Besoin

Les besoins recouvrent l'ensemble de tout ce qui apparaît « être nécessaire » à un être, que cette nécessité soit consciente ou non. De nombreuses classifications des besoins ont été proposées (cf. ci-dessous). Elles sont souvent contestées au motif qu'elles postulent que les besoins sont identiques pour tous les êtres humains.

Ce postulat est en particulier relativisé sinon contesté par l'existence du désir, du projet ou de la vocation, qui – pour les psychologues et les psychanalystes – constituent le fait majeur de la personne en tant que sujet.

Étymologie

Le terme provient du francique « bisunnia »[1] formé à partir du préfixe germain « bi- » signifiant « auprès » (cf l'allemand « bei ») et du radical « soin ».

Le terme est ainsi voisin dès le XIIe siècle de mots anciens tels que :

  • besogne : « pauvreté, nécessité » (forme féminine du besoin) puis « travail et souci » (dont l'usage perdure jusqu'au XVIIe siècle).
  • besogner : « être dans le besoin » et besogneux : « qui est dans le besoin ».

Enjeux et éthique du besoin

Le sujet « subit » son besoin, tandis qu'il « exprime » son désir, son projet, sa vocation[2].

Le désir est un affect existentiel et personnel, Cet obscur objet du désir renvoie à son inaccessibilité, à l'impossibilité à combler le manque.

Lorsque le besoin est frustré, il correspond à une sensation de manque, d'inconfort ou de privation, qui est accompagné par l'envie de la faire disparaitre par un comportement menant à un mieux-être à travers un désir. Lorsque le besoin est satisfait, il engendre un sentiment de bien-être, de plaisir et de joie, accompagné d'un désir de faire durer cette satisfaction.

Hiérarchie des besoins

[réf. nécessaire]Les besoins se situent à la jonction entre le biologique et le culturel, entre le corps et l'esprit, et mettent en jeu l'interaction entre l'individu et son environnement. Les travaux de référence réalisés en la matière débouchent sur l'idée d'un classement des besoins humains en trois grandes catégories : les besoins fondamentaux, les besoins primaires, les besoins secondaires[réf. souhaitée].

  1. Les besoins fondamentaux, également appelés besoins élémentaires, nécessaires ou encore physiologiques, sont les besoins indispensables au système « humain » en tant qu’élément de base vivant dans un environnement défini : l'individu doit pouvoir se protéger des éléments qui mettent en péril son intégrité personnelle et son fonctionnement de base : Se loger, s'habiller, assurer sa sécurité physique, se nourrir (air, eau, aliments), se reproduire, assumer ses processus de régulation interne (phéromones, hormones, influx nerveux...), se mouvoir, maintenir les caractéristiques de son environnement direct dans le cadre d'un horizon prévisionnel suffisant, disposer d'une capacité de sauvegarde ou d'amélioration de son état de santé, d'avoir des contacts sociaux réels plutôt que fictifs (dans l'isolement total des phénomènes de dédoublement de personnalité peuvent survenir).
  2. Les besoins primaires sont des besoins légitimes mais qui se distinguent des précédents dans la mesure où leur satisfaction ne présente pas le même caractère d'urgence « vitale ». Leur satisfaction -bien que moins urgente- présente un caractère nécessaire ou à tout le moins hautement souhaitable pour les personnes concernées. Ainsi, le besoin d'éducation ou de formation pourrait représenter cette catégorie : l'absence d'éducation n'empêche pas de survivre, mais demeure l'un des besoins dont la nécessité n'est pas contestable dès que l'assurance de la survie d'une personne est acquise. La définition et l'expression des besoins primaires dépendent directement de la personne elle-même, ainsi que de la situation concrète, du temps et de l'environnement où elle se trouve.
  3. Les besoins secondaires recouvrent les besoins légitimes qui permettent aux personnes de se réaliser humainement, voire idéalement de se surpasser. Comme le dit Carl Jung, il s'agit que chaque personne « puisse faire de sa vie un destin ». Ce type de besoin n'est pas une urgence vitale (besoin fondamental), ni une priorité nécessaire (besoin primaire), mais relève de la volonté de la personne de trouver un sens et de réaliser et/ou d'achever sa vie en conformité avec sa volonté, avec son projet ou sa vocation.

Liste ou norme des besoins

Les auteurs n'ont pas manqué pour tenter de définir une liste -sinon une norme- des besoins censés être reliés à l'appartenance au genre humain. Ainsi le besoin de justice, de morale, d'appartenance à un collectif social plus vaste (par exemple : la société, qui signifie être associé à ... ou la religion, qui étymologiquement veut dire « être relié à ... »), besoin de culture, et autres... .

De telles classifications ne font cependant pas l'unanimité :

  • Sous une même dénomination elles peuvent désigner des catégories de besoins différentes.
  • L'origine des besoins cités pose problème : Certains considèrent comme étant des « besoins secondaires ou besoins d'ordre philosophique » ce que d'autres considèrent comme « besoins fondamentaux ou besoins primaires ».

En tout état de cause, il convient d'aborder avec prudence les listes à caractère prétendument « universel » : des distinctions semblent inévitables compte tenu de leur caractère relatif, subjectif, finalement dépendant des individus et du contexte social.

Par exemple, dans les sociétés occidentales développées et sédentarisées, un logement chauffé, muni de l'eau courante est considéré comme besoin fondamental ou primaire, alors qu'il n'en va pas de même chez les tribus traditionnelles et nomades d'Afrique ou d'Asie.

Pyramide de Maslow

Pyramide de Maslow

Le psychologue américain Abraham Maslow classe les besoins de manière hiérarchique, ses successeurs les représenteront sous la forme d'une pyramide, mais cette pyramide est une idée de Maslow lui-même. L'idée forte et positive de cette vision est qu'il convient d'abord - par analogie avec la façon dont on réalise une construction - de travailler les fondations, puis d'édifier successivement - l'un après l'autre - les différents étages supérieurs. Ainsi en priorité, il s'agit de satisfaire d'abord les « besoins fondamentaux », puis un à un, les besoins de « niveau inférieur », avant de pouvoir satisfaire de manière progressive les besoins situés aux niveaux supérieurs de la « pyramide ».

Les 14 besoins fondamentaux selon V. Henderson

En 1947, une infirmière américaine sur la base de son activité professionnelle présente une liste de quatorze besoins réputés fondamentaux.

Trois facteurs d'Alderfer

Clayton Alderfer s’inspire de la classification hiérarchique des besoins selon Maslow. La vision est simplifiée en trois niveaux présentés comme complémentaires et non hiérarchisés (à la différence de la pyramide des besoins de Maslow). Elle se trouve davantage utilisée en gestion par les spécialistes en ressources humaines[3].

  1. Le besoin d’existence correspond aux deux catégories de base de la Pyramide des besoins de Maslow : la sécurité et les besoins physiologiques. Ce facteur est influencé, en milieu de travail, par la rémunération et les conditions de travail principalement. Une fois ces facteurs contrôlés, les gestionnaires verront leurs employés plus motivés et plus accomplis[4].
  2. Le besoin de sociabilité : l’être humain a besoin d'amour et d’appartenance. Il ressent le besoin d’être associé et d'inter-agir avec d'autres personnes et finalement de se faire reconnaître au sein d’un groupe[4].
  3. Le besoin de croissance : l’être humain a besoin de s’épanouir. Il doit pouvoir réaliser ses ambitions, accomplir de nouvelles choses et grandir en tant qu’individu. L'épanouissement s'obtient en se fixant et en réalisant des objectifs[4].

Besoin de réalisation de McClelland

Cette théorie est construite en 1961 à partir de la mesure des besoins opérée à l'aide du Thematic Apperception Test (TAT). David McClelland fait ressortir trois types de besoins situés au sommet de la pyramide de Maslow, qui constituent à ses yeux la motivation au travail :

  1. Les besoins de réalisation : ceci renvoie à l'envie de réussir (Accomplissement) ;
  2. Les besoins de pouvoir : ceci renvoie à vouloir avoir de l'influence sur autrui ;
  3. Les besoins d'affiliation : ceci renvoie au besoin de relations sociales satisfaisantes.

Ces trois types de besoins semblent montrer que « la volonté de réussir est une auto-motivation puissante »[5].

Théorie des besoins humains fondamentaux selon Manfred Max-Neef

« On croit traditionnellement que les besoins humains tendent à être infinis, qu'ils changent tout le temps, qu'ils sont différents dans chaque culture ou environnement et qu'ils sont différents à chaque période historique. Il est suggéré ici que ces hypothèses sont inexactes, car elles sont le produit d'une lacune conceptuelle. » [6]

L'économiste chilien Max-Neef distingue d'une part les besoins et d'autre part les manières de les satisfaire, qu'il appelle d'un mot anglais : "satisfiers" ("combleurs"). Il postule que la difficulté à distinguer les deux nous fait croire que les besoins sont infinis, insatiables et évoluent constamment. Pour lui au contraire, les besoins humains fondamentaux sont en nombre fini, peu nombreux, classifiables et invariables ; on retrouve les mêmes à toutes les époques dans toutes les civilisations, indépendamment des circonstances socio-économiques. Il classe ainsi tous les besoins en neuf catégories : subsistance, protection, affection, compréhension, participation, oisiveté, création, identité, liberté. Dans ce modèle, il n'y a ni hiérarchie ni compétition entre les besoins.

Ses travaux ont inspiré Marshall Rosenberg, le fondateur de la Communication non violente.

Un concept multidimensionnel

Besoins et utilité

Dans les sociétés occidentalisées contemporaines qui sont des sociétés de consommation la croyance en une diversité illimitée de besoins eux-mêmes plus ou moins illimités est largement répandue.

Pour certains historiens de l'économie (voir en particulier Karl Polanyi) un tel système n'est qu'un cas très particulier de société, organisé selon une logique de marché où se constate un double mouvement qui s'auto-entretient :

  • D'une part, la création d'un bien de consommation qui provoque la création et la stimulation d'un consommateur et de ses besoins.
  • Et inversement, le développement numérique et qualitatif des consommateurs stimule en retour la création et la production de biens.

Les anthropologues soulignent également le caractère tout à spécifique, récent, et socialement construit d'une telle perspective. Pour preuve, les exemples d'organisation spontanés révélés par l'histoire font état de formes d'expression et de satisfaction des besoins qui semblent fonctionner de façon tout à fait différentes, notamment via la logique d'une économie de don et de la réciprocité[7]. Ainsi, de nombreuses tribus autochtones nomades n'accumulent à peu près aucun bien et voient leurs besoins être régulés et harmonisés dans le cadre des us et coutumes prévus par les relations sociales applicables aux différents types de besoins.

En matière économique, en particulier dans les systèmes libéraux[8], au-delà des simples besoins -et parfois à leur lieu et place- les envies et les désirs que certains considèrent comme superflus sont souvent sollicités et traduits en besoins. Dans ces conditions, il peut souvent se produire que la création d'une « demande » (laquelle est un besoin solvable) prenne le pas sur la satisfaction de ce qui constitue le « besoin réel ».

Dans cette hypothèse, la logique de recherche de la rentabilité peut contredire le souci du service réel du consommateur réel, et affirmer que l'on satisfait le « besoin » de tous et de chacun serait abusif : En réalité, dans cette optique à visée mercantile, seuls sont effectivement satisfaits les besoins sous deux conditions : qu'ils soient réputés solvables, et qu'ils correspondent aux produits services offerts sur le marché.

Distinguer entre ce qui est besoin, ce qui est envie et ce qui est utilité repose largement sur la subjectivité. Par contre le besoin fondamental peut se définir en termes objectifs et quantifiables (à partir de quelle limite de non-satisfaction la survie reste possible, ou la survie en étant capable d'assurer une fonction attendue).

Besoins et désirs

Les « vrais » et les « faux » besoins sont différents. La sentence stoïcienne « limite-toi aux désirs que tu peux satisfaire » repose sur la morale de la Grèce Antique selon laquelle l’homme ne doit poursuivre que la satisfaction de ses besoins et non celle de ses désirs. Le seul désir acceptable serait dès lors le désir de ne pas désirer. Les premiers correspondant à la vérité de ce qui est réellement nécessaire pour satisfaire notre nature et les seconds à l'opinion fondée sur l'imagination. Ainsi, pour Épicure, avoir un abri et des amis sont des vrais besoins alors que posséder une grande richesse et être célèbre sont de faux besoins. La différence entre vrai et faux besoin est que le premier peut être comblé alors que le second ne peut pas l'être. Une grande partie de l'éthique consiste dès lors à distinguer vrais et faux besoins pour se libérer des seconds et vivre dans la liberté pour être satisfait et heureux.

Besoins et ressources

Les envies humaines sont nombreuses et leurs limites se trouvent être l'imagination, ainsi la satisfaction de ces envies peut être impossible. Les besoins humains sont, quant à eux, cernables parce qu'ils appartiennent au concret. Les ressources étant limitées, il apparaît nécessaire à l'homme de les transformer pour satisfaire ses besoins.

L'activité économique vise la réalisation de ces besoins secondaires par la création de l'envie de consommation à travers le phénomène de rareté. On peut en effet remarquer que les besoins secondaires sont illimités. Car on constate qu'à mesure qu'un besoin est satisfait, un autre apparaît.

Notes et références

  1. Dictionnaire étymologique Larousse, Paris 1971
  2. Pierre Goguelin, Professeur de psychologie du travail au CNAM, in Congrès de la Société française de psychologie, Éditions ESF, Paris 1982
  3. , « (p112-112) », Dictionary of Human Resource Management, Oxford University Press, 2001 ; édition en ligne : mars 2011.
  4. Arnolds C.A., Boshoff C., « Arnold, Boshoff I (c. 697-719) », International Journal of Human Resource Management, Routledge Taylor and Francis group, juin 2002 ; édition en ligne : mars 2011.
  5. Sylviane Fritz, Moi et le management — Être l'acteur de son développement personnel, De Boeck Université, p. 67 (ISBN 2-8041-2672-2).
  6. (en) Manfred Max-Neef, Human Scale Development ; Conception, Application and Further Reflections, The Apex Press, Three Postulates and Some Propositions (page 16)
  7. cf l'œuvre de l'anthropologue Marcel Mauss
  8. Karl Polanyi, La Grande Transformation

Annexes

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