Corps des ponts et chaussées (France)

Le corps des ponts et chaussées était un grand corps de l’État, devenu au le Corps des ponts, des eaux et des forêts par sa fusion avec le corps des ingénieurs des eaux et des forêts.[1] Il était un corps technique d'encadrement supérieur de la fonction publique d'État, à vocation interministérielle.

Pour les articles homonymes, voir IPC.

Échangeur autoroutier

Ses membres étaient appelés ingénieurs des ponts et chaussées.

L'appellation "ingénieur des ponts et chaussées" désigne aussi les ingénieurs diplômés de l’École nationale des ponts et chaussées qui ne sont pas membres du corps des ponts.

Histoire du corps des ingénieurs des ponts et chaussées

Jeton des ponts et chaussées. Titulature revers : ET. FOEDERA. SANCIT ; à l'exergue : 1655 . Description revers : Un pont à cinq arches avec deux entrées .Traduction revers : Il garantit aussi le traité.

Par un édit de 1599, Henri IV a nommé Sully grand voyer de France, chargé de l'administration des voies de communication du royaume. Ses attributions sont précisées dans une déclaration de 1604 et un règlement de 1605. Il a conservé cette charge une douzaine d'années. Cette charge a été supprimée par l'édit de à la suite de plaintes de trésoriers généraux de France qu'un édit d' avait chargé d'« ordonner les deniers destinés pour les ponts et chaussées »[2],[3].

Après la disgrâce de Nicolas Fouquet, le roi a supprimé la charge de surintendant des Finances et créé un conseil royal des finances dont il assurait la présidence. Un de ses membres était intendant des finances, chargé de «l'épargne dans son département, et en conséquence tenir le registre de toute la recette et dépense ...»[4]. Colbert est nommé à ce poste et, peu de temps après, en 1665, a porté le titre de contrôleur général des finances. Il a commencé par retirer aux trésoriers de France la partie administrative et technique des ponts et chaussées, leur laissant la partie financière et contentieuse. Pour cette partie technique, il nomme des intendants ou commissaires départis aux ponts et chaussées dans les généralités qui pouvaient correspondre directement avec lui[5].

À partir d'octobre 1669, Colbert constate que la charge de commissaire départi est trop lourde, et il fait nommer pour les assister, en arrêts du Conseil d'État, des commissaires pour les ponts et chaussées, un par bureau des finances de chaque généralité, choisi en général par le commissaire départi. Leurs fonctions consistent « à visiter, conjointement avec le sieur commissaire départi en la généralité ou séparément, ainsi que ledit sieur commissaire avisera plus à propos, les ponts, chemins et chaussées de ladite généralité, dresser le procès-verbal de l'état d'iceux et faire faire en sa présence, par personnes intelligentes et capables, les devis et estimations des ouvrages nécessaires pour réparer et entretenir en bon état ; sur lesquels il sera ensuite procédé, conjointement avec ledit sieur commissaire départi et non autrement, à l'adjudication au rabais desdits ouvrages, les publications en tel cas requises préalablement faites ; et après la perfection d'iceux, et fera la réception de la manière accoutumée »[6]. Ces commissaires vont être de plus en plus sous le contrôle des intendants chargés des généralités. Il a fait construire nombre de ponts ainsi que des digues pour parer aux crues de la Loire et également de nombreuses jetées dans les ports. Pendant la période où il a réellement le pouvoir, il multiplie par trente le budget des ponts et chaussées, qui passe de 22 000 livres en 1662 à 623 000 livres en 1671[7]. C'est dans un arrêt du qu'apparaît pour la première fois le titre d' ingénieur ordinaire de Sa Majesté dans la nomination de Marcilly Dieulamant pour faire les visites et devis des ouvrages sur la rivière d'Yonne et ses affluents depuis Montereau[8]. Parmi les personnalités qui sont employées par Colbert et Louvois, il y a Nicolas Poictevin, chargé des ponts et chaussées des Généralités de Bourges, Moulins, Orléans, Riom et Tours, Libéral Bruand, François Romain, André Félibien et son fils Jean-François, Ponce Alexis de La Feuille de Merville ( -1684), commis sur le canal des Deux-Mers.

En 1701, Michel Chamillart est contrôleur général des finances et secrétaire d'État de la Guerre. Ne pouvant remplir ces deux fonctions correctement, il fait nommer deux directeurs chargés de l'administration. Joseph Fleuriau d'Armenonville est nommé directeur ayant dans son département la charge du détail des ponts et chaussées, les turcies et levées de la Loire, le barrage et pavé de Paris. Il est rapporteur au conseil des finances de ces matières. En 1708, Nicolas Desmarets le remplace comme contrôleur général des finances qui supprime le poste de directeur chargé des ponts et chaussées, mais avant 1712, il a rétabli un poste équivalent en l'attribuant à un de ses intendants des finances, Charles Henri de Malon, seigneur marquis de Bercy. C'est au cours de la gestion des finances du royaume par Chamillart qu'est pris l'arrêt du conseil, le , posant une règle d'art du tracé des routes qui est une première règle d'expropriation pour cause d'utilité publique. Cet arrêt va permettre la réalisation des grandes routes alignées et larges. Ce premier arrêt ne concerne d'abord que les chemins pavés, mais il va progressivement s'étendre aux chemins non pavés. L'arrêt du fixe la largeur des chemins[9].

Un arrêt du désigne onze inspecteurs généraux des ponts et chaussées. Une ordonnance prise par le Régent le , réorganise la haute administration du royaume en créant la polysynodie, dont font partie le Conseil des affaires du dedans du royaume et le Conseil de finances. Le Conseil du dedans est présidé par le duc d'Antin. Le marquis de Beringhen a été chargé de la direction générale des ponts et chaussées jusqu'à son décès, en 1723. Les onze inspecteurs généraux et vingt deux ingénieurs nommés en 1713 sont révoqués par mesure d'économie par l'arrêt du . Cet arrêt établi « un inspecteur général des ponts et chaussées du royaume, un architecte et premier ingénieur des ponts et chaussées, trois inspecteurs desdits ponts et chaussées, et 21 ingénieurs des ponts et chaussées[10],[11] ».

L'arrêt du nomme[12] :

  • de La Hite, inspecteur général,
  • Jacques V Gabriel, architecte et premier ingénieur des ponts et chaussées,
  • de La Guépière, Henri Gautier et Fayolle, inspecteurs (ils avaient été nommé inspecteurs généraux en 1713).

pour assurer la création d'un véritable réseau routier national en France. Le recrutement des ingénieurs est assuré par la création en 1747 de l'École des ponts et chaussées, école qui ne prend ce nom qu'à partir de 1760.

Au cours du XVIIIe siècle, les missions sont élargies : régularisation des rivières, construction des canaux, travaux portuaires. Le corps devient le principal responsable des travaux publics.

Au cours du XIXe siècle, le démarrage de l'industrialisation a un fort impact sur les modes de transport : routes, ouvrages hydrauliques et chemins de fer. L'École nationale des ponts et chaussées devient un établissement d'application de l'École polytechnique.

Sous l'Empire, les ingénieurs sont tenus au port de l'uniforme[13],[14].

La prééminence des ingénieurs des Ponts et Chaussées, traditionnellement favorable au béton, dans les structures administratives et techniques françaises depuis 1940, va conduire à la généralisation de l'usage du béton armé préfabriqué dans les logements de masse tel qu'il se profile à Libération de la France pour s'achever en 1953[15].

Au cours du XXe siècle, de nouveaux défis techniques apparaissent : développement de l'automobile (tracés routiers, revêtements), ouvrages d'art en béton armé ou précontraint. Le corps est responsable du domaine de l'urbanisme, au travers du ministère des Travaux publics, puis en 1966 du ministère de l'Équipement : aménagement du territoire, politique autoroutière, grandes infrastructures portuaires, équipements touristiques, etc.

Depuis 2001, les missions de maîtrise d'œuvre exercées par les services de l'État sont soumises aux mêmes règles de concurrence que celles des bureaux d'études privés. Par conséquent, les collectivités territoriales ont désormais beaucoup moins recours aux ingénieurs des services publics dont l'emprise était quelquefois ressentie comme une tutelle.

En 2002, le corps des ponts et chaussées absorbe le corps des ingénieurs de l'aviation civile, ainsi que celui des ingénieurs géographes, et celui des ingénieurs de la météorologie.

En outre à la suite du décret no 2009-1106 du 10 septembre 2009, le corps des ingénieurs des ponts et chaussées fusionne avec le corps des ingénieurs du génie rural et des eaux et des forêts pour former le corps des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts (ou IPEF).

Les grands noms issus du corps des ingénieurs des ponts et chaussées

À partir de 1794, date de création de l'École polytechnique destinée à l'origine à donner des savants à la France, un certain nombre d'élèves se trouvant parmi les meilleurs de cette école intègrent le corps des ingénieurs des ponts et chaussées ; ainsi celui-ci compte des scientifiques français, depuis le début du XIXe siècle : le physicien Fresnel, les mathématiciens Cauchy, Coriolis et Navier, jusqu'au début du XXe siècle avec Henri Becquerel, premier prix Nobel français en 1903. Il compte aussi un économiste, Jean Tirole, prix Nobel d’économie en 2014.

Liste alphabétique d'ingénieurs des ponts et chaussées

Ingénieurs civils des ponts et chaussées célèbres

Le corps des ingénieurs des ponts et chaussées au début du XXIe siècle

Recrutement

À l'origine, les ingénieurs des ponts et chaussées étaient recrutés uniquement parmi les anciens élèves de l'École polytechnique, après une formation appliquée à l'École nationale des ponts et chaussées. À la fin de son existence, le corps avait un recrutement un peu plus ouvert, ce qui permettait à un groupe plus large que celui des polytechniciens de devenir ingénieur des ponts et chaussées.

Activités

Peu avant sa disparition, le corps des ingénieurs des ponts et chaussées avait acquis une nouvelle dimension grâce à la fusion en 2002 avec les corps des ingénieurs de l'aviation civile, des ingénieurs de la météorologie, et des ingénieurs géographes.

Ses métiers couvraient une palette très large autour de l’aménagement sous toutes ses formes, qu’elles se rapportent à l’urbanisme, à la construction, aux transports et la sécurité routière[19], à l’énergie ou à l’environnement et qu’elles relèvent de la conception, du financement, de la réalisation ou de l’exploitation de projets et d’ouvrages de toutes natures.

À ces missions, il fallait aussi ajouter celles qui correspondent à la nature « interministérielle » du corps et qui, de façon progressive et significative le conduisaient à exercer dans de nombreux domaines de l'action publique.

Effectifs

En 2009, le corps des ponts et chaussées comptait près de 1 750 ingénieurs des ponts et chaussées (en position normale d'activité, détachement, disponibilité et hors cadre), dans et hors de l'administration. Environ 800 ingénieurs exerçaient au ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, 170 dans les services de la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC), 60 à l'Institut national de l'information géographique et forestière, 200 à Météo-France. Environ 160 ingénieurs des ponts et chaussées exerçaient dans d’autres ministères ou à l’international (Écologie et Développement durable, Industrie, Finances, Affaires étrangères, Intérieur, Justice, Défense, etc.). Près de 300 étaient détachés dans des entreprises et établissements publics et dans les collectivités territoriales. Enfin, environ 250 anciens ingénieurs démissionnaires et 50 ingénieurs en disponibilité exerçaient dans le secteur privé.

Le corps des ponts et chaussées comportait 3 grades :

  • ingénieur des ponts et chaussées (10 échelons) (33,8 % des effectifs en position normale d'activité et détachés en 2005)
  • ingénieur en chef des ponts et chaussées (7 échelons) (38,3 % des effectifs en position normale d'activité et détachés en 2005)
  • ingénieur général des ponts et chaussées (3 échelons) (27,9 % des effectifs en position normale d'activité et détachés en 2005)

Notes et références

  1. Décret n°2002-523 du 16 avril 2002 portant statut particulier du corps des ingénieurs des ponts et chaussées
  2. André Brunot, Roger Coquand, Le corps des ponts et chaussées, p. 5.
  3. Eugène-Jean-Marie Vignon, Études historiques sur l'administration des voies publiques en France au XVIIe et XVIIIe siècles, tome 1, p. 54.
  4. Règlement du 15 septembre 1661.
  5. Eugène-Jean-Marie Vignon, tome 1, p. 65.
  6. Eugène-Jean-Marie Vignon, Études historiques sur l'administration des voies publiques en France au XVIIe et XVIIIe siècles, tome 1, p. 66.
  7. Colbert, la politique du bon sens, Michel Vergé-Franceschi, Petite Bibliothèque Payot, 2003, p. 351
  8. André Brunot, Roger Coquand, Le corps des ponts et chaussées, p. 7.
  9. Eugène-Jean-Marie Vignon, Études historiques sur l'administration des voies publiques en France au XVIIe et XVIIIe siècles, tome 2, p. 3-4.
  10. Eugène-Jean-Marie Vignon, Études historiques sur l'administration des voies publiques en France au XVIIe et XVIIIe siècles, tome 2, p. 9, 22.
  11. Unipef, un peu d'histoire
  12. André Brunot, Roger Coquand, Le corps des ponts et chaussées, p. 11.
  13. Fichet-Poitrey 1982, p. 23
  14. « Grande tenue de cérémonie d' ingénieur ordinaire des Ponts et Chaussées, Second Empire », sur bertrand-malvaux.com (consulté le )
  15. Yvan Delemontey. Le béton assemblé. Histoire urbaine 2007/3 (n° 20). Société française d'histoire urbaine. cairn.info
  16. F.-P.-H Tarbé de Saint-Hardouin (1884), Notices biographiques sur les ingénieurs des ponts et chaussées, p. 29
  17. La Théorie des équivalences et les problèmes d'élasticité tridimensionnels, et extension aux problèmes d'écoulement en milieux poreux, Camille Dhello, 1972, 208 pages.
  18. [PDF] Composition des gouvernements du Congo de 1977 à 1979
  19. Conseil Général des Ponts et Chaussées ; Analyse statistique des variations spatio-temporelles des accidents de la route

Annexes

Bibliographie

Par ordre chronologique de parution :

  • Chaumont de la Millière (1790), Mémoire sur le département des Ponts et Chaussées
  • Eugène-Jean-Marie Vignon, Études historiques sur l'administration des voies publiques en France au XVIIe et XVIIIe siècles, Dunod éditeur, Paris, 1862 tome 1 (XVIIe siècle), tome 2 (1701-1790), tome 3 (Corvée des grands chemins)
  • Léon Aucoc, Conférence faite à l’École impériale des Ponts et Chaussées sur l’histoire de l’administration et du corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées, Paris, Éditions Dunod, , 39 p., in-8° (lire en ligne). — Extrait des Annales des Ponts et Chaussées, tome XII, 1866.
  • Léon Aucoc, Des autorités administratives préposées à la direction des travaux publics, et spécialement des ingénieurs des Ponts et Chaussées, Paris, Éditions Dunod, , 117 p., in-8° (lire en ligne). — Extrait des Conférences sur l’administration et le droit administratif.
  • Alphonse Debauve, Les travaux publics et les ingénieurs des ponts et chaussées depuis le XVIIe siècle, Paris, Éditions Dunod, (lire en ligne)
  • François Pierre Hardouin Tarbé de Saint-Hardouin, Notices biographiques sur les ingénieurs des ponts et chaussées depuis la création du Corps, en 1716, jusqu'à nos jours, Baudry et Cie libraires-éditeurs, Paris, 1884 (lire en ligne)
  • J. Petot, Histoire de l'administration des Ponts et Chaussées, Paris, Marcel Rivière, 1958.
  • André Brunot et Roger Coquand, Le corps des ponts et chaussées, Paris, CNRS Éditions, , 915 p. (ISBN 2-222-02887-6) ;
  • Françoise Fichet-Poitrey, Jean Bureau et M. Kaufmann, Le corps des ponts et chaussées du génie civil à l’aménagement du territoire, Ministère de l’urbanisme et du logement. Comité de la recherche et du développement en architecture, (lire en ligne)
  • Guy Coriono (dir.), 250 ans de l'école des Ponts en cent portraits, Presses de l'École Nationale des Ponts et Chausées, 222 p. (ISBN 978-2-85978-271-9 et 2-85978-271-0), « Considère (Armand) ».
  • Françoise Fichet-Poitrey, Jean Bureau et M. Kaufmann, Le corps des ponts et chaussées du génie civil à l’aménagement du territoire (Rapport de recherche), Ministère de l’urbanisme et du logement / Comité de la recherche et du développement en architecture (CORDA), , 263 p. (lire en ligne)

Articles connexes

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