La Société contre l'État

La Société contre l’État, sous-titré Recherches d'anthropologie politique, est un livre de l'ethnologue et anthropologue français Pierre Clastres publié en 1974 par Les Éditions de Minuit et régulièrement réimprimé depuis[1].

La Société contre l’État

Recherches d'anthropologie politique

Auteur Pierre Clastres
Pays France
Genre Essai
Version originale
Langue Français
Version française
Éditeur Les Éditions de Minuit
Collection « Critique »
Date de parution 1974
Nombre de pages 186 pages
ISBN 2-7073-0021-7

Ouvrage le plus connu et le plus cité, le plus commenté et le plus controversé de P. Clastres, La Société contre l'État[2] est un recueil d'articles dont, généralement[3], il n'est retenu que l'idée formulée aux deux derniers chapitres : les « sociétés primitives »[4],[Note 1],[5] sont des sociétés « contre l'État »[6],[7]. Regroupant des articles ayant une visée théorique générale[8] et des articles consacrés aux sociétés autochtones américaines (principalement certaines sociétés d'Amérique du Sud de la Forêt Tropicale où il séjourna : Guayaki, Mbya-Guarani et Chulupi), P. Clastres approfondit ici des thèmes et des problématiques qui n'étaient que suggérés ou rapidement abordés dans son précédent livre paru en 1972, Chronique des Indiens Guayaki[9]. D'un côté, P. Clastres veut déconstruire sa discipline : il discute certains présupposés de l'ethnologie occidentale (notamment l'ethnocentrisme) et il critique certains postulats de l'anthropologie politique (par exemple : la nature du pouvoir politique dans les sociétés des peuples premiers) ; d'un autre côté, P. Clastres veut reconstruire celle-ci : étudier les sociétés autres depuis leur propre perspective, prendre leur politique au sérieux, rendre au langage sa valeur.

À sa parution, La Société contre l'État fut accueilli tant chaudement que glacialement : certains y virent le renouvellement de l'anthropologie politique[10], d'autres y virent la reproduction de clichés ethnologiques éculés[11]. L'une des idées centrales du livre, la « société contre l'État », rencontra le succès jusqu'au mitan des années 1980, elle connut une éclipse durant les années 1990 puis commença à faire retour au milieu des années 2000. Bien que cette idée ait été rangée « dans le cabinet des curiosités anthropologiques »[12] par les ethnologues français, elle continue d'inspirer une nouvelle génération d'ethnologues sud-américains et certains « milieux politiques »[13] de par le monde.

Contexte

Publié en 1974 La Société contre l'État est un ouvrage dans lequel Pierre Clastres polémique avec des théories et des pratiques universitaires, des courants de pensée et des auteurs contemporains ; aussi, il exprime des positions qui répondent à l'actualité (théorique et politique) d'alors : la vogue ethnologique et anthropologique[14], le bouillonnement théorique (structuralisme, marxisme, libéralisme, anarchisme…), le renouvellement des questionnements sur l'« État »[15]. Ci-dessous, un bref survol du contexte vise à replacer ce livre de P. Clastres dans son temps[Note 2].

La vogue ethnologique et anthropologique

Au cours de la décennie qui précéda la parution du livre La Société contre l'État de Pierre Clastres, de nombreux ouvrages devenus des classiques de l'ethnologie et de l'anthropologie furent traduits en français, par exemple : en 1963 Les Argonautes du Pacifique occidental[16] de Bronisław Malinowski, en 1968 Les Nuer[17] d'Edward Evan Evans-Pritchard, en 1969 Structure et fonction dans la société primitive[18] d'Alfred Radcliffe-Brown, en 1972 Les systèmes politiques des hautes terres de Birmanie[19] d'Edmund Leach. Durant ces mêmes années, des ethnologues et anthropologues français publièrent des ouvrages qui, eux aussi, devinrent des classiques : en 1962 parut La Pensée sauvage[20] de Claude Lévi-Strauss, en 1967 parurent l'Anthropologie politique[21] de Georges Balandier et Les Amériques noires[22] de Roger Bastide ou encore, en 1971, La vision des vaincus[23] de Nathan Wachtel.

Ces publications rencontrèrent le succès en librairie, au point que de nombreux éditeurs créèrent des collections consacrées à ces monographies et ces recherches d'un genre nouveau (par exemple : « Terre Humaine » aux éditions Plon[24], « Recherches anthropologiques » aux Éditions du Seuil[25] ou la « Bibliothèque d’anthropologie » chez l’éditeur Maspero[26]), d’autres éditeurs accueillirent dans leurs collections des ouvrages d'ethnologie ou d'anthropologie (par exemple : la « Bibliothèque des sciences humaines » aux éditions Gallimard[27])[Note 3].

Le bouillonnement théorique

En France, depuis le milieu des années 1950, un mouvement théorique influence un grand nombre d'auteurs : le structuralisme, qui trouve son origine (pour partie) dans le travail de Claude Lévi-Strauss[28]. Apparu bien avant le structuralisme, un autre mouvement théorique tient toujours le haut du pavé en France : le marxisme, dont Louis Althusser (mais il n'est pas le seul) redessine les contours avec son Pour Marx publié en 1965[29]. Ces deux mouvements théoriques exercèrent une forte influence sur les ethnologues et les anthropologues d'alors. Le structuralisme, parce qu'il renouvelait l'approche des études sur la parenté et la compréhension des mythes ; le marxisme, parce qu'il questionnait les rapports de domination et de pouvoir, et parce qu'il étudiait les moyens de production propres à chaque société. Certaines tentatives de rapprochements entre ces deux courants furent même tentées, comme l'ouvrage collectif Structuralisme et marxisme (1970)[30].

Entre son premier article publié en 1962 qui constitue le chapitre 2 de La Société contre l'État et le texte inédit de 1974 qui en constitue le dernier chapitre, Pierre Clastres s'est petit à petit éloigné de l'enseignement de C. Lévi-Strauss dont il fut l'élève et, surtout, des méthodes et des conceptions propres à l'anthropologie structurale[31]. Pour être précis, P. Clastres considère que l'analyse structuraliste vaut pour l'étude des mythes, bien qu'elle ne permette pas de rendre compte de la totalité des significations et des fonctions d'un mythe[32],[33] ; en revanche, P. Clastres estime que l'analyse structuraliste est incapable de rendre raison des structures et des dynamiques politiques d'une société étudiée[32],[34]. Quant au marxisme (qu'il prend soin de distinguer de la pensée de Karl Marx), P. Clastres ferraille contre ses méthodes d'analyse et ses conceptions théoriques reprises et adaptées par les ethnologues et les anthropologues[35],[36],[37],[Note 4].

L'État et le pouvoir en question(s)

Pierre Clastres n'est pas le premier auteur européen à s'interroger sur le « pouvoir politique », sur l'institution politique qu'est l'« État », sur les rapports et les articulations entre « pouvoir politique » et « État ». Les questionnements sur le pouvoir sont nombreux, quant aux réflexions sur l'État en Europe elles débutèrent dès les XVe et XVIe siècles (par exemple : Machiavel, Bodin, Botero), elles continuèrent aux XVIIe et XVIIIe siècles (par exemple : Hobbes, Locke, Montesquieu, Rousseau) ainsi qu'aux XIXe et XXe siècles (par exemple : Hegel, Marx, Engels, Proudhon, Bakounine, Jellinek, Weber, Lénine, Carré de Malberg, Kelsen ou Schmitt).

Au XXe siècle, après la Première et la Seconde Guerre mondiale au cours desquelles nombre d'États prirent part aux conflits et après l'apparition d'États aux formes inédites (l'État fasciste, l'État totalitaire, l'État dictatorial…), les réflexions autour de ce qu'est l'« État » se multiplièrent (et ces réflexions furent aussi des réflexions sur le pouvoir). Parmi les auteurs dont les ouvrages eurent un retentissement certain au milieu du XXe siècle, on trouve par exemple : Karl Wittfogel[38], Raymond Aron[39], Nicos Poulantzas[40], Michel Foucault[41], Hannah Arendt[42], ou encore Louis Althusser[43]. Aussi, sans oublier la profusion des revues anarchistes et libertaires qui parurent à l’époque[44], il faut mentionner la revue et le groupe créés et animés par Cornelius Castoriadis et Claude Lefort « Socialisme ou barbarie » : une revue dans laquelle le « capitalisme bureaucratique » et les régimes « totalitaires » furent questionnés et critiqués, un groupe de militants dont fut proche P. Clastres[45].

Dans une toute autre perspective, l'ethnologie et l'anthropologie contribuent depuis la fin du XIXe siècle[46] à renouveler les questionnements sur l'« État »[47] et le « pouvoir »[48]. Au milieu du XXe siècle, une distinction entre « société sans État » et « société avec État » est employée par les ethnologues et les anthropologues afin de caractériser deux « types » de sociétés qui présentent des différences essentielles dans leurs systèmes politiques[49],[50], partant cette distinction permet d'effectuer des comparaisons (culturelles, fonctionnelles, structurelles, etc.) entre les diverses conceptions et pratiques politiques des sociétés humaines de par le monde[51]. Dans le livre qui popularisa cette distinction, Systèmes politiques africains (édité par Meyer Fortes et E. E. Evans-Pritchard)[52], différents auteurs étudient d'autres formes de pouvoirs politiques et montrent qu'il existe des organisations politiques autres dans des sociétés où le système politique occidental moderne canonique, l'« État », est encore sinon inconnu, du moins peu imité ou non adopté. (Des livres comme ceux de B. Malinowski[16], d'E. E. Evans-Pritchard[17] et E. Leach[19] mentionnés plus haut montrent que d'autres conceptions, d'autres pratiques et d'autres systèmes politiques existent.)

Dans son livre qui paraît à la fin de l'année 1974 Pierre Clastres dit, lui, avoir découvert un tout autre type de société et une distinction autrement plus primordiale : la « société contre l'État »[53].

Présentation du livre

Un recueil d'articles

La Société contre l'État est un ouvrage dans lequel Pierre Clastres compila certains de ses articles parus dans différentes revues entre 1962 et 1973. Dans ces textes, P. Clastres rend compte de ses recherches de terrain en Amérique du Sud, il prend position dans des débats contemporains sur les sociétés autochtones sud-américaines de la Forêt Tropicale, il expose ses vues sur les disciplines que sont l'ethnologie et l'anthropologie (qu'il s'agisse de la tradition anthropologique ou des recherches contemporaines), aussi, il formule des réflexions philosophiques et politiques qui débordent l'ethnologie et l'anthropologie.

Le sous-titre, Recherches d’anthropologie politique, indique l'orientation théorique générale de l'ouvrage ; dans le seul texte inédit qui donne son titre au recueil, « Chapitre 11 : La société contre l'État »[54], P. Clastres explicite le choix des articles qu'il a sélectionnés : « les textes qui ont été ici rassemblés tentent de cerner l'espace du politique dans les sociétés sans État[55]. »

Les fruits de l'expérience de terrain

Tous les chapitres de La Société contre l'État, hormis le deuxième et le troisième (rédigés avant d'aller sur le terrain), sont des textes dans lesquels Pierre Clastres décrit, réfléchit ou revient sur son expérience de terrain[56] :

  • de janvier 1963 à décembre 1963, P. Clastres passe une année auprès des Indiens Guayaki au Paraguay ; en 1965 toujours au Paraguay, il séjourne auprès des Indiens Guarani Chiripa ; fin 1965 et début 1966, il visite les Javae du Haut Xingu puis il effectue un court séjour chez les Guarani du littoral de São Paulo ; à l'été 1966, de retour au Paraguay, il séjourne brièvement chez des Mbya-Guarani ; par deux fois, en 1966 (juin à octobre) et en 1968 (juin à septembre), il visite les Indiens Chulupi (ou Ashluslay) qui vivent dans le Chaco au Paraguay ; entre 1970 et 1971, au Venezuela, il séjourne chez les Indiens Yanomami ; enfin, en 1974, il rencontre des Indiens Guarani au Brésil dans l'état de São-Paulo[57].

Plan de l'ouvrage

Les textes compilés dans La Société contre l'État ne sont pas ordonnés chronologiquement, Pierre Clastres arrangea la disposition des articles réunis dans ce recueil de façon thématique[Note 5] :

  • le chapitre 1 fait office d'introduction et annonce la ligne épistémologique suivie tout au long de l'ouvrage (en finir avec l'ethnocentrisme, prendre la politique des peuples premiers au sérieux) ;
  • les chapitres 2, 3, 4, et 5 décrivent et analysent différentes dimensions de l'organisation sociale de sociétés autochtones américaines (chefferie) et autochtones sud-américaines de la Forêt Tropicale (échanges, démographie, liens de parentés, rôles féminin/masculin) ;
  • les chapitres 6, 7, 8, 9 et 10 décrivent et analysent les paroles, les utilisations du langage et les modes de pensée de sociétés autochtones sud-américaines telles les Chulupi et les Mbya-Guarani (communication, mythologie, pensée, rites de passage) ;
  • le chapitre 11, inédit et conclusif, fait retour sur une dizaine d'années de recherches, prend position dans des débats anthropologiques contemporains (le mode de production et le statut de l'économie dans les sociétés autochtones), enfin, avance une proposition théorique : les « sociétés primitives »[69], « par essence égalitaire[s] »[70], sont des sociétés dont l'institution politique du pouvoir (qui vaut institution du social) empêche l'émergence d'un pouvoir de type coercitif (tel le pouvoir d'un chef, qui pourrait se transformer en pouvoir d'État) ; par suite, ces sociétés sont des sociétés « contre l'État »[71].

La Société contre l'État. Recherches d'anthropologie politique

Ch. 1 : Copernic et les Sauvages

Le texte de ce chapitre reproduit une recension (1969[58]) de l'ouvrage de Jean-William Lapierre intitulé Essai sur le fondement du pouvoir politique paru en 1968[72], une recension que Pierre Clastres, dès le troisième paragraphe, transforme en article[73].

« Les peuples sans écriture ne sont donc pas moins adultes que les sociétés lettrées. Leur histoire est aussi profonde que la nôtre et, à moins de racisme, il n'est aucune raison de les juger incapables de réfléchir à leur propre expérience et d'inventer à leurs problèmes les solutions appropriées[74]. »

Dans ce chapitre (en quelque sorte introductif), P. Clastres s'attache à penser la manière dont l'ethnologie, comme discipline et comme pratique, aborde la dimension politique des sociétés qu'elle étudie à longueur de monographies et de séjours sur le terrain ; et il (se) pose deux questions : « Peut-on questionner sérieusement à propos du pouvoir[75] ? », « Une anthropologie politique est-elle possible[76] ? » Afin de répondre positivement, P. Clastres entend montrer que l'ethnocentrisme occidental dont est affectée l'ethnologie est précisément ce qui l'empêche de voir l'originalité politique des sociétés qu'elle étudie ; tant que l'ethnologie abordera le pouvoir politique dans les sociétés autres avec des catégories et des critères occidentaux, aucune anthropologie politique véritable ne sera possible[77].

À la suite de J.-W. Lapierre, P. Clastres relève l'ethnocentrisme qui, souvent, loge au cœur de la théorie et/ou de la pratique ethnologiques ; et il rejoint celui-ci pour qui l'ethnocentrisme est « la chose du monde la mieux partagée »[78]. Ce faisant, P. Clastres pointe une singularité de l'ethnocentrisme occidental véhiculée par la discipline ethnologique : « l'ethnologie veut se situer d'emblée dans l'élément de l'universalité sans se rendre compte qu'elle reste à bien des égards solidement installée dans sa particularité, et que son pseudo-discours scientifique se dégrade vite en véritable idéologie[79]. » À cet ethnocentrisme s'ajoute parfois l'« évolutionnisme »[80] , ainsi qu'une conception téléologique de l'histoire[81]. Pour le dire autrement : P. Clastres critique les approches (ethnologiques, sociologiques, philosophiques, etc.) qui, jugeant que les « sociétés primitives »[4] figurent le passé de l'humanité, regardent les sociétés occidentales comme l'aboutissement de la civilisation humaine ; il critique ces approches qui envisagent et étudient les sociétés « primitives »[82] (ou « archaïques »[83]) non pour ce qu'elles sont (ce que leurs membres font, ce que leurs membres croient, etc.), mais pour ce qu'elles représentent pour l'ethnologie occidentale ; il critique cette ethnologie parce qu'elle manque certains traits originaux des sociétés primitives[Note 6] n'ayant aucune correspondance dans les sociétés occidentales comme, par exemple, la spécificité du pouvoir politique.

En effet, d'après P. Clastres cet ethnocentrisme empêche la « politicologie »[74] de voir l'originalité du pouvoir politique dans les sociétés primitives. Selon les critères occidentaux, qu'il résume ainsi, « la vérité et l'être du pouvoir consistent en la violence et l'on ne peut pas penser le pouvoir sans son prédicat, la violence[84]. » Or, avance P. Clastres, « il ne nous est pas évident que coercition et subordination constituent l'essence du pouvoir politique partout et toujours[85]. » Dans les dernières pages de ce chapitre, P. Clastres expose brièvement sa position[86] : le pouvoir politique est universel, immanent au social et « il se réalise en deux modes principaux : pouvoir coercitif, pouvoir non coercitif »[87] ; le pouvoir politique comme relation de commandement-obéissance (ou comme coercition) « n'est pas le modèle du pouvoir vrai, mais simplement un cas particulier, une réalisation concrète du pouvoir politique en certaines cultures »[88] ; la question du pouvoir se pose dans toutes les sociétés, même là où l'institution politique est absente (par exemple : absence de chef), « même là le politique est présent »[89] ajoute P. Clastres avant de trancher : « On peut penser le politique sans la violence, on ne peut pas penser le social sans le politique : en d'autres termes, il n'y a pas de sociétés sans pouvoir[90]. » Enfin, P. Clastres esquisse en deux questions un programme de recherche : « 1) Qu'est-ce que le pouvoir politique ? C'est-à-dire : qu'est-ce que la société ? 2) Comment et pourquoi passe-t-on du pouvoir politique non coercitif au pouvoir politique coercitif ? C'est-à-dire : qu'est-ce que l'histoire[91] ? » Quelques réponses se trouvent dans les chapitres suivants[Note 7].

Ch. 2 : Échange et pouvoir : philosophie de la chefferie indienne

Ce chapitre reproduit le tout premier article de Pierre Clastres, publié en 1962[59].

« Elles [i.e. les sociétés primitives] ont très tôt pressenti que la transcendance du pouvoir recèle pour le groupe un risque mortel, que le principe d'une autorité extérieure et créatrice de sa propre légalité est une contestation de la culture elle-même ; c'est l'intuition de cette menace qui a déterminé la profondeur de leur philosophie politique[92]. »

Dans ce chapitre, P. Clastres expose une définition de la « chefferie indienne » qui, selon lui, vaudrait pour tout le continent américain, ainsi que pour toute société primitive. Partant de la définition donnée par Robert Harry Lowie du « titular chief »[93],[94], P. Clastres propose d'ajouter un quatrième critère définitoire (la polygynie) aux trois critères avancés par R. H. Lowie (faiseur de paix, généreux de ses biens, bon orateur)[95]. Pour résumer synthétiquement ce qui fait la particularité de la chefferie indienne : dans les sociétés primitives le chef dispose d'un pouvoir qu'il ne peut exercer que s'il suit les règles des échanges matériels et symboliques établies par ladite société. Matériellement : le chef reçoit des femmes (la polygynie), il donne des biens (nourriture, artéfacts, mobilier, etc.) ; symboliquement : le chef apaise les tensions entre les membres de la société, il dirige (lorsque son pouvoir est tel) les expéditions guerrières, il parle au nom de la société (il dit la loi des ancêtres, il rappelle les traditions, etc.).

Revenant sur les analyses de R. H. Lowie relatives aux règles des échanges matériels et symboliques qui ne le satisfont pas[96], P. Clastres avance une autre explication pour démontrer que ces quatre critères (la polygynie, le pouvoir, le don de biens, le devoir oratoire) attachés au chef indien révèlent, en réalité, une structure originale et plus profonde des sociétés primitives : « La même opération qui instaure la sphère politique lui interdit son déploiement : c'est ainsi que la culture utilise contre le pouvoir la ruse même de la nature ; c'est pour cela que l'on nomme chef l'homme en qui vient se briser l'échange des femmes, des mots et des biens[97]. » Pour le dire autrement : puisque la société donne au chef des femmes qu'il ne peut rendre tandis que ce dernier dispense des mots et des biens que celle-ci ne restitue jamais, aucun échange, de fait, n'existe ni entre la société et son chef ni entre le chef et sa société ; par suite, le pouvoir du chef n'en est pas un et, par conséquent, P. Clastres en déduit « l'absence d'autorité de la chefferie[98]. » Ou, comme l'écrit P. Clastres : « le pouvoir est exactement ce que ces sociétés ont voulu qu'il soit. Et comme ce pouvoir n'y est, pour le dire schématiquement, rien, le groupe révèle, ce faisant, son refus radical de l'autorité, une négation absolue du pouvoir[99]. »

Plus largement, P. Clastres conteste les travaux de chercheurs qui considèrent : soit que les sociétés primitives stagneraient « en un stade historique pré-politique ou anarchique »[100] et seraient « dépourvues pour la plupart de toute forme réelle d'organisation politique »[100] ; soit que seule « une minorité parmi les sociétés primitives [aurait] dépassé l'anarchie primordiale pour accéder à ce mode d'être, seul authentiquement humain, du groupe : l'institution politique »[100]. Ainsi, dans ce chapitre, P. Clastres entend montrer que les sociétés primitives ont inventé une « authentique forme politique »[100] (la chefferie indienne) et, dès lors, que ces sociétés connaissent effectivement « ce mode d'être, seul authentiquement humain, du groupe : l'institution politique »[100].

Ch. 3 : Indépendance et exogamie

Ce chapitre reproduit un article de Pierre Clastres publié en 1963[60], dont une partie du titre supprimée en 1974 indique l'orientation générale : « structure et dynamique des sociétés indiennes de la Forêt Tropicale ».

« Les sociétés primitives, tout comme les sociétés occidentales, savent parfaitement ménager la possibilité de la différence dans l'identité, de l'altérité dans l'homogène ; et en ce refus du mécanisme peut se lire le signe de leur créativité[101]. »

Dans ce chapitre, P. Clastres s'interroge sur « la nature des unités socio-politiques de la Forêt tropicale »[102], c'est-à-dire leur organisation sociale : leur « modèle sociologique »[103] (leur structure) et le passage d'un modèle à un autre (leur dynamique). Cette interrogation vise à remettre en cause la vision traditionnelle des sociétés de la Forêt Tropicale : « le pseudo-atomisme de ces cultures », « une myriade de groupes à la fois craintifs et hostiles les uns aux autres », « l'image trop facile de sociétés dont l'égocentrisme et l'agressivité attesteraient l'infantilisme »[104].

S'agit-il d'un modèle type « famille étendue »[103], d'un modèle type lignage « unilinéaire » ou « parentèles » (kindreds)[105] ? P. Clastres penche pour un autre modèle sociologique, celui des « dèmes exogamiques »[106] dont la « maloca »[103] (ou grande maison collective) serait l'indice[107] ; et, selon la localisation et la concentration des maloca, il précise : « on nommera ces méga-unités de trois à huit communautés locales, des structures polydémiques »[108]. Par ailleurs, quant à la modalité de l'exogamie, P. Clastres allègue « la quasi-universalité de l'exogamie locale »[109]. Pour lui : « la communauté de résidence en une grande maison et l'appartenance culturellement reconnue à un même ensemble de parents, posent les groupes de la Forêt Tropicale comme unités sociologiques entre qui s'opèrent les échanges et se concluent les alliances : l'exogamie, qui en est à la fois la condition et le moyen, est essentielle à la structure de ces unités et à leur maintien comme telles[110]. » Les groupes de la Forêt Tropicale procèderaient ainsi à tous types d'échanges (nourritures, biens matériels, etc.) et d'alliances (femmes, gendres, solidarité, coalition, etc.). Et P. Clastres de conclure : « La fonction de l'exogamie locale n'est donc pas négative : assurer la prohibition de l'inceste, mais positive : obliger à contracter mariage hors de la communauté d'origine. Ou, en d'autres termes, l'exogamie locale trouve son sens dans sa fonction : elle est le moyen de l'alliance politique[111]. »

Quant à la dynamique des sociétés indiennes de la Forêt Tropicale ? Notant que la Conquête a manifestement interrompu « un double processus dynamique » qui transformait les communautés de la Forêt Tropicale en lignages[112], P. Clastres envisage deux possibilités sociologiques : soit « la tendance à l'unification et à l'intégration se traduit par la dissolution progressive [des] unités [socio-politiques] élémentaires — ou du moins par une diminution importante de leurs fonctions structurales — et par l'apparition consécutive d'un début de stratification sociale qui peut s'accentuer plus ou moins vite »[113] ; soit ces « unités [socio-politiques] subsistent et se renforcent »[113]. Dans le premier cas, se développent alors « de petits ''États'' »[114] : des « aristocraties » contrôlent les pouvoirs militaires et religieux en dominant « une masse de ''plébéiens'' » et une classe d'esclaves[113]. Dans le second cas, exemplifié par les sociétés Tupi, s'opère le passage d'une « structure polydémique à une structure multilignagère »[115] : les dèmes se transforment en lignages, « l'unilinéarité latente »[116].

Dans les dernières pages de ce chapitre, P. Clastres aborde rapidement l'organisation socio-politique des communautés Tupi[117]. Outre la singularité de l'organisation politique d'un village Tupi[118], c'est l'apparition de « chefferies puissantes »[119] qui intéresse P. Clastres et, tout particulièrement, la transformation du pouvoir de ces chefs : parfois leur autorité s'exerçait « sur plusieurs villages »[120], en temps de guerre leur autorité était « quasi absolue »[119] et certains chefs pouvaient rassembler jusqu'à 10 000 hommes, voire plus[119].

Ch. 4 : Éléments de démographie amérindienne

Ce chapitre reproduit un article de Pierre Clastres publié en 1973[61] dans un numéro thématique de la revue L'Homme intitulé : « Études d'anthropologie politique ».

« Lorsque les Espagnols, sous la conduite de Domingo de Irala, parvinrent à l'emplacement de l'actuelle Asunción ils entrèrent en contact avec les deux chefs qui contrôlaient la région : ceux-ci pouvaient mettre en ligne quatre mille guerriers. Très peu de temps après la conclusion de l'alliance, ces deux caciques furent capables de lever ce qu'il faut bien appeler une armée — huit mille hommes qui aidèrent Irala et les siens à combattre les tribus agazes soulevées contre les Espagnols. […]. On n'en finirait pas d'aligner des chiffres, qui tous se situent dans cet ordre de grandeur[121]. »

Dans ce chapitre, P. Clastres entend étudier les rapports entre « le fonctionnement des relations de pouvoir et les institutions qui les régissent » et « le nombre de la population »[122] ; postulant une « connexion entre démographie et autorité politique »[123], il (se) pose deux questions : « Toutes les sociétés forestières d'Amérique du Sud sont-elles égales entre elles, au niveau des unités socio-politiques qui les composent ? », « La nature du pouvoir politique demeure-t-elle inchangée lorsque s'étend et s'alourdit son champ d'application démographique[123] ? » Plus largement, P. Clastres veut réévaluer « les informations quantitatives »[124] relatives aux populations de la Forêt Tropicale admises jusqu'alors (i.e. en 1973).

Après une discussion[125] des travaux d'Angel Rosenblatt[126], P. Clastres tente de calculer la population des Indiens Guarani et Tupi. Recoupant les observations et les chiffres des chroniqueurs[127], opérant un calcul « hypothétique et statistique »[128] en croisant « la convergence des résultats obtenus par la méthode régressive et par la méthode des densités moyennes »[129], il obtient le chiffre de « près d'un million et demi d'Indiens Guarani avant l'arrivée des Blancs[130]. » Selon P. Clastres ce chiffre « énorme, invraisemblable »[128], appuyé par les travaux menés par l'École de Berkeley[131], est même un « minimum »[129].

Ce chiffre, cette rectification de la démographie, invitent d'après P. Clastres à réviser l'approche anthropologique des populations Guarani : « Si nous avons raison, si effectivement 1 500 000 Guarani habitaient un territoire de 350 000 kilomètres carrés, alors il faut transformer radicalement nos conceptions sur la vie économique des populations forestières (bêtise du concept d'économie de subsistance), refuser les sottes croyances sur l'incapacité prétendue de ce genre d'agriculture à soutenir une population importante et, bien entendu, repenser totalement la question du pouvoir politique[132]. » Sur ce dernier point, P. Clastres note qu'il existe ainsi « une différence radicale, une différence de nature »[133], entre le chef Guayaki qui dirige un groupe d'une trentaine de personnes, le chef qui dirige une centaine de guerriers dans le Chaco et, chez les tupi-guarani, « les grands mburuvicha »[133] (i.e. les leaders) qui mènent au combat des armées de plusieurs milliers d'hommes[134].

P. Clastres, rappelant la dénonciation de la Conquista par Bartolomé de las Casas, termine ce chapitre en affirmant qu'il faut « admettre l'hypothèse démographique forte pour toute l'Amérique »[135]. Du Sud au Nord, celle-ci fut fortement peuplée « avant l'arrivée des Blancs »[133].

Ch. 5 : L'arc et le panier

Ce chapitre reproduit un article de Pierre Clastres publié en 1966[62],[Note 8].

« Une opposition très apparente organise et domine la vie quotidienne des Guayaki : celle des hommes et des femmes dont les activités respectives, marquées fortement de la division sexuelle des tâches, constituent deux champs nettement séparés et, comme partout ailleurs, complémentaires. Mais à la différence de la plupart des autres sociétés indiennes, les Guayaki ne connaissent point de forme de travail auquel participent à la fois les hommes et les femmes[136]. »

Dans ce chapitre, P. Clastres propose une brève étude de la société des Indiens Guayaki, qui s'organise autour de l'opposition homme/femme et des règles qui s'ensuivent (tâches, prohibitions, liens, etc.)[137] ; aussi, en fin d'étude, il esquisse quelques vues sur la nature du langage au regard de l'usage qu'en font les chasseurs guayaki.

S'inspirant de la méthode structuraliste, P. Clastres repère dans la société guayaki des oppositions et des complémentarités, des exclusions et des impossibilités. L'opposition primordiale qui structure la société guayaki est celle des deux sexes : féminin, masculin. Dans l'économie de cette société, les hommes chassent et collectent la nourriture, les femmes « fabriquent la vannerie, la poterie, les cordes des arcs ; elles font la cuisine, s'occupent des enfants »[138]. Ces tâches respectives attachent un objet à chacun : l'arc à l'homme, le panier à la femme[139] ; ces tâches respectives délimitent deux espaces : celui de la forêt pour les hommes, celui du campement pour les femmes[140]. Cette opposition primordiale organise d'autres moments de l'existence des Indiens Guayaki, par exemple : le chant des hommes, nommé prerä, est un chant individuel entonné le soir ; le chant des femmes, nommé chengaruvara, est un chant collectif (parfois individuel) réservé à certains rituels de la vie quotidienne[141]. Cette structuration de leur société, cette organisation sociale, les Guayaki en sont parfaitement conscients selon P. Clastres, ils « ne laissent point dans l'impensé le vécu de cette praxis : ils en ont une conscience claire et le déséquilibre des relations économiques entre les chasseurs et leurs épouses s'exprime, dans la pensée des Indiens, comme l'opposition de l'arc et du panier. Chacun de ces deux instruments est en effet le moyen, le signe et le résumé de deux ''styles'' d'existence à la fois opposés et soigneusement séparés[142]. » Et l'une comme l'autre ne doivent jamais toucher l'objet attaché au sexe opposé, autrement la malchance frappera[143]. Cette malchance, nommée pané, affecte toujours l'homme[Note 9] et elle entraîne le manque de réussite à la chasse (qui est la tâche dévolue à tout hommes guayaki[Note 10]).

Poursuivant son étude de la structure de la société guayaki, P. Clastres procède à une autre analyse suivant les « trois supports fondamentaux sur quoi repose l'édifice de la culture »[144], à savoir : l'échange des biens, l'échange des femmes, l'échange des messages. Concernant l'échange des biens : tout chasseur guayaki ne peut consommer le produit de sa chasse sous peine d'être pané, cette « prohibition alimentaire »[145] place tous les hommes en position de réciprocité et, ainsi, crée une relation qui renforce le liant social[146]. Concernant l'échange des femmes : le sex-ratio de la société guayaki connaît un déséquilibre (1 femme pour 2 hommes[Note 11]), pour qu'aucun homme célibataire ne vienne perturber l'équilibre de la société le mariage polyandrique est pratiqué[Note 12]. Concernant l'échange des messages, P. Clastres s'intéresse tout particulièrement au chant des hommes car il y décèle, en creux, une frustration qui s'y exprime avec éclat : « Les chasseurs guayaki ont trouvé dans leur chant la ruse innocente et profonde qui leur permet de refuser sur le plan du langage l'échange qu'ils ne peuvent abolir sur celui des biens et des femmes[147]. » Autrement dit, chaque chasseur guayaki lorsqu'il chante son prerä affirme son individualité : « C'est par le chant qu'il accède à la conscience de soi comme Je et à l'usage dès lors légitime de ce pronom personnel. L'homme existe pour soi dans et par son chant, il est lui-même son propre chant : je chante, donc je suis[148]. »

P. Clastres termine ce chapitre en faisant retour sur l'usage du langage en Occident comparé à l'usage qu'en font les Indiens Guayaki[149]. Tandis que chez ces derniers le langage abolit « l'univers social des signes pour donner lieu à l'éclosion du sens comme valeur absolue »[150], en Occident « [le] langage de l'homme civilisé lui est devenu complètement extérieur, car il n'est plus pour lui qu'un pur moyen de communication et d'information[151]. »

Ch. 6 : De quoi rient les Indiens ?

Ce chapitre reproduit un article de Pierre Clastres publié en 1967[63].

« Si l'on est soucieux de préserver intégralement la vérité des mythes, il faut ne pas sous-estimer la portée réelle du rire qu'ils provoquent et considérer qu'un mythe peut à la fois parler de choses graves et faire rire ceux qui l'écoutent[152]. »

Dans ce chapitre, P. Clastres rapporte deux mythes des Indiens Chulupi vivant dans le sud du Chaco paraguayen[153]. Dans le premier mythe intitulé « L'homme à qui on ne pouvait rien dire »[154],[155], un vieux chamane[Note 13] prend tout au pied de la lettre et se ridiculise aux yeux des Indiens lors de différentes tâches de la vie quotidienne ; ensuite, accompagné d'autres chamanes, ce chamane part en expédition afin de retrouver l'âme de son arrière-petit-fils, seulement c'est une expédition longue, laborieuse, semée d'embûches et qui perd de vue son objectif, toutefois le chamane sauve in-extremis le malade ; enfin, l'expédition achevée, ce même chamane abuse de ses petites-filles dans la forêt[156]. Dans le second mythe intitulé « Les aventures du jaguar »[157],[158], un jaguar se promène et rencontre sur son chemin différents animaux qui le ridiculisent : voulant imiter un caméléon qui traverse des braises, le jaguar marche dessus et meurt brulé, l'oiseau ts'a-ts'i le ressuscite ; voulant imiter un chevreuil qui danse sur des cactus sans se piquer, le jaguar pénètre dans le champ de cactus et meurt criblé d'épines, l'oiseau ts'a-ts'i le ressuscite ; voulant imiter un lézard qui grimpe aux arbres, le jaguar monte jusqu'en haut, tombe et meurt transpercé, l'oiseau ts'a-ts'i le ressuscite ; voulant imiter un oiseau qui vole entre des branchages, le jaguar passe au travers et meurt coupé en deux, l'oiseau ts'a-ts'i le ressuscite ; voulant imiter le vautour royal qui vol de la terre au soleil le jaguar, harnaché d'un paire d'ailes fixées avec de la cire, s'élève haut dans le ciel mais la cire fond, il s'écrase et meurt, l'oiseau ts'a-ts'i le ressuscite ; enfin, alors qu'il chasse deux mouffettes, l'une des deux lui pisse dans les yeux et l'aveugle, l'oiseau ts'a-ts'i lui rend la vue. « Sans l'oiseau ts'a-ts'i, le jaguar n'existerait plus »[159] conclut le mythe[160].

À la suite de ces retranscriptions, P. Clastres propose un « prélude »[161] à l'analyse de ces deux mythes[162]. Dans un premier temps, il formule quelques remarques : ces deux mythes représentent le chamane et le jaguar comme « des êtres grotesques » et « des objets de rire »[163] ; or, dans la réalité (la vie quotidienne des Chulupi) le chamane et le jaguar sont des « êtres dangereux », « respectables » et qui « demeurent au-delà du rire »[164] ; par conséquent, selon P. Clastres, « les Chulupi font au niveau du mythe ce qui leur est interdit au niveau du réel »[165], par le rire les Chulupi s'emploient à « démystifier »[164] la crainte et le respect qu'ils éprouvent à l'égard de tout chamane et tout jaguar.

Dans un second temps, P. Clastres note des ressemblances entre ces deux mythes : la partie centrale du premier mythe, où le chamane entreprend un voyage accompagné d'autres chamanes, comporte des étapes qui ressemblent aux rencontres que fait le jaguar durant sa promenade. Selon P. Clastres, ces deux séquences font allusion au « Grand Voyage » : « celui qui conduit les chamanes jusqu'au Soleil[166]. » Faisant un détour par l'ethnologie, P. Clastres explique : les chamanes du Chaco sont aussi des devins ; parfois, pour s'assurer de leurs visions, les chamanes font appel au Soleil qui est un « être omniscient »[167] ; cependant le Soleil, qui ne souhaite pas être dérangé, dispose des obstacles sur le chemin qui doit mener les chamanes jusqu'à lui. Autre ressemblance qui trouve réponse par le détour ethnologique : pour les Chulupi, les meilleurs chamanes peuvent se transformer en jaguar[161] ; aussi, « dans les temps anciens »[161] les jaguars furent des chamanes, quoique de piètres chamanes. Ainsi, selon P. Clastres, ces deux mythes présentent une « certaine homogénéité » et constituent « une sorte de groupe »[161].

Il conclut ce chapitre en rappelant ses propos introductifs : les mythes doivent être pris au sérieux, ceux qui prêtent à rire aussi (voir la citation ci-dessus)[168]. « Dans le rire provoqué se fait jour une intention pédagogique : tout en amusant ceux qui les entendent, les mythes véhiculent en même temps et transmettent la culture de la tribu. Ils constituent ainsi le gai savoir des Indiens[169]. »

Ch. 7 : Le devoir de parole

Ce chapitre, le plus court du livre (quatre pages), reproduit un article de Pierre Clastres publié en 1973[64].

« En contraignant le chef à se mouvoir seulement dans l'élément de la parole, c'est-à-dire dans l'extrême opposé de la violence, la tribu s'assure que toutes choses restent à leur place, que l'axe du pouvoir se rabat sur le corps exclusif de la société et que nul déplacement des forces ne viendra bouleverser l'ordre social[170]. »

Dans ce chapitre, P. Clastres s'intéresse à la nature de la parole du chef dans les « sociétés primitives américaines »[171]. Après un bref rappel[172] de la nature de la parole du chef dans les « sociétés fondées sur la division »[173], des sociétés à État où la parole du chef coïncide avec l'exercice du pouvoir politique[174], il avance que la parole du chef dans les sociétés primitives (ou sans État) n'est pas de même nature ; pour lui, dans les sociétés à État « la parole est le droit du pouvoir », alors que dans les sociétés sans État « la parole est le devoir du pouvoir[175]. »

P. Clastres décrit brièvement ce devoir : une parole de chef est « un acte ritualisé »[176] ; le chef s'adresse au groupe quotidiennement à la levée ou à la tombée du jour « d'une voix forte »[176] ; le contenu de son discours est une « célébration, maintes fois répétée, des normes de vie traditionnelles »[177] ; aucun membre de la tribu ne « prête attention au discours du chef »[178].

Ce dernier trait, cette feinte inattention, est selon P. Clastres un indice quant à la nature de la parole du chef dans les sociétés primitives. Tandis que dans les sociétés à État la parole du chef « a nom commandement et ne veut que l'obéissance de l'exécutant »[179], dans les sociétés sans État (ou primitives) : « La parole du chef n'est pas dite pour être écoutée[180]. » Cette différence de nature quant à la parole provient du fait que le pouvoir n'échoit pas aux mêmes personnes : dans les sociétés à État le pouvoir est aux mains des « maîtres », des « seigneurs » ou des « dirigeants »[173] ; dans les sociétés sans État le pouvoir est aux mains de la société[170]. Ainsi, dans les sociétés primitives (ou sans État), le chef ne peut devenir un homme de pouvoir car il ne fait que répéter les « normes de vie traditionnelles » des membres de sa tribu ; et, dans leur feinte inattention, chaque membre de la tribu veille à ce que leur chef « prononce d'une voix forte le discours attendu »[176], chacun veille à ce qu'il répète toujours les mêmes paroles[181]. D'après P. Clastres : « Dans l'obligation faite au chef d'être homme de parole transparaît […] toute la philosophie politique de la société primitive[176]. » À savoir : cette philosophie politique fait de la société « le lieu réel du pouvoir »[170], tout commandement vient de la société en son entier, l'autorité réside dans les « normes de vie traditionnelles » ; par suite, la parole du chef « ne peut être une parole de pouvoir, d'autorité, de commandement[182]. »

Cet « écart » entre « le pouvoir et l'institution, le commandement et le chef »[170] est, d'après P. Clastres, voulu et visé par la société sans État, parce que celle-ci sait ce qu'est le pouvoir : « La société primitive sait, par nature, que la violence est l'essence du pouvoir[170]. » Aussi est-ce pourquoi le chef dans la société primitive est un chef sans pouvoir : « Le devoir de parole du chef, ce flux constant de parole vide qu'il doit à la tribu, c'est sa dette infinie, la garantie qui interdit à l'homme de parole de devenir homme de pouvoir[183]. »

Ch. 8 : Prophètes dans la jungle

Ce chapitre reproduit un article de Pierre Clastres publié en 1970[65].

« Mon père ! Ñamandu ! Tu fais qu'à nouveau je me dresse !

Semblablement, tu fais qu'à nouveau se dressent les Jeguakava, les adornés en leur totalité.

Et les Jachukava, les adornées, tu fais qu'à nouveau elles aussi se dressent en leur totalité.

Et quant à tous ceux que tu n'as point pourvu de jeguaka, eux aussi tu fais qu'à nouveau ils se dressent en leur totalité.

Et voici : à propos des adornés, à propos de ceux qui ne sont pas tes adornés, à propos d'eux tous, je questionne[184]. »

Dans ce chapitre, P. Clastres propose un aperçu de la mythologie des Indiens Mbya-Guarani, notamment leur conception de « l'au-delà » qui, parfois, provoque des mouvements vers la Terre sans Mal (ou « ywy mara eÿ »)[185] ; aussi, il évoque la figure des karai et, en fin de chapitre, il retranscrit « la prière méditante »[186] d'un pa'i Mbya-Guarani adressée au dieu Ñamandu (voir la citation ci-dessus)[187],[Note 14].

Retranscrite à la fin du chapitre, P. Clastres procède d'abord à une mise en contexte de cette « prière méditante ». Celle-ci est prononcée par un pa'i, un chamane Mbya-Guarani que P. Clastres préfère qualifier de « méditant »[188]. Les pa'i d'aujourd'hui sont « les vrais savants qui, tels les karai des temps anciens, habités de la même passion, s'abandonnent à l'exaltation d'interroger leurs dieux[189]. » Lointain continuateur des karai tupi-guarani, le pa'i mbya est celui qui au nom du groupe s'adresse aux dieux afin que ceux-ci « reconnaissent l'effort des hommes, leurs jeûnes, leurs danses, leurs prières »[190] et, par suite, que ceux-ci les accueillent sur la Terre sans Mal.

Opposée de la terre mauvaise, la Terre sans Mal est cet endroit où résident les dieux[185]. Jadis, les karai communiquaient avec les dieux et emmenaient les Tupi-Guarani vers « ywy mara eÿ ». Ces mouvements vers la Terre sans Mal étaient de « grandes migrations religieuses »[185] relatées par les premiers chroniqueurs[191] : « Sous la conduite de chamanes inspirés, les tribus s'ébranlaient et, au travers de jeûnes et danses, tentaient d'accéder aux riches demeures des dieux, situées au levant[185]. » En effet, la Terre sans Mal est cet endroit promis aux hommes par leurs dieux, les riches demeures des dieux peuvent aussi devenir celles des hommes : « à vivre sur la terre mauvaise, ywy mba'é megua, dans le respect des normes, ils recevront de ceux d'en haut les signes favorables à l'ouverture du chemin qui, par-delà l'effroi de la mer, les mènera à la terre éternelle[192]. »

Dans sa prière méditante[193] le pa'i mbya questionne ses dieux quant au destin des siens[194], quant aux derniers Mbya-Guarani[195]. Ces derniers des derniers impressionnent P. Clastres : « Admirables en leur persévérance à ne pas renoncer à eux-mêmes, les Mbya, que quatre siècles d'offenses n'ont pu forcer à s'humilier, persistent étrangement à habiter leur vieille terre selon l'exemple des ancêtres, en accord fidèle aux normes qu'édictèrent les dieux avant d'abandonner la demeure qu'ils commettaient aux hommes[196]. » D'après lui, les Mbya-Guarani représentent ainsi un « intérêt »[197] pour l'ethnologie parce qu'ils ont su préserver leur culture de toute influence missionnaire, dans celle-ci on n'y trouve aucun syncrétisme[198]. Plus, il estime que c'est leur « ferveur religieuse »[199] qui fait que les Mbya-Guarani sont toujours des Mbya, sont toujours des hommes vivant sur la terre mauvaise à la recherche de la Terre sans Mal, toujours des « adornés »[200]. Aussi est-ce pourquoi, « la pensée religieuse de ces Indiens se charge, à se déployer dans la première fraîcheur d'un monde où voisinent encore dieux et vivants, de la densité d'une méditation rigoureuse et libérée[201]. »

Ch. 9 : De l'Un sans le Multiple

Ce chapitre reproduit un article de Pierre Clastres publié en 1972[66].

« Voici ce que tu feras, mon fils. Dispose les fondements futurs de la terre imparfaite… Place un bon crochet comme fondement futur de la terre… c'est le petit cochon sauvage qui va provoquer la multiplication de la terre imparfaite… Quand elle aura atteint la taille que nous désirons, je te préviendrai, mon fils… Moi, Tupan, je suis celui qui veille sur le soutien de la terre…[202] »

Dans ce chapitre qui accompagne en quelque sorte le précédent, P. Clastres livre un autre fragment de la mythologie des Indiens Mbya-Guarani : il s'intéresse ici à la façon dont l'essence de l'homme est différemment pensée par la religion guarani sur la « terre imparfaite » et sur la « Terre sans Mal » ; il s'intéresse à la façon dont les Mbya-Guarani pensent les « choses »[203] du monde[204].

P. Clastres rapporte un fragment de mythologie dans lequel un karai raconte « la genèse de la terre imparfaite, ywy mba'é megua » ; c'est-à-dire la genèse de la terre sur laquelle vivent les Mbya-Guarani, terre qu'il faut quitter afin de rejoindre la Terre sans Mal, « ywy mara eÿ »[203] (voir ci-dessus au Ch. 8). Ce qui intéresse tout particulièrement P. Clastres, c'est la façon dont la mythologie guarani, la façon dont les Indiens Guaranis pensent les « choses » par contraste avec la pensée occidentale, à savoir : les « anciens Grecs »[205]. Selon P. Clastres, à l'instar des penseurs Grecs, les Mbya-Guarani pensent l'Un ; cependant, cet « Un » guarani n'est pas l'Un grec : pour les Mbya-Guarani l'Un c'est le mal, tandis que pour les Grecs l'Un c'est le bien. Ainsi, pour les Mbya-Guarani : « Les choses en leur totalité sont une ; et pour nous qui n'avons pas désiré cela, elles sont mauvaises[206]. » P. Clastres explicite ainsi cette pensée : « le malheur s'engendre dans l'imperfection du monde, parce que de toutes les choses qui composent le monde imparfait, on peut dire qu'elles sont une. Être un : c'est la propriété des choses du monde. Un : c'est le nom de l'Imparfait. Bref, rassemblant la virulente concision de son discours, que dit la pensée guarani ? Elle dit que l'Un, c'est le Mal[207]. »

Après avoir constaté cette conception différente de l'Un, P. Clastres veut savoir si, à l'instar du couple réflexif grec, les Mbya-Guarani font du « Multiple » l'autre de l'« Un »[205]. En fait, chez ces derniers : « Le Bien, ce n'est pas le multiple, c'est le deux, à la fois l'un et son autre, le deux qui désigne véridiquement les êtres complets[208]. » Dit autrement, arrivé à la Terre sans Mal, un Mbya-Guarani n'est plus « Un » mais il n'est pas pour autant « Multiple » : « il est un homme, certes, mais aussi l'autre de l'homme, un dieu[209]. » Plus essentiellement, « ywy mara eÿ » est un endroit où s'abolissent les distinctions et les relations entre les Mbya-Guarani et leurs dieux : alors que sur la terre imparfaite les Indiens Guarani (par le biais des karai) commercent avec leurs dieux, sur la Terre sans Mal existent « seulement des égaux, dieux-hommes, hommes dieux, tels que nul d'entre eux ne se dit selon l'Un[210]. »

Ch. 10 : De la torture dans les sociétés primitives

Ce chapitre reproduit un article de Pierre Clastres publié en 1973[67].

« Les premiers chroniqueurs disaient, au XVIe siècle, des Indiens brésiliens, que c'étaient des gens sans foi, sans roi, sans loi. Certes, ces tribus ignoraient la dure loi séparée, celle qui dans une société divisée, impose le pouvoir de quelques-uns sur tous les autres. Cette loi là, loi de roi, loi de l'État, les Mandan et les Guaycuru, les Guayaki et les Abipones l'ignorent. La loi qu'ils apprennent à connaître dans la douleur, c'est la loi de la société primitive qui dit à chacun : Tu ne vaux pas moins qu'un autre, tu ne vaux pas plus qu'un autre[211]. »

Dans ce chapitre, P. Clastres réfléchit sur l'institution, la transmission et l'assimilation de la loi ; particulièrement, il réfléchit sur la pratique et l'efficace des rites d'initiation dans les sociétés primitives, c'est-à-dire : leurs déroulements, leurs motifs et leurs buts. En fin de chapitre cette réflexion s'élargit et P. Clastres opère, quant à la loi, une comparaison entre les sociétés à État et les « sociétés contre l'État »[212],[Note 15].

Tout d'abord[213], P. Clastres établit un lien indissociable entre la loi et l'écriture : « L'écriture est pour la loi, la loi habite l'écriture ; et connaître l'une, c'est ne plus pouvoir méconnaître l'autre. Toute loi est donc écrite, toute écriture est indice de loi[214]. » Cette écriture n'est pas nécessairement alphabétique, ni même syllabique ou logographique, elle peut être un système de notation ou de compte[215], voire une cicatrice[216]. Puis, après un bref détour par La Colonie pénitentiaire de Franz Kafka et les camps de L'U.R.S.S.[217], pour montrer que la loi peut s'inscrire sur les corps en Occident, P. Clastres pointe[218] ce moment où dans les sociétés primitives le corps « médiatise l'acquisition d'un savoir »[219] : le rite, l'initiation[220]. Dans cette récurrence des mêmes éléments par-delà les sociétés à État ou sans État : la loi, l'écriture, le corps ; P. Clastres voit une « triple alliance »[221].

Ensuite[222], parcourant le livre de Georges Catlin intitulé Les Indiens de la Prairie[223], P. Clastres soutient que la torture infligée au corps des initiés lors des rites ne vise pas uniquement à éprouver la « valeur individuelle »[224] de chaque initié, « la fonction de la souffrance »[225] est tout autre. En effet[226], selon lui : « Le but de l'initiation, en son moment tortionnaire, c'est de marquer le corps : dans le rituel initiatique, la société imprime sa marque sur le corps des jeunes gens[227]. » C'est-à-dire que la société primitive utilise le corps des initiés afin de leur rappeler pour toujours, puisqu'ils sont désormais marqués, qu'ils appartiennent au groupe : « Tu es des nôtres, et tu ne l'oublieras pas[228]. » Mais ce n'est pas tout, outre la reconnaissance et l'inclusion des nouveaux initiés dans le groupe, P. Clastres avance[229] que « le rituel initiatique »[230] et la torture manifestent et transmettent un « secret »[231] : « la société dicte sa loi à ses membres, elle inscrit le texte de la loi sur la surface des corps. Car la loi qui fonde la vie sociale de la tribu, nul n'est censé l'oublier[232]. » Par la torture, la société primitive inscrirait (et écrirait) sa loi sur les corps de ses membres afin, d'une part, que chacun d'entre eux ne puisse l'oublier et, d'autre part, afin que chacun d'entre eux en soit le dépositaire.

Enfin, P. Clastres termine ce chapitre par observer une différence essentielle entre la loi de la société primitive (sans État) et la loi de la société à État. Tandis que la loi de l'État est une « dure loi séparée, celle qui dans une société divisée, impose le pouvoir de quelques-uns sur tous les autres »[233] ; la loi de la société primitive, qui est « inscrite sur les corps »[233], « dit le refus de la société primitive de courir le risque de la division, le risque d'un pouvoir séparé d'elle-même, d'un pouvoir qui lui échapperait[234]. » Au paragraphe suivant, P. Clastres voit dans cette inscription de la loi, dans cette façon dont la société primitive pose sa loi, une différence radicale : « on ne le soulignera jamais avec assez de force, c'est pour conjurer cette loi-là, loi fondatrice et garante de l'inégalité, c'est contre la loi d'État que se pose la loi primitive. Les sociétés archaïques, sociétés de la marque, sont des sociétés sans État, des sociétés contre l'État[235]. » Plus même, d'après P. Clastres les sociétés primitives savent que dès l'instant où la loi cesse de marquer l'égalité, dès que la loi n'est plus le propre de la société mais l'apanage de quelques-uns, alors surgit l'inégalité : « Profondeur admirable des Sauvages, qui d'avance savaient tout cela, et veillaient, au prix d'une terrible cruauté, à empêcher l'avènement d'une plus terrifiante cruauté : la loi écrite sur le corps, c'est un souvenir inoubliable[236]. »

Ch. 11 : La société contre l'État

Ce dernier chapitre apporte le seul texte inédit du recueil et lui donne son titre[68].

« […] ce que nous montrent les Sauvages, c'est l'effort permanent pour empêcher les chefs d'être des chefs, c'est le refus de l'unification, c'est le travail de conjuration de l'Un, de l'État. L'histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l'histoire de la lutte des classes. L'histoire des peuples sans histoire, c'est, dira-t-on avec autant de vérité au moins, l'histoire de leur lutte contre l'État[237]. »

Dans ce chapitre, Pierre Clastres réalise en quelque sorte une synthèse et un bilan des recherches qu'il a menées jusqu'alors et, dans le même mouvement, il prend position dans les débats théoriques contemporains des disciplines que sont l'ethnologie et l'anthropologie afin de « constituer une anthropologie politique comme science rigoureuse[69]. » Pour faire court, ces débats se concentrent sur la façon dont différentes dimensions ou composantes de l'organisation d'une société peuvent modifier cette société et, aussi, expliquer pourquoi cette société est telle qu'elle est : le mode de production des aliments (chasse, cueillette, culture, élevage, etc.) et des biens matériels (collection, confection, etc.)[238], la technologie et les techniques employées[239], la constitution du système de parenté et la démographie[240], la question du pouvoir et la présence d'un système politique[241], etc. Mobilisant différents travaux et publications, s'appuyant sur ses expériences de terrain et recueillant les fruits de ses recherches couchées sur le papier, P. Clastres tire de tous ces matériaux des observations, des réflexions et des démonstrations qui valent propositions : la société primitive ne connaît pas d'économie de subsistance[242] et ne connaît pas de pouvoir politique séparé[243] ; la société primitive, qui exerce « un pouvoir absolu et complet sur tout ce qui la compose »[244], est plus qu'une « société sans État », c'est une société « contre l'État »[71].

En différents endroits de ce texte, P. Clastres aborde à plusieurs reprises la question de l'apparition de l'État[Note 16] ; se bornant à constater qu'il semble encore impossible de déterminer les conditions d'apparition de l'État, il estime qu'« on peut en revanche préciser les conditions de sa non-apparition »[55]. Ainsi, d'après P. Clastres l'économie, à moins d'être constitué « comme champ autonome et défini »[245] où l'activité de production devient « travail aliéné »[245], n'est pas une condition permettant l'apparition de l'État[246]. Autre possibilité écartée par P. Clastres, celle d'une transformation de la chefferie primitive en pouvoir politique séparé qui favoriserait l'apparition de l'État : « Si ''ça marchait'' alors on aurait là le lieu natal du pouvoir politique, comme contrainte et violence, on aurait la première incarnation, la figure minimale de l'État. Mais ça ne marche jamais[247]. » Cependant, aux yeux de P. Clastres deux cas de figures sembleraient contenir les germes de l'État ou du moins préfigurer l'apparition d'un pouvoir politique séparé. Exemplifié par les Tupi-Guarani, voici le premier cas : à la suite d'une explosion démographique de la population, les chefferies acquirent un pouvoir politique jusqu'alors inconnu d'« où commençait à surgir ce qui aurait pu devenir l'État[248]. » Toujours issu des sociétés tupi-guarani, le second cas se présente ainsi : les karai (voir ci-dessus les Ch. 8 et 9), appelant à abandonner la terre mauvaise pour accéder à la Terre sans Mal, entraînaient « la condamnation à mort de la structure de la société et de son système de normes »[249] ; ce faisant, ces appels répétés des karai et leur usage de la parole prophétique pour commander à leurs semblables préfiguraient autre chose : « Dans le discours des prophètes gît peut-être en germe le discours du pouvoir et, sous les traits exaltés du meneur d'hommes qui dit le désir des hommes se dissimule peut-être la figure silencieuse du Despote[250]. » Pour autant, le surgissement du pouvoir politique séparé (puis de l'État) reste encore énigmatique pour P. Clastres : « Un seul bouleversement structurel, abyssal, peut transformer, en la détruisant comme telle, la société primitive : celui qui fait surgir en son sein, ou de l'extérieur, ce dont l'absence même définit cette société, l'autorité de la hiérarchie, la relation de pouvoir, l'assujettissement des hommes, l'État[251]. »

Toutefois, l'objet principal de ce chapitre est de montrer que les sociétés primitives s'affirment dans leur « positivité »[245] et barrent l'apparition de l'État. Ainsi, P. Clastres soutient que les sociétés sans État ne sont pas « incomplètes », « privées » d'État, voire des sociétés du « manque »[252]. Selon lui, se cachent derrière ces jugements un « ethnocentrisme »[69] et une vision de l'histoire « à sens unique »[69]. En réalité, les sociétés primitives « démontrent une capacité de satisfaire leurs besoins au moins égale à celle dont s'enorgueillit la société industrielle et technicienne »[253] : avec une répartition moyenne du temps quotidien de travail « inférieure à quatre heures par jour »[254], leur économie n'est pas une économie de subsistance et ces sociétés dégagent même du « surplus »[255] ; P. Clastres estime alors que « les sociétés primitives sont des sociétés sans économie par refus de l'économie[256]. »[Note 17] Sur le plan de la technique et de la maîtrise du milieu naturel adaptées et relatives à leurs besoins[257], il considère que les sociétés primitives ne présentent aucune « infériorité technique »[253]. Quant à l'absence d'État dans les sociétés primitives, celle-ci n'implique pas que le pouvoir politique tombe entre les mains d'un chef ; P. Clastres affirme d'ailleurs : « Le chef est au service de la société, c'est la société en elle-même — lieu véritable du pouvoir — qui exerce comme telle son autorité sur le chef[258]. » En outre, il soutient que la société primitive est une « société par essence égalitaire »[70]. Définitivement, pour P. Clastres les sociétés primitives sont des sociétés pleines et entières : « Inachèvement, incomplétude, manque : ce n'est certes point de ce côté-là que se révèle la nature des sociétés primitives. Elle s'impose bien plus comme positivité, comme maitrise du milieu naturel et maîtrise du projet social, comme volonté libre de ne laisser glisser hors de son être rien de ce qui pourrait l'altérer, le corrompre et le dissoudre[259]. »

Enfin, dans ce chapitre P. Clastres prend rapidement position sur les débats contemporains qui entourent alors la notion (politique, sociologique, philosophique, etc.) d'« État » et la réalité (historique, ethnologique, anthropologique, etc.) qu'est l'État. Relevant que les chroniques déjà anciennes des voyageurs et des missionnaires, tout comme les travaux des chercheurs d'aujourd'hui, disent à peu de chose près la même chose : « on ne peut pas penser la société sans l'État, l'État est le destin de toute société »[69] ; P. Clastres refuse ces deux propositions parce que, premier refus, la société primitive ne connaît pas l'État (à savoir : un pouvoir politique séparé) et, second refus, la société primitive empêche le surgissement de l'État (c'est-à-dire : le pouvoir politique séparé n'est pas son destin). Ensuite, P. Clastres propose une « réduction massive »[260] de la typologie servant à classer la « multiplicité infinie »[260] des « sociétés dissemblables »[260] par l'identification de « deux types de société absolument irréductibles l'un à l'autre »[261] : « Il y a d'une part les sociétés primitives, ou sociétés sans État, il y a d'autre part les sociétés à État[262]. » Autrement dit, il y a les sociétés primitives qui luttent contre l'État[71], puis toutes les autres sociétés[263]. Et, à en croire P. Clastres, la lutte débute intérieurement : « Chacun de nous porte en effet en soi, intériorisée comme la foi du croyant, cette certitude que la société est pour l'État[69]. »

Réceptions et critiques

Accueil

Le 29 octobre 1974 parurent deux livres de Pierre Clastres[264], La Société contre l’État et Le Grand Parler. Le premier, qui vola la vedette au second, reçu un accueil tranché : le cercle d’amis de P. Clastres accueillit l’ouvrage favorablement, ses adversaires l’attaquèrent. Toutefois, quelques contradicteurs discutèrent les thèses contenues dans La Société contre l’État de façon serrées (voir ci-après), et des recensions de l'ouvrage furent tantôt pertinentes tantôt orientées. Enfin, porté par la vogue anthropologique[14], La Société contre l'État fut lu « bien au-delà du cercle des spécialistes »[265], ce qui occasionna d'autres réceptions et d'autres critiques (positives et/ou négatives) venues d'horizons divers (ainsi que de l'étranger[Note 18]).

Par exemple, dans un article daté de 1975 intitulé « Démocrates, marxistes et nomades » de la revue Marge, Patrick Santini, après avoir loué l'ouvrage de P. Clastres[266], lit le dernier chapitre à la lumière de questions contemporaines ayant trait aux problématiques d'organisation issues (pour partie) du mouvement de Mai 68 : « Ce texte de Pierre Clastres ne peut que nous renforcer dans cette idée que tout appel à la révolte, parce qu'il entérine une division du travail entre ceux qui parlent et ceux qui suivent, porte en germe la réapparition d'un pouvoir d'État ; parenthèses : existe-t-il plusieurs formes de pouvoir, des pouvoirs coercitifs et d'autres qui ne le seraient pas, des pouvoirs doués du sens de l'humour ou du goût du jeu ? Peut-être l'antidote le plus efficace contre le pouvoir serait-il des parodies de pouvoir ou de hiérarchie[267]. » De son côté, après avoir reconnu que l'ouvrage pouvait présenter un intérêt pour les luttes contemporaines[268], Agathe termine sa recension en pointant quelques impasses : « pourquoi ces sociétés, dans leur fuite contre l'instauration d'un pouvoir d'État dont les embryons se manifestaient en raison de la taille démographique croissante du groupe, ou d'une ingérence extérieure (hypothèses soulevées par Clastres mais peu convaincantes), pourquoi ces sociétés ont-elles malgré tout rencontré ce ''mal'' auquel elles essayaient d'échapper ? …c'est un maillon de la chaine qui reste encore à expliquer[269]. »

D'autres auteurs réagirent à certains articles devenus des chapitres dans ce recueil de 1974. Ainsi, l'article « De la Torture dans les sociétés primitives » reçu deux réponses cinglantes : Carmen Bernand et Sofia Fisher voient un retour de l'ethnocentrisme « par le biais de métaphores littéraires qui parlent de la torture dans les sociétés primitives »[270], aussi elles réfutent la synonymie des termes « souffrance » et « torture » : « confondre les deux termes c'est escamoter la portée réelle d'une pratique qui repose avant tout sur des relations de domination et sur l'exaction »[271] ; Michel Panoff et Alfredo Margarido commencent par remarquer que « les exemples européens choisis par Clastres pour introduire son propos ne sont pas homogènes entre eux »[272], puis ils pointent l'erreur essentielle de P. Clastres : « ramener toutes les formes d'épreuves comportant souffrance physique à la torture telle qu'elle est pratiquée par les organes répressifs de l'État[272]. » De son côté, Anne-Christine Taylor s'intéressa au chapitre « De quoi rient les Indiens ? » dans un article où, entre autres, elle revint sur la méthode d'analyse de P. Clastres : « Il reste qu’en matière d’étude pragmatique d’énoncés narratifs son approche est restée assez fruste, trop peu médiatisée par les instruments d’analyse que la linguistique (en particulier la naissante linguistique de l’énonciation) aurait pu lui fournir »[273].

Enfin, diverses recensions insistent sur tel ou tel point de l'ouvrage de P. Clastres[274],[275],[276],[Note 19]. Aujourd'hui (en ce début de XXIe siècle), La Société contre l'État reste pour certains « l'un des livres les plus emblématiques de l'anthropologie politique en langue française »[277],[278] ; pour d'autres, ce livre figure en bonne place dans La bibliothèque idéale des sciences humaines : « Issu de la pensée de mai 1968, l’ouvrage suscita comme on l’imagine de vives polémiques, mais il reste d’une fécondité toujours actuelle[279]. »

Lectures serrées

Depuis sa parution La Société contre l’État suscite débats et controverses, d'abord au sein des disciplines que sont l'ethnologie et l'anthropologie, ensuite parmi les auteurs spécialisés en sciences politiques, enfin, quoique plus discrètement, chez les philosophes. Ci-dessous, seuls sont retenus des auteurs qui ont dialogué avec P. Clastres et qui ont critiqué (positivement et/ou négativement) des points précis des thèses défendues par l'anthropologue dans son ouvrage.

Parmi les ethnologues et les anthropologues ayant discuté La Société contre l’État, Emmanuel Terray (qui consacra en 1989 un article à l'œuvre de P. Clastres[280]) esquissait déjà en 1986 quelques remarques à propos de la formule qui donne son titre à l'ouvrage : « la société contre l’État ». Dans un article intitulé « L'État, le hasard et la nécessité. Réflexions sur une histoire »[281], E. Terray écrit : « face aux bardes qui nous chantent la rébellion de ''la société contre l'État'', on pourrait soutenir — et on a soutenu — de manière tout aussi convaincante que la communauté villageoise est le lieu privilégié d'un totalitarisme qui, pour être collectif, n'en est pas moins implacable : car ses victimes, exposées jour et nuit aux regards et à la vindicte de leurs oppresseurs, n'ont d'autres recours que l'exil et la servitude, la folie ou la mort[282]. » Par ailleurs, E. Terray reproche à P. Clastres d'avoir formulé sa thèse sans respecter les méthodes et les exigences de l'ethnologie et de l'anthropologie[283]. Quant au succès rencontré par la formule « la société contre l'État » : « dans les variations que j'ai entendues sur ce thème à la suite des livres de Pierre Clastres, écrit E. Terray, je n'ai trouvé pour ma part qu'opérations de propagande et machines de guerre idéologique à l'usage de l'intelligentsia parisienne[284]. »

Un autre anthropologue français discuta de près les thèses de La Société contre l'État. Dans son article dont le titre indique l'angle d'attaque (« La chefferie amérindienne dans l'anthropologie politique »[285],[Note 20]), Philippe Descola conteste plusieurs points avancés par P. Clastres, notamment ces deux-ci : dans la majorité des sociétés amérindiennes les chefs seraient sans pouvoir[286] ; la « société primitive » serait « par essence égalitaire »[287]. Surtout, pour P. Descola l'auteur de La Société contre l’État procèderait à une généralisation théorique : « Si Clastres peut prétendre rendre compte du mode d'être politique des sociétés amérindiennes par ce seul paradigme de la chefferie sans pouvoir, c'est ainsi par un double mouvement de réduction qui consiste à généraliser indûment l'institution que ce paradigme incarne et à lui donner pour fonction d'hypostasier l'ensemble des rapports politiques[288]. » Enfin, selon P. Descola P. Clastres ferait preuve d'un ''ethnocentrisme théorique'' en identifiant la conception du pouvoir des sociétés autochtones américaines à celle sur laquelle ne cesse de réfléchir la philosophie politique occidentale : « Sauf à ranger le pouvoir coercitif parmi les universaux de culture, c'est peut-être là faire preuve d'ethnocentrisme et donner du pouvoir une définition trop unilatérale[289]. »

Dans un ouvrage paru en 1977, Vivre sans État ? Essai sur le pouvoir politique et l'innovation sociale[290] (qui révise et prolonge son ouvrage paru en 1968[72]), le sociologue Jean-William Lapierre discute des thèses de P. Clastres et reprend certains arguments avancés dans son article de 1976 paru dans la revue Esprit[291]. Dans son livre, J.-W. Lapierre dialogue véritablement avec P. Clastres : il salue son œuvre[292], il s'accorde avec lui sur certains points[293] et il en discute d'autres[294]. Aussi, J.-W. Lapierre critique l'idée de P. Clastres selon laquelle les sociétés des peuples premiers seraient effectivement les « premières sociétés d'abondance » vu le surplus produit[295] ; il pointe la « coercition » là où P. Clastres ne la relève pas (la domination masculine et la torture lors des rites de passages[296]) et, par suite, il doute que les sociétés autochtones américaines soient effectivement égalitaires[297] ; surtout, il exprime ainsi son principal désaccord : « Je soutiens, […], contre Clastres, qu'il n'y a pas de pouvoir entièrement dépourvu de coercition, même chez les Indiens d'Amérique[298]. » Pour finir, selon J.-W. Lapierre, P. Clastres ferait preuve d'un « ethnocentrisme inversé » : « nouveau Copernic de l'anthropologie politique, Clastres nous invite à ne plus mesurer ces sociétés à l'aune de notre civilisation. Bien au contraire, c'est par rapport à la positivité, à la supériorité des sociétés indiennes que nous devons juger la négativité, l'infériorité des nôtres[299]. »

Pierre Bouretz, dans l'article du Dictionnaire des œuvres politiques qu'il consacre à La Société contre l'État[300], s'attache à pointer quelques difficultés des thèses avancées par P. Clastres dans son ouvrage. Par exemple, bien qu'il reconnaisse chez P. Clastres une intention de « saisir la société primitive dans sa positivité »[301], P. Bouretz estime qu'employer le syntagme « société primitive » à propos de toutes les sociétés des peuples premiers est inconséquent[302] ; de plus, si la formule « société contre l'État » s'applique indifféremment et absolument à toute « société primitive », alors « la définition tend à être tautologique, et l'on pourrait s'interroger sur l'extension du champ des sociétés primitives »[303], il ajoute : « La diversité des situations empiriques se laisse-t-elle si aisément réduire[303] ? » Sinon, selon P. Bouretz une autre difficulté surgit au chapitre 11 lorsque P. Clastres développe son argumentation contre la vulgate marxiste[304] : « renverser la formule marxiste du primat de l'économique en celui du politique ne supprime pas le déterminisme d'une explication de ce type[303]. » Autrement dit : tandis que Karl Marx énonce que l'économie structure toute société, P. Clastres soutient que la politique structure toute société ; ainsi, à suivre P. Clastres, l'identité ou la singularité de toute société tiendrait d'abord à son institution politique, toute autre réalité devenant secondaire (l'économie, la culture, etc.). Arrivé au terme de son article, P. Bouretz s'interroge : « Quelle est alors la leçon des sauvages[305] ? » D'après lui, cette leçon tient en un énoncé simple : « l'État n'est pas inéluctable. Pour autant qu'il se peut rencontrer des sociétés où n'existe pas la scission dominants/dominés, maîtres/esclaves, il n'est pas écrit dans la nature humaine[306]. »

Plus récemment, Marc Abélès est revenu à plusieurs reprises sur la thèse de P. Clastres[307],[308]. Situant ce dernier dans une filiation qui va de Maine à Malinowski, Mauss et Lowie[309], repérant du rousseauisme dans ses jugements de valeur[310], M. Abélès estime que La Société contre l'État « c'est d'abord un pavé dans la mare des typologies traditionnelles[311]. » Ainsi, d'après M. Abélès, P. Clastres combat « un ethnocentrisme qui caractérise l'attitude de notre culture à l'égard de ce que l'on a convenu de désigner comme sauvagerie ou primitivité[312]. » Cependant, derrière cette « obsession de l'État »[311], M. Abélès aperçoit sinon des contradictions, du moins des tensions dans les réflexions de P. Clastres, par exemple : « Comment rendre compte de la genèse de l'État si l'on admet une différence radicale entre les deux univers politiques. Mais à l'inverse comment ne pas adopter, au moins implicitement, une vision téléologique (l'État en germe dans les systèmes archaïques), si l'on veut rendre compte du processus[313]. » Par ailleurs, selon M. Abélès P. Clastres « oscille entre la position qui consiste à opérer une distinction d'essence entre la société primitive et la société étatique, et celle qui l'amène à postuler l'unité de la nature humaine commune aux deux états[313]. » Finalement, M. Abélès invite à penser « au-delà de l'État »[314], c'est-à-dire : d'abord, prendre acte du fait que le cadre de l'État-nation est dépassé face à la globalisation ; ensuite, prendre part à « d'autres formes d'action » et investir « de nouveaux espaces »[315] qui délaissent volontairement la référence et/ou le cadre étatique[Note 21].

Influence

La Société contre l’État influença et continue d’influencer bon nombre d’auteurs, de penseurs et de lecteurs. Pierre Clastres étant décédé brutalement[316], son œuvre est considérée comme inachevée[305] ; de ce fait, les thèses contenues dans La Société contre l’État sont souvent complétées par ses articles, ses entretiens, ainsi que ses autres ouvrages (posthumes ou non). Ci-dessous, seuls sont retenus quelques auteurs qui entretinrent un dialogue continu avec l’œuvre de P. Clastres, et tout particulièrement avec La Société contre l’État.

Auteurs d'un diptyque philosophique intitulé Capitalisme et schizophrénie[317],[318], Gilles Deleuze et Félix Guattari sont deux auteurs qui discutèrent les thèses de P. Clastres et leur évolution : dans leur premier tome, L'Anti-Œdipe, ils font référence[319] au tout premier article de P. Clastres, « Échange et pouvoir : philosophie de la chefferie indienne » ; dans leur second tome, Mille Plateaux, ils rendent « hommage à la mémoire de Pierre Clastres »[320] en discutant son œuvre sur plusieurs pages[321]. En 1972, c'est dans le troisième chapitre de l'Anti-Œdipe consacré à l'ethnologie (« Sauvages, barbares, civilisés »[322]) que figure la première référence à P. Clastres[319] : derrière les concepts de « machine sociale »[319] et de « machine territoriale »[323] se perçoit l'influence de P. Clastres. G. Deleuze et F. Guattari écrivent ainsi : « La machine territoriale segmentaire conjure la fusion par la scission, et empêche la concentration de pouvoir en maintenant les organes de chefferie dans une relation d'impuissance avec le groupe : comme si les sauvages pressentaient la montée du Barbare impérial, qui va pourtant venir du dehors et qui surcodera tous leurs codes[323]. » Quelques années plus tard en 1980, dans Mille Plateaux, G. Deleuze et F. Guattari sont plus critiques à l'égard du travail de P. Clastres[324]. Certes, ils reconnaissent que P. Clastres a rompu avec le « postulat évolutionniste »[325] ; certes, ils le suivent lorsqu'il dit que « l'État ne s'explique pas par un développement des forces productives »[326] ou que « l'État surgisse d'un coup, sous une forme impériale, et ne renvoie pas à des facteurs progressifs »[327] ; cependant, G. Deleuze et F. Guattari ne le suivent pas jusqu'au bout de son raisonnement : « Nous croyons que ces deux propositions sont bonnes, mais que leur enchaînement fait défaut[328]. » C'est-à-dire qu'ils n'adhèrent pas à l'idée de P. Clastres selon laquelle l'État surgirait de nulle part, extérieurement à la société[329]. Pour G. Deleuze et F. Guattari : « Il faut dire que l'État, il y en a toujours eu, et très parfait, très formé. Plus les archéologues font de découvertes, plus ils découvrent des empires. L'hypothèse de L'Urstaat semble vérifiée, ''l'État bien compris remonte déjà aux temps les plus reculés de l'humanité''. Nous n'imaginons guère de sociétés primitives qui n'aient été en contact avec des États impériaux, à la périphérie ou dans des zones rurales. Mais le plus important, c'est l'hypothèse inverse : que l'État lui-même a toujours été en rapport avec un dehors, et n'est pas pensable indépendamment de ce rapport[330]. » Par conséquent écrivent-ils : « Un même champ circonscrit son intériorité dans des États, mais décrit son extériorité dans ce qui échappe aux États ou se dresse contre les États[331]. » Enfin, G. Deleuze et F. Guattari émettent d'autres réserves au court de ces quelques pages : ils considèrent que P. Clastres « tendait à faire des sociétés primitives une hypostase, une entité auto-suffisante »[327], pire : « il restait évolutionniste, et se donnait un état de nature[332]. »[Note 22]

Miguel Abensour, qui assista aux séminaires de P. Clastres à l'École pratique des hautes études[333] et qui dirigea deux ouvrages consacrés à ce dernier[334],[335], fut marqué par l'article de P. Clastres qui ouvre La Société contre l’État, « Copernic chez les Sauvages »[336] ; d'ailleurs, il emprunte à ce recueil de 1974 le titre de son livre de 1997 consacré au phénomène démocratique : La Démocratie contre l'État[337]. Si, hormis ce titre, P. Clastres n'est jamais cité dans le livre, il n'empêche que sa pensée irrigue tout le texte de M. Abensour : « Ce que j'ai voulu montrer dans La Démocratie contre l'État, c'est qu'on peut concevoir l'existence d'une communauté politique qui est d'autant plus politique qu'elle se dresse contre l'État[338]. » Ainsi, ce que M. Abensour retient de P. Clastres, c'est sa mise au jour d'une autre politique, d'une autre institution du social, qui ne serait pas étatique et ne s'achèverait pas dans la forme « État ». Il affiche cette influence dans sa préface à la seconde édition intitulée « De la démocratie insurgeante »[339] : « Si l'État est une forme possible de communauté politique, il n'en est pas la forme nécessaire. C'est reconnaître qu'il a existé, qu'il existe, qu'il peut exister des communautés politiques autres que l'État, c'est-à-dire qui ne trouvent pas leur accomplissement dans l'État. Communautés politiques anétatiques, voire anti-étatiques. En effet, sont concevables des formes de communauté politique qui se constituent contre l'État, contre le surgissement d'un pouvoir séparé. N'est-ce pas l'une des leçons de la nouvelle anthropologie politique, de la révolution copernicienne de Pierre Clastres, à l'étude des sociétés sauvages, non pas sociétés sans État, mais sociétés contre l'État[340] ? »

Sinon, une nouvelle génération d'ethnologues et d'anthropologues est influencée par l'idée de « société contre l'État », cette génération est issue du terrain où P. Clastres effectua ses recherches : l'Amérique du Sud. Outre Eduardo Viveiros de Castro, on peut énumérer les noms des chercheurs qui participèrent à un colloque sur la pensée de P. Clastres en 2009 : Sérgio Cardoso, Marilena Chauí, Ximena Gonzáles Broquen, Olgária Matos, Francisco Naishtat, Beatriz Perrone-Moisés ou Renato Sztutman[341]. Aussi, on peut ajouter les auteurs sud-américains qui préfacèrent une nouvelle édition de la traduction brésilienne de A sociedade contra o Estado[342] : Tânia Stolze Lima et Marcio Goldman. Enfin, on peut mentionner Marcelo Campagno qui, dans ses différents travaux[343], prolonge les recherches et les interrogations de P. Clastres quant à l'apparition de l'État.

Postérité

Sans être forcément discuté dans ses moindres détails, La Société contre l’État est un ouvrage que l'on retrouve dans nombre d'écrits et nombre de milieux[Note 23] qui, à tort ou à raison, voient dans ce recueil un livre majeur de l'histoire des idées ou/et un passage obligé pour comprendre ce qu'est l'« État », quitte à abstraire l'ouvrage de son contexte d'écriture et à appliquer la thèse de l'ouvrage à des sociétés et/ou à des époques auxquelles Pierre Clastres ne songeait pas[Note 24]. Ci-dessous, sont brièvement évoqués trois ouvrages qui, soit abordent la question de l'« État », soit tentent de penser un monde sans « État ».

Dans son « Avant-propos » à l'Histoire des idées politiques, réaffirmant le projet pédagogique du livre dont l'objet est étranger à « tout étatisme »[344], Géraldine Muhlmann prend acte du fait que « l'État est un axe majeur de l'histoire politique moderne, et que la plupart des questions politiques qui se posent, d'une manière ou d'une autre rencontre cet axe[344]. » Ainsi justifie-t-elle la composition de ce livre qui, partant de la Cité grecque[345] et s'achevant par la question des frontières[346], suit l'émergence de l'« État », les différentes conceptions et contestations de l'« État ». Aussi, G. Muhlmann envisage la possibilité d'une absence de l'État[347] et convoque alors P. Clastres : « L'idée de la ''société contre l'État'' avancée par Pierre Clastres dans les années 1970 est loin d'être traitée comme une idée démodée, dans cet ouvrage. Peut-être même le ''travaille''-t-elle en profondeur, souterrainement… S'offrant, en somme, au lecteur qui voudra bien s'en emparer[348]. »

Frédéric Lordon, dans son ouvrage Imperium paru en 2015[349], réfléchit à la manière dont la multitude pourrait s'« autoaffecter » positivement, c'est-à-dire constituer une communauté politique égalitaire[350]. L'imperium est ce « principe morphogénétique »[351] qui fait passer « les collections [d'individus] de l'état amorphe à la forme politique »[351], plus encore : « On pourrait donc dire que désignant le fait fondamental de l’autoaffection de la multitude, l'imperium est la structure élémentaire du pouvoir, puisque tout pouvoir, quelle qu’en soit l’espèce, en procède. Et que l'imperium prend plus particulièrement le nom d’État général en tant qu’on y voit la matrice de tous les pouvoirs politiques, quelle qu’en soit la forme. L’État général est la structure élémentaire de la politique[352]. » Autrement dit, pour F. Lordon il y aurait toujours au fondement du pouvoir politique une forme infinitésimal de l'État, et ce même dans les sociétés sans État. Étudiant alors la figure du chef dans les sociétés sans État[353], F. Lordon avance que « si le chef est dépourvu de pouvoir de commandement, il n’est nullement dépourvu de tout pouvoir. Il est en effet détenteur du pouvoir symbolique de l’autorité morale[354]. » Or, ajoute F. Lordon, ce pouvoir symbolique n'est pas innocent : « Le pouvoir symbolique, pouvoir de faire autorité, d’imposer sa véridiction avec autorité, est donc en soi la manifestation caractéristique de l'imperium, ''ce droit que définit la puissance de la multitude''. ''L’État général, c’est moi !'', voilà ce que le chef Guarani pourrait dire à coup sûr[355]. » Par suite, F. Lordon énonce : « Voilà donc la réalité des ''sociétés sans État'' : elles sont tout aussi verticalisées que les autres[356]. » Aussi est-ce pourquoi F. Lordon s'oppose à « la pensée libertaire »[357] qui, invoquant l'œuvre de P. Clastres, « croit tenir avec l’ethnologie des sociétés pré-étatiques l’un de ses meilleurs arguments en la certification d’une possibilité — des sociétés sont parvenues à se passer d’État — et l’espoir de la réactiver pour le présent[358]. »

Dernier exemple, dans leur ouvrage commun Dominer[359], Pierre Dardot et Christian Laval s'intéressent au concept de « souveraineté », tout particulièrement lorsque celui-ci devient l'apanage de l'« État ». Mais avant d'étudier ce concept, P. Dardot et C. Laval souhaitent débarrasser le lecteur de « deux grandes illusions sur l'État »[360] qui font « obstacle à la problématisation de la souveraineté de l'État »[361] : la première, « croire que l'État a toujours existé et que l'homme n'a jamais pu et ne pourra jamais s’en passer »[361] ; la seconde, « croire qu'il appartient à l'essence de l'État en tant qu'État d'être souverain en projetant dans le passé le plus lointain ce qui n'est qu'une construction tardive et très localisée (l'Europe des XVIe siècle et XVIIe siècle)[361]. » Pour contrer cette seconde illusion, les auteurs font « observer que la souveraineté de l'État ne naît qu'avec l'État moderne, soit l'État qui se construit du XIIe siècle au XVIIe siècle. Or cet État n’est pas l'État, mais un certain type d'État »[362]. Quant à la première illusion, P. Dardot et C. Laval considèrent que celle-ci fut entretenue par « des vues superficielles le plus souvent inspirées d'une anthropologie de seconde main ou gâtées par une mauvaise métaphysique »[360] ; et ils rappellent que rien ne prouve que « ce que l’on nomme ''État'' soit doué d'une existence transhistorique »[363]. P. Dardot et C. Laval invitent alors le lecteur à consulter les travaux d'une autre anthropologie : « Contre la tendance qui consiste à chercher partout, sinon l'État tel que nous le connaissons en Occident, du moins son noyau élémentaire ou des germes d'État, selon une logique strictement déficitaire du politique, l'anthropologie de ces dernières décennies nous a apporté des connaissances irremplaçables. Comme l'a montré Pierre Clastres, ce préjugé est du même ordre que celui qui a fait regarder depuis leur colonisation les ''peuples sauvages'' comme n'étant capables que d' ''économies de subsistance''. Selon cette perspective évolutionniste ethnocentrée, le cours ''normal'' de l'histoire du monde mènerait à l'État occidental, et l'absence d'État en certaines sociétés ne serait jamais que le double signe d'un manque et d'un retard[364]. »

Pour finir, le dernier chapitre de ce recueil paru en 1974 (« Chapitre 11 : la société contre l'État ») est souvent retranscrit (en partie ou en totalité) et édité sous forme de brochure ou mis à disposition sur une page web (voir la « Bibliographie »). Ainsi, le SIA de Caen publia en 2009 une brochure comportant ce chapitre 11 et d'autres textes de P. Clastres ; l'Anarchist Action Collective basé à Eugene dans l'Oregon fit de même en 1997[365] ; aussi, dans le second volume d'une anthologie en langue anglaise de textes anarchistes et libertaires intitulée Anarchism. A Documentary History Of Libertarian Ideas éditée par Robert Graham, des extraits de ce chapitre 11 furent intégrés au chapitre 8 nommé « Society Against the State »[366] au côté de textes de Michael Taylor, Louis Mercier-Vega, Nico Berti et Noam Chomsky.

Notes et références

Notes

  1. Le vocabulaire employé par Pierre Clastres dans ses écrits et lors de ses entretiens divise toujours les commentateurs, laudateurs comme contempteurs. Pour faire court : selon les premiers, P. Clastres emploie le syntagme « société primitive » (ou « société archaïque ») et le terme « Sauvage » (ou « Indien ») dans un sens positif, afin de lutter contre l'ethnocentrisme européen et afin de mettre en avant la singularité de populations aujourd'hui nommées « autochtones américaines » (et, à un niveau plus général : « peuples autochtones », « peuples indigènes » ou, pour indiquer à la fois leur antériorité et leur persistance, « peuples premiers ») ; selon les seconds, ces syntagmes et ces termes témoignent d'une nostalgie du « Bon sauvage » et d'une vision idéalisée des peuples autochtones sud-américains. De fait, certaines formulations de P. Clastres se révèlent parfois ambiguës, comme à la page 67 de La Société contre l'État : « Archaïques, les sociétés amérindiennes le furent, mais si l'on peut dire, négativement et selon nos critères européens. » Lorsque paraît La Société contre l'État en 1974, pour P. Clastres le syntagme « société primitive » et le mot « Sauvage » sont des concepts ethnologiques et anthropologiques (voire politiques et philosophiques) qui ont une valeur fondamentalement positive. Qu'ils soient considérés comme datés, idéologiques ou positifs, ces concepts innervent l'œuvre de P. Clastres. Dès lors : 1) supprimer ce vocabulaire ce serait censurer l'œuvre de P. Clastres ; 2) remplacer ce vocabulaire serait rendre contemporaine une œuvre qui ne l'est pas. Par conséquent : 3) lorsque ce vocabulaire est employé par P. Clastres ou ses commentateurs (laudateurs et contempteurs), il est conservé sans modification (notamment dans le résumé de La Société contre l'État) ; en revanche, 4) lorsque cela est requis, un vocabulaire plus contemporain est employé dans la présentation du livre et dans la partie « Réceptions et critiques ». (Pour une mise au point plus développée, voir « Sur le vocabulaire de Pierre Clastres » dans l'onglet "Discussion" de cet article.)
  2. Il faut signaler que la parution de La Société contre l'État en 1974 est accompagnée par la publication, le même jour, d'un autre livre de P. Clastres : Le Grand Parler. Mythes et chants sacrés des Indiens Guarani.
  3. Le premier ouvrage de Pierre Clastres, Chronique des Indiens Guayaki (1972), parut dans la collection « Terre Humaine » et son recueil de mythes, Le Grand Parler (1974), parut dans la collection « Recherches Anthropologiques » (par ailleurs, il rédigea une « Préface » pour l'ouvrage de Marshall Sahlins Âge de pierre, âge d’abondance qui parut dans la collection « Bibliothèque des sciences humaines » en 1976). Quant à La Société contre l'État, cet ouvrage fut publié dans la même collection qui accueillit L'Anti-Œdipe de Gilles Deleuze et Félix Guattari en 1972 : « Critique » aux Éditions de Minuit, une collection transdisciplinaire où les ouvrages partagent une même envie d'en découdre avec la tradition philosophique.
  4. Après la parution de La Société contre l'État, Pierre Clastres développera par deux fois ses attaques contre l'usage de la théorie marxiste en anthropologie : dans la dernière partie de la « Préface » qu'il signa pour le livre de Marshall Sahlins, Âge de pierre, âge d'abondance ; dans son article qui sera publié à titre posthume dans le n°3 de la revue Libre, « Les marxistes et leur anthropologie » où il critique les travaux de Claude Meillassoux et de Maurice Godelier (aussi, c'est dans la première partie de cet article qu'il propose sa critique la plus développée du structuralisme). Désormais, ces deux textes sont compilés dans le recueil posthume de P. Clastres intitulé Recherches d'anthropologie politique (voir la « Bibliographie »).
  5. Aussi, Pierre Clastres remania légèrement l'écriture de certains articles de telle sorte que chacun devienne un chapitre : l'introduction ou les premières phrases d'un article ont été réécrites ou supprimées (par exemple aux Ch. 2 et Ch. 3) ; des notes de bas de page ont été déplacées, modifiées, supprimées ou ajoutées (par exemple aux Ch. 4 et Ch. 5) ; parfois, de courts paragraphes ont été supprimés du corps de l'article (par exemple au Ch. 2) ; ou encore, des majuscules ont été données à certains mots (« sauvage » devient « Sauvage »).
  6. Dans ce résumé de La Société contre l'État, la première apparition d'un terme propre au vocabulaire de Pierre Clastres est indiqué par des guillemets en chevrons («  ») ; les apparitions suivantes, comme ici, tombent les guillemets.
  7. Deux mois après la parution de La Société contre l'État, Pierre Clastres accorda un entretien à la revue l'Anti-mythes qui reflète son "état d'esprit" d'alors ; certaines de ses réponses complètent et apportent quelques précisions sur son ouvrage (voir dans la « Bibliographie » le lien web vers une reproduction de cet entretien au format PDF). Sinon, pour d'autres réponses, voir le recueil posthume de textes de P. Clastres intitulé Recherches d'anthropologie politique (Éditions du Seuil, 1980 ; réédité en 2012). Enfin, pour une brève approche générale de son œuvre, voir l'article Wikipedia consacré à Pierre Clastres.
  8. Vraisemblablement issues de sa thèse soutenue en 1965, « La vie sociale d'une tribu nomade : les Indiens Guayaki du Paraguay », des parties de cet article sont dispersées dans la Chronique des Indiens Guayaki (1972) à laquelle renvoie la note n°3 p. 100.
  9. Si un homme touche le panier d'une femme, alors il devient pané (malchanceux) ; si une femme touche l'arc d'un homme, son propriétaire devient alors pané.
  10. Dans ce chapitre (p. 93-95), le court récit des vies de deux Indiens Guayaki pané permet à Pierre Clastres d'éclairer différemment l'organisation sociale des Guayaki et, par là, de montrer que ces prohibitions symboliques (ne pas toucher un arc, ne pas toucher un panier) ont de réelles conséquences pratiques lorsqu'elles sont enfreintes. Ainsi Chachubutawachugi, pané et veuf, porte un panier et chasse sans arc, il n'a pas d'épouse et vit telle une femme mais se considère comme un homme. Quant à Krembégi, pané et sodomite, il porte un panier et n'exécute que des travaux féminins, il a des partenaires sexuels et vit parmi les femmes en se considérant comme femme. Le premier, refusant d'être une femme, introduit « un facteur de désordre » (p. 95) dans l'organisation sociale parce que personne, parmi les Guayaki, ne le considère comme un homme ; le second, assumant d'être une femme, est accepté et sa position au sein du groupe est jugée « normale » (p. 95).
  11. La note explicative présente dans l'article de 1966 renvoie désormais en bloc à la Chronique des Indiens Guayaki. Pour faire court : ce sex ratio s'explique par le fait que, lors de certains rituels, les Indiens Guayaki sacrifient uniquement des filles.
  12. Une femme guayaki possède deux époux, dont un principal.
  13. Dans ce résumé, nous reproduisons le mot tel qu'il est orthographié par Pierre Clastres.
  14. Lorsque paraît La Société contre l'État, paraît un autre livre de Pierre Clastres, Le Grand Parler. Mythes et chants sacrés des Indiens Guarani, dans lequel la mythologie des Mbya-Guarani est rapportée et commentée plus en détail. La « prière méditante » y est reproduite aux pages 137 à 140. P. Clastres écrivit d'autres articles sur la Terre sans Mal, les karai et la mythologie des Guarani qui sont réunis dans le recueil posthume Recherches d'anthropologie politique (1980, voir « Le monde Tupi-Guarani » p. 92-99). Par ailleurs, Hélène Clastres consacra un livre à ces mouvements menés par des karai : La Terre sans Mal. Le prophétisme Tupi-Guarani (Éditions du Seuil, 1975), un ouvrage qui fit bouger la position de P. Clastres.
  15. Dans ce chapitre 10 à la page 159, apparaît la première occurrence dans le corps du texte du syntagme « société contre l'État » (et ce depuis le début du recueil).
  16. Dans ses recherches, Pierre Clastres s'intéresse plutôt aux moments où l'État peut apparaître et aux conditions qui permettent ou ne permettent pas l'apparition de l'État (à savoir : l'apparition d'un pouvoir politique séparé). La question de l'« origine » de l'État (et du pouvoir politique séparé) est une autre question, plus sociologique, que P. Clastres met toujours de côté ; quand bien même cette question revient souvent sous sa plume, comme à la page 174 de La Société contre l'État : « Les sociétés primitives sont des sociétés sans État parce que l'État y est impossible. Et pourtant tous les peuples civilisés ont d'abord été sauvages : qu'est-ce qui a fait que l'État a cessé d'être impossible ? Pourquoi les peuples cessèrent-ils d'être sauvages ? Quel formidable événement, quelle révolution laissèrent surgir la figure du Despote, de celui qui commande à ceux qui obéissent ? D'où vient le pouvoir politique ? Mystère, provisoire peut-être, de l'origine. » (Italiques de l'auteur)
  17. Outre le fait que dans ses développements sur l'économie des sociétés primitives, ou ses développements sur les rapports entre l'économie et le politique, Pierre Clastres veuille affirmer la « positivité » des sociétés primitives (pages 162 à 175) ; ces développements sont aussi adressés au(x) courant(s) de l'ethnologie et de l'anthropologie qui, soit se réclament du marxisme, soit utilisent des grilles d'analyse marxistes plaquées sur des sociétés sans État. Voir à la page 172, par exemple, où P. Clastres renverse l'un des postulats de la vulgate marxiste : « Et si l'on veut conserver les concepts marxistes d'infrastructure et de superstructure, alors faut-il peut-être accepter de reconnaître que l'infrastructure, c'est le politique, que la superstructure, c'est l'économique. »
  18. Sans être exhaustive, voici une liste des traductions de La Société contre l'État :
    • 1976, en allemand : Staatsfeinde, Frankfurt am Main Suhrkamp
    • 1977, en anglais : Society against the State, Oxford, Basil Blackwell & NewYork, Urizen Books
    • 1977, en italien : Le società contro lo stato. Ricerche di antropologia politica, Milano, Feltrinelli
    • 1978, en espagnol : La sociedad contra el estado, Caracas, Monte Avila Editores
    • 1978, en brésilien : A sociedade contra o Estado. Pesquisas de antropologia política, Rio de Janeiro, F. Alves
    • 1982, en norvégien : Samfunnet mot staten, Oslo, Dreyer
    • 1984, en suédois : Samhället mot staten, Stockholm, Nordan
    • 1989, en japonais : Kokka ni kōsuru shakai, Tokyo, Suiseisha
    • 1990, en turque : Devlete karşı toplum, Istanbul, Ayrinti Yayinlari
    • 1992, en grec : Ē koinōnia enantia sto kratos, Athēna, Alexandreia
    • 1995, en roumain : Societatea contra statului, Bucureşti, Ararat
  19. Des années après sa parution, La Société contre l'État est un livre dont les thèses sont toujours discutées par des auteurs provenant de différentes disciplines. Voir, par exemple, dans la partie « Études sur P. Clastres /Articles » de la bibliographie : Marc Richir (philosophe) ; dans la partie « Autres sources / Articles » : Luc de Heusch (anthropologue) ou Paulin Ismard (historien).
  20. Voir également dans la bibliographie « Autres sources / Divers », le cours que Philippe Descola donna au Collège de France le 22 février 2017.
  21. Pour autant, Marc Abélès ne dit pas que la « forme-État » est insignifiante et qu'elle ne produit plus d'effets (contraintes, protections, etc.). Quant à la thèse de Pierre Clastres (« la société contre l'État »), sans l'écrire expressément ce n'est pas celle-ci qu'il rejette, mais plutôt son usage politique.
  22. Pierre Clastres fut fortement influencé par Gilles Deleuze et Félix Guattari, certains de leurs concepts (« codage », « flux », etc.) apparaissent dans des textes de La Société contre l'État rédigés après la parution l'Anti-Œdipe. Par exemple, au Ch. 4 (1973) : « cette capacité des Sauvages à coder le flux de leur démographie » (p. 69) ; au Ch. 10 (1973) : « Les sociétés primitives, ce sont, disent puissamment les auteurs de l'Anti-Œdipe, des sociétés du marquage » (p. 159, italique de l'auteur) ; au Ch. 11. (1974) : les concepts « flux », « codage » et « machine » apparaissent dans un même paragraphe (p. 180-181). Par ailleurs, dans l'entretien accordé à l'Anti-mythes en décembre 1974 juste après la parution de La Société contre l'État, P. Clastres emploie abondamment le vocabulaire conceptuel de l'Anti-Œdipe, comme à la page 13 (éd. Sens & Tonka, 2012 : p. 35) : « les sociétés primitives sont des "sociétés du codage", pour employer le vocabulaire de l'Anti-Œdipe. Disons que la société primitive, c'est toute une multiplicité de flux qui circulent, ou bien, autre métaphore, une machine avec ses organes. La société primitive code, c'est-à-dire contrôle, tient bien en main tous les flux, tous les organes. » Dernière indication : en compagnie d'autres intellectuels (François Châtelet, Serge Leclaire, Roger Dadoun…) P. Clastres participa à un débat avec G. Deleuze et F. Guattari à l'occasion de la publication de l'Anti-Œdipe en 1972 (« Deleuze et Guattari s'expliquent… », La Quinzaine littéraire, n°143, du 16 au 30 juin 1972, p. 15-19). Dans ses remarques à propos de l'Anti-Œdipe rapportées aux pages 18 et 19, P. Clastres dit à la page 19 : « Certes, l'Anti-Œdipe ne nous dit pas pourquoi la machine primitive a, ici ou là, échoué à coder le flux du pouvoir, cette mort qui ne cesse de monter de l'intérieur. Il n'y a en effet pas la moindre raison pour que l'État se réalise au sein du Socius primitif, pas la moindre raison pour que la tribu laisse son chef jouer au chef (on peut le démontrer à l'aide d'exemples ethnographiques). Alors, d'où surgit-il, complet d'un seul coup, ''l'Urstaat'' ? Il vient de l'extérieur, nécessairement, et l'on peut espérer que la suite à l'Anti-Œdipe nous en dira plus là-dessus. » P. Clastres termine ainsi ses remarques sur l'Anti-Œdipe : « Codage, sur-codage, décodage et flux : ces catégories déterminent la théorie de la société, tandis que l'idée ''d'Urstaat'', conjurée ou triomphant, détermine la théorie de l'Histoire. Il y a là une pensée radicalement nouvelle, une réflexion révolutionnaire. »
  23. Voir, par exemple, dans la partie « Autres sources / Articles » de la bibliographie, les textes de Joseph Pestieau, Lucia Sagradini, Anders Fjeld ou celui, anonyme, publié par Lundi Matin en mars 2019.
  24. Ce tour d'horizon est nécessairement limité, d'autres ouvrages auraient pu être mentionnés. Pair ailleurs, aucun jugement de valeur n'est porté sur les livres mentionnés ici. L'expression « à tort ou à raison » vise seulement à rappeler que plusieurs critiques furent adressées à La Société contre l’État (comme évoqué ci-avant).

Références

  1. WorldCat : voir tous les formats.
  2. P. Clastres 2011a, Dans cet article toutes les citations de La Société contre l'État proviennent de l'édition de poche (collection « Reprises »), dont la pagination diffère (légèrement) de la première édition de 1974 publiée dans la collection « Critique ».
  3. Martine Fournier (éd.), « La Société contre l'État, Pierre Clastres, Minuit », Sciences Humaines « Hors Série », no 42 « La Bibliothèque idéale des Sciences humaines », (lire en ligne)
  4. P. Clastres 2011a, p. 13.
  5. Jean-François Dortier (dir.) 2020, Dans ce n°327 de la revue Sciences Humaines, le dossier principal intitulé « Les peuples premiers : Qu'ont-ils à nous apprendre ? » offre, d'abord, une considération autre des peuples premiers et, ensuite, une perspective historique et un panorama contemporain des connaissances sur les peuples premiers. Par ailleurs, à la page 4 de ce numéro se trouve un planisphère indiquant où vivent différents peuples premiers (principalement les plus connus) : celui-ci permet de situer les peuples premiers auxquels Pierre Clastres fait référence dans La Société contre l'État.
  6. P. Clastres 2011a, p. 159, Ch. 10 (italiques de l'auteur) : « Les sociétés archaïques, […], sont des sociétés sans État, des sociétés contre l'État ».
  7. P. Clastres 2011a, p. 186, Ch. 11 (derniers mots de l'ouvrage) : « L'histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l'histoire de la lutte des classes. L'histoire des peuples sans histoire, c'est, dira-t-on avec autant de vérité au moins, l'histoire de leur lutte contre l'État ».
  8. Florence Weber 2015, p. 271.
  9. P. Clastres 1991.
  10. Miguel Abensour et Anne Kupiec (dir.) 2011, p. 11 (« Avant-propos : Pierre Clastres Et Nous. La révolution copernicienne et la question de l'État », par Miguel Abensour).
  11. Romain Bertrand 2014, p. 896 : « On se souvient du flot de controverses — et d'invectives — qui salua, en France, la parution en 1974 de La Société contre l'État. C'est qu'aux réfutations savantes de la thèse d'une "intentionnalité sociologique" des sociétés amazoniennes, lesquelles militeraient en actes contre la survenue du "malencontre" de la domination centralisée, s'ajoutèrent les réactions exaspérées d'une génération d'anthropologues marxistes — althussériens et africanistes, tout particulièrement — dont Clastres s'amusait à tourner cruellement en dérision le dogmatisme ».
  12. Lauriane Guillout, « Eduardo VIVEIROS DE CASTRO, Politique des multiplicités. Pierre Clastres face à l’État », Revue européenne des sciences sociales, vol. 58, , p. 257-260 (§2, en ligne) (lire en ligne)
  13. Riccardo Ciavolella et Éric Wittersheim 2016, p. 117.
  14. François Dosse 1997, p. 119.
  15. Riccardo Ciavolella et Éric Wittersheim 2016, p. 118 : « c'est un recueil d'articles à caractère pamphlétaire où l'on sent que Clastres, à partir de son travail de terrain, veut en découdre avec certaines théories anthropologiques sur les sociétés primitives et participer ainsi à un débat idéologique critiquant la société occidentale dont il est issu ».
  16. Bronislaw Malinowski, Les argonautes du Pacifique occidental, Paris, Gallimard, coll. « Tel », (1re éd. 1963)
  17. Edward Evan Evans-Pritchard, Les Nuer : Description des modes de vie et des institutions politiques d'un peuple nilote, Paris, Gallimard, coll. « Tel » (1re éd. 1968)
  18. Alfred Reginald Radcliffe-Brown, Structure et fonction dans la société primitive, Paris, Seuil, coll. « Points », (1re éd. 1969)
  19. Edmund Leach, Les systèmes politiques des hautes terres de Birmanie : Analyse des structures sociales kachin, Paris, Maspero, coll. « Bibliothèque d'anthropologie »,
  20. Claude Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Paris, Plon, (1re éd. 1962)
  21. Georges Balandier 2013.
  22. Roger Bastide, Les Amériques noires : Les civilisations africaines dans le Nouveau monde, Paris, L'Harmattan, coll. « Recherches et documents Amérique latine », (1re éd. 1967)
  23. Nathan Wachtel, La vision des vaincus : Les Indiens du Pérou devant la conquête espagnole, 1530-1570, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », (1re éd. 1971)
  24. BnF, Notice de collection éditoriale (Plon), « Terre humaine », sur Catalogue de la BnF
  25. BnF, Notice de collection éditoriale (Seuil), « Recherches anthropologiques », sur Catalogue de la BnF
  26. BnF, Notice de collection éditoriale (Maspéro), « Bibliothèque d'anthropologie », sur Catalogue de la BnF
  27. BnF, Notice de collection éditoriale (Gallimard), « Bibliothèque des sciences humaines », sur Catalogue de la BnF
  28. François Dosse 2012a, p. 9 : « Le succès qu'a connu le structuralisme en France au cours des années cinquante et soixante est sans précédent dans l'histoire de la vie intellectuelle de ce pays. Le phénomène a emporté l'adhésion de la plus grande partie de l'intelligentsia, jusqu’à réduire au néant les quelques résistances ou objections qui se sont manifestées lors de ce que l'on peut appeler le moment structuraliste ».
  29. Louis Althusser, Pour Marx, Paris, La Découverte, coll. « Poche – Sciences humaines et sociales », (1re éd. 1965)
  30. Collectif, Structuralisme et marxisme, Paris, UGE, coll. « 10/18 »,
  31. Miguel Abensour (dir.) 1987, p. 9 (« Présentation » par M. Abensour).
  32. L'Anti-mythes 1975, p. 1.
  33. P. Clastres 2012a, p. 13 : « il est très probable que si je prenais un corpus mythologique je serais forcément structuraliste parce que je ne vois pas très bien comment analyser un corpus mythologique d'une manière extra-structuraliste… ».
  34. P. Clastres 2012a, p. 13 : « Moi je m'occupe, disons, en gros, d'anthropologie politique, la question de la chefferie et du pouvoir, et là j'ai l'impression que [le structuralisme] ne fonctionne pas ; ça relève d'un autre type d'analyse ».
  35. P. Clastres 2011a, Voir la brève allusion à Marx et Engels, ainsi qu'à la théorie marxiste, aux pages 22 et 23. Voir aussi, au dernier chapitre, la discussion des rapports entre économie et politique qui court des pages 162 à 175.
  36. L'Anti-mythes 1975, Voir sa longue réponse à la troisième question (p. 2 à 4).
  37. P. Clastres 2012a, p. 16 : « il me semble que pour y voir plus clair dans ces questions il faut carrément renverser la théorie marxiste de l'origine de l'État — c'est un point énorme et précis en même temps — et il me semble moins que l'État soit l'instrument de domination d'une classe, donc ce qui vient après une division antérieure de la société, et que c'est au contraire de l'État qui engendre les classes ».
  38. Karl Wittfogel, Le despotisme oriental : Étude comparative du pouvoir total, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Arguments », (1re éd. 1964)
  39. Raymond Aron, Démocratie et totalitarisme, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », (1re éd. 1965)
  40. Nicos Poulantzas, Pouvoir politique et classes sociales, Paris, Maspero, coll. « Fondations », (1re éd. 1968)
  41. Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, coll. « Tel », (1re éd. 1969)
  42. Hannah Arendt, Le système totalitaire, Paris, Seuil, coll. « Points Essais », (1re éd. 1972)
  43. Louis Althusser, Positions, Paris, Éditions Sociales, coll. « Essentiel », (1re éd. 1976)
    Ce livre reprend un fameux article paru en 1970 : « Idéologie et appareils idéologiques d’État ».
  44. « Fragments d'Histoire de la gauche radicale » (Le site internet « archivesautonomies.org » recense et propose des numérisations de plusieurs revues comme : Archinoir, Confrontation Anarchiste, Le Libertaire, Noir & Rouge, etc.), sur Archives Autonomies
  45. Philippe Gottraux 1997, p. 205.
  46. Claude Rivière 2000, Pour une brève mise en perspective, voir le « Chapitre 2. Histoire de l'anthropologie politique » (p. 32-50).
  47. Pierre Bonte et Michel Izard (dir.) 2018, p. 239. Marc Abélès ouvre son article consacré à l'« État » sur ces mots : « La question de l'État est l'une des plus anciennes que ce soit posée l'anthropologie ».
  48. Pierre Bonte et Michel Izard (dir.) 2018, p. 599. Michel Izard écrit dans son article consacré au « Pouvoir » (italiques de l'auteur) : « Tout en maintenant la distinction entre "pouvoir" et "autorité", l'anthropologie n'a pas seulement administré la preuve qu'il n'existe aucune société au sein de laquelle on ne puisse identifier un pouvoir de type politique, elle a proposé une généralisation de la notion de pouvoir. L'homme est soumis à du pouvoir, ou plutôt à des pouvoirs pouvant émaner de multiples instances différentes (les dieux, la terre, les ancêtres, etc.) ».
  49. Georges Balandier 2013, p. 5-6.
  50. Régis Meyran 2006, p. 64 (§4 en ligne) : « les premiers théoriciens de cette sous-discipline de l'anthropologie générale s'étaient demandés comment avaient émergé des "système politiques", soit des sous-systèmes autonomes du système social total, dont la fonction est le contrôle et l'emploi de la force en vue de maintenir l'équilibre dans la société… Subissant l'influence évidente de Max Weber — voir sa célèbre formule de l'État comme monopole de la violence légitime —, ces ethnologues de terrain, tels Meyer Fortes ou Edward Evans-Pritchard, furent alors amenés, dans les années 1940, à distinguer entre sociétés étatiques — il s'agissait dÉtats "archaïques" africains — et systèmes non étatiques acéphales ».
  51. Georges Balandier 2013, Voir le Chapitre VI « Aspects de l'État traditionnel » (p. 149-191) pour un bref tour d’horizon de l’approche anthropologique de l'« État » en 1967 (sachant que, dans La Société contre l'État, le plus ancien texte date de 1962 et le plus contemporain de 1974).
  52. Meyer Fortes et Edward Evan Evans-Pritchard (dir.), Systèmes politiques africains, Paris, PUF, coll. « Études ethnographiques »,
  53. P. Clastres 2011a, p. 161-186 : « Chapitre 11 : La société contre l'État ».
  54. P. Clastres 2011a, p. 161-186.
  55. P. Clastres 2011a, p. 175.
  56. P. Clastres 1967, Dans ce compte rendu, Pierre Clastres revient de façon vivante sur ces premières missions de terrain en Amérique du sud.
  57. Miguel Abensour et Anne Kupiec (dir.) 2011, p. 177 et 178 : « Tableau des terrains de Pierre Clastres », par Hélène Clastres.
  58. Pierre Clastres, « Copernic et les sauvages », Critique, no 270, , p. 1000-1015 (lire en ligne)
  59. Pierre Clastres, « Échange et pouvoir : philosophie de la chefferie indienne », L'Homme, vol. II, no 1, , p. 51-65 (lire en ligne)
  60. Pierre Clastres, « Indépendance et exogamie : structure et dynamique des sociétés indiennes de la Forêt tropicale », L'Homme, vol. III, no 3, , p. 67-87 (lire en ligne)
  61. Pierre Clastres, « Éléments de démographie amérindienne », L'Homme, vol. XIII, nos 1-2, , p. 23-36 (lire en ligne)
  62. Pierre Clastres, « L'arc et le panier », L'Homme, vol. VI, no 2, , p. 13-31 (lire en ligne)
  63. Pierre Clastres, « De quoi rient les Indiens ? », Temps Modernes, no 253, , p. 2179-2198 (lire en ligne)
  64. Pierre Clastres, « Le devoir de parole », Nouvelle Revue de Psychanalyse, no 8, , p. 83-85 (lire en ligne)
  65. Pierre Clastres, « Prophètes dans la jungle », in Échanges et Communications, I, Paris–La Haye, De Gruyter Mouton, , p. 535-542, ouvrage dirigé par Jean Pouillon et Pierre Maranda (lire en ligne)
  66. Pierre Clastres, « De l'un sans le multiple », Éphémère, nos 19-20, , p. 308-314
  67. Pierre Clastres, « De la Torture dans les sociétés primitives », L'Homme, vol. XIII, no 3, , p. 114-120 (lire en ligne)
  68. Pierre Clastres, « Chapitre 11: La société contre l'État », La Société contre l'État, 2011 [1974], p. 161-186 (lire en ligne)
  69. P. Clastres 2011a, p. 161.
  70. P. Clastres 2011a, p. 168.
  71. P. Clastres 2011a, p. 186.
  72. Jean-William Lapierre, Essai sur le fondement du pouvoir politique, Gap, Ophrys,
  73. P. Clastres 2011a, p. 9 (fin du §2) : « Les réflexions qui suivent ont trouvé leur impulsion plus particulièrement dans la lecture de ces pages [du livre de J.-W. Lapierre] consacrées, dira-t-on, au pouvoir chez les Sauvages ».
  74. P. Clastres 2011a, p. 19.
  75. P. Clastres 2011a, p. 7.
  76. P. Clastres 2011a, p. 17.
  77. P. Clastres 2011a, p. 19 : « L'obstacle épistémologique que la "politicologie" n'a pas su jusqu'à présent surmonter, nous avons cru le déceler dans l'ethnocentrisme culturel de la pensée occidentale, lui-même lié à une vision exotique des sociétés non occidentales ».
  78. P. Clastres 2011a, p. 15-16.
  79. P. Clastres 2011a, p. 16.
  80. P. Clastres 2011a, p. 16. Pierre Clastres écrit à la page 15 : « Que signifie en fait ce type de vocabulaire où les termes d'embryonnaire, naissant, peu développé, apparaissent très souvent ? ».
  81. P. Clastres 2011a, p. 17 : « Le biologisme de l'expression n'est évidemment que le masque furtif de la vieille conviction occidentale, souvent partagée en fait par l'ethnologie, ou du moins beaucoup de ses praticiens, que l'histoire est à sens unique, que les sociétés sans pouvoir sont l'image de ce que nous ne sommes plus et que notre culture est pour elles l'image de ce qu'il faut être ».
  82. P. Clastres 2011a, p. 9.
  83. P. Clastres 2011a, p. 8.
  84. P. Clastres 2011a, p. 11.
  85. P. Clastres 2011a, p. 12 (italiques de l'auteur), suite de la citation : « En sorte que s'ouvre une alternative : ou bien le concept classique du pouvoir est adéquat à la réalité qu'il pense, auquel cas il lui faut rendre compte du non-pouvoir là où on le repère ; ou bien il est inadéquat, et il faut alors l'abandonner ou le transformer ».
  86. P. Clastres 2011a, p. 20 : « Nous nous limiterons à refuser l'évidence ethnocentriste que la limite du pouvoir c'est la coercition, au-delà ou en deçà de laquelle il n'y aurait plus rien ; que le pouvoir existe de fait (non seulement en Amérique mais en bien d'autres cultures primitives) totalement séparé de la violence et extérieur à toute hiérarchie ; que, par suite, toutes les sociétés, archaïques ou non, sont politiques, même si le politique se dit en de multiples sens, même si ce sens n'est pas immédiatement déchiffrable et si l'on a à dénouer l'énigme d'un pouvoir "impuissant" ».
  87. P. Clastres 2011a, p. 20.
  88. P. Clastres 2011a, p. 20 (italiques de l'auteur).
  89. P. Clastres 2011a, p. 21 (italiques de l'auteur).
  90. P. Clastres 2011a, p. 21.
  91. P. Clastres 2011a, p. 22.
  92. P. Clastres 2011a, p. 40.
  93. Robert H. Lowie 1948, Voir aux pages 14 à 16 pour la définition du « titular chief ».
  94. Robert H. Lowie 1956, Voir aussi cet ouvrage pour d'autres développements.
  95. P. Clastres 2011a, p. 33 : « C'est donc bien par quatre traits qu'en Amérique du Sud se distingue le chef. Comme tel, il est un "apaiseur professionnel" ; de plus il doit être généreux et bon orateur ; enfin la polygynie est son privilège ».
  96. P. Clastres 2011a, p. 33.
  97. P. Clastres 2011a, p. 41.
  98. P. Clastres 2011a, p. 38.
  99. P. Clastres 2011a, p. 39.
  100. P. Clastres 2011a, p. 25.
  101. P. Clastres 2011a, p. 53.
  102. P. Clastres 2011a, p. 46 (italique de l'auteur).
  103. P. Clastres 2011a, p. 46.
  104. P. Clastres 2011a, p. 58 (pour les trois citations).
  105. P. Clastres 2011a, p. 48, et il écrit à la page 49 : « Il s'agit ici d'un problème classique de l'ethnologie : celui de la relation entre une règle de résidence et un mode de descendance ».
  106. P. Clastres 2011a, p. 50 : « c'est-à-dire à des unités principalement résidentielles, mais dont l'exogamie et l'unilocalité de la résidence démentent, dans une certaine mesure, la bilatéralité de la descendance, leur conférant ainsi l'apparence de lignages ou même de clans ».
  107. P. Clastres 2011a, p. 51 : P. Clastres estime que si le modèle sociologique le plus répandu est bien l'« unilinéarité », alors « il est à cet égard légitime de penser que le type d'habitat le plus courant dans l'aire, la grande maison collective ou maloca, exprime sur le plan de la distribution spatiale cette dimension fondamentale ».
  108. P. Clastres 2011a, p. 58 (italiques de l'auteur).
  109. P. Clastres 2011a, p. 54.
  110. P. Clastres 2011a, p. 55.
  111. P. Clastres 2011a, p. 57 (italiques de l'auteur).
  112. P. Clastres 2011a, p. 50 : « le premier [processus], qu'il faudra examiner plus tard, concerne les relations réciproques des différentes unités ; quant au second, il est à l'œuvre au sein de chaque unité prise en elle-même, et s'articule à l'unilocalité de la résidence ».
  113. P. Clastres 2011a, p. 61.
  114. P. Clastres 2011a, p. 61, c'est-à-dire des « féodalités souvent limitées à une ville ou une vallée ».
  115. P. Clastres 2011a, p. 63 (italiques de l'auteur).
  116. P. Clastres 2011a, p. 63.
  117. P. Clastres 2011a, p. 63-67.
  118. P. Clastres 2011a, p. 64 : « Chaque village tupinamba groupait en moyenne quatre à huit grandes maisons, chacune abritant un lignage, et chacune ayant son leader. Mais le village comme tel se trouvait lui-même sous la direction d'un chef ; la communauté Tupinamba hausse à une échelle inconnue dans le reste de la Forêt la question des relations politiques : en tant que structure multilignagère, elle se donne une autorité "centralisée", et conserve en même temps les sous-chefferies "locales". Et c'est sans doute à ce dualisme du pouvoir que répondait, chez ces Indiens, l'institution d'un "conseil des anciens", dont l'approbation était nécessaire à l'exercice de l'autorité par le chef principal ».
  119. P. Clastres 2011a, p. 65.
  120. P. Clastres 2011a, p. 64.
  121. P. Clastres 2011a, p. 78 (italiques de l'auteur).
  122. P. Clastres 2011a, p. 69.
  123. P. Clastres 2011a, p. 70.
  124. P. Clastres 2011a, p. 72.
  125. P. Clastres 2011a, p. 72-75.
  126. (es) Angel Rosenblatt, La poblaciôn indigena y el mestizaje en América, Buenos Aires,
  127. P. Clastres 2011a, p. 69-86, chroniqueurs mentionnés : Claude d'Abbeville, José de Anchieta, António Francisco Cardim, Yves d'Évreux, Domingo de Irala, Francisco Jarque, Jean de Léry, Pedro Lozano, Álvar Núñez Cabeza de Vaca, Antonio Ruiz de Montoya, Antonio Sepp, Hans Staden, André Thevet.
  128. P. Clastres 2011a, p. 81.
  129. P. Clastres 2011a, p. 85.
  130. P. Clastres 2011a, p. 81 (italiques de l'auteur).
  131. P. Clastres 2011a, p. 81-82.
  132. P. Clastres 2011a, p. 82.
  133. P. Clastres 2011a, p. 86.
  134. P. Clastres 2011a, p. 86, et il écrit à la page 70 : « Sans affirmer que la transformation du pouvoir politique était provoquée chez les Tupi-Guarani par l'expansion démographique, il nous paraît à tout le moins légitime de mettre en perspective ces deux dimensions, spécifiques de ces tribus ».
  135. P. Clastres 2011a, p. 86 (italiques de l'auteur).
  136. P. Clastres 2011a, p. 88.
  137. P. Clastres 2011a, p. 89 : « La pensée guayaki, on le verra, exprime clairement la nature de cette opposition qui, d'être située à la racine même de la vie sociale de la tribu, commande l'économie de son existence quotidienne et confère leur sens à tout un ensemble d'attitudes où se noue la trame des relations sociales ».
  138. P. Clastres 2011a, p. 89 : « la différence des hommes et des femmes au niveau de la vie économique se lit comme l'opposition d'un groupe de producteurs et d'un groupe de consommateurs ».
  139. P. Clastres 2011a, p. 91.
  140. P. Clastres 2011a, p. 90.
  141. P. Clastres 2011a, p. 96.
  142. P. Clastres 2011a, p. 91 (italiques de l'auteur).
  143. P. Clastres 2011a, p. 92 : « Les Guayaki appréhendent cette grande opposition, selon laquelle fonctionne leur société, à travers un système de prohibitions réciproques : l'une interdit aux femmes de toucher l'arc des chasseurs, l'autre empêche les hommes de manipuler le panier ».
  144. P. Clastres 2011a, p. 104.
  145. P. Clastres 2011a, p. 99.
  146. P. Clastres 2011a, p. 98 : « chaque homme passe sa vie à chasser pour les autres et à recevoir d'eux sa propre nourriture ».
  147. P. Clastres 2011a, p. 105.
  148. P. Clastres 2011a, p. 107 (italique de l'auteur).
  149. P. Clastres 2011a, p. 107 (italiques de l'auteur) : « Le chant des Guayaki nous renvoie donc à une double et essentielle nature du langage qui se déploie tantôt en sa fonction ouverte de communication, tantôt en sa fonction fermée de constitution d'un Ego : cette capacité du langage à exercer des fonctions inverses repose sur la possibilité de son dédoublement en signe et valeur ».
  150. P. Clastres 2011a, p. 108.
  151. P. Clastres 2011a, p. 109 (italique de l'auteur).
  152. P. Clastres 2011a, p. 111 (italiques de l'auteur).
  153. P. Clastres 2011a, p. 112. Outre ces deux mythes, Pierre Clastres collecta d'autres mythes durant son premier séjour chez les Chulupi en 1966. Soixante-treize mythes chulupi (dont les deux étudiés dans ce chapitre) et différents matériaux sur les Indiens Chulupi sont réunis dans l'ouvrage posthume Mythologie des Indiens Chulupi (Peeters, 1992).
  154. P. Clastres 2011a, p. 112.
  155. P. Clastres 1992, p. 110-115 : « M 70. L'homme à qui on ne pouvait rien dire », accompagné de notes supplémentaires.
  156. P. Clastres 2011a, Le mythe court des pages 112 à 119.
  157. P. Clastres 2011a, p. 120.
  158. P. Clastres 1992, p. 75-77 : « M 46. Les aventures du jaguar », accompagné de deux notes supplémentaires.
  159. P. Clastres 2011a, p. 122.
  160. P. Clastres 2011a, Ce mythe court des pages 120 à 122.
  161. P. Clastres 2011a, p. 129.
  162. P. Clastres 2011a, p. 122-130.
  163. P. Clastres 2011a, p. 124.
  164. P. Clastres 2011a, p. 125.
  165. P. Clastres 2011a, p. 125 (italiques de l'auteur).
  166. P. Clastres 2011a, p. 127 (italiques de l'auteur).
  167. P. Clastres 2011a, p. 127.
  168. P. Clastres 2011a, Dans le premier paragraphe de ce chapitre (p. 111), Pierre Clastres rend grâce aux Mythologiques de Claude Lévi-Strauss (dont le deuxième tome paru en 1966), et il écrit (italiques de l'auteur) : « Prenant résolument au sérieux les récits des "sauvages", l'analyse structurale nous enseigne depuis quelques années que de tels récits sont précisément fort sérieux et qu'en eux s'articule un système d'interrogations qui haussent la pensée mythique au plan de la pensée tout court. Sachant désormais, […], que les mythes ne parlent pas pour ne rien dire, ils acquièrent à nos yeux un prestige nouveau ».
  169. P. Clastres 2011a, p. 129-130.
  170. P. Clastres 2011a, p. 134.
  171. P. Clastres 2011a, p. 132.
  172. P. Clastres 2011a, p. 131-132.
  173. P. Clastres 2011a, p. 131.
  174. P. Clastres 2011a, p. 132 (italiques de l'auteur) : « depuis les despotismes les plus archaïques jusqu'aux États totalitaires les plus modernes, en passant par les sociétés démocratiques dont l'appareil d'État, pour être libéral, n'en demeure pas moins le maître lointain de la violence légitime ».
  175. P. Clastres 2011a, p. 132 (italiques de l'auteur).
  176. P. Clastres 2011a, p. 133.
  177. P. Clastres 2011a, p. 133 : « "Nos aïeux se trouvèrent bien de vivre comme ils vivaient. Suivons leur exemple et, de cette manière, nous mènerons ensemble une existence paisible" ».
  178. P. Clastres 2011a, p. 133 : « Ou plutôt, on feint l'inattention. Si le chef doit, comme tel, se soumettre à l'obligation de parler, en revanche les gens auxquels il s'adresse ne sont tenus, eux, qu'à celle de paraître ne pas l'entendre ».
  179. P. Clastres 2011a, p. 131 (italiques de l'auteur).
  180. P. Clastres 2011a, p. 133 (italiques de l'auteur).
  181. P. Clastres 2011a, Pierre Clastres précise à la page 134 : « les sociétés indiennes ne reconnaissent pas au chef le droit à la parole parce qu'il est le chef : elles exigent de l'homme destiné à être chef qu'il prouve sa domination sur les mots. Parler est pour le chef une obligation impérative, la tribu veut l'entendre : un chef silencieux n'est plus un chef ».
  182. P. Clastres 2011a, p. 134, et il ajoute : « Un ordre : voilà bien ce que le chef ne saurait donner, voilà bien le genre de plénitude refusée à sa parole ».
  183. P. Clastres 2011a, p. 134 (italique de l'auteur).
  184. P. Clastres 2011a, p. 141. Premier paragraphe de la « prière méditante » d'un Mbya-Guarani (collection et retranscription de Pierre Clastres, aidé de León Cadogan pour la traduction).
  185. P. Clastres 2011a, p. 136.
  186. P. Clastres 2011a, p. 141-143.
  187. P. Clastres 2011b, La « prière méditante » est reproduite dans cet ouvrage aux pages 137 à 140.
  188. P. Clastres 2011a, p. 139.
  189. P. Clastres 2011a, p. 138.
  190. P. Clastres 2011a, p. 141.
  191. P. Clastres 2011a, p. 136 : « Les chamanes tupi-guarani exerçaient donc sur les tribus une influence considérable, surtout les plus grands d'entre eux, les karai, dont la parole, se plaignaient les missionnaires, recélait en soi toute la puissance du démon ».
  192. P. Clastres 2011a, p. 137. Pour quelques réflexions sur l'incidence de ces migrations vers la Terre sans Mal, voir dans le dernier chapitre de La Société contre l'État aux pages 182 à 184.
  193. P. Clastres 2011a, p. 138 : « Il s'agit presque toujours dans ces discours d'aborder les thèmes qui littéralement obsèdent les Mbya : leur destin sur la terre, la nécessité de prêter attention aux normes fixées par les dieux, l'espoir de conquérir l'état de perfection, l'état d'aguyje, qui seul permet à ceux qui y accèdent de se voir ouvrir par les habitants du ciel le chemin de la Terre sans Mal ».
  194. P. Clastres 2011a, p. 142 : « Les Mbya habitent la terre dans l'espace du questionnement et le Père accepte donc d'entendre la plainte de ses adornés ».
  195. P. Clastres 2011a, p. 142. Voici un autre extrait de la prière méditante collectée par Pierre Clastres : « Et la mer maléfique, la mer maléfique, tu n'as pas fait que je la franchisse, moi, / C'est pour cela, en vérité, c'est pour cela, qu'ils ne demeurent plus qu'en petit nombre, mes frères, qu'elles ne demeurent plus qu'en petit nombre, mes sœurs. / Voici : à propos des peu nombreux qui demeurent, je fais entendre ma lamentation. / À propos de ceux-là, à nouveau je questionne : car Ñamandu fait qu'ils se dressent ».
  196. P. Clastres 2011a, p. 137, suite de la citation : « Les Mbya sont parvenus à conserver leur identité tribale envers et contre circonstances et épreuves de leur passé. Au XVIIIe siècle, les jésuites échouèrent à les convaincre de renoncer à l'idolâtrie et rejoindre les autres Indiens dans les missions ».
  197. P. Clastres 2011a, p. 137.
  198. P. Clastres 2011a, p. 137 : « Il est rare en effet de voir une culture indienne persister à exister conformément aux normes de son propre système de croyances, et parvenir à conserver à peu près pur d'emprunts ce domaine particulier ».
  199. P. Clastres 2011a, p. 138 : « Le système des croyances et des valeurs constitue donc le groupe comme tel et, réciproquement, cette fermeture décidée sur son soi porte le groupe, dépositaire jaloux d'un savoir honoré jusqu'au vécu le plus humble, à demeurer le protecteur fidèle de ses dieux et le gardien de leur loi ».
  200. P. Clastres 2011a, p. 142.
  201. P. Clastres 2011a, p. 135.
  202. P. Clastres 2011a, p. 145 (fragment de mythologie Mbya-Guarani).
  203. P. Clastres 2011a, p. 146.
  204. P. Clastres 2011b, D'autres fragments sont réunis dans la troisième partie du Grand Parler : « IX Toutes choses sont une » (p. 123-136), des fragments situés par Pierre Clastres dans le « champ métaphysique » (p. 123).
  205. P. Clastres 2011a, p. 147.
  206. P. Clastres 2011a, p. 146 (paroles d'un karai Mbya-Guarani citées par Pierre Clastres).
  207. P. Clastres 2011a, p. 147. Pierre Clastres reformule autrement cette pensée page 148 : « Une est toute chose corruptible. Le mode d'existence de l'Un, c'est le transitoire, le passager, l'éphémère. Ce qui naît, croit et se développe en vue seulement de périr, cela sera dit Un ».
  208. P. Clastres 2011a, p. 149 (italiques de l'auteur).
  209. P. Clastres 2011a, p. 149.
  210. P. Clastres 2011a, p. 149. Pour d'autres développements et réflexions sur l'« Un », voir au dernier chapitre de La Société contre l'État les pages 184 et 185.
  211. P. Clastres 2011a, p. 158 (italiques de l'auteur).
  212. P. Clastres 2011a, p. 159.
  213. P. Clastres 2011a, p. 151 : « 1. — La loi l'écriture ».
  214. P. Clastres 2011a, p. 151.
  215. P. Clastres 2011a, p. 151 : « Il n'est jusqu'aux quipu des Incas que l'on ne puisse tenir pour une écriture ».
  216. P. Clastres 2011a, p. 159 (italiques de l'auteur) : « Les cicatrices dessinées sur le corps, c'est le texte inscrit de la loi primitive, c'est, en ce sens, une écriture sur le corps ».
  217. P. Clastres 2011a, p. 152-153 : « 2. — L'écriture le corps ».
  218. P. Clastres 2011a, p. 153 : « 3. — Le corps le rite ».
  219. P. Clastres 2011a, p. 153.
  220. P. Clastres 2011a, p. 153 (italiques de l'auteur) : « Ces rituels d'initiation constituent souvent un axe essentiel par rapport auquel s'ordonne, en sa totalité, la vie sociale et religieuse de la communauté. Or, presque toujours, le rite initiatique passe par la prise en compte du corps des initiés. C'est, immédiatement, le corps que la société désigne comme espace seul propice à porter le signe d'un temps, la trace d'un passage, l'assignation d'un destin ».
  221. P. Clastres 2011a, p. 158-159.
  222. P. Clastres 2011a, p. 154-155 : « 4. — Le rite la torture ».
  223. Georges Catlin, Les Indiens de la Prairie, Club des Libraires de France,
  224. P. Clastres 2011a, p. 155 (italiques de l'auteur).
  225. P. Clastres 2011a, p. 155 (italique de l'auteur).
  226. P. Clastres 2011a, p. 155-157 : « 5. — La torture la mémoire ».
  227. P. Clastres 2011a, p. 156 (italiques de l'auteur).
  228. P. Clastres 2011a, p. 156.
  229. P. Clastres 2011a, p. 157-159 : « 6. — La mémoire la loi ».
  230. P. Clastres 2011a, p. 157.
  231. P. Clastres 2011a, p. 153, 156, 157.
  232. P. Clastres 2011a, p. 157 (italiques de l'auteur).
  233. P. Clastres 2011a, p. 158.
  234. P. Clastres 2011a, p. 158 (italiques de l'auteur), et Pierre Clastres d'ajouter à la phrase suivante : « La loi primitive, cruellement enseignée, est une interdiction d'inégalité dont chacun se souviendra. Substance même du groupe, la loi primitive se fait substance de l'individu, volonté personnelle d'accomplir la loi. » Et il écrit à la page 159 (italiques de l'auteur) : « La marque sur le corps, égale sur tous les corps, énonce : Tu n'auras pas le désir du pouvoir, tu n'auras pas le désir de soumission. Et cette loi non séparée ne peut trouver pour s'inscrire qu'un espace non séparé : le corps lui-même ».
  235. P. Clastres 2011a, p. 159 (italiques de l'auteur). C'est à ce paragraphe qu'apparaît la première occurrence du syntagme la « société contre l'État ».
  236. P. Clastres 2011a, p. 159 (italiques de l'auteur).
  237. P. Clastres 2011a, p. 186 (derniers mots du recueil).
  238. P. Clastres 2011a, p. 166. Après avoir porté la contradiction aux études qui affirment que l'économie des sociétés primitives est une économie de subsistance, Pierre Clastres conclut : « Nous voici donc bien loin du misérabilisme qu'enveloppe l'idée d'économie de subsistance. Non seulement l'homme des sociétés primitives n'est nullement contraint à cette existence animale que serait la recherche permanente pour assurer la survie ; mais c'est même au prix d'un temps d'activité remarquablement court qu'est obtenu — et au-delà — ce résultat. Cela signifie que les sociétés primitives disposent, si elles le désirent, de tout le temps nécessaire pour accroître la production des biens matériels ».
  239. P. Clastres 2011a, p. 163 : « Ce qui surprend chez les Eskimo ou chez les Australiens, c'est justement la richesse, l'imagination et la finesse de l'activité technique, la puissance d'invention et d'efficacité que démontre l'outillage utilisé par ces peuples. Il n'est d'ailleurs que de se promener dans les musées ethnographiques : la rigueur de fabrication des instruments de la vie quotidienne fait presque de chaque modeste outil une œuvre d'art. Il n'y a donc pas de hiérarchie dans le champ de la technique, il n'y a pas de technologie supérieure ni inférieure ; on ne peut mesurer un équipement technologique qu'à sa capacité de satisfaire, en un milieu donné, les besoins de la société ».
  240. P. Clastres 2011a, p. 181 : « Sans songer à substituer à un déterminisme économique un déterminisme démographique, à inscrire dans les causes — la croissance démographique — la nécessité des effets — transformation de l'organisation sociale —, force est pourtant de constater, surtout en Amérique, le poids sociologique du nombre de la population, la capacité que possède l'augmentation des densités d'ébranler — nous ne disons pas détruire — la société primitive. Il est très probable en effet qu'une condition fondamentale d'existence de la société primitive consiste dans la faiblesse relative de sa taille démographique. Les choses ne peuvent fonctionner selon le modèle primitif que si les gens sont peu nombreux. Ou, en d'autres termes, pour qu'une société soit primitive, il faut qu'elle soit petite par le nombre ».
  241. P. Clastres 2011a, p. 170 : « Soit donc posée la question du politique dans les sociétés primitives. Il ne s'agit pas simplement d'un problème "intéressant", d'un thème réservé à la réflexion des seuls spécialistes, car l'ethnologie s'y déploie aux dimensions d'une théorie générale (à construire) de la société et de l'histoire. L'extrême diversité des types d'organisation sociale, le foisonnement, dans le temps et dans l'espace, de sociétés dissemblables, n'empêchent pas cependant la possibilité d'un ordre dans le discontinu, la possibilité d'une réduction de cette multiplicité infinie de différences ».
  242. P. Clastres 2011a, Voir aux pages 162 à 175 pour l'exposition de l'argumentation.
  243. P. Clastres 2011a, Voir aux pages 175 à 185 pour le développement de l'argumentation.
  244. P. Clastres 2011a, p. 180 : « La propriété essentielle (c'est-à-dire qui touche à l'essence) de la société primitive, c'est d'exercer un pouvoir absolu et complet sur tout ce qui la compose, c'est d'interdire l'autonomie de l'un quelconque des sous-ensembles qui la constituent, c'est de maintenir tous les mouvements internes, conscients et inconscients, qui nourrissent la vie sociale, dans les limites et dans la direction voulues par la société. La tribu manifeste entre autres (et par la violence s'il le faut) sa volonté de préserver cet ordre social primitif en interdisant l'émergence d'un pouvoir politique individuel, central et séparé. Société donc à qui rien n'échappe, qui ne laisse rien sortir hors de soi-même, car toutes les issues sont fermées. Société qui, par conséquent, devrait éternellement se reproduire sans que rien de substantiel ne l'affecte à travers le temps ».
  245. P. Clastres 2011a, p. 169.
  246. P. Clastres 2011a, p. 169 : « La relation politique de pouvoir précède et fonde la relation économique d'exploitation. Avant d'être économique, l'aliénation est politique, le pouvoir est avant le travail, l'économique est une dérive du politique, l'émergence de l'État détermine l'apparition des classes ».
  247. P. Clastres 2011a, p. 178, et Pierre Clastres de préciser à la page 175 (italiques de l'auteur) : « Le chef n'est pas un commandant, les gens de la tribu n'ont aucun devoir d'obéissance. L'espace de la chefferie n'est pas le lieu du pouvoir, et la figure (bien mal nommée) du "chef" sauvage ne préfigure en rien celle d'un futur despote. Ce n'est certainement pas de la chefferie primitive que peut se déduire l'appareil étatique en général ».
  248. P. Clastres 2011a, p. 182 : « Incontestablement se développait, dans ces sociétés, un processus, en cours sans doute depuis fort longtemps, de constitution d'une chefferie dont le pouvoir politique n'était pas négligeable. Au point même que les chroniqueurs français et portugais de l'époque n'hésitent pas à attribuer aux grands chefs de fédérations de tribus les titres de "roys de province" ou "roytelets". Ce processus de transformation profonde de la société tupi-guarani rencontra une interruption brutale avec l'arrivée des Européens ».
  249. P. Clastres 2011a, p. 182.
  250. P. Clastres 2011a, p. 185-186. Et Pierre Clastres de s'interroger (p. 186) : « Parole prophétique, pouvoir de cette parole : aurions-nous là le lieu originaire du pouvoir tout court, le commencement de l'État dans le Verbe ? Prophètes conquérants des âmes avant d'être maîtres des hommes ? Peut-être ».
  251. P. Clastres 2011a, p. 172-173.
  252. P. Clastres 2011a, p. 161 (italiques de l'auteur). Et il écrit à la page 162 : « presque toujours, les sociétés archaïques sont déterminées négativement, sous les espèces du manque : sociétés sans État, sociétés sans écriture, sociétés sans histoire, […] sans marché ».
  253. P. Clastres 2011a, p. 163.
  254. P. Clastres 2011a, p. 165-166.
  255. P. Clastres 2011a, p. 166-167 : « pour cerner les choses de plus près, il y a effectivement production de surplus dans les sociétés primitives : la quantité de plantes cultivées produites (manioc, maïs, tabac, coton, etc.) dépasse toujours ce qui est nécessaire à la consommation du groupe, ce supplément de production étant, bien entendu, inclus dans le temps normal de travail. Ce surplus-là, obtenu sans surtravail, est consommé, consumé, à des fins proprement politiques, lors des fêtes, invitations, visites d'étrangers, etc ».
  256. P. Clastres 2011a, p. 170 (italiques de l'auteur).
  257. P. Clastres 2011a, p. 162-163.
  258. P. Clastres 2011a, p. 176. Pierre Clastres précise à la page 179 : « Le pouvoir politique séparé est impossible dans la société primitive, il n'y a pas de place, pas de vide que pourrait combler l'État ».
  259. P. Clastres 2011a, p. 169, suite de la citation : « C'est à cela qu'il s'agit de se tenir fermement : les sociétés primitives ne sont pas les embryons retardataires des sociétés ultérieures, des corps sociaux au décollage "normal" interrompu par quelque bizarre maladie, elles ne se trouvent pas au point de départ d'une logique historique conduisant tout droit au terme inscrit d'avance, mais connu seulement a posteriori, notre propre système social. (Si l'histoire est cette logique, comment peut-il exister encore des sociétés primitives ?) ».
  260. P. Clastres 2011a, p. 170.
  261. P. Clastres 2011a, p. 170 (italique de l'auteur).
  262. P. Clastres 2011a, p. 170 (italiques de l'auteur). Suite de la citation : « C'est la présence ou l'absence de la formation étatique (susceptible de prendre de multiples formes) qui assigne à toute société son lieu logique, qui trace une ligne d'irréversible discontinuité entre les sociétés. L'apparition de l'État a opéré le grand partage typologique entre Sauvages et Civilisés, elle a inscrit l'ineffaçable coupure dans l'au-delà de laquelle tout est changé, car le Temps devient Histoire ».
  263. P. Clastres 2011a, p. 175 : « une société est primitive si lui fait défaut le roi, comme source légitime de la loi, c'est-à-dire la machine étatique. Inversement, toute société non primitive est une société à État : peu importe le régime socio-économique en vigueur ».
  264. Anne Simonin 1988, p. 100.
  265. Nicolas Journet 2018, p. 31 (§20 en ligne).
  266. Patrick Santini 1975, p. 5 : « Le livre de Pierre Clastres La Société contre l'État, livre profondément anti-marxiste analysant les sociétés sauvages, répond aux problèmes organisationnels des sauvages d'aujourd'hui, sauvages que nous sommes ».
  267. Patrick Santini 1975, p. 5.
  268. Agathe 1974, p. 41 : « Titre optimiste et alléchant dans un monde où le pouvoir d'État manifeste quotidiennement sa violence répressive sur les lieux de travail, d'information, dans les prisons… ».
  269. Agathe 1974, p. 43.
  270. Carmen Bernand et Sofia Fisher 1974, p. 137.
  271. Carmen Bernand et Sofia Fisher 1974, p. 138.
  272. Michel Panoff et Alfredo Margarido 1974, p. 139.
  273. Anne-Christine Taylor 2013, p. 119.
  274. (en) Robert Hecht, « PIERRE CLASTRES : La Société contre l'État, les Éditions de Minuit, Paris, 1974 », The Cambridge Journal of Anthropology, vol. 4, no 2, , p. 95-99 (lire en ligne)
  275. (en) Michael E. Brown, « Society against the State : The Fullness of the Primitive », October, vol. 6, no Autumn, , p. 61-73 (lire en ligne)
  276. (en) « Society against the State : The Leader as Servant and the Humane Uses of Power Among the Indians of the Americas : by Pierre Clastres », The American Political Science Review, vol. 73, no 2, , p. 625-626 (lire en ligne)
  277. Riccardo Ciavolella et Éric Wittersheim 2016, p. 116. Ces auteurs consacrent d'ailleurs une sous partie de leur chapitre 5, « Clastres et l'hypothèse d'une société contre l'État » (p. 116-123, italique des auteurs), à discuter les thèses avancées dans La Société contre l’État afin de juger de leur validité actuelle en vue de leur possible réactivation.
  278. Claude Rivière 2000, Voir les quelques paragraphes aux pages 47 et 48 (« 3.4. La Société contre l'État ») pour un point de vue opposé aux développements de R. Ciavolella et É. Wittersheim.
  279. Véronique Bedin et Martine Fournier 2008, p. 77.
  280. Emmanuel Terray, « Une Nouvelle anthropologie politique ? », L'Homme, vol. 29, no 110, , p. 5-29 (lire en ligne)
  281. Emmanuel Terray 1986.
  282. Emmanuel Terray 1986, p. 221.
  283. Emmanuel Terray 1986, Ainsi, il écrit aux pages 220-221 : « dans l'affaire, ni le respect des faits, ni la sensibilité aux différences, ni la simple honnêteté n'ont trouvé leur compte : ce seraient pourtant les moindres vertus qu'on serait en droit d'attendre d'un anthropologue ».
  284. Emmanuel Terray 1986, p. 220.
  285. Philippe Descola 1988.
  286. Philippe Descola 1988, p. 819 : « est-il pour autant légitime d'affirmer que la quasi-totalité des sociétés amérindiennes non andines soit caractérisée par une chefferie sans pouvoir ? Les développements récents de l'ethno-histoire et de l'archéologie des basses terres de l'Amérique du Sud incitent à remettre en cause l'universalité de cette appréciation ».
  287. Philippe Descola 1988, p. 819 : « Leur égalitarisme actuel n'est pas le fruit d'une volonté collective et obstinée de s'opposer à l'émergence du pouvoir coercitif, mais bien l'effet d'une déstructuration profonde du tissu social, miné par le démembrement démographique, la spoliation foncière, la violence militaire et l'expulsion dans des isolats inhospitaliers ».
  288. Philippe Descola 1988, p. 821.
  289. Philippe Descola 1988, p. 822.
  290. Jean-William Lapierre 1977.
  291. Jean-William Lapierre et Olivier Mongin, « Sociétés sauvages, sociétés contre l'État », Esprit, no 457, , p. 983-1015 (lire en ligne)
  292. Jean-William Lapierre 1977, Voir à la page 324 : « Lire Clastres est assurément un régal, et l'on ne peut qu'être séduit par le balancement rythmique d'un discours qui oppose le pouvoir coercitif au pouvoir non coercitif, les sociétés à État aux sociétés sans État, l'économie non politique à l'économie politique, l'arc au panier, la parole à la violence, la nature à la culture, la société sans histoire à la société historique, le chef au prophète et la structure polydémique à la structure lignagère ».
  293. Jean-William Lapierre 1977, Par exemple à la page 267 : « il nous faut convenir, avec Clastres, que si l'on adopte la définition wébérienne, on doit amputer l'anthropologie politique d'une partie de son objet en excluant de son champ un "énorme ensemble de sociétés" non seulement amérindiennes, mais aussi océaniennes, asiatiques et africaines ».
  294. Jean-William Lapierre 1977, Ainsi, à la page 325 : « Toute la séduisante rhétorique dualiste de Clastres me paraît masquer un certain nombre de contradictions et de confusions, en même temps qu'elle insinue la belle image de la société primitive — avatar ethnologique du mythe du bon sauvage : société d'abondance et de loisir, "par essence égalitaire" et dénuée de toute stratification sociale, comme de toute forme de coercition et de violence, de domination et d'exploitation, donc société sans conflits, sans aucun côté négatif ».
  295. Jean-William Lapierre 1977, p. 175-176. Et, citant la page 13 de La Société contre l'État (éd. 2011), J.-W. Lapierre ajoute à la page 178 : « Il faut donc désirer fortement se donner (et propager) une image idyllique des sociétés dites "archaïques" pour y nier "la fragilité permanente de l'équilibre entre besoins alimentaires et moyens de les satisfaire" ».
  296. Jean-William Lapierre 1977, p. 342-343.
  297. Jean-William Lapierre 1977, p. 342.
  298. Jean-William Lapierre 1977, p. 325. Voici la suite de la citation (p. 325-326) : « Pour nous racheter de l'ethnocentrisme, péché originel de l'ethnologie européenne, pratiquons un ethnocentrisme inversé. L'histoire n'est pas un progrès. Elle est une déchéance de l'humanité, du moins jusqu'à l'avènement, dans un avenir indéterminé, de nouvelles sociétés sans État : comme toujours, le mythe eschatologique du retour du bon sauvage se lie au mythe de l'humanité primitive, du paradis perdu ».
  299. Pierre Bouretz 2001.
  300. Pierre Bouretz 2001, p. 224.
  301. Pierre Bouretz 2001, p. 228 : « peut-on réellement considérer qu'il y a un modèle unique de la société primitive ? ».
  302. Pierre Bouretz 2001, p. 228.
  303. P. Clastres 2011a, p. 172, où Pierre Clastres renverse l'un des postulats du marxisme : « Et si l'on veut conserver les concepts marxistes d'infrastructure et de superstructure, alors faut-il peut-être accepter de reconnaître que l'infrastructure, c'est le politique, que la superstructure, c'est l'économique ».
  304. Pierre Bouretz 2001, p. 229.
  305. Pierre Bouretz 2001, p. 229. Pierre Bouretz conclut son article par cette remarque : « La mort accidentelle a fait que l'œuvre de Clastres demeure suspendue à cette formule ["la société contre l'État"], laissant le lecteur en compagnie de questions plus que de certitudes ».
  306. Marc Abélès 2005.
  307. Marc Abélès 2014.
  308. Marc Abélès 2005, p. 81 : « nonobstant son style particulier et les influences qu'il a pu subir, les questions que se pose Clastres, la problématique autour de laquelle s'est organisé son travail se trouvent dans le prolongement des interrogations que l'anthropologie politique a, dès sa naissance, suscitées. De Maine à Clastres, en passant par Malinowski, Mauss et Lowie, pour ne citer que les principaux protagonistes de cette histoire, il y a un fil continu ».
  309. Marc Abélès 2005, p. 79 : « Car il y a du rousseauisme dans l'insistance avec laquelle Clastres oppose la "bonne" société primitive au Mal incarné par l'État. Glissement insensible de l'anthropologie à la philosophie… ».
  310. Marc Abélès 2005, p. 72.
  311. Marc Abélès 2005, p. 73 (italique de l'auteur).
  312. Marc Abélès 2005, p. 83.
  313. Marc Abélès 2014, p. 103.
  314. Marc Abélès 2014, p. 105.
  315. Gérard Gaillard 1997, p. 230 : « Il disparaît dans un accident d'automobile en 1977 ».
  316. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1973.
  317. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1980.
  318. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1973, p. 181.
  319. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1980, p. 441.
  320. Marc Abélès 2014, p. 17. Voir aussi aux pages 28-29 : « c'est sans doute dans les travaux de Deleuze et Guattari que l'on trouve le dialogue le plus approfondi et le plus fécond avec l'anthropologue. Un dialogue finalement sans concession, qui fait une large place à la critique, sans pour autant que les auteurs de Mille Plateaux récusent l'approche de Clastres ».
  321. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1973, p. 167-327 : « Chapitre 3. Sauvages, barbares, civilisés ».
  322. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1973, p. 183.
  323. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1980, Dans la deuxième sous-partie du chapitre 12 « 1227 — Traité de nomadologie : la machine de guerre » (p. 434-527), voir aux pages 441 à 446 (italiques des auteurs) : « Problème I : Y a-t-il moyen de conjurer la formation d'un appareil d'État (ou de ses équivalents dans un groupe) ? Proposition II : L'extériorité de la machine de guerre est également attestée par l'ethnologie (hommage à la mémoire de Pierre Clastres) ».
  324. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1980, p. 441. À savoir : certaines sociétés « n'ont pas atteint le degré de développement économique, ou le niveau de différenciation politique, qui rendraient à la fois possible et inévitable la formation d'un appareil d'État ».
  325. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1980, p. 443.
  326. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1980, p. 444.
  327. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1980, p. 445.
  328. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1980, p. 445 : « Pierre Clastres creuse la coupure : entre des sociétés contre-État, dites primitives, et des sociétés-à-État, dites monstrueuses, dont on ne voit plus du tout comment elles ont pu se former ».
  329. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1980, p. 445 (italique des auteurs).
  330. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1980, p. 446. À la note n°13 de la page 444, avant d'exposer leur contre-argumentation quant au « problème » de l'apparition de l'État, G. Deleuze et F. Guattari prennent soin de rappeler au lecteur que leur jugement s'abat sur une œuvre inachevée : « on ne peut évidemment pas préjuger des solutions plus élaborées que Clastres aurait données à ce problème ».
  331. Gilles Deleuze et Félix Guattari 1980, p. 445. Ils écrivent à la page 553 : « on ne rompt pas avec l'évolutionnisme en traçant une coupure pour elle-même : Clastres, dans l'état dernier de son travail, maintenait la préexistence et l'autarcie des sociétés contre-État, et attribuait leur mécanisme à un pressentiment trop mystérieux de ce qu'elles conjuraient et qui n'existait pas encore ».
  332. P. Clastres 2012a, p. 12 (« Avant-propos » de M. Abensour).
  333. Miguel Abensour (dir.) 1987.
  334. Miguel Abensour et Anne Kupiec (dir.) 2011.
  335. Miguel Abensour, Pour une philosophie politique critique : Itinéraires, Paris, Sens & Tonka, , p. 15 : « P. Clastres c'est d'abord le nom d'une émotion, une émotion intellectuelle à la lecture émerveillée de l'article "Copernic chez les sauvages" publié dans la revue Critique en 1969. »
  336. Miguel Abensour 2012.
  337. Miguel Abensour, La Communauté politique des « tous uns ». Désir de liberté Désir d'utopie : Entretien avec Michel Enaudeau, Paris, Les Belles Lettres, , p. 98.
  338. Miguel Abensour 2012, p. 7-28 : « Préface à la seconde édition. De la démocratie insurgeante ».
  339. Miguel Abensour 2012, p. 23.
  340. Miguel Abensour et Anne Kupiec (dir.) 2011, Leurs interventions à ce colloque sont compilées dans cet ouvrage.
  341. (pt) Pierre Clastres, A Sociedade contra o Estado : Pesquisas de antropologia política, São Paulo, Cosac & Naify,
  342. Marcelo Campagno 2012.
  343. Géraldine Muhlmann 2012, p. IX.
  344. Géraldine Muhlmann 2012, p. 2-21 : « La Cité grecque : la question de la justice, l'idée démocratique ».
  345. Géraldine Muhlmann 2012, p. 755-784 : « l'État-frontières ».
  346. Géraldine Muhlmann 2012, p. XII : « L'installation du "principe-État" dans la modernité européenne sera ainsi décrite sur le fond des questions mêmes qu'elle soulève : et si l'État n'existait pas ? Et si on pensait la politique autrement, comme dans l'Antiquité peut-être, ou comme La Boétie dans le Discours de la servitude volontaire (1549) ? ».
  347. Géraldine Muhlmann 2012, p. XII.
  348. Frédéric Lordon 2015.
  349. Frédéric Lordon 2015, p. 20 : « c’est par autoaffection, productrice d’un affect commun, que la multitude se constitue elle-même en un rassemblement consistant, c’est-à-dire comme une formation politique, et non comme une collection éparse ».
  350. Frédéric Lordon 2015, p. 21.
  351. Frédéric Lordon 2015, p. 121 (italiques de l'auteur).
  352. Frédéric Lordon 2015, p. 126-127.
  353. Frédéric Lordon 2015, p. 127 (italique de l'auteur).
  354. Frédéric Lordon 2015, p. 127.
  355. Frédéric Lordon 2015, p. 128.
  356. Frédéric Lordon 2015, p. 124.
  357. Frédéric Lordon 2015, p. 124. Outre cette verticalité des sociétés sans État, F. Lordon estime que les conditions d'institution des sociétés sans État ne sont pas reproductibles (p. 125) : « L’erreur commune à tous ces projets d’importation sauvage réside évidemment dans l’ignorance des variables d’arrière-plan, décisives pour la viabilité du "modèle" là où il a été originellement mis en œuvre, mais notoirement absentes là où on se propose de l’accommoder en bouture. […]. De même la chefferie sans pouvoir qu’analyse Clastres trouve-t-elle les conditions de son efficacité dans tout l’arrière-plan des rapports sociaux tribaux, propre à des économies de subsistance, à travail très faiblement divisé, mais également, là encore, à des environnements symboliques extrêmement particuliers et, disons-le à l’usage des éventuels ingénieurs mythogènes, totalement non reproductibles. » Toujours à la page 125, F. Lordon conclut : « ces "solutions", privées de leurs conditions originelles de possibilité, ne sont… plus très possibles ».
  358. Pierre Dardot et Christian Laval 2020.
  359. Pierre Dardot et Christian Laval 2020, p. 37.
  360. Pierre Dardot et Christian Laval 2020, p. 40.
  361. Pierre Dardot et Christian Laval 2020, p. 38-39 (italiques des auteurs). Ils précisent à la page 39 : « c'est ce type d'État qui, à partir de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle, revendique ouvertement pour lui la souveraineté comme son attribut distinctif, notamment face à l'Église et au souverain pontife, et se comporte en conséquence. Antérieurement à cette date, et depuis des siècles, il y eut bien entendu nombre d'États dirigés par un souverain, mais c'est la première fois que l'État se disait souverain en tant qu'État et s’efforçait d’agir conformément à cette prétention dans sa relation avec ses propres membres comme dans sa relation avec les autres États ».
  362. Pierre Dardot et Christian Laval 2020, p. 37. Ils ajoutent : « Il s'agit plutôt d'une construction contingente et non d'une nécessité résultant de l'essence de la société ou encore d'un invariant anthropologique indépassable ».
  363. Pierre Dardot et Christian Laval 2020, p. 37-38 (italiques des auteurs).
  364. (en) Pierre Clastres, Society Against the State, Eugene, Anarchist Action Collective,
  365. (en) Robert Graham (ed.), Anarchism. A Documentary History Of Libertarian Ideas : Volume Two, The Emergence Of The New Anarchism (1939-1977), Montreal / New-York / London, Black Rose Books, (lire en ligne [PDF]), p. 372-385 : « Pierre Clastres : Society Against the State (1974) »

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Articles et Entretiens

Des liens vers les textes de La Société contre l’État actuellement disponibles sur internet sont donnés dans la sous-partie « 2.3 Plan de l’ouvrage » (et au début de chaque chapitre du résumé).

  • P. Clastres, « Mission au Paraguay et au Brésil », L'Homme, vol. 7, no 4, , p. 101-108 (lire en ligne)
  • L'Anti-mythes, « Entretien avec Pierre Clastres (14 décembre 1974) », L'Anti-mythes, no 9, , p. 1-26 (lire en ligne) [PDF], (notice BnF no FRBNF43535720)
  • Pierre Clastres, « La Société contre l'État (miscellanées) », Le SIA de Caen, (lire en ligne) [PDF], ce document compile l'interview donnée à L'Anti-mythes (n°9, mars 1975, désormais reprise dans le cahier Pierre Clastres chez Sens & Tonka et réédité à part chez le même éditeur), l'article donné par P. Clastres à la revue Interrogations La question du pouvoir dans les sociétés primitives » n°7, mars 1976, désormais repris dans Recherches d'anthropologie politique au Seuil), enfin, le chapitre 11 (« La société contre l’État », 1974) du livre La Société contre l’État

Ouvrages

  • P. Clastres, Chronique des Indiens Guayaki : Ce que savent les Aché, chasseurs nomades du Paraguay, Paris, Pocket, coll. « Terre Humaine Poche », (1re éd. 1972)
  • P. Clastres, La Société contre l'État : Recherches d’anthropologie politique, Paris, Minuit, coll. « Reprise », 2011a (1re éd. 1974), [lire en ligne], chapitre 11, conclusion
  • P. Clastres, Le Grand Parler : Mythes et chants sacrés des Indiens Guarani, Paris, Seuil, 2011b (1re éd. 1974)
  • P. Clastres, Entretien avec l'Anti-mythes, 1974, Paris, Sens & Tonka, 2012a (1re publication de l'entretien 1975)
  • P. Clastres, Recherches d'anthropologie politique, Paris, Seuil, 2012b (1re éd. 1980)
  • P. Clastres, Mythologie des Indiens Chulupi, Louvain-Paris, Peeters, coll. « Bibliothèque de l'École des hautes études »,

Articles

  • Carmen Bernand et Sofia Fisher, « Les Mots de la tribu », L'Homme, vol. 14, no 2, , p. 137-138 (lire en ligne)
  • Michel Panoff et Alfredo Margarido, « De l'Ethnologie comme torture des faits ? », L'Homme, vol. 14, no 2, , p. 139-142 (lire en ligne)
  • Agathe, « La Société contre l'État, Pierre Clastres, Éd. De Minuit, Collection "Critique" (1974) », La Lanterne Noire. Revue de critique anarchiste, no 2, , p. 41-43 (lire en ligne) [PDF]
  • Marc Richir, « Quelques réflexions épistémologiques préliminaires sur le concept de sociétés contre l'État », in L'Esprit des lois sauvages : Pierre Clastres ou une nouvelle anthropologie politique, Paris, Seuil, , p. 61-71 (lire en ligne), ouvrage dirigé par Miguel Abensour [PDF]
  • Philippe Descola, « La chefferie amérindienne dans l’anthropologie politique », Revue française de science politique, vol. 38, no 5, , p. 818-827 (lire en ligne)
  • Pierre Bouretz, « CLASTRES Pierre, 1934-1977. La Société contre l'État, 1974 », in Dictionnaire des œuvres politiques, Paris, PUF, « Quadrige », , p. 223-231, ouvrage dirigé par François Châtelet (1re éd. 1986)
  • Régis Meyran, « Entre ethnologie et philosophie politique », Sciences Humaines, no 173, , p. 64 (lire en ligne)
  • Marcelo Campagno, « Pierre Clastres et le problème de l’émergence de l’État », sur Revue du MAUSS permanente, (consulté le )
  • Audrey Bertrand, « À propos de Pierre Clastres, La Société contre l’État, Paris, Les éditions de Minuit, 1974, chapitre 2 "Échange et pouvoir : philosophie de la chefferie indienne", p. 25-42. », sur Lectures en sciences sociales, (consulté le )
  • Anne-Christine Taylor, « Pierre Clastres et la dérision du pouvoir chez les Indiens : un commentaire », Terrain, no 61, , p. 114-121 (lire en ligne), DOI:10.4000/terrain.15203
  • Nicolas Journet, « Pierre Clastres. La politique du sauvage », Sciences Humaines, no 303, , p. 31 (lire en ligne)

Ouvrages

  • Miguel Abensour (dir.), L'Esprit des lois sauvages : Pierre Clastres ou une nouvelle anthropologie politique, Paris, Seuil,
  • Miguel Abensour et Anne Kupiec (dir.), Pierre Clastres, Paris, Sens & Tonka,

Articles

  • (en) Robert H. Lowie, « Some Aspects of Political Organization Among the American Aborigines » », The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, vol. 78, nos 1/2, , pp. 11-24 (lire en ligne)
  • Patrick Santini, « Démocrates, marxistes et nomades », Marge, no 7 Août-Septembre, , p. 4-6 (lire en ligne) [PDF]
  • Joseph Pestieau, « Société et politique avec ou sans État », Philosophiques, vol. 6, no 2, , p. 235–252 (lire en ligne)
  • Emmanuel Terray, « L'État, le hasard et la nécessité : Réflexions sur une histoire », L'Homme, vol. 26, nos 97-98, , p. 213-224 (lire en ligne)
  • Éric Biedermann, « L'État, l'opportunité et l'ambition : Réponse à Emmanuel Terray », L'Homme, vol. 26, no 100, , p. 159-162 (lire en ligne)
  • Anne Simonin, « L'aventure des idées : Éléments d'une chronologie, 1953-1987 », Le Débat, no 50, , p. 5-170
  • Luc de Heusch, « Anthropologie et science(s) politique(s) », Raisons Politiques, no 22, , p. 23-48 (lire en ligne)
  • Lucia Sagradini, « Critique de l’État : la constellation négative : Pierre Clastres, Claude Lefort, Miguel Abensour et Françoise Proust », Variations [En ligne], no 12, (lire en ligne)
  • Paulin Ismard, « Le simple corps de la cité : Les esclaves publics et la question de l'État grec », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 69e année, , p. 723-751 (lire en ligne)
  • Romain Bertrand, « Comment jouer à chat perché avec l’État », Critique, no 810, , p. 895-904 (lire en ligne)
  • Étienne Tassin, « Aperçus sur la critique de l’État dans la pensée philosophique de langue française », Tumultes, no 44, , p. 159-175 (lire en ligne)
  • Anders Fjeld, « L’économie étatique de la violence : accumulation originaire, suridentification et contrôle punitif », sur Implications Philosophiques,
  • Anonyme, « De la guerre contre l’État à la guerre contre le corps social », sur Lundi Matin, (consulté le )

Ouvrages

  • (en) Robert H. Lowie, Social organization, London, Routledge and Kegan Paul, coll. « International library of sociology and social reconstruction »,
  • Gilles Deleuze et Félix Guattari, Capitalisme et schizophrénie 1 : L' Anti-Œdipe, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Critique », (1re éd. 1972)
  • Jean-William Lapierre, Vivre sans État ? : Essai sur le pouvoir politique et l'innovation sociale, Paris, Seuil, coll. « Esprit »,
  • Gilles Deleuze et Félix Guattari, Capitalisme et schizophrénie 2 : Mille Plateaux, Paris, Minuit, coll. « Critique »,
  • François Dosse, L'Empire du sens : L'humanisation des sciences humaines, Paris, La Découverte & Syros, coll. « Poche – Sciences humaines et sociales », (1re éd. 1995)
  • Philippe Gottraux, « Socialisme ou Barbarie » : Un engagement politique et intellectuel dans la France de l'après-guerre, Lausanne, Éditions Payot Lausanne, coll. « Sciences politiques et sociales »,
  • Gérard Gaillard, Dictionnaire des ethnologues et des anthropologues, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus – Sociologie »,
  • Claude Rivière, Anthropologie politique, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus – Sociologie »,
  • Marc Abélès, Anthropologie de l'État, Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », (1re éd. 1990), nouvelle édition
  • Véronique Bedin et Martine Fournier, La bibliothèque idéale des sciences humaines, Auxerre, Sciences Humaines Éditions, coll. « Petite bibliothèque »,
  • Miguel Abensour, La Démocratie contre l'État : Marx et le moment machiavélien, Paris, Félin, coll. « Le Félin Poche », (1re éd. 1997)
  • Géraldine Muhlmann, Histoire des idées politiques, Paris, PUF, coll. « Quadrige Manuels », (1re éd. 1982)
  • François Dosse, Histoire du structuralisme : Tome I : Le champ du signe 1945-1966, Paris, La Découverte, coll. « Poche – Sciences humaines et sociales », 2012a (1re éd. 1991)
  • François Dosse, Histoire du structuralisme : Tome II : Le chant du cygne 1967 à nos jours, Paris, La Découverte, coll. « Poche – Sciences humaines et sociales », 2012b (1re éd. 1992)
  • Georges Balandier, Anthropologie politique, Paris, PUF, coll. « Quadrige », (1re éd. 1967)
  • Marc Abélès, Penser au-delà de l'État, Paris, Belin, coll. « Anthropolis »,
  • Florence Weber, Brève histoire de l'anthropologie, Paris, Flammarion, coll. « Champs Essais »,
  • Frédéric Lordon, Imperium : Structure et affects des corps politiques, Paris, La Fabrique,
  • Riccardo Ciavolella et Éric Wittersheim, Introduction à l'anthropologie du politique, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, coll. « Ouvertures politiques »,
  • Pierre Bonte et Michel Izard (dir.), Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, Paris, PUF, coll. « Quadrige – Dico Poche », (1re éd. 1991)
  • Pierre Dardot et Christian Laval, Dominer : Enquête sur la souveraineté de l'État en Occident, Paris, La Découverte,

Divers

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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