils indiquant que le pays n'est pas préparé, Mussolini pris la décision irrévocable de faire rentrer l'Italie dans la Seconde Guerre mondiale aux côtés de l'Allemagne nazie. Dès le début, les désastres se suivent. La première offensive italienne, une invasion de la France, lancée le , se termine dans une défaite complète. C'est seulement le fait que la France signe un armistice avec l'Allemagne le , suivie par un autre armistice avec l'Italie le qui permet à Mussolini de se présenter comme un victorieux[61]. Victor-Emmanuel critique brusquement l'expression d'« armistice franco-italienne », en disant que l'Italie occupait la Tunisie, la Corse et Nice, bien que le fait que l'armistice lui permette de proclamer une victoire sur la France, était une source de nombreux plaisirs. En et , les armées italiennes en Afrique du Nord et en Grèce souffrent de défaites humiliantes. À la différence de son opposition de rentrer en guerre avec des puissances majeures comme la France et la Grande-Bretagne (qui pouvait battre l'Italie), Victor-Emmanuel approuve le plans de Mussolini d'envahir la Grèce pour s'en retirer une fois envahie[61]. À travers la police para-militaire, Victor-Emmanuel est bien informé sur l'état de l'opinion publique et, à partir de l'automne , il reçoit par correspondance des rapports disant que la guerre avec le régime fasciste devenait de plus en plus auprès les italiens[38]. Quand Mussolini fait de Pietro Badoglio le bouc émissaire de la défaite lors de l'invasion de la Grèce et il le renvoie de son poste de chef d'État Major en , Badoglio appelle le roi à l'aide. Victor-Emmanuel refuse d'aider Badoglio, en lui disant que Mussolini arrangerait la situation comme il le faisait dan le passé[38]. En , le roi admet à son aide de camp, le général Paolo Puntoni, que la guerre ne va pas bien et qu'elle devenait très impopulaire. Cependant, il décide de garder Mussolini comme premier ministre car il n'y avait aucun remplacent pour lui[38]. Le roi avait supporté le fascisme car il craignait que le fascisme mette fin à la monarchie puisque les parties antifascistes étaient républicains[38].

Désignation d’Aymon de Savoie -Aoste comme roi de Croatie sous le nom de Tomislav VII.

Durant l'invasion de la Yougoslavie en , Victor-Emmanuel va dans une villa qui appartient à la famille Biroli Pirzio à Brazzacco au lieu d'être sur le front[62]. En , Victor-Emmanuel donne la permission à son cousin impopulaire, le prince Aimond, de devenir roi de Croatie sous le titre de Tomislav II, dans une intention de le faire partir de Rome, mais Aimond frustre son ambition en n'allant jamais en Croatie pour recevoir la couronne[38]. Pendant un voyage dans les nouvelles provinces qui ont été annexées à l'Italie sur la Yougoslavie, Victor-Emmanuel commente la politique fasciste envers les Slovènes et les Croates qui se dirigent alors vers la rébellion. Cependant, cela ne changea pas l'intervention militaire ni sa politique[38]. Le , l'Allemagne lance l'Opération Barbarossa, l'invasion de l'Union soviétique. Mussolini devrait affronter le roi pour une déclaration de guerre, et envoye une force expéditionnaire italienne sur le front de l’Est. En effet, Victor-Emmanuel voulait revendiquer qu'il irait avec seulement une petite force en Union soviétique, à la place des 10 divisions que Mussolini avait envoyées[38].

Victor-Emmanuel, roi d'Italie, d'Albanie, de Libye et d’Éthiopie

En , l'Italie perd ses colonies en Afrique de l'Est. La perte de ces colonies ainsi que les défaites en Afrique du Nord et dans les Balkans, causèrent une perte de confiance immense dans la capacité de Mussolini à gouverner, et beaucoup d'officiers supérieurs tels que Emilio de Bono et Dino Grandi espérent au printemps que le roi le renvoie afin de sauver le régime fasciste[38]. À l'été , les généraux des carabiniers disent au roi que les carabiniers sont prêts à agir comme une force de frappe pour un coup d'état contre Mussolini, en disant que si la guerre continuait, cela causerait une révolution qui balayerait à la fois le régime fasciste et la monarchie[38]. Victor-Emmanuel refuse son offre et, en , quand le Conte Ciano lui dit que la guerre est perdue, il le critique pour « défaitisme », en disant qu'il croyait toujours en Mussolini[38]. Le ,Victor-Emmanuel accepte plutôt aisément la demande de Mussolini de déclarer la guerre aux États-Unis[38]. Craignant d'anticiper la stratégie américaine « l’Europe d’abord », le roi croyait que les Américains suivraient la stratégie « Asie d'abord », consistant à concentrer tous leurs efforts sur le Japon en revanche à Pearl Harbor : déclarer la guerre aux États-Unis était donc une décision sans risque[38]. Le roi était satisfait par la nouvelle que le Japon entre en guerre, supposant que le fait que les colonies britanniques en Asie soient en danger force les Anglais à redéployer leurs forces en Asie, permettant ainsi finalement la conquête de l'Égypte par l'Axe[38]. Le maréchal Enrico Caviglia écrit dans son journal que la manière avec laquelle Victor-Emmanuel avait refusé d'agir contre Mussolini, en dépit du fait qu'il gérait mal la guerre, était « criminelle »[38]. Un journaliste italien[Qui ?] se souvient que, dès l'automne , il ne connaissait personne qui ressente rien de plus que « du mépris » pour le roi qui était peu disposé à se dissocier du fascisme.

L'historien anglais Denis Mack Smith écrit que Victor-Emmanuel avait tendance à procrastiner quand il se trouvait face à des choix difficiles, et sa réticence au renvoi de Mussolini, malgré la pression croissante de l’élite italienne, était sa façon d’essayer d’éviter de prendre une décision[38]. De plus, Victor-Emmanuel avait beaucoup de respect pour Mussolini, qu’il considérait comme son premier ministre le plus compétent, et semblait redouter de s’en prendre à un homme dont l’intelligence était plus grande que la sienne[38]. Dans une conversation avec le nonce apostolique, le roi a expliqué qu’il ne pouvait pas signer un armistice parce qu’il détestait les États-Unis comme une démocratie dont les dirigeants étaient responsables devant le peuple américain, parce que la Grande-Bretagne était « pourrie jusqu’au cœur » et cesserait bientôt d’être une grande puissance, et parce que tout ce qu’il n’arrêtait pas d’entendre sur les pertes massives subies par l’Armée rouge l'avait que convaincu que l’Allemagne gagnerait au moins sur le front de l’Est [38]. Une autre excuse utilisée par Victor-Emmanuel était que Mussolini était prétendument toujours populaire auprès du peuple italien et que cela offenserait l’opinion publique s’il renvoyait Mussolini. Le Vatican était favorable à la sortie de l’Italie de la guerre en , mais les diplomates pontificaux ont déclaré à leurs homologues américains que le roi était « faible, indécis et excessivement dévoué à Mussolini[38] ».

À l'été , lors d'une audience privée avec Victor-Emmanuel, Filippo Grandil lui demande de renvoyer Mussolini et de signer un armistice avec les Alliés avant que le régime fasciste ne soit détruit, ce à quoi le roi lui répond de « faire confiance à votre roi » et « d’arrêter de parler comme un simple journaliste »[38]. Filippo Grandi dit à Ciano que le roi doit être « fou » et / ou « sénile » car il était totalement passif, refusant d’agir contre Mussolini[38]. À la fin de l'année , la Libye italienne est perdue. Lors de l’opération Anton du , la partie inoccupée de la France est occupée par les forces de l’Axe, ce qui permet à Victor-Emmanuel de proclamer dans un discours que la Corse et Nice sont enfin « libérées »[38]. Au début de l'année , les dix divisions de l’armée italienne en Russie (Armata Italiana in Russia, ou ARMIR) sont écrasées lors d’une action parallèle à la bataille de Stalingrad. Au milieu de l’année , les dernières forces italiennes en Tunisie se rendent et la Sicile est prise par les Alliés. Gênée par le manque de carburant ainsi que par plusieurs défaites graves, la marine italienne passa la majeure partie de la guerre confinée au port. En conséquence, la mer Méditerranée n’était pas vraiment la Mare Nostrum italienne. Bien que l’armée de l’air ait généralement fait mieux que l’armée ou la marine, elle manquait chroniquement d’avions modernes.

Alors que la probabilité d'une victoire italienne se détériore, la popularité du roi en souffre, comme l'atteste une chansonnette de café:

Quand notre Victor était un simple roi,
Le café était une chose courante.
Quand un empereur, il a été fait,
L’odeur du café s’est estompée.
Depuis qu’il a obtenu le trône d’Albanie,
Même l’odeur a volé.
Et si nous avons une autre victoire,
Nous allons aussi perdre notre chicorée

Victor-Emmanuel est forcé de concéder que Mussolini avait pris un virage « pour le pire », qu’il impute à « cette femme » comme il appelait la maîtresse de Mussolini, Clara Petacci[38]. Le , le roi envoie à Mussolini une lettre disant que l’Italie doit signer un armistice et quitter la guerre[38]. Le , Filippo Grandi voit le roi et lui dit qu’il doit renvoyer Mussolini avant que le système fasciste ne soit détruit. Lorsque le roi rejette cette voie au motif que le Grand Conseil fasciste ne voterait jamais contre Mussolini, Filippo Grandi lui assure que ce serait le cas, affirmant que la majorité des dirigeants étaient maintenant contre Mussolini[38]. En utilisant le Vatican comme intermédiaire, Victor-Emmanuel contacte les gouvernements britannique et américain en pour leur demander si, en tant qu'alliés, ils sont prêts à voir la maison de Savoie continuer de gouverner après la guerre[38].

Le roi Victor-Emmanuel III à Syracuse entre 1941 et 1942. Inspection des troupes, accostage de la marine

Lorsque le roi visite les quartiers bombardés de Rome, il est hué par ses sujets qui le blâment pour la guerre, ce qui fait s’inquiéter Victor-Emmanuel de la possibilité d’une révolution qui pourrait amener une république[38]. À cette époque, des plans sont discutés au sein de l’élite italienne pour remplacer Mussolini. Victor-Emmanuel déclare qu’il veut maintenir le système fasciste après avoir rejeté Mussolini, et qu'il cherche à corriger seulement quelques-uns de « ses aspects délétères »[38]. Les deux remplaçants évoqués pour Mussolini sont le maréchal Pietro Badoglio et son rival, le maréchal Enrico Caviglia. Comme le maréchal Caviglia était l’un des rares officiers du Regio Esercito à garder ses distances avec le régime fasciste, il était inacceptable pour Victor-Emmanuel qui voulait un officier engagé dans la défense du fascisme, ce qui l’a conduit à choisir Badoglio qui avait loyalement servi Mussolini et commis toutes sortes d’atrocités en Éthiopie, mais qui avait une rancune contre Il Duce pour avoir fait de lui le bouc émissaire de l’invasion ratée de la Grèce en [38]. En outre, Badoglio était un opportuniste qui était bien connu pour sa flagornerie envers ceux qui étaient au pouvoir, ce qui a conduit le roi à le choisir comme successeur de Mussolini car il savait que Badoglio ferait n’importe quoi pour avoir le pouvoir alors que Caviglia avait une réputation d’homme de principes et d’honneur[38]. Le roi pensait que Badoglio en tant que premier ministre obéirait à tous les ordres royaux alors qu’il n’était pas si certain que Caviglia ferait de même[38]. Le , lors d’une réunion secrète, Victor-Emmanuel dit à Badoglio qu’il prêterait bientôt serment en tant que nouveau premier ministre italien et que le roi ne voulait pas de « fantômes » (c’est-à-dire de politiciens libéraux de l’ère pré-fasciste) dans son cabinet[38] .

Chute du fascisme

Ces nouvelles défaites incitent le Grand Conseil du fascisme à voter contre le soutien à la politique de Mussolini (). Le même jour, Victor-Emmanuel prend acte de la démission de Mussolini qui, placé en détention[63], reconnait sa loyauté envers le roi et le nouveau gouvernement Badoglio. En juin, Victor-Emmanuel avait intensifié ses contacts avec des antifascistes, directement ou par l’intermédiaire du ministre de la Maison de l'Aquarone. Le , au lendemain du sommet de Feltre entre Mussolini et Hitler et après le premier bombardement de Rome, le souverain avait discuté avec Mussolini de la nécessité de sortir du conflit en laissant les Allemands seuls et de l’éventualité d’un revirement à la présidence du Conseil. La reine Hélène a laissé dans ses mémoires un compte rendu de la rencontre qui a précédé l’arrestation de Mussolini et sa réaction subséquente.

Le nouveau gouvernement Badoglio hérite de la lourde tâche d’élaborer une stratégie de sortie du conflit et de garantir l’ordre public dans le pays. Les conditions internes ne permettaient pas vraiment la poursuite de la guerre aux côtés de l'allié allemand, il est donc urgent de parapher un armistice avec les puissances alliées et d’éviter que l’armée allemande qui, à la suite des accords conclus avec le gouvernement précédent, renforçait sa présence dans la péninsule, ne verse sa puissance aux troupes et à la population italienne. Le gouvernement annonce alors la poursuite de la guerre, mais entame des négociations avec les Alliés.

Le même jour, Grandi décide de passer à l’action. Avec les routes et les chemins de fer endommagés par les bombardements, il quitte Bologne en portant avec lui la première ébauche de son ordre du jour, qui sera présenté au Grand Conseil. Il n'atteint Rome que le lendemain, et le matin du 21, il rencontre Scorza, qui lui a dit que Mussolini avait décidé de convoquer la séance. Ce « gros jeu » commençait alors que Grandi essayait vainement d'arriver jusque-là.

Bombardement de Rome le 20 juillet 1943

Après l’échec de la rencontre de Feltre et le premier bombardement de Rome, la crise s'accélère. Le lendemain, le , Mussolini rencontre Ambrosio à deux reprises. Lors de la deuxième visite, le soir, le Duce lui dit qu’il a décidé d’écrire à Hitler pour avouer la nécessité pour l’Italie d’abandonner son alliance avec l’Allemagne. Toujours furieux de l’occasion manquée de faire cela à Feltre, Ambrosio, outré, lui offre sa propre démission, ce que Mussolini rejette. Pour Ambrosio, Mussolini était devenu inutile après Feltre : il décide de mettre en œuvre le plan visant à renverser le gouvernement et le commandement des forces armées.

Parallèlement, Dino Grandi et Luigi Federzoni, leader nationaliste et proche allié, font des sondages pour savoir combien des 27 membres du Grand Conseil voteraient son document. Ils estiment que quatre étaient en faveur, sept contre et seize indécis. Le problème de Grandi était qu’il ne pouvait pas révéler aux autres les conséquences concrètes de l’approbation de son ordre du jour: la destitution de Mussolini, la fin du parti fasciste, et la guerre contre l’Allemagne. Seules quelques dirigeants possédaient l’intelligence politique pour en comprendre l’ampleur, d’autres encore espéraient que leur Duce, qui avait décidé pour eux au cours des vingt et une dernières années, produirait un miracle.

En conséquence, Grandi écrit son ordre du jour en termes vagues, laissant à chacun sa libre interprétation. L'ordre du jour est divisé en trois parties. Il commence par un long message rhétorique, qui plait à la nation et aux forces armées, les félicitant pour leur résistance face aux envahisseurs. La deuxième partie demande le rétablissement des institutions et des lois pré-fascistes. La fin du document est un appel au roi : il assumerait les pouvoirs civils et martiaux suprêmes, conformément à l’article 5 du Statut albertin, à savoir la constitution du royaume.

La partie initiale de l’ordre du jour sur les pouvoirs du Grand Conseil, plus tard supprimée, montrait que le plus grand collège du fascisme avait le pouvoir légal de destituer Mussolini. Selon les constitutionnalistes, les lois fascistes de 1925 était en contradiction avec la Constitution, mais ne la supplantaient pas. En raison de ces lois, le Duce commandait le pays au nom du roi, qui restait toujours la source du pouvoir exécutif. Compte tenu de cela, si le Grand Conseil, trait d’union entre le fascisme et l’État, passait une motion de défiance à l’égard du dictateur, le roi était légitimement en première ligne pour le destituer et nommer un successeur à un nouveau gouvernement.

Pour Dino Grandi, l’approbation de son ordre du jour était le signal que le roi attendait pour agir. Le , Mussolini ordonne à Scorza de convoquer la session du Grand Conseil pour la soirée du samedi 24[64]. Scorza envoie les invitations le lendemain. Une lettre prescrit les vêtements requis : « Uniforme fasciste, saharien noir, pantalon court gris vert: GAGNANT ». En fin d’après-midi ce jour-là, Grandi va voir Scorza et lui explique son ordre du jour. Étonnamment, le secrétaire du parti dit qu’il le soutiendrait. Scorza a demandé à Grandi une copie du document mais, le lendemain matin, le président de la Chambre des fascistes rencontre Mussolini et lui montre de sa propre initiative. Le Duce dit que son ordre du jour est inadmissible et lâche. Ensuite, Scorza prépare un autre ordre du jour, qui ressemble à celui de Grandi, dans lequel il demande la concentration du pouvoir au parti fasciste.

Le matin du a lieu la rencontre la plus importante: celle entre le roi et Mussolini, qui voulait lui rendre le résultat de la rencontre de Feltre. Le contenu de la conversation reste inconnu mais, selon Badoglio, il est possible que le Duce ait apaisé les craintes du roi, lui promettant de désengager l’Italie de la guerre à partir du . Les deux mois de délais s’expliqueraient par le fait que les sondages avec les Alliés, entrepris par Bastianini, portaient lentement leurs fruits; de l’autre côté, Mussolini aurait eu besoin de plus de temps pour se justifier lui-même et l’Italie devant le monde pour sa trahison. Apparemment, le roi est d’accord avec lui : cela expliquerait pourquoi Mussolini ne semblait pas du tout préoccupé par l’issue de la session du Grand Conseil. En effet, sans l’aide du roi, le coup d’État militaire était voué à l’échec. Quoi qu’il en soit, à la fin de l’audience, les deux hommes sortent confortés dans leurs conclusions opposées : alors que Mussolini est convaincu que le roi est toujours de son côté, Victor-Emmanuel est déçu que du Duce n’ait pas démissionné. Le roi est alors contraint d'envisager sérieusement le putsch comme une option : il est au courant des tentatives de Bastianini avec les Alliés, tandis que Farinacci, fasciste de la ligne dure, organise un putsch pour le déposer, lui et Mussolini, dans le but de mettre l’Italie sous contrôle direct allemand. La décision finale est prise après avoir appris que le Grand Conseil adopterait la motion de Grandi.

À 17h30 le même jour, Grandi se rend au Palazzo Venezia. La raison officielle est la présentation à Mussolini d’un nouveau livre. La durée prévue n'est que de 15 minutes, mais la rencontre se poursuit jusqu’à 18h45; là attend d’être reçu le maréchal Albert Kesselring. Bien qu'en , dans ses mémoires, Mussolini ait nié qu’on ait parlé de l'ordre du jour de Grandi, cela reste peu fiable : il est plus crédible que Grandi, qui aimait le Duce, lui ait donné une dernière chance d’éviter l’humiliation et de démissionner, de sorte que le Grand Conseil serait superflu. Mussolini aurait écouté Grandi lui expliquer la nécessité de démissionner pour éviter la catastrophe, mais il aurait rétorqué que ses conclusions étaient erronées, l’Allemagne ayant commencé à produire des armes secrètes qui renverseraient le cours du conflit. Puis, Mussolini rencontra Kesselring et Chierici, le chef de la police. Ce dernier aurait confié qu’il serait facile de faire reculer Grandi, Bottai et Ciano, impatients d’être rassurés par lui. Le matin du , Mussolini accepte la démission de Cini : c'est un signal direct à ses adversaires.

Dans le même temps, chez Federzoni, Grandi, Federzoni lui-même, De Marsico, l’un des juristes les plus distingués d’Italie, Bottai et Ciano modifient l'ordre du jour en supprimant l’introduction interprétative expliquant les fonctions du Grand Conseil. Il ressort également des journaux intimes de Giuseppe Bottai que c’est à ce stade que fut introduite la partie la plus incisive du texte, à savoir l’invocation de l’article 5 du Statut albertin.

À cette occasion, Ciano s’informe de l'ordre du jour de Grandi da Bottai. Grandi reste réticent à l’associer, connaissant la superficialité et l'inconstance bien connues du gendre de Mussolini mais Ciano insiste, ne sachant pas que sa décision l’amènerait six mois plus tard à être tué à Vérone. Après cela, Grandi rencontre Farinacci à son siège au Parlement, lui montrant son ordre du jour. L'invité lui dit qu’il approuve la première partie du document, mais n'est pas d’accord sur tout le reste. Pour le fanatique Farinacci, les pouvoirs de guerre doivent être transférés directement aux Allemands, et l’Italie doit commencer à combattre dans la guerre plus durement et se défaire de Mussolini et des généraux. Finalement, lui aussi, comme Scorza, demande à Grandi une copie de son ordre du jour, et lui aussi l’utilise pour rédiger son propre ordre du jour. Dans le temps qui lui restait avant la réunion fatale, Grandi communique avec les autres participants pour leur demander de se joindre à son action.

La reine Hélène a raconté dans une interview de mars 1950, publiée dans L’Histoire illustrée de juillet 1983, les vingt minutes de la rencontre entre Victor-Emmanuel III et Benito Mussolini, ainsi que la détitution et l’arrestation de ce dernier :[réf. nécessaire]

« Nous étions dans le jardin. Il ne m’avait encore rien dit. Quand Acquarone émotif nous a rejoints, et a dit à mon mari : « Le général des carabiniers souhaite, avant l’arrestation de Mussolini, l’autorisation de Votre Majesté ». Je suis restée de pierre. Il me vient ensuite à trembler quand j'entendis mon mari répondre « Tout va bien. Quelqu’un doit prendre ses responsabilités. Je l’assume. » Là, ensuite, je gravissais l'escalier avec le général. Je traversais l'entrée quand Mussolini entra. J'allais à la rencontre de mon mari. Et mon mari lui dit « Cher Duce, L'Italie va en touche... » Je ne l'avais jamais entendu l'appelé ainsi, mais toujours « Excellence ». Entre-temps j'allais au premier étage, tandis que ma dame d’honneur, Jaccarino, s’attardant dans la salle, était restée en bas et ne pouvait plus bouger. Plus tard, il m'a tout rapporté. Il m'a dit que mon mari avait perdu son sang-froid et s'était mis à crier sur Mussolini, lui a finalement fait part qu'il le destituait et qu'il mettait Pietro Badoglio à sa place.

Quand la Jaccarino m’a atteint, par la fenêtre d’une salle, nous avons vu mon mari calme et serein, qui accompagnait sur les marches de la villa, Mussolini, L’entretien avait duré moins de vingt minutes. Mussolini semblait âgé d’une vingtaine d’années. Mon mari lui serra la main. L’autre a fait quelques pas dans le jardin, mais a été arrêté par un officier des carabiniers suivi de soldats armés. Le drame s’était réalisé. Je me sentais bouillir. Je n’ai pas frappé de justesse mon mari qui rentrait. « C’est fait », dit-il doucement. « Si, vous deviez le faire arrêter, lui criai-je à pleine voix, indignée, cela devait se faire devant notre maison. Ce que vous avez fait n’est pas un geste de souverain... ». Il a répété « C’est fait maintenant » et a essayé de me prendre sous le bras, mais je me suis éloigné de lui, « Je ne peux pas accepter un tel fait », j’ai dit « mon père ne serait jamais comporté ainsi » puis je suis allée m’enfermer dans ma chambre. »

Chute de Mussolini

Le grand-père de Luigi Caprotti (1913-1986), Giovanni Maria Caprotti (1850-1904), avait été employé par la Villa Royale de Monza à l’époque du roi Humbert Ier, père de Victor-Emmanuel III. Photo prise en 1941.

Au cours du premier semestre de , dans une situation générale très préoccupante, induite par l’opinion de plus en plus partagée, selon la dont la guerre est perdue et qu’elle apporte des dommages insupportables et très graves au pays, Benito Mussolini, chef du gouvernement, effectue une série de rotations qui lui permettent d'investir certains des centres de pouvoir et des hautes fonctions les plus importants de l'État en supprimant, entre autres, certains personnages qu’il considère comme hostiles à la poursuite du conflit aux côtés de l’Allemagne, ou en tout cas plus fidèles au roi qu’au régime fasciste. Giuseppe Volpi, président de la Confindustria et membre du Grand Conseil du fascisme, Galeazzo Ciano, ministre des Affaires étrangères et gendre du Duce, relégué au poste d’ambassadeur auprès du Saint-Siège, et le ministre de la Culture populaire Alessandro Pavolini, chargé de la direction du quotidien Il Messaggero, sont destitués.

Selon certains chercheurs, c’est à la suite de ces substitutions, visant à renforcer le régime en crise, sinon ouvertement hostiles au Quirinale (d'où venaient depuis longtemps des critiques voilées à l’égard du gouvernement), que le roi Victor-Emmanuel III aurait décidé d'agir et aurait commencé à concevoir de manière exécutoire un plan permettant de démettre Mussolini de ses fonctions. Marie-José de Savoie, épouse du prince héritier Humbert, dès le début du mois de , soit un an avant l’armistice du , avait entamé, par l’intermédiaire de Guido Gonella, des contacts avec le Vatican, en la personne de Giovanni Battista Montini, souhaitant pouvoir recourir à la diplomatie pontificale, et donc au chargé d’affaires de l’ambassade d’Italie auprès du Saint-Siège. L’ambassadeur Babuscio Rizzo, qui avait pris la relève de Galeazzo Ciano, est employé comme intermédiaire passer et pour ouvrir un canal de communication avec les Alliés anglo-américains (notamment l’ambassadeur des États-Unis auprès du Saint-Siège, Myron C. Taylor) afin de sortir l’Italie de la Seconde Guerre mondiale.

C’est pourquoi Dino Grandi, l’un des membres les plus intelligentes et les plus prestigieuses de l'élite dirigeante, avait été approché dans sa jeunesse et est devenu le seul véritable antagoniste potentiel de Mussolini au sein du parti national fasciste. On[Qui ?] soupçonnait également qu'il avait beaucoup révisé ses idées sur le régime. À Grandi, par l’intermédiaire de médiateurs gracieux et de confiance dont le comte d'Acquarone, ministre de la Maison Real, et Pietro Badoglio lui-même, s'offre l’occasion de faire tomber le dictateur et convient que la saison du fascisme original, celle de l'« idée pure » des faisceaux de combat, était terminée et que le régime s’était désespérément édulcoré dans un système quelconque de gestion du pouvoir, ayant perdu tout espoir de survivre à lui-même.

Grandi réussit à impliquer dans la fronde à la fois Giuseppe Bottai, un autre gerarca très important qui soutenait l’idée originale et « sociale » du fascisme en opérant sur les domaines de la culture, et Galeazzo Ciano, qui, en plus d’être ministre et très haut hiérarque lui aussi, était aussi le gendre du Duce. Ils donnent naissance à l'ordre du jour que Grandi présentera à la réunion du Grand Conseil du fascisme le et qui contient l'invitation adressée au roi de reprendre les rênes de la situation politique. Mussolini est arrêté et remplacé par Badoglio, au lieu, comme on l’avait toujours dit à Grandi, d'Enrico Caviglia.

La nomination de Badoglio ne signifie pas une trêve, bien qu’il s’agissait d’un élément de la manœuvre savoyarde pour parvenir à la paix. À travers un grand nombre d'artifices, on[Qui ?] cherche un contact productif avec les puissances alliées, en essayant de reconstituer au passages des négociations (toujours appelées spontanées et indépendantes) déjà tissées par Marie-José, l'épouse d’Humbert de Savoie, qui pourraient cette fois mériter l'aval du roi. Le général Castellano est envoyé à Lisbonne pour rencontrer les envoyés alliés mais il ne peut pas mettre en œuvre la mission avec la précision que la situation dramatique exige. Castellano, en effet, n'est autorisé à atteindre le territoire neutre qu'en train et met trois jours pour atteindre Madrid, puis Lisbonne. Castellano ne parle pas anglais et peut se servir comme traducteur et assistant le consul Franco Montanari (qui l’accompagnera plus tard jusqu'à Cassibile). Ce n’est que le qu’il se joint aux représentants du commandement allié. Il repart le 23, arrivant finalement à Rome le . La mission a duré quinze jours. Pendant ce temps, pour rejoindre l’envoyé italien, le général Rossi et le général Zanussi ont été envoyés à Lisbonne par avion, se présentant aux représentants alliés alors que Castellano était nouvellement pour Rome. Ce choix engendre également une certaine perplexité parmi les Alliés. En particulier, le général Zanussi, déjà attaché militaire à Berlin, n'est pas bien vu par les Alliés. Confus par l’envoi de délégations aussi proches et sans coordination[65], l’ambassadeur britannique Ronald Campbell et les deux généraux envoyés dans la capitale portugaise par le général Dwight David Eisenhower, l’Américain Walter Bedell Smith et le Britannique Kenneth Strong, reçoivent la disponibilité de Rome à la capitulation[66].

La proposition de capitulation n’était en réalité pas considérée avec beaucoup d'exaltation de la part des Alliés, car le sort de la guerre était déjà évidemment marqué vers une probable défaite prochaine des armées italiennes. Quoi qu’il en soit, la reddition aurait signifié une accélération du cours de la guerre vers la défaite allemande, même si elle pouvait limiter en partie les avantages que les forces alliées avaient l’intention de tirer de la victoire militaire[67].

Des commentaires ultérieurs[Lesquels ?] faisant autorité, ainsi que la commémoration après la guerre par les acteurs concernés (dont l’un était Eisenhower), il a été déduit que c’était l’incertitude dans les relations entre les puissances alliées et l’intention d’éviter, la guerre étatnt encore ouverte, des conflits d'intérêt dangereux qui poussait les Alliés à accepter d’en parler avec une attention concrète. Si l’Italie avait été conquise, par exemple, par les États-Unis (déjà en position de suprématie militaire dans l’alliance), l’Angleterre et l’URSS auraient évidemment fait valoir leurs positions pour s’assurer que leurs acquisitions stratégiques seraient équilibrées et ils se seraient battu en leur nom, peut-être même contre les Américains eux-mêmes. De plus, dans une éventuelle partition, il fallait absolument éviter (selon les autres[Qui ?]) que l’Italie tombe aux mains des Britanniques, car Londres aurait pu monopoliser le trafic commercial, colonial et surtout pétrolier de la Méditerranée. Si Yalta n’était pas encore à la vue, on commençait à en sentir l’approche[67]. Accepter la capitulation (en renonçant à conquérir militairement l’Italie) est donc devenu le choix le plus utile, pour lequel dépenser beaucoup d’énergie diplomatique, tant du côté américain que des autres alliés.

Le 30 août, Badoglio convoque Castellano, rentré le 27 de Lisbonne avec quelques perspectives. Le général a fait la demande d’une réunion en Sicile, qui a déjà été conquise. La proposition est présentée par les Alliés par l’intermédiaire de l’ambassadeur britannique au Vatican, D’Arcy Osborne, qui a coopéré étroitement avec son compatriote américain Myron Charles Taylor. On[Qui ?] a conjecturé que le choix même de ce diplomate n’avait pas été fortuit, ce qui signifiait que le Vatican, déjà par l’intermédiaire de Montini bien plongé dans des négociations diplomatiques pour l’avenir de l’après-guerre et soupçonné par le Quirinale d’avoir opposé la paix lors de négociations antérieures, a cette fois approuvé, ou du moins n’avait pas l’intention d’entraver, la poursuite d’un tel objectif.

Face à l’avancée incessante alliée et à la campagne de bombardements aériens et navals qui envahit le reste de l’Italie, avant même que Catane ne soit occupée par les Britanniques le et que le dernier volet de terre sicilien ne soit évacué par les forces de l’Axe (occupation de Messine le ), le roi décide finalement de se débarrasser de celui que les Italiens considérent comme le premier responsable de la catastrophe, en dénonçant et en faisant arrêter Benito Mussolini le , juste après la méfiance qui lui avait été décrétée à la majorité la veille par le Grand Conseil du fascisme lui-même, à l’initiative de Dino Grandi. Le même Grandi, interrogé par le souverain sur la situation, l’avertit dès le du danger imminent et grave qui courait sur la nation si la chute de Mussolini n’était pas suivie d’un armistice avec les Alliés et de la rupture avec les Allemands et si les armes n’avaient pas été résolument dirigées contre eux[68] :

« Si notre armée ne se défend pas et ne contre-attaque pas les forces d’invasion allemandes qui traversent déjà le Brenner, et que simultanément le gouvernement ne prend aucun contact sérieux avec les Alliés, je prévois des jours formidables pour la nation. »

 Dino Grandi

La charge de Badoglio

Photographie de Pietro Badoglio.

Mussolini est remplacé de manière express à la tête du gouvernement par le maréchal d’Italie Pietro Badoglio, un militaire piémontais largement compromis par les initiatives du régime fasciste. Malgré la lourde peine amenée par ceux-ci durant la campagne de Grèce, il est préféré par le souverain à Enrico Caviglia, qui porte un grade identique et duquel Grandi avait loué la candidature mais qui semble suspect pour être « trop britannophile ».

Le , le gouvernement Badoglio communique avoir décidé de déclarer Rome ville ouverte, en demandant à tous les belligérants de respecter cette déclaration. Le , les Américains effectuent sur la ville une nouvelle et très lourde incursion aérienne[69].

Le , est alors ratifié un communiqué officiel dans lequel on lit que, « en raison du manque de consédération de la demande du 31 juillet », le gouvernement italien se voyait « contraint à la proclamation unilatérale, formelle et publique de Rome ville ouverte, en prenant les mesures nécessaires aux normes du droit international ». Le est ratifié un autre communiqué officiel, dans lequel on informe que, à l'occasion des survols des avions ennemis sur la capitale, il n'y aurait aucune manifestation de défense contre ceux-ci.

La vacuité des mots proférés tardivement par le gouvernement Badoglio, qui s'était décidé déclarer de manière unilatérale Rome « ville ouverte » pas avant trente heure après le second bombardement qui l'avait bouleversé, témoigne du fait que les Alliés avaient déjà acté la chute de Mussolini et que chaque moyen utilisé par le gouvernement italien pour déclarer Rome « ville ouverte » de manière unilatérale et sans les demandes nécessaires de démilitarisation n'avait aucune valeur pour les observateurs neutres.[Interprétation personnelle ?]Cependant, la ville n'a pas été nouvellement bombardée jusqu'à la libération, advenue le .

Entre-temps, ayant vérifié l'incapacité ou la volonté manquée du roi et du gouvernement Badoglio de pourvoir adéquatement au grave danger qui incombait le Pays, Dino Grandi protège l'Espagne franciste. Étant au contraire à Aldo Castellani, Grandi va au Portugal sur ordre du Roi, afin de prendre contact avec les Anglais. [70]

Armistice de Cassibile

Document envoyé par Victor-Emmanuel III aux marins italiens après l’armistice de 1943.

À cause de l'avancé des Alliés au sud de l'Italie, le gouvernement italien, mis sous pression par le général Eisenhower[71], le [3], signe à Cassibile la première version d'un armistice avec les Anglais et les Américains (nommé armistice court), mais il sera abandonné du fait de fait l'alliance avec les Allemands. L'accord est signé par le général Giuseppe Castellano. Le , les Alliés annoncent la signature de l'armistice, contrairement à ce qu'avait calculé Badoglio.

L'armistice avait été tenu secret pendant quelques jours dans l'espoir vain de tenir les Allemands dans l'ignorance, alors qu'au contraire ils préparaient secrètement l'opération Alaric, visant à prendre le contrôle complet de l'Italie. Cette opération était articulée en trois axes, avec l'objectif de capturer la flotte militaire italienne. Schwartz voulait désarmer l'armée italienne, Eiche libérer Mussolini et Student prendre le contrôle de tout le territoire italien encore non envahit par les Alliés, instaurant un nouveau gouvernement fasciste (qui ne prévoyait pas une présence monarchique). On voulait en effet donner à l'armée italienne le temps de s'organiser contre la réaction des nazis, craignant la réaction allemande. Les opérations dans ce but étaient confiées au général Badoglio qui avait pris le poste de Mussolini le comme chef du gouvernement.

Le général Giuseppe Castellano (en civil) serre la main de Dwight D. Eisenhower après la signature de l’armistice entre l’Italie et les forces armées alliées à Cassibile le 8 septembre 1943. Le major-général Walter Bedell Smith regarde.

L'armée, laissée sans un plan clair d'action de riposte à une offensive de l'ex allié allemand, se trouva désorientée pour affronter les coups des nombreuses unités allemandes qui avaient été envoyés en Italie au lendemain de la chute de Mussolini. En effet, Badoglio, qui retenait les Allemands alors qu'il aurait convenu de se retirer de l'Italie, comme aurait souhaité Rommel, communiqua que les troupes italiennes ne devaient pas prendre l'initiative d'attaques contre l'ex-allié, mais se limiter à répondre.

Entre la nuit du 8 au 9, le roi, après une hésitation initiale et convaincu par Badoglio de la nécessité de ne pas tomber dans les mains allemandes, fuit Rome pour aller vers Brindisi, ville libre du contrôle allemand et non occupée par les anglo-américains. Arrivant au matin du dans le bourg des Abruzzes de Crecchio à quelques kilomètres d'Ortona, il est invité au château ducal de la famille des ducs de Bovino. L'État Major réplique au contraire à Chieti, à une trentaine de kilomètres de Crecchio, près du Palais Mezzanotte. Il passe une journée au château, jouissant de toutes les faveurs disponibles à sa personne.[pertinence contestée] Victor-Emmnanuel poursuit ensuite sa fugue, embarquant à Ortona sur la Corvette Baionetta. À la tête de la défense de Rome, déclarée ville ouverte, le Roi laissa son gendre, le général Giorgio Carlo Calvi de Bergolo, commandant du corps d'armée de la ville. Toutefois, le maréchal Badoglio, qui croyait probablement encore pouvoir atteindre un quelconque accord avec l'Allemagne, ne donne pas l'ordre d'appliquer le plan militaire élaboré par le haut commandement pour affronter un changement éventuel de front[72]. Suivent de dures représailles allemandes contre l'armée italienne, la plus connue étant le massacre de la division Acqui, aussi appellé massacre de Cephalonie.

Le , les allemands libèrent Mussolini au cours d'une opération militaire. Le , Mussolini proclame la naissance de la République sociale italienne à Salò, divisant ainsi de fait l'Italie en deux. Cette situation se termine le , quand une offensive alliée et de l'armée du royaume, reconstruit grâce à l’insurrection générale proclamé par le Comité de libération nationale, amènent les troupes de l'Axe à la capitulation.

La Fugue vers Brindisi

Victor-Emmanuel III s'est réfugié dans le château de Crecchio.

« Juste après six heures, des soldats, debout sur les trottoirs devant les bâtiments du ministère de la Guerre et de l'état-major, saluent ; mais les autres, pour la plupart, restent tels qu'ils sont, la casquette de travers, le visage sombre, les mains dans les poches. Ils flairent la fuite des dirigeants. »

 Témoignage du général Giacomo Zanussi, officier en charge du chef d'état-major Mario Roatta, en fuite avec son supérieur, rapporté dans Arrigo Petacco, La Seconde Guerre mondiale, Armando Curcio Editore, Rome, p. 1171

Le soir du 8 septembre 1943, coïncidant avec l'annonce de l'armistice signé cinq jours plus tôt, divers commandements et garnisons italiens à l'intérieur et à l'étranger sont attaqués ou débordés par les Allemands, de sorte que le roi et le gouvernement Badoglio craignent un coup de main nazi pour s'emparer de la capitale (l'intervention qui a alors eu lieu en même temps et s'achève le ). Au lieu d'organiser la défense de la capitale - ce qui était également militairement possible, comme l'attestèrent plus tard les Allemands eux-mêmes, ils décident de se dépêcher de quitter Rome. Les hypothèses d'atteindre la Sardaigne par bateau tombent rapidement (Les forces germaniques présentes, la 90e Panzer Grenadier Division, se dirigeant déjà vers la Corse pour consolider le contrôle). En raison de l'occupation rapide par les Allemands des bases navales de Gaeta et Civitavecchia, l'hypothèse choisie est de se tourner vers le front adriatique, particulièrement dépourvu de forces germaniques, pour finir par choisir la via Tiburtina comme échappatoire pour rejoindre le port d'Ortona.

La Fugue parallèle des diplomates allemands

Après la chute de Mussolini, le , l'ambassadeur d'Allemagne en Italie, von Mackensen, est rappelé dans son pays natal, accusé par Hitler de n'avoir pas pu prévenir Berlin du « coup d'État » contre le chef de la fascisme. À la Villa Wolkonsky, alors siège de l'ambassade d'Allemagne à Rome, Rudolf Rahn le remplace comme chargé d'affaires. Cependant, malgré le précédent du , ni Rahn ni le consul allemand à Rome, Eitel Friedrich Moellhausen, n'ont pu anticiper la nouvelle de l'armistice italien du . Rahn, étonné, reçoit la nouvelle directement du ministre des Affaires étrangères de Badoglio, Raffaele Guariglia, qui ne la lui communique personnellement que vers 19 h 45, le 8, coïncidant presque avec la diffusion radio de l'annonce de la fin des hostilités envers les Anglo-Américains. Guariglia explique personnellement et franchement la situation à ses interlocuteurs allemands qui, ayant par conséquent une idée claire de l'ampleur de l'événement, tirent sans délai des conclusions drastiques, informent Berlin de l'événement extraordinaire, demandent et obtiennent l'autorisation de partir dans les plus brefs délais de la capitale italienne. La destruction des dossiers et documents secrets et sensibles de l'ambassade est donc lancée à la hâte. Puis le personnel, grâce aussi à l'aide d'amis et de collègues italiens et d'autres délégations, se charge en quelques heures de régler tout ce qui est en suspens, de la clôture des comptes courants bancaires à la résiliation des contrats de location. Le ministère italien des Affaires étrangères, démontrant cette organisation et cette froideur qui, le soir du , semblaient faire totalement défaut au Quirinal et au Palazzo Baracchini (siège du ministère de la Guerre), fait préparer à la gare Termini un train spécial pour rapatrier les diplomates.

Rahn et Moellhausen n'ont aucun doute sur ce qu'il fallait faire, et ils ne s'attendent pas non plus à ce que la capitale italienne tombe immédiatement aux mains des Allemands et conviennent donc certainement, avec le personnel de l'ambassade, d'utiliser le train pour quitter Rome dès que possible, niant combien de télégrammes font valoir que la perspective d'une occupation nazie rapide est évidente et inévitable. Le train des diplomates allemands quitte la gare au milieu de la nuit, juste avant que le petit cortège de voitures avec la famille royale d'Italie à son bord ne quitte furtivement le ministère de la Guerre (une entrée secondaire dans la via Napoli est utilisée) en direction de la via Tiburtina. Selon Moellhausen, le train s'est rendu à Terni, où il a été dévié vers la côte adriatique, sans que personne ne sache jusqu'où il pouvait aller. Le train, dans lequel se trouvent également plusieurs Italiens, reste à l'arrêt dans une petite gare, pendant presque toute la journée du 9, sans que les diplomates allemands aient pu contacter leurs supérieurs, jusqu'à ce qu'un chef de gare convainc un conducteur de redémarrer le train vers le Nord. Le convoi atteint finalement Vérone, que les passagers en fuite trouvent déjà tombée aux mains des Allemands. Moellhausen et Rahn peuvent ainsi contacter leurs supérieurs à Berlin. Émerveillés, ils reçoivent l'ordre de rentrer immédiatement à Rome, avec tout l'état-major : la capitale italienne, apprennent-ils, a été abandonnée par le roi et le gouvernement et laissée sans défense cohérente, et est désormais contrôlée par les soldats allemands. Certaines des tâches les plus importantes ont été déléguées à ceux qui devaient rester : la présidence du gouvernement a été confiée à la hâte à Umberto Ricci, alors ministre de l'Intérieur. Mario Roatta, chef d'état-major adjoint (également en fuite), a donné de brèves instructions sur la conduite à tenir au général Giacomo Carboni, lui ordonnant notamment de comander deux des plus puissantes formations militaires italiennes (la division blindée Ariete et la division motorisée Piave), placés en défense de la capitale, d'abandonner la défense de Rome et de plutôt être utilisées pour défendre la voie de fuite choisie par le roi, la via Tiburtina, quittant Rome et s'alignant à cheval sur la route vers Tivoli (dans laquelle devait également être transféré le commandement du corps d'armée), afin d'empêcher toute attaque germanique dans cette direction.

« Roatta : Pouvez-vous déplacer vos divisions immédiatement ?

Carboni : Pourquoi ?

Roatta : Nous ne pouvons pas nous défendre à Rome, nous sommes pris au piège. J'écrivais l'ordre de déplacer votre corps d'armée à Tivoli.

Carboni : Je peux immédiatement déplacer la division « Piave » et la quasi-totalité d'« Aries » ; Je crois aussi que la partie de cette division qui ne peut pas bouger dans l'immédiat pourra se désengager rapidement sans difficulté. Pour la « Centaure », il faut garder à l'esprit que ce sera plus un écueil qu'un avantage de l'avoir avec nous… »

 da G. Carboni, L’armistizio e la difesa di Roma - Verità e menzogne[73]

Dans la discussion entre Roatta et Carboni, il faut garder à l'esprit que ce dernier avait également le grade de commissaire du service de renseignement militaire, et en tout cas il n'y a pas de reconstruction similaire de Roatta[74]. D'après le dialogue, il est également clair que le commandement suprême n'était pas sûr de la loyauté de la division blindée Centauro II[75],[73], appelée jusqu'à quelques semaines plus tôt 1st Armored Division of Blackshirts « M » (formée par plusieurs bataillons M ainsi que par un aliquot du Centaur dissous), et a donc préféré la retirer de la voie d'évacuation. Entre le 9 et le 10 septembre, dans la bataille que les soldats italiens, laissés à eux-mêmes, et des citoyens ont livré pour s'opposer à l'occupation nazie, alors que le roi et le gouvernement étaient en fuite, sont tombés, dans les combats au sud de la capitale, à Montagnola, à Porta San Paolo et le long de la Via Cassia, environ 1 300 militaires et civils.

À l'aube du , Victor-Emmanuel III de Savoie monte à bord de sa Fiat 2800 gris-vert avec la reine Hélène, le général Puntoni et le lieutenant-colonel De Buzzacarini. Badoglio avec le duc Pietro d'Acquarone et Valenzano sont dans la deuxième voiture, tandis que Prince Humbert prend place dans une troisième voiture. Le petit convoi quitte Rome sur la via Tiburtina.

Tous les autres membres de la famille royale sont absents, certains seront ensuite arrêtés par les Allemands et internés en Allemagne (la princesse héritière et ses enfants réussissent cependant à fuir en Suisse). La princesse Mafalda de Savoie, mariée au prince de Hesse et qui est alors en Bulgarie, n'est pas prévenue de la fuite de la famille royale de Rome et de l'armistice (elle est prévenue lors de son voyage de retour en Italie, mais elle a voulu continuer)[réf. nécessaire]. Elle tombe ensuite facilement prisonnière des nazis et est déportée au camp de concentration de Buchenwald où, mise à rude épreuve par son emprisonnement, elle meurt des suites de blessures subies lors d'un bombardement allié.

Après le petit cortège de voitures avec des membres de la famille royale à bord, à intervalles réguliers, les autres généraux se déplacent tandis que deux voitures blindées sur lesquelles est transporté le général Zanussi escortent le convoi en fuite.

La voiture dans laquelle se trouve Badoglio tombe en panne en chemin et il passe donc dans la voiture du prince Humbert qui, le voyant avoir froid, lui prêta son manteau. Badoglio prend soin de retrousser ses manches pour éviter que les grades ne soient visibles.

Victor-Emmanuel III d’Italie avec son fils Humbert et son petit-fils Victor.

Au cours du voyage, le prince Humbert exprime à plusieurs reprises des hésitations, exprimant le désir de retourner à Rome et de conduire les troupes italiennes attachées à sa défense. Cependant, Badoglio l'incité brutalement à renoncer à ses intentions, affirmant qu'il était son supérieur dans la hiérarchie militaire[76]. De plus, la voiture est arrêtée par trois barrages routiers allemands, qui sont facilement contournés avec le simple avertissement qu'il y avait des « officiers généraux » à bord[77].

Dans l'après-midi, les voitures atteignent l'aéroport de Pescara, où se trouve un groupe de vol commandé par le prince Carlo Ruspoli qui, ayant entendu parler des intentions de la famille royale, exprime son étonnement et son dédain pour cette évasion. Victor-Emmanuel III se cache alors derrière les obligations constitutionnelles : « Je dois obéir aux décisions de mon gouvernement ». À ce stade, cependant, l'utilisation de l'avion est exclue par crainte d'éventuelles rébellions : même les pilotes opérant dans la zone n'acceptent pas de participer à une action qu'ils considéraient comme inconvenante[71]. Une autre explication possible (avancée par Badoglio dans son ouvrage l'Italie pendant la Seconde Guerre mondiale) est le fait que « la reine souffrant de cœur, ne pouvait supporter la fuite[78],[79]».

Il est donc décidé de poursuivre le voyage en bateau à partir du port d'Ortona. Le roi passe la nuit au château de Crecchio, propriété des ducs de Bovino. L'état-major général et la noblesse qui les suit se reposent à Chieti, dans le Palazzo Mezzanotte, devant la cathédrale.

La corvette Baionetta est appelée au port de Pescara depuis Zara, tout comme le croiseur Scipione l'Africano et la corvette Scimitarra depuis Tarente. La population de la ville, cependant, apprend la fuite et manifeste son indignation et, pour éviter les problèmes, le groupe de fugitifs et les navires qui leur étaient destinés sont détournés vers le port d'Ortona. Badoglio, qui est descendu de Chieti au milieu de la nuit, est le seul qui réussit à embarquer à Pescara.

Le lendemain matin, le roi et sa suite s'embarquent à Ortona sur la corvette Baionetta qui les conduit à Brindisi qui, à l'époque, n'était sous le contrôle ni des Alliés, ni des Allemands[26]. L'embarquement vers la sécurité a été dramatique : une foule hurlante de 250 officiers avec beaucoup de membres de leur famille et de connaissances attendant déjà le roi, a en effet tenté (la plupart du temps en vain) de se joindre à la fête. Le navire n'a pas accosté, mais autant de personnes que possible ont été entassées dans la chaloupe envoyée à quai. Beaucoup de militaires et autres membre de la suite du roi qui n'ont pas pu embarquer, sont retournés à Chieti d'où, après avoir abandonné leurs biens et s'être procuré des vêtements civils et anonymes, ils se sont cachés.

Pendant le voyage, la compagnie fut suivie par un éclaireur allemand qui documenta le vol de la famille royale avec des photographies, mais rien ne suivit ce contrôle. À leur arrivée à destination, les membres de la famille royale sont accueillis par l'amiral Rubartelli, qui avait le contrôle total de la zone et a été stupéfait par l'apparition soudaine de Victor-Emmanuel.

Il existe des soupçons fondés selon lesquels Badoglio avait déjà transféré des richesses considérables dans les Pouilles depuis un certain temps[79]. De plus, il semble que, depuis début septembre, la femme et la fille de Badoglio aient déménagé en toute sécurité en Suisse.[réf. nécessaire] Des doutes ont également été soulevés sur la figure du roi concernant la loyauté envers le pays, d'un point de vue économique. Dans l'un de ses livres, Indro Montanelli soutient que le roi gardait d'importants dépôts d'argent en Grande-Bretagne[80].

Après la fugue

Après s'être installé à Brindisi, le groupe reprend les tractations avec les Alliés. Ces derniers considèrent comme confirmée leur image de l'Italie qui est celle d'un interlocuteur changeant et indigne de confiance. Envoyé par Eisenhower pour les négociations, le général Mason Mac Farlane et ses conseillers arrivent dans les Pouilles, surpris de trouver une équipe politique totalement pas préparé aux négociations et même ignare du texte de l'armistice court (c'est-à-dire celui signé à Castellano le )[81]. Paradoxalement, la méfiance des Alliés envers Badoglio finit par ressembler à celle que les Allemands cultivaient pour le gouvernement italien.

Le , arrivent à Brindisi deux représentants des Alliés : Harold Macmillan et William Francis Murphy qui donnent à Badoglio le texte intitulé Capitulation inconditionnelle et qui sera signé par Badoglio à Malte le . Ce texte, articulé en 44 articles, sera appelé armistice long et définit les conditions sévères de la capitulation italienne. Entre autres, le , l'Italie déclare formellement la guerre à l'Allemagne, condition demandée dans les clauses de la capitulation pour acquérir le statut de nation indépendente de la part des cobelligérants[82].

Au nord du front des combats, pendant ce temps, la division de l'Italie s'est formalisée. Presque la totalité du territoire italien au nord du front est confiée à Mussolini, libéré par les Allemands le et tout de suite investit par les Allemands après une rencontre avec Hitler[83]. On établit ainsi au nord la République sociale italienne. Les Allemands occupent le nord réussissant à mettre en acte une bonne partie des points de l'opérations Alarique, exception faite de la capture de la flotte italienne qui, à part un certain nombre d'unités mineures, était partie vers les ports Alliés. Dans la partie méridionale, cependant, ce qu'on appelle parfois le royaume du Sud fait ses premiers pas.

Royaume du Sud

Implantation du gouvernement de Badoglio à Salerne en 1944.

La fugue du roi et des ministres miliaires à Brindisi laisse l'armée entière italienne disloquée en partie et sur tous les fronts de guerre sans ordre, à l'abandon complet, permettant à l'armée allemande de réaliser sans problème l'opération Achse et sanctionnant les défaites de l'armée italienne les plus graves, subissant en 10 jours 20 000 pertes et plus de 800 000 prisonniers. Toutefois la fugue permet la continuité formelle de l'État, surtout aux yeux des Alliés.

De cette manière, les Alliés voyaient garantie la validité de l'armistice alors que la présence d'un gouvernement légitime évitait à l'Italie l'instauration d'un régime dur d'occupation, au moins dans les zones méridionales[84]. À Brindisi est fixé le siège du gouvernement, assurant sa reconnaissance. Victor-Emmanuel déclare formellement la guerre au Troisième Reich le et les Alliés accordent à l'Italie le statut de « nation cobelligérante ».

Entre-temps, on procède à la réorganisation de l'armée. Le roi doit affronter la fronde des partis politiques reconstruits, ainsi que celles des comités de notables, en particulier de ceux réunis dans le CLN de Rome, présidé par Bonomi. Aussi, de la part des notables restés liés à la couronne, dont Benedetto Croce dans un discours partisant au congrès de Bari, sont soulevées des demandes d'abdication du souverain.

Mais Victor-Emmanuel ne céde pas non plus devant les fortes pressions exercées par les Anglo-Américains, voulant ainsi défendre le principe monarchique et dynastique qu'il représente et, en même temps, tenant à réaffirmer au moins formellement l’indépendance de l'État par rapport aux ingérences externes. Ansi, il fut noté que différentes clauses de l'ainsi dit « armistice long », de caractère essentiellement politique, aggravaient une hypothèse très lourde sur l'indépendance de l'État vis-à-vis de la présence des Nations unies qui l'avaient contraint à une capitulation sans conditions.

Après le débarquement des Alliés en Sicile, l'armistice de Cassibile, son annonce du et la fuite du roi de Rome, le gouvernement Badoglio, qui s'est installé à Brindisi, maintient la structure constitutionnelle du royaume d'Italie, essayant de reconstruire l'administration de l'État, puisque presque tous les fonctionnaires et employés ministériels sont piégés dans la capitale. Victor-Emmanuel III annoncé dans la soirée du , dans un message enregistré diffusé par Radio Bari, les raisons qui l'ont poussé à quitter Rome :

« Pour le bien suprême de mon pays, qui a toujours été ma première pensée et le but de ma vie, et afin d'éviter des souffrances plus graves et des sacrifices plus importants, j'ai autorisé la demande d'armistice. Italiens, pour la sécurité de la capitale et pour pouvoir remplir pleinement mes devoirs de roi auprès du gouvernement et des autorités militaires, je me suis déplacé vers un autre point du sol national sacré et libre. Italiens, je compte sur vous avec confiance pour chaque événement, comme vous pouvez compter sur votre roi, jusqu'au sacrifice ultime. Que Dieu assiste l'Italie dans cette heure grave de son histoire. »

 Victor-Emmanuel III sur Radio Bari, 10 septembre 1943

Pour les Alliés, il fallait qu'il y ait dans l'Italie libérée un gouvernement capable d'exercer un pouvoir légitime s'opposant à celui de la République sociale italienne établie à Salò. Pour cette raison, dès le , les provinces des Pouilles, de Bari, Brindisi, Lecce et Tarente et la Sardaigne ne sont pas placées sous le contrôle de l'Administration militaire alliée des territoires occupés (AMGOT), mais reconnues indépendantes et confiées au gouvernement de Badoglio, bien que sous le contrôle étroit de la Commission de contrôle alliée.

L'un des premiers actes du gouvernement qui a pris ses fonctions à Brindisi est la signature de l'armistice dit long, complété par l'armistice court signé à Cassibile le . Tout en appliquant le principe de la capitulation inconditionnelle, les Alliés s'engagent à assouplir les conditions au prorata de l'aide que l'Italie apportera dans la lutte contre les nazis.

Le , le gouvernement déclare la guerre à l'Allemagne. D'un point de vue politique, cette déclaration est très importante, puisqu'elle place l'Italie au sein des forces alliées, mais avec la qualification de cobelligérant. À partir de ce moment, le gouvernement italien commence lentement à acquérir une plus grande autonomie. Dans cette première phase, seules la Sardaigne et les provinces des Pouilles sont sous contrôle gouvernemental, tandis que le reste du territoire libéré reste sous le contrôle de l'administration militaire alliée. L'installation du deuxième gouvernement Badoglio à Salerne a lieu en .

Lieutenance générale du royaume à son fils Humbert

Le prince héritier, Humbert, en uniforme de lieutenant général du royaume, en 1944

Le , un message à la radio annonce la décision du souverain de nommer son fils Humbert lieutenant et la libération de la capitale advenue. La solution de la lieutenance, déjà instituée par la Maison de Savoie plusieurs fois dans le passé était encouragé par le monarchiste Enrico de Nicolas lors d'une de ses rencontres avec le chef de l'État[85]. Le , il confie à Humbert la lieutenance du royaume sans abdiquer.

Début 1944, Benedetto Croce affirme que « Tant que la personne du roi actuel reste à la tête de l'Etat, on sent que le fascisme n'est pas fini, qu'il reste attaché à nous, qu'il continue de nous ronger et de nous affaiblir, qu'il va resurgir plus ou moins déguisé »[86]. En , Arturo Toscanini déclare au Time : « Je suis fier de revenir en tant que citoyen de l'Italie libre, mais pas en tant que sujet du roi dégénéré et du prince de la maison de Savoie. »[87]

Le est une date qui marque le passage des pouvoirs du roi à son fils Humbert, qui ainsi exercera les prérogatives du souverain au Quirinal, sans toutefois posséder la dignité du roi, avec Victor-Emmanuel qui restera à Salerne. Le souverain, dans une tentative extrême mais tardive de sauver la monarchie, abdique le à Naples en faveur de son fils Humbert II de Savoie environ un mois avant le référendum institutionnel du . L'authentification par la signature du roi, plutôt que par le premier ministre, est faite par un notaire (Nicola Angrisano, du collège des notaires de Naples[88]). Le soir même, il embarque sur le Duc des Abruzzes pour gagner l'ggypte, en exil volontaire.

Abdication de Victor-Emmanuel III

L'abdication de Victor-Emmanuel III est l'acte dans lequel, le , le Roi Victor-Emmanuel III, renonce au titre formel de roi, en faveur de son fils Humbert II, qui revêtait déjà le rôle de lieutenant du royaume. Victor-Emmanuel, dès le , le lendemain de la libération de Rome, avait cessé d'exercer les fonctions de souverain, en nommant son fils « lieutenant général du royaume ».

Le roi était d'abord réticent à abdiquer, et les partis politiques du CLN auraient préféré ne pas changer la situation, déjà très délicate. En , l'abdication est perçue par les milieux monarchiques comme la seule possibilité de sauvegarder le sort de la Maison de Savoie, désapprouvée pour le soutien offert depuis 20 ans au fascisme et à Mussolini en particulier, et l'avenir de la monarchie en Italie.

De plus, il ne faut pas oublier que l'abdication a eu lieu sans tenir compte du décret du lieutenant no 151 du [89] et de l'article 2 du décret-loi du lieutenant no 98 du [90], qui prévoyait le maintien du régime de lieutenant jusqu'à la consultation électorale pour l'élection de l'Assemblée constituante. Le premier projet était, en effet, de laisser le choix de la forme de l'État aux constituants. Dans un second temps le référendum a été choisi mais, en tout cas, toujours dans le régime de lieutenant de son fils Humbert.

L'abdication a eu lieu à Ravello, sur la côte amalfitaine, où le roi vivait à Villa Episcopio. Sur la base de la loi Attributions et prérogatives du chef du gouvernement, les fonctions de notaire de la couronne auraient appartenu au chef du gouvernement[91], qui était alors Alcide De Gasperi, mais il n'a pas été jugé opportun de demande à De Gasperi d'entériner un acte formellement illégal et la légalisation de la signature du roi a été certifiée à un notaire, un professionnel normal avec une étude à Naples[92],[88]. Un communiqué officiel a ensuite été publié : « Aujourd'hui à 15h15 à Naples, le roi Victor-Emmanuel III a signé l'acte d'abdication et, selon la coutume, est parti en exil volontaire. Dès que le nouveau roi Humbert II reviendra à Rome sera officiellement notifié au Conseil des ministres »[93].

L'abdication est durement critiquée par la presse de gauche italienne : Unità qualifie la décision du souverain d'« acte ignoble et grotesque » et Avanti ! qualifie Victor-Emmanuel III de « roi fasciste » (décrivant également le nouveau roi Humbert II comme « prince fasciste »). Le plus modéré est le quotidien démocrate-chrétien Il Popolo, qui souligne que l'abdication du souverain ne freinerait pas l'engagement des démocrates-chrétiens en faveur du référendum institutionnel[94].

Victor-Emmanuel prend le titre de comte de Pollenzo, qui fait référence à une localité de la municipalité de Bra, un fief qui appartenait à la famille Romagnano au XVIIIe siècle mais qui passa ensuite aux Savoie. Carlo Alberto y avait construit un magnifique château.

Le soir même de l'abdication, le roi, devenu comte de Pollenzo, et la reine Hélèna s'embarquent sur le Duc des Abruzzes et, en exil volontaire, ils s'installent en Égypte, invités du roi Farouk Ier. L'ancien souverain meurt à Alexandrie, en Égypte, le .

Exil et mort

Funérailles de Victor-Emmanuel III à Alexandrie

Victor-Emmanuel III se retire en exil avec son épouse, avant la consultation référendaire, à Alexandrie en Égypte avec le titre de comte de Pollenzo.

Durant son exil égyptien le souverain visite les zones de guerre où le royaume en exercice avait combattu quelques années auparavant, dont celle d'El Alamein[95].

Il meurt à Alexandrie le , le lendemain du vote de la constitution de la République italienne qui entre en vigueur le et qui réserve un sort particulier aux membres et descendant de la maison de Savoie selon l'article XIII. Ainsi, les membres et descendants de la maison de Savoie sont privés de leurs droits civiques et ne peuvent plus remplir de fonction publique. Dans les dispositions finales, les biens existants sur le territoire national des anciens rois de la Maison de Savoie, de leurs épouses et de leurs descendants mâles sont transférés à l'État[96]. L'article XIII stipule également que l'entrée et le séjour sur le territoire national sont interdits aux anciens rois de la maison de Savoie, à leurs épouses et à leurs descendants mâles[97]. Avec l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du , les alinéas 1 et 2 de l'article XIII de la constitution italiennes cessent de s'appliquer aux membres et descendants de la maison de Savoie[98],[99],[97].

La mort de Victor-Emmanuel III dans une chaumière de la campagne égyptienne est due, comme l'ont constaté les médecins, à une congestion pulmonaire dégénérée en thrombose. L'ancien souverain en souffrait depuis cinq jours quand, le 28, survint sa mort. Le monarque expire à 14h20, après s’être levé une dernière fois, malade, à 4h30 (il avait toujours été un lève-tôt)[pertinence contestée].

Les derniers mots de l'ancien roi furent : « Combien de temps cela va-t-il durer ? J'ai des choses importantes à faire », une phrase qu'il adressa au médecin qui s'était précipité à son chevet après le début de la paralysie. Quelques jours plus tôt, précisément le , Victor-Emmanuel III avait plutôt dit : « Nous vivons dans un très beau monde ! », ces paroles étaient adressées à son aide de camp, le colonel Tito Livio Torella di Romagnano, et faisaient référence au fait que Victor-Emmanuel avait remarqué que, dans la correspondance qui arrivait en Italie pour les vacances de Noël, certaines lettres de personnalités brillaient en raison de leur absence. Évidemment, il attendait les hommages.

Tombe de Victor-Emmanuel III à la Cathédrale Catholique Latine Sainte Catherine à Alexandrie (Égypte)

La mort de Victor-Emmanuel III a limité chaque appel de Humbert II[100]. Le roi d'Égypte Farouk a ordonné que le défunt ait le droit à des funérailles militaires (avec le cercueil qui est placé sur un affût de canon et escorté par une représentation adéquate des forces armées égyptiennes), le corps de Victor-Emmanuel III, salué lors des funérailles par 101 coups de canon, a été inhumé dans la cathédrale catholique latine d'Alexandrie en Égypte. Par contre, selon le désir du défunt, aucune fleur n'a été déposée sur le cercueil. En effet, ceux qui voulaient honorer sa mémoire ont été invités à suivre la suggestion de la reine Hélène[C'est-à-dire ?], au profit de la communauté italienne d'Alexandrie en Egypte.

Rapatriement du corps

La tombe de Victor-Emmanuel III au sanctuaire de Vicoforte.

Le , coïncidant presque avec le soixante-dixième anniversaire de sa mort, le corps de Victor-Emmanuel III a été rapatrié à bord d'un avion de l'armée de l'air italienne et enterré dans la chapelle de San Bernardo du sanctuaire de Vicoforte[101], à côté de son épouse Hélène, dont les restes avaient été transférés de Montpellier deux jours plus tôt[102],[103].

Selon l'historien américain du fascisme Peter Tompkins, Victor-Emmanuel III aurait été un « franc-maçon secret de la loggia de la Piazza del Gesù »[104]. Cependant, cette rumeur semble infondée et attribuable plutôt à un fantasme journalistique. En effet, l'idée selon laquelle le roi aurait été franc-maçon est née, en plus de l'anticléricalisme manifeste du roi (puisqu’à l'époque, être anticlérical était automatiquement considéré comme synonyme d'appartenance à la franc-maçonnerie), en raison d'un épisode lors des funéraires du roi Humbert, au cours desquelles Victor-Emmanuel, impatient par le sermon de l'officiant, se serait exclamé : « Combien de temps ces prêtres font-ils ! » À partir de ce moment-là, le roi fut qualifié de maçon alors qu'il ne l'était pas[105].

Aspect physique

Contrairement à son cousin paternel au second degré, Amédée II de Savoie-Aoste, qui était un homme de très grande taille mesurant 1,98 mètre, Victor-Emmanuel était très petit, même selon les standards du XIXe siècle : sa taille était estimée à 1,53 mètre, ce qui lui valut le surnom de « piccolo re » (« petit roi »).

Numismatique

Pièce de 100 lires recto-verso.
Billet de 5 lires du Royaume d'Italie, série 1905.

Victor-Emmanuel fit des études de numismatique. Il était un des collectionneurs de pièces les plus prolifiques de son époque ; il avait environ 100 000 pièces qui dataient de la chute de l'Empire romain jusqu'à l'unification de l'Italie en . Il devient le président d'honneur de la Société de Numismatique italienne, depuis sa création en [106]. En , il acquit de ses héritiers la collection de Marignoli, composée d'environ 35 000 exemplaires en trois métaux[107],[108]. Il publia le Corpus Nummorum Italicorum (-)[109],[110],[111], œuvre en 20 volumes où sont classées et décrites les monnaies italiennes. Il laissa l'œuvre inachevée et en fit don à l'État italien. Son activité numismatique fut récompensée en avec l'obtention de la médaille de la Royal Numismatic Society. Il a été membre actif de la Société suisse de Numismatique[112].

Il voulut une monnaie circulante riche et variée, donnant ainsi naissance à une vraie collection, parmi les plus belles et les plus suivies. Il fit frapper en outre beaucoup de monnaies en nombre limité exclusivement pour les numismates. À son départ en Égypte le , le roi écrit au président du conseil, Alcide De Gasperi : « Monsieur le président, je laisse au peuple italien la collection de pièces de monnaie qui a été la plus grande passion de ma vie. »[113],[108]. À son abdication, la collection fut donnée au peuple italien, sauf les pièces de la Maison de Savoie qu'il emmena avec lui en Égypte. À la mort d'Humbert II en , les pièces des Savoie rejoignirent le reste de la collection dans le sous-sol du Palazzo Massimo alle terme, autrement dit du Musée national romain.

Corpus Nummorum Italicorum

L'ouvrage Corpus Nummorum Italicorum[110], également appelé CNI, a été écrit par Victor-Emmanuel III de Savoie et les contributions des plus grands experts numismates de son temps. Première tentative d'un catalogue général des monnaies médiévales et modernes frappées en Italie ou par des Italiens dans d'autres pays, il est aujourd'hui encore fondamental pour l'étude et la classification des émissions des diverses monnaies italiennes à partir du Moyen-âge. L'œuvre, prévue initialement en 10–12 volumes, resta inachevée à cause de l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale.

Il est composé de 20 volumes monumentaux bleu pâle (la couleur de la Maison de Savoie), sauf les exemplaires envoyés en don aux chefs d'État et collaborateurs qui sont en relié en toile bleue avec la tranche supérieure dorée. Le premier volume fut publié en , le vingtième (très rare) en .

Le sixième volume comprend les monnaies mineures de Vénétie, de Dalmatie, et d'Albanie. Il est sorti en retard, après la publication des septième et huitième volumes. Ce retard est causé par l'attente de la sortie de la Première Guerre mondiale. À la Cour de Vienne on ne voyait pas d'un bon œil que les bureaux monétaires entre les frontières de l'Empire austro-hongrois soient insérés dans le Corpus et chargèrent le numismate de Rovereto, Perini, d'écrire au roi d'Italie, en le priant qu'il veuille au moins publier les monnaies de ces régions comme suppléments à la fin du volume. Le roi ne voulut pas accéder à ce désir, ni même parlementer. Ayant déjà publié les monnaies des régions comme la Corse, la Savoie et le canton suisse du Tessin, qui ne faisaient plus partie de l'Italie, il ne voulait pas déroger la règle celles du Trentin et de l'Istrie. Quintilio Perini fut accusé par les Autrichiens de haute trahison et resta ensuite à Milan jusqu'au terme de la guerre, le sixième volume fut publié quatre ans après, en .

Liste des volumes[114]

  • Volume 1 Maison de Savoie, 1910, 532 pages, planches 1 à 42
  • Volume 2 Piémont et Sardaigne (pièces autres que celles de la maison de Savoie) , 1911, 506 pages, planches 1 à 48
  • Volume 3 Ligurie et Corse, 1912, 620 pages, planches 1 à 29
  • Volume 4 Lombardie (pièces mineures), 1913, 588 pages, planches 1 à 45 et planches supplémentaires 1 à 3
  • Volume 5 Lombardie (Milan) , 1914, 474 pages, planches 1 à 32, planche supplémentaire 1
  • Volume 6 Vénétie (monnaie mineure)-, Dalmatie - Albanie, 1922, 682 pages, planche 1 à 35
  • Volume 7 Vénétie (Venise, 1ère partie-des origines à Marino Grimani), 1915, 583 pages, planches 1 à 20
  • Volume 8 Vénétie (Venise 2e partie-du doge Leonardo Dona' fermeture de la Monnaie ), 1917, 686 pages, planches, 1 à 45
  • Volume 9 Émilie 1ere partie (Parma et Plaisance, Modène à Reggio ), 1925, 792 pages, planches, 1 à 44
  • Volume 10 Émilie 2e partie(partie orientale, de Bologne, Ferrare, Ravenne et Rimini ), 1927, 763 pages, planches 1 à 48
  • Volume 11 Toscane (sauf Florence) (pièces mineures) , 1929, 452 pages, planches, 1 à 27
  • Volume 12 Toscane (Florence), 1930, 508 pages, planches 1 à 34
  • Volume 13 Marches, 1932, 596 pages, planches 1 à 31
  • Volume 14 Ombrie, Latium (monnaie mineures), 1933, 295 pages, planches 1 à 20
  • Volume 15 Rome 1ere partie – (De la chute de l'Empire romain d'Occident à 1572), 1934, 552 pages, planches 1 à 28
  • Volume 16 Rome 2e partie – (De 1572 à 1700) , 1936, 523 pages, planches 1 à 40
  • Volume 17 Rome 3e partie – (De 1700 à 1870) (après 1870 volume 1), 1938, 319 pages, planches 1 à 36
  • Volume 18 Italie Méridionale continentale (monnaies mineures), 1939, 411 pages, planches 1 à 23
  • Volume 19 Italie Méridionale continentale (Naples 1er tome – De 665 à 1556), 1940, 427 pages, planches 1 à 16
  • Volume 20 Italie Méridionale Continentale (Naples 2e tome - De Philippe II à la fermeture de la Monnaie), 1943 volume qui n'a jamais été publié de manière officielle. 699 pages, planches 1 à 32

Épithètes

Caricature de Victor-Emmanuel III de Savoie.

Durant son long règne, Victor-Emmanuel III reçut de la part de la presse, des hommes éminents de la culture ou des politiciens, certains épithètes passés à l'histoire. Les épithètes de films de propagande ou de célébration sont liés à la Grande Guerre, à sa présence assidue au front, et à sa « haute conduite » des opérations belliqueuses qui emmenèrent l'Italie à la victoire sur l'Autriche-Hongrie, l'ennemi traditionnel de l'unité italienne. Il fut ainsi nommé « Roi soldat », « Roi de Peschiera », « Roi de la Victoire », ou simplement « Roi victorieux »[115].

Comme reflet de sa politique empruntée aux idées pacifiques et de protection sociale, il fut peint comme le « Roi socialiste » et également, pour son appui à Giolitti, comme le « Roi bourgeois »[116].

Après le 8 septembre 1943, il fut aussi affublé « Roi Félon » par les fascistes de la République de Salò, surnom qui resta dans une certaine presse[Laquelle ?][117]. Certaines caractéristiques physiques furent à l'origine d'autres surnoms idéalisés dans les environnements antimonarchiques ou fruit de trouvailles goliardiques. Le roi fut surnommé « Sciaboletto» à cause de sa petite taille (1,53 m), qui aurait rendu nécessaire le forgeage d'un sabre particulièrement court, pour éviter qu'il ne grince sur le terrain[118]. Toujours en référence à la stature, il fut appelé « Roi Bouchon » ; Mussolini le définit comme le « Roi carnet »[119],[117].

Quand Amédée d'Aoste fit un séjour au Congo belge en 1921, il fit des plaisenteries de mauvais goût à propos du couple royal. À son retour à la cour, à l'apparition du couple royal, il déclare : « Voici Curtatone et Montanara ». La référence à la bataille du Risorgimento visait subtilement la petite taille de Victor-Emmanuel III et le pays d'origine de la reine, le Monténégro. La plaisanterie fut entendue et le lendemain le vice-roi fut convoqué par le roi. Elle a abouti à l'expulsion du palais[120].

Luigi Bertelli publia, dans un hebdomadaire satirique florentin, une vignette représentant un petit homme déséquilibré, aux jambes courtes. À Rome, il fut appelé « Pipette », à Naples « Rachitique » et également « Roi Bouchon ». Spiombi voulait dire que cet individu présentait un aplomb irrégulier et défectueux. On l'appelait parfois « Attrape-mouches » pour le fait qu'à Florence les enfant s'amusaient à prendre les mouches qui se posaient sur les soufflets des carrosses durant sa promenade au parc des Cascine. Époux et épouse étaient appelés « Curtatone et Montanara» puisqu'il y avait une différence de 24 cm entre eux à son détriment : il mesurait un mètre cinquante-quatre, alors qu'elle mesurait un mètre soixante-quinze. La taille du roi était si petite qu'il pouvait se frayer à travers la foule. L'image de « Curtatone et Montanara » avait son charme, elle évoquait une bataille fameuse, digne des Thermopiles, dont un groupe de toscans, résistant en 1848 contre les troupes de Joseph Radetzky, avait consentit à Charles Albert d'adjuger leur rencontre[8].

En 1903, lors de son voyage à la Monnaie de Paris, Victor-Emmmanuel III fut surnommé « roi numismate » en raison de sa passion.[121]

Famille

Le , Victor-Emmanuel III, alors prince héritier, épouse à Rome Hélène de Monténégro, fille du roi Nicolas Ier de Monténégro[122].

De cette union naissent :

Photo du tsar Boris III, de la reine Jeanne, du prince Cyrille et du roi italien Victor-Emmanuel III lors d’une visite en Italie

Généalogie

Monogramme du roi Victor-Emmanuel III de Savoie.

Ascendance de Victor-Emmanuel III

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Charles-Emmanuel de Savoie-Carignan
 
 
 
 
 
 
 
Charles-Albert (roi de Sardaigne)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Marie-Christine de Saxe
 
 
 
 
 
 
 
Victor-Emmanuel II
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ferdinand III de Toscane
 
 
 
 
 
 
 
Marie-Thérèse de Habsbourg-Toscane (1801-1855)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Louise de Bourbon-Siciles (1773-1802)
 
 
 
 
 
 
 
Humbert Ier (roi d'Italie)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Léopold II (empereur du Saint-Empire)
 
 
 
 
 
 
 
Rainier d'Autriche (1783-1853)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Marie-Louise d'Espagne (1745-1792)
 
 
 
 
 
 
 
Adélaïde de Habsbourg-Lorraine
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Charles-Emmanuel de Savoie-Carignan
 
 
 
 
 
 
 
Élisabeth de Savoie-Carignan
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Marie-Christine de Saxe
 
 
 
 
 
 
 
Victor-Emmanuel III
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Charles-Emmanuel de Savoie-Carignan
 
 
 
 
 
 
 
Charles-Albert (roi de Sardaigne)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Marie-Christine de Saxe
 
 
 
 
 
 
 
Ferdinand de Savoie
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ferdinand III de Toscane
 
 
 
 
 
 
 
Marie-Thérèse de Habsbourg-Toscane (1801-1855)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Louise de Bourbon-Siciles (1773-1802)
 
 
 
 
 
 
 
Marguerite de Savoie (reine d'Italie)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Maximilien de Saxe (1759-1838)
 
 
 
 
 
 
 
Jean Ier (roi de Saxe)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Caroline de Bourbon-Parme
 
 
 
 
 
 
 
Élisabeth de Saxe (1830-1912)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Maximilien Ier (roi de Bavière)
 
 
 
 
 
 
 
Amélie de Bavière
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Caroline de Bade
 
 
 
 
 
 

L'arbre généalogique de Victor-Emmanuel met bien en évidence le niveau élevé de consanguinité des mariages contractés dans les générations précédentes. À trois reprises, ses trisaïeux sont Charles-Emmanuel de Savoie-Carignan et son épouse Marie-Christine de Saxe (1770-1851). À deux reprises, ses trisaïeux sont Ferdinand III de Toscane et son épouse Louise de Bourbon-Siciles (1773-1802). À deux reprises, ses bisaïeux sont Charles-Albert (roi de Sardaigne) et son épouse Marie-Thérèse de Habsbourg-Toscane (1801-1855).

Ascendance patrilinéaire

1 Humbert (comte de Savoie)

2 Othon Ier de Savoie

3 Amédée II de Savoie

4 Humbert II de Savoie

5 Amédée III de Savoie

6 Humbert III de Savoie

7 Thomas Ier de Savoie

8 Thomas II de Piémont

9 Amédée V de Savoie

10 Aymon de Savoie

11 Amédée VI de Savoie

12 Amédée VII

13 Amédée VIII

14 Louis Ier (duc de Savoie)

15 Philippe II (duc de Savoie)

16 Charles II (duc de Savoie)

17 Emmanuel-Philibert de Savoie (1528-1580)

18 Charles-Emmanuel Ier

19 Thomas de Savoie-Carignan

20 Emmanuel-Philibert de Savoie-Carignan

21 Victor-Amédée Ier de Savoie-Carignan

22 Louis-Victor de Savoie-Carignan

23 Victor-Amédée II de Savoie-Carignan

24 Charles-Emmanuel de Savoie-Carignan

25 Charles-Albert (roi de Sardaigne)

26 Victor-Emmanuel II

27 Humbert Ier (roi d'Italie)

28 Victor-Emmanuel III[123],[124],[125]

Titulature

Victor-Emmanuel III
Formules de politesse
Indirecte Sa Majesté
Directe Votre Majesté
Alternative Sire

Sa Majesté Impériale et Royale Victor-Emmanuel III par la grâce de Dieu et par la volonté de la Nation,

  • Roi d'Italie,
  • Roi d'Albanie,
  • Empereur d'Éthiopie,
  • Roi du Monténégro,
  • Roi de Sardaigne,
  • Roi de Chypre,de Jérusalem, d'Arménie,
  • Duc de Savoie,
  • Prince de Carignan,
  • Prince d'Acaie,
  • Prince du Piémont,
  • Prince de Oneglia,
  • Prince de Poitin,
  • Prince de Trin,
  • Prince et Vicaire perpétuel du Saint Empire Romain Germanique en Italie,
  • Prince de Carmagnole,
  • Prince de Montmélian, de Arbin, de Francin,
  • Prince Bailli du duché d'Aoste,
  • Prince de Chieri,
  • Prince de Dronero,
  • Prince de Crescentino,
  • Prince de Riva de Chieri et de banna,
  • Prince de Busca,
  • Prince de Bene,
  • Prince de Brà,
  • Duc de Gênes,
  • Duc de Monferrat,
  • Duc d'Aoste,
  • Duc de Chablais,
  • Duc de Genève,
  • Duc de Brescia,
  • Duc de Plaisance,
  • Duc de Maro,
  • Duc de Carignano Ivoy,
  • Marquis d'Italie,
  • Marquis d'Ivrée,
  • Marquis de Saluces,
  • Marquis de Suse
  • Marquis de Ceva
  • Marquis d'Oristano,
  • Marquis de Cesana,
  • Marquis de Savona,
  • Marquis de Tarentaise,
  • Marquis de Borogomanero,
  • Marquis de Cureggio,
  • Marquis de Casello,
  • Marquis de Rivoli,
  • Marquis de Pianezza,
  • Marquis de Govone,
  • Marquis de Salussola,
  • Marquis de Racconigi et de Tegerone,
  • Marquis de Migliabruna et de Motturone,
  • Marquis de Cavaller-Maggiore,
  • Marquis de Marene,
  • Marquis de Modane et de Lanslebourg,
  • Marquis de Libourne Ferraris,
  • Marquis de Santhia,
  • Marquis d'Agniè,
  • Marquis de Centallo et de Demonte,
  • Marquis de Desana,
  • Marquis de Ghemme,
  • Marquis de Vivone,
  • Marquis de Villefranche,
  • Comte de Mauriene,
  • Comte de Genevois,
  • Comte de Nice,
  • Comte de tende,
  • Comte de Romont,
  • Comte d'Asti,
  • Comte d'Alessandria,
  • Comte du Goceano,
  • Comte de Novare,
  • Comte de Tortone,
  • Comte de Vobbio,
  • Comte de Soissons,
  • Comte de l'Impero Fracese,
  • Comte de Saint Antioco en Sardaigne,
  • Comte de Pollenzo,
  • Comte de Roccabruna en Piémont,
  • Comte de Tricerro,
  • Comte de Viggû,
  • Comte de Bairo,
  • Comte de Ozegna,
  • Comte de Barge,
  • Comte d'Appertole,
  • Baron de Vaud et de Faucigny,
  • Grand Seigneur de Monaco,
  • Grand Seigneur de Roquebrune et d'un décime de Menton
  • Seigneur de Verceil,
  • Seigneur de Pignerol,
  • Seigneur de la Lommellineet de Valle de la Sesia,
  • Noble Homme Patricien Vénitien,
  • Patricien de Ferrare,
  • Gardien du Saint Suaire
  • Souverain et chef de la Maison royale de Savoie.

L'ensemble des titres ont été portés par les souverains du Royaume d'Italie entre 1860 et 1946[126],[19].

Distinctions

Décorations italiennes

Décorations étrangères

Armoiries de Victor-Emmmanuel III avec le collier de l'ordre des Séraphins
Armoiries de Victor-Emmmanuel III avec le collier de l'ordre suprême du Christ.
Armoiries de Victor-Emmmanuel III avec les collier de l'ordre de la Toison d'or et de l'ordre de Charles III
Armoiries de Victor-Emmmanuel III, prince de Naples

Sociétés savantes

  • Académie d'Agriculture de France : membre étranger le 30 mai 1934[5]
  • Académie des Inscriptions et Belles Lettres : membre associé étranger entre 1915 et 1947[5]
  • Société française de Numismatique: membre[5]
  • Société suisse de Numismatique : membre
  • Société italienne de Numismatique : Co-fondateur le 11 avril 1892, président d'honneur en 1897[106],[121]
  • Académie des Sciences de Russie : membre
  • Académie des Lyncéens: Président d'honneur par l'assemblée du 5 février 1911[121]

Autre distinctions

  • Médaille de la Société royale de Numismatie en 1904[160]
  • Colonel honoraire du 6e régiment d'infanterie de Savoie le 16 janvier 1911
  • Général honoraire dans l'armée suédoise en 1913[161]

Victor-Emmanuel et les arts

Peinture et sculpture

Pièces

Billets

Philatélie

Médailles


Courts métrages et actualité cinématographique

  • 1902 : Victor-Emmanuel quitte les galéries Saint Gobain et monte dans son équipage (Court-métrage) : lui-même[162]
  • 1903 : Voyage à Paris de L.M.M. Victor-Emmanuel III : Départ du cortège (Court-métrage) : lui-même[163]
  • 1903 : Voyage à Paris de L.M.M. Victor-Emmanuel III : Arrivée du cortège sur le terrain de la revue (Court-métrage) : lui-même[164]
  • 1903 : Arrival at Portsmouth (Court-métrage) : lui-même[165]
  • 1903 : Arrival of the King and Queen of Italy at Portsmouth (Court-métrage) : lui-même[166]
  • 1903 : Our Royal Visitors (Court-métrage) : lui-même[167]
  • 1903 : I/Reception at Guildhall (Court-métrage) : lui-même[168]
  • 1903 : The King of Italy (Court-métrage) : lui-même[169]
  • 1905 : The King and Queen of Italy in Paris (Court-métrage) : lui-même[170]
  • 1907 : Grande inaugurazione del ponte Umberto I a Torino da S. M. il Re (Court-métrage) : lui-même[171]
  • 1907 : Incontro del Re d'Italia col Re d'Inghilterra a Gaeta (Court-métrage) : lui-même[172]
  • 1908 : Incontro delle ll.mm. il re d'Italia e gli imperiali di Germania a Venezia splendida (Court-métrage) : lui-même[173]
  • 1908 : Incontro dei Reali a Venezia (Court-métrage) : lui-même[174]
  • 1908 : Voyage du Roi d'Italie, en Grèce(Court-métrage) : lui-même[175]
  • 1908 : Lancement du 'Roma' par le roi d'Italie (Court-métrage) : lui-même[176]
  • 1909 : Incontro dei Sovrani d'Italia e di Germania a Brindisi (Court-métrage) : lui-même[177]
  • 1909 : La rivista con S. M. il Re a Roma (Court-métrage) : lui-même[178]
  • 1911 : Pathé's News (Actualité cinématographique), No. 43 (Court-métrage) : lui-même[179]
  • 1911 : La rivista dell'Esposizione di Torino (Court-métrage) : lui-même[180]
  • 1913 : Rivista di S.M. il Re al XIV Cavalleria (Court-métrage) : lui-même[181]
  • 1913 : Pathé's Weekly (Actualité cinématographique), No. 21 (Court-métrage) : lui-même[182]
  • 1913 : Pathé's Weekly (Actualité cinématographique), No. 22 (Court-métrage) : lui-même[183]
  • 1913 : Pathé's Weekly (Actualité cinématographique), No. 49 (Court-métrage) : lui-même[184]
  • 1913 : Mutual News (Actualité cinématographique), No. 2 (Court-métrage) : lui-même[185]
  • 1913 : Mutual News (Actualité cinématographique), No. 9 (Court-métrage) : lui-même[186]
  • 1913 : Mutual Weekly (Actualité cinématographique), No. 23 (Court-métrage) : lui-même[187]
  • 1914 : Mutual News (Actualité cinématographique), No. 86 (Court-métrage) : lui-même[188]
  • 1923 : La ville éternelle : lui-même (non crédité)[189]
  • 1926 : S. M. il Re ed il Capo del Governo per la battaglia del grano (Court-métrage) : lui-même[190]

Au cinéma

Giulio Girola interprète Victor-Emmmanuel III dans l'Affaire Matteotti.
Carlo Delle Piane interprète Victor-Emmmanuel III dans Io e il Re.

Séries Télévisés

  • 1949 : Crusade in Europe (Série documentaire) : lui-même[211]
  • 1953 : Victory at Sea (Série documentaire) : lui-même[212]
  • 1963 : Men of Our Time (Série documentaire) : lui-même[213]
  • 1976 : Mussolini (Mini-série documentaire) : lui-même[214]
  • 1998 : Das Dritte Reich - In Farbe (Documentaire) : lui-même[215]
  • 1998 : Sworn to Secrecy: Secrets of War (Série documentaire) : lui-même[216]
  • 2002 : Maria Josè - L'ultima regina (feuilleton télévisé):Massimo de Rossi[217]
  • 2005 : Churchill's Bodyguard (Série documentaire) : lui-même[218]
  • 2006 : Mafalfda de Savoie Victor-Emmanuel : Carlo Dogliani[219]
  • 2010 : Hitler's Bodyguard (Mini-série documentaire) : lui-même[220]
  • 2012 : Histoire immédiate (Série documentaire) : lui-même[221]
  • Mussolini's Henchmen : lui-même (non crédité)[222]

Publicités

De nombreuses entreprises ont utilisé Victor-Emmanuel III comme effigie dans leurs publicités, sur tous les supports possibles que ce soit des timbres, affiches, plaques émaillées, boîtes, cartes postales, etc. A travers le monde : Campari, Grafofones, Abrador, Amilcare Piperno al corso, Coen, Tagliacozzo, De Monte, Reinach, Siero Casali, Singer, Tantal, Bacci Ciocolato Perugina, Au bon Marché, Chocolat Guerin-Boutron, Belle Jardinière, Casiez-Bourgeois, Huile Buitoni, Felix Potin, Columbia.

Publicité pour l'huile Buitoni en 1915

Toponymie

En Italie

Le nom du souverain Victor-Emmanuel III a été donné à de nombreuses voies publiques, lycées, musées et d'autres établissements. On dénombrait 380 lieux à son nom en 2019, et 409 en 2020. Le nom est distribué de manière inégale dans les régions italiennes, à l'exception du Val d'Aoste. On peut affirmer que la répartition des voies publiques et autres lieux portant son nom dépendent d'au moins deux explications : d'une part, le résultat du référendum du , qui approuva la proclamation de la République par 54,3 % dans la majorité du pays à l'exception de l'Italie méridionale, de la Sicile et de la Sardaigne ; d'autre part, la République sociale italienne, connue aussi sous le nom de République de Salò, dirigée par Benito Mussolini, avait débaptisé les noms des voies publiques et autres bâtiments, qui portaient le nom du souverain et de tous ses prédécesseurs issus de la maison de Savoie.

À l'étranger

  • Avenue Victor-Emmanuel III à Paris entre 1918 et 1945, renommée ensuite avenue Franklin-D.-Roosevelt
  • Avenue Victor-Emmanuel III à Uccle (Belgique)

Bibliographie

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  • (fr) Jérôme Pellistrandi, « Frédéric Le Moal, Victor-Emmanuel II d'Italie : un roi face à Mussolini », Revue Défense nationale, 2017
  • (fr)Rédaction, « Roi mal aimé », L'Histoire, mai 2015
  • Rédaction, « Compte-rendu du livre de Le Moal », Cosmopolis, 1er juin 2016
  • (fr) Anna Theresa Bickel"Victor Emmanuel III Photographe albums de guerre 1915-1918, [exposition], Mairie du XVIe arrondissement de Paris,(5-21 novembre 1992),Paris : France-empire,1992
  • (it)Michele Falzone del Barbaro Renzo De Felice, Mario Isnenghi, Vittorio Emanuele III album di guerra, 1915-1918,[mostra,Venezia, Palazzo Fortuny, 1989], Firenze : Alinari , 1989, 105p.
  • (it)Istituto poligrafico e zecca dello Stato,L'arte della medaglia e della moneta nelle opere della Zecca di Stato dal 1846
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  • (it)« I Savoia oltremare : Numero speciale in occasione della visita di S. M. il Re in Cirenaica », L'Azione coloniale,
  • (it)Adriano Savio et Alessandro Cavagna, (dir.), Atti della giornata di studio 100 anni del Corpus Nummorum Italicorum,Milano,15 maggio 2009,ed. Italian Numismatic Society,2010,148 pages
  • (it) Aldo Alessandro Mola, (dir.), Il regno di Vittorio Emanuele III (1900-1946). 1: Dall'età giolittiana al consenso per il regime (1900-1937) et Il regno di Vittorio Emanuele III (1900-1946). Vol. 2: Gli anni delle tempeste. Meditazioni, ricordi e congedo (1938-1946), 2020 et 2021
  • (it) Carmelo Curatore (dir.), I disegni del re. L'educazione all'arte di Vittorio Emanuele III di Savoia, Gangemi 2021

Voir aussi

Notes et références

Liens externes

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