Jean-Baptiste Colbert

Jean-Baptiste Colbert né le à Reims et mort le à Paris est un homme d'État français.

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À partir de 1665, il est l'un des principaux ministres de Louis XIV, en tant que contrôleur général des finances (1665-1683), secrétaire d'État de la Maison du roi et secrétaire d'État de la Marine (1669-1683).

Entré au service du roi à la mort de son protecteur Mazarin, il incite Louis XIV à disgracier son rival Nicolas Fouquet. Inspirateur et promoteur d'une politique économique interventionniste et mercantiliste, ultérieurement appelée « colbertisme », il favorise le développement du commerce et de l'industrie en France par la création de fabriques et l'institution de monopoles royaux. En tant que ministre de la Marine, il commence à préparer le Code noir, relatif à l'administration de l'esclavage dans les colonies, dont la première version, mise au point par son fils Jean-Baptiste, sera promulguée par Louis XIV en 1685.

Colbert s'est inspiré des écrits de Barthélemy de Laffemas, économiste et conseiller d'Henri IV[1] : Laffemas avait notamment développé le commerce colonial et l'industrie textile, les deux secteurs auxquels Colbert s'est particulièrement consacré, avec la gestion des finances publiques, pour devenir à son tour l'éminence grise du royaume.

Biographie

Le nom de cette famille apparaît dans les sources avec Jehan Colbert (vers 1450-1512), entrepreneur dans le domaine de la construction : il livre des matériaux à la ville de Reims engagée dans des travaux de fortification. Conformément à l'habitude du temps, il épouse vers 1492 la fille d'un collègue, Marie Thuillier, premier signe de cette endogamie qui caractérise les Colbert, leurs alliés et leurs milieux[N 1]. De leur union naissent deux fils et une fille ; Colbert est le descendant de l’aîné, Gérard Ier (vers 1493-1571)[2].

Son aïeul à la 6e génération, Oudard III, était déjà, au XVIe siècle, seigneur de plusieurs terres (Magneux et Crèvecœur)[3].

Au XVIIe siècle, c'est une famille de riches marchands et banquiers de la cité archiépicopale de Reims, ayant accédé à la petite noblesse, qui prétend descendre d'une illustre et antique famille écossaise[N 2].

Origines familiales et formation

Jean-Baptiste Colbert est le fils de Nicolas, seigneur de Vandières, et de son épouse Mariane Pussort, de la famille des seigneurs de Cernay.

Contrairement à une légende, le père de Colbert n'a jamais été marchand de drap : il était négociant et a occupé la fonction de receveur général de la ville de Paris.

Colbert est aussi le neveu du conseiller d'État Henri Pussort, qui l'aidera dans sa carrière.

La jeunesse de Colbert est mal connue : après des études dans un collège jésuite, il est envoyé en 1634 à Lyon pour faire son apprentissage chez les Mascrany, banquiers associés aux Lumague ; un peu plus tard, il va chez un notaire parisien, le père de Jean Chapelain.

Débuts dans l'administration (1640-1651)

Jean-Baptiste Colbert entre au service de son cousin Jean-Baptiste Colbert de Saint-Pouange, premier commis du département de la guerre sous Louis XIII.

En 1640, alors qu'il est âgé de 21 ans, son père lui achète la charge de commissaire ordinaire des guerres, commis du secrétaire d'État à la Guerre, François Sublet de Noyers, fonction qui oblige Colbert à inspecter les troupes et lui donne une certaine notoriété auprès des officiers, tous issus de la noblesse.

En 1645, Saint-Pouange le recommande à Michel Le Tellier, père du marquis de Louvois), son beau-frère, alors secrétaire d'État à la Guerre. Celui-ci l'engage comme secrétaire privé, puis le fait nommer conseiller du roi en 1649.

Au service de Mazarin (1651-1661)

En 1651, Le Tellier le présente au cardinal Mazarin qui lui confie la gestion de sa fortune, l'une des plus importantes du royaume. Il gérera ainsi la fortune de Mazarin pendant dix ans (1651-1661). Mais il va aussi se familiariser avec le système des finances royales et découvrir les questions navales.

Réputé cassant et peu disert, il n’est guère aimé de la Cour. Madame de Sévigné le surnomme « Le Nord ».

Chargé de veiller à la gestion des Finances de l'État, Colbert rédige en un mémoire sur de prétendues malversations de Nicolas Fouquet, surintendant des finances, pointant que « moins de 50 % des impôts collectés arrivent jusqu’au roi ».

Peu avant sa mort (), Mazarin recommande à Louis XIV de prendre Colbert à son service, par la phrase célèbre : « Sire, je dois tout à votre Majesté, mais je m'acquitte de ma dette en lui présentant Colbert ».

Pour le jeune roi, Colbert n’est d'ailleurs pas un inconnu. Louis XIV et Colbert partagent le même acharnement au travail, le même souci de l’information, le même goût de la grandeur du royaume. Le roi apprécie le grand commis zélé et fidèle qu’il côtoie depuis son enfance ballottée par la Fronde. Colbert vénère ce jeune souverain, son cadet de dix-neuf ans, dont il se veut l’éducateur respectueux et compétent en matière de marine. Mais, y compris au moment où il cumulera les plus hautes charges du royaume, Colbert n’oubliera jamais qu’il n’est qu’un informateur privilégié et écouté du roi qui conserve seul le pouvoir de décision[4].

Disgrâce de Fouquet et ascension de Colbert (1661-1665)

Colbert devient intendant des finances le .

Nicolas Fouquet tombe rapidement en disgrâce. Le , il est arrêté à Nantes par le capitaine d'Artagnan. Louis XIV supprime alors sa charge, décidant de l'exercer lui-même avec l'aide d'un conseil réuni pour la première fois le 1661 : le Conseil royal des finances, dont Colbert est un des trois membres.

À partir de 1663, il joue un rôle important dans la mise au pas des provinces, notamment pour juguler la puissance des nobles et mettre fin à une certaine impunité nobiliaire. Ainsi, le tribunal des Grands jours d'Auvergne siégera de à . Ce tribunal, qui a pour but de « purger la montagne d'une infinité de désordres », statuera sur 1 360 affaires concernant des officiers corrompus et des nobles auteurs d'exactions. La condamnation de 87 nobles, 26 officiers et quatre ecclésiastiques est annoncée sur la place publique et durant les prônes vantant les mérites du roi protecteur et justicier.

Éminence grise du royaume (1665-1683)

Le , Colbert reste seul contrôleur général des finances et sera désormais désigné le plus souvent par ce titre ; il devient le chef effectif de l'administration des Finances.

Dans son Mémoire sur les travaux de Versailles[5], adressé à Louis XIV en 1665, il exprime son hostilité à tout projet de quelque ampleur.

Le , Colbert renforce son pouvoir en devenant secrétaire d'État de la Maison du Roi et secrétaire d'État de la Marine. Ces diverses charges lui permettent d'exercer une grande influence dans plusieurs secteurs d'intervention de l'État : finances, industrie, commerce, marine, police, justice, administration, travaux publics, postes, agriculture, aménagement du territoire, culture. Colbert contrôle donc près des deux tiers de l'activité et des finances du royaume.

Seules lui échappent les affaires étrangères et la guerre, confiées à Hugues de Lionne et à Michel Le Tellier, puis à son fils François Michel Le Tellier de Louvois (« Louvois »).

Tout en gérant les affaires de l'État et en enrichissant la France, Colbert amasse une fortune personnelle importante (environ 4,5 millions de livres), mais moins élevée que celle de Mazarin.

Décès et inhumation

Jean-Baptiste Tuby et Antoine Coysevox, Monument funéraire de Colbert (1687), église Saint-Eustache de Paris[6].

Ayant refusé de recevoir Louis XIV sur son lit de mort, officiellement parce que son état ne le lui permettait pas, il disait, selon ses proches : « J'ai tout donné de moi au roi ; qu'il me laisse au moins ma mort » et : « si j'avais fait pour Dieu tout ce que j'ai fait pour cet homme, je serais sauvé dix fois ! ».

Sa fortune, considérée comme un signe de prévarication, amène le peuple de Paris à insulter son cercueil[réf. nécessaire].

Colbert est inhumé à Paris dans l'église Saint-Eustache, où se trouve son tombeau, chef-d'œuvre dessiné à la demande de sa veuve par Charles Le Brun et exécuté par les sculpteurs Jean-Baptiste Tuby et Antoine Coysevox. Actuellement il y reste ses jambes, tandis que le reste de sa dépouille a été transféré dans les catacombes de Paris en 1787[7].

Récapitulatif de ses fonctions

  • De 1661 à 1665 : intendant des Finances.
  • De 1661 à 1683 : surintendant des Postes.
  • De 1661 à 1683 : surintendant des Bâtiments, arts et manufactures.
  • De 1665 à 1683 : contrôleur général des Finances.
  • De 1669 à 1683 : secrétaire d'État de la Maison du Roi.
  • De 1669 à 1683 : secrétaire d'État de la Marine.
  • De 1670 à 1683 : grand maître des Mines et Minières de France.
  • De 1671 à 1683 : surintendant des Eaux et Forêts

.

Armoiries et devise

Blasonnement :
D'or à une couleuvre ondoyante, en pal d'azur.
Commentaires : Blason de la famille Colbert. Armes parlantes (en latin, couleuvre se dit coluber).
Devise

« Pro rege, saepe, pro patria semper » (« Pour le roi souvent, pour la patrie toujours »).

Mariage et descendance

Le , Jean-Baptiste Colbert épouse Marie Charron, fille d’un membre du conseil royal, sœur de Jean-Jacques Charron de Menars et cousine par alliance avec Alexandre Bontemps. Sa dot fut de 100 000 livres. Ensemble, ils eurent neuf enfants :

Après avoir débuté au sein du clan Le Tellier, Colbert devient lui aussi adepte du népotisme et décide de créer son propre clan en plaçant tous ses proches à des postes clés tel ses frères Charles et Nicolas ou son cousin germain, Charles Colbert de Terron. De fait, il devient un rival du clan Le Tellier et particulièrement du secrétaire d'État à la Guerre, Louvois.

En 1657, il achète la baronnie de Seignelay dans l'Yonne, puis en 1670, la baronnie de Sceaux, pour lui fort commode, à seulement environ trois lieues au sud de Paris et quatre à l'ouest de Versailles. Il fait du domaine de Sceaux l'un des plus beaux de France grâce à André Le Nôtre qui dessine les jardins et à Charles Le Brun qui est chargé de toute la décoration tant des bâtiments (dont le château, agrandi par son nouveau propriétaire, mais qui sera détruit en 1803 et remplacé par l'actuel, de bien moindre ampleur, en 1861), que du parc. En 1682, il achète le petit château de Sceaux[8] et l'intègre au domaine. La même année, le , Louis XIV lui vend la seigneurie du Plessis-Piquet pour la somme de 68 000 livres, localité où Colbert avait déjà une maison avec dépendances et parc, qui après avoir été un refuge israélite puis une école horticole, est aujourd'hui un presbytère[9].

Colbert et l'économie du royaume : le colbertisme

Claude Lefèbvre, Portrait de Colbert en tenue de l'ordre du Saint-Esprit (1666), château de Versailles.

Sous le contrôle de Louis XIV, Colbert n'aura de cesse de donner une indépendance économique et financière à la France. Il souhaitait réduire l'attrait des rentes constituées et de la préférence française pour la rente, en incitant à investir dans les manufactures et les Compagnies coloniales françaises.

Pour Colbert, la puissance d'un royaume se définit par la richesse de son souverain. Pour ce faire, il faut disposer d'une balance commerciale excédentaire et accroître le produit des impôts.

Pour enrichir la France, Colbert met en place un système économique : le mercantilisme. Il veut importer des matières premières bon marché pour les transformer en produits de qualité qui pourront se vendre plus cher, c'est-à-dire industrialiser la France et ré-exporter des produits à forte valeur ajoutée, avec une balance des paiements excédentaire.

Dans ce but il convient de :

  • créer une puissante marine qui importera les matières premières et exportera les produits finis ;
  • réglementer la production de corporations ;
  • créer une manufacture avec monopole qui fabriquera les produits de qualité à partir des matières premières.

En 1661, il entreprend une importante réforme comptable, privilégiant une comptabilité administrative au détriment de la comptabilité judiciaire[10].

À partir de 1661, Colbert dirige officieusement la Marine. En 1663, il est nommé intendant de la Marine. Louis XIV dissout la Compagnie des Cent-Associés et fait de la Nouvelle-France une province royale sous juridiction de la Marine de Colbert.

En 1663, il fonde l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

En 1664, Colbert est nommé surintendant des Bâtiments et manufactures :

  • il fonde la Compagnie des Indes Occidentales (française), dissoute en 1674 :
    • il décide de copier les productions des États voisins, notamment de l'Angleterre et des Pays-Bas, pour rendre la France indépendante de leurs fournitures ;
    • il débauche des ouvriers étrangers, notamment des vitriers flamands et des verriers vénitiens, pour former les ouvriers des manufactures françaises ;
    • il utilise fréquemment l'octroi de monopoles, rétablit les anciennes manufactures, et en crée de nouvelles. Il favorise ainsi la production de glaces (Manufacture royale de glaces de miroirs, composante de la future compagnie de Saint-Gobain) et de tapisseries (Les Gobelins).
Carte de la Nouvelle-France dédiée à Colbert (XVIIe siècle), Paris, BnF.

En 1664, il met en place le premier tarif des douanes modernes, le tarif Colbert. Selon un texte[Lequel ?] conservé au musée national des Douanes à Bordeaux, Colbert est considéré comme le père de la douane moderne. La perception des droits de douane est désormais utilisée à la carte comme barrière tarifaire sur les importations plus compétitives que la production locale. Cette mesure protectionniste fut revue sévèrement à la hausse en 1667 par Louis XIV envers les Anglais et les Hollandais en particulier, créant une guerre économique qui fut suivie d'un conflit militaire[11].

Il protège les sciences, les lettres et les arts et est élu à l'Académie française en 1667. Il favorise également la recherche en créant l'Académie des sciences (suggérée par Charles Perrault[12], en 1666), l'Observatoire de Paris (1667) où les grands Huygens et Cassini sont appelés, ainsi que l'Académie royale d'architecture (1671). En 1676, il promeut « l'établissement d'une école académique dans toutes les villes du royaume[13]. »

Le , nommé secrétaire d'État de la Maison du Roi, il agrège la Marine à ce département, le suivant, et passe commande de 276 navires de guerre triplant ainsi les capacités de commerce maritime de la France[N 3].

Expérimentée en Normandie à compter de l'année 1655, la « réformation de la noblesse » est étendue à l'ensemble du royaume après 1664. Sous le pilotage de Colbert, cette mesure vise à dresser un catalogue de l'ordre nobiliaire pour assujettir à l'impôt direct des milliers de foyers jusque là exemptés fiscalement. L'historien Jean Jacquart souligne que Colbert et ses hommes tentent ingénieusement de rogner ce privilège fiscal, signe de notabilité dans le système d'Ancien Régime, en « renvoy[ant] dans la masse des taillables bon nombre d'anoblis, et pas mal de cadets de véritable gentilhommerie incapables de produire leurs titres et qui « ne vivaient pas noblement », [ainsi que] certains corps et communautés[14]. »

Colbert lance une grande réformation des forêts royales pour la mise en ordre des droits du Roi et la fourniture de bois pour la marine. Il fait aménager les forêts avec l'obligation de conserver une partie de chaque forêt en haute futaie (le quart en réserve) et fait limiter le pâturage en forêt. Cette grande réformation est aussi un choix stratégique de long terme, pour renforcer le patrimoine forestier français, à une époque où le bois est non seulement le premier matériau de construction, mais également la première source d'énergie.

En effet, avec les défrichements, la surexploitation, les abus et le relâchement de l’administration des forêts, ainsi que les conséquences des guerres de religion, les forêts étaient à cette époque très diminuées. Cette dégradation obère les capacités sylvicoles à fournir des bois long pour la marine et notamment des mâts.

La France doit même importer du bois de chêne de Scandinavie pour sa marine. La grande réformation est un succès et permet de ressusciter la marine royale : dès 1670, on n’utilise plus que des bois français. La grande réformation des forêts inspirera par-delà la Révolution le code forestier moderne de 1827[15].

En 1673, il ordonne la création de la Caisse des emprunts pour permettre de financer les dépenses extraordinaires de l’État.

L’édit du [16], dit « de Colbert », institue la législation sur les hypothèques, applicable dans l’ensemble du royaume. Destiné à protéger les créanciers par la publicité effective des hypothèques, l’édit souleva une vive opposition tant de la noblesse, qui préférait le secret à la sécurité afin de ne pas révéler au grand jour son endettement hypothécaire, que du notariat, qui craignait une mise en cause de ses prérogatives. L’édit fut révoqué l’année suivante, en .

Mais, pour la première fois dans l'histoire de la publicité foncière, Colbert met au premier plan la nécessité d'avoir une sécurité juridique des transactions immobilières et du crédit :

« Il faut rétablir la bonne foi qui est perdue, & assurer la fortune de ceux qui prêtent leur argent. Il faut aussi rétablir le crédit des particuliers qui est perdu sans ressources […] Il faut faire voire clair à ceux qui vous secoureraient s'ils y trouvaient leur sureté. Il faut aussi ôter le moyen à ceux qui veulent tromper les autres, de pouvoir le faire […][17]. »

Pour favoriser le commerce, Colbert développe encore les infrastructures : il fait améliorer les grandes routes royales et en ouvre plusieurs ; il fait relier la Méditerranée à l'océan Atlantique par le canal des Deux-Mers.

Colbert fait paver et éclairer Paris, dont la plupart des rues étaient boueuses. Colbert embellit la ville de quais, de places publiques, de portes triomphales (portes Saint-Denis et Saint-Martin). On lui doit aussi la colonnade du Louvre et le jardin des Tuileries.

Robert Nanteuil, Jean-Baptiste Colbert (1676), Chantilly, musée Condé.

Avec son fils, Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay, il fait venir des villes hanséatiques des artisans, constructeurs, cordiers, pour installer des chantiers ou arsenaux de construction navale dans les principaux ports du royaume.

Pour assurer le recrutement des équipages, il n'a pas recours, comme l'Angleterre, à la presse, ou enrôlement forcé des matelots de la marine marchande, mais à un nouveau procédé, appelé l'inscription maritime. En revanche, il demande aux juges de privilégier la condamnation aux galères, y compris pour le délit de vagabondage, ce qui permettra de mouvoir une partie des galères royales militaires et de commerce.

Il institue des compagnies commerciales : Compagnie des Indes Orientales (océan Indien), Compagnie des Indes Occidentales (Amériques), et Compagnie du Levant (Méditerranée et Empire ottoman).

Colbert est aussi à l'origine de la création de comptoirs : Pondichéry (1670) et de ce qui fut le début du peuplement en Nouvelle-France (Amérique du Nord) ou encore l'île Bourbon (devenue île de La Réunion), pièce-clé de contrôle de l'océan Indien.

Colbert pensait aussi s'emparer des comptoirs hollandais du golfe de Guinée, particulièrement sur la Côte de l'Or (Ghana aujourd'hui), mais il n'eut pas le temps de mettre ce projet à exécution[18],[19].

Il s'oppose au secrétaire d'État de la Guerre, Louvois, jugé trop prodigue des fonds publics. Celui-ci intrigue contre lui auprès de Louis XIV à tel point que Colbert se trouve dans une position difficile quand il meurt le , rue des Petits-Champs, laissant Claude Le Peletier lui succéder au poste de contrôleur général des finances.

Colbert et le développement colonial

Fondation de deux compagnies des Indes

Colbert a créé en 1664 la compagnie française des Indes orientales et la compagnie française des Indes occidentales.

L'édit de 1685

Colbert a joué un rôle dans l'organisation de l'esclavage dans les colonies françaises : il participe à l'élaboration d'un texte qui apparaîtra ensuite comme le premier du Code noir (recueil des édits et ordonnances sur la question de l'esclavage) ; mais c'est son fils Jean-Baptiste[20], qui en achève la rédaction, base de l'« Edit du Roi Touchant la Discipline des Esclaves Nègres des Isles de l'Amérique Française, donné à Versailles au mois de mars 1685 »[21], promulgué par Louis XIV un an et demi après la mort de Colbert[22],[23].

Bilan

Selon Amans-Alexis Monteil

Amans-Alexis Monteil fait, en 1843, un bilan du siècle de Colbert :

  • à son désavantage : pas de chambre de marchands créée, de conseil de commerce ou de banque comme à Amsterdam ou comme à Venise ;
  • à son avantage : peines sévères contre les banqueroutiers, établissement des chambres des assurances, amélioration du courtage, règlement sur le taux de l'intérêt, ordonnance du commerce (c'est-à-dire unité de législation pour la réception des marchands pour la tenue des livres pour les sociétés), efforts pour parvenir à l'unité des poids et mesures, refonte des mille et un tarifs particuliers en un seul, intérêts des marchands français soutenus par les armes ou stipulés dans les traités, franchises des ports de Dunkerque et de Marseille, manufactures établies, accroissement de la production des marchandises et des richesses, facilité de leur transport, canaux et voies ouvertes par terre et par eau, droit pour les gentilshommes de commercer, etc.[24].

Postérité

Laura Gardin Fraser (en), Colbert (1950), bas-relief ornant l'intérieur de la Chambre des représentants des États-Unis. Il est l'un des 23 grands législateurs de l'histoire commémorés en ce lieu.

Premier homme d'État issu d'une lignée pragmatique de marchands et non aristocrate, Colbert laisse l'image d'un excellent gestionnaire, qui a su faire rentrer les impôts, même si les résultats économiques du règne peuvent paraître très discutables en raison des fortes ponctions causées par les dépenses militaires, les constructions fastueuses (notamment le château de Versailles) et les largesses du roi à ses courtisans.

Toutefois, Louis XIV a encore régné 32 ans après la mort de Colbert, de 1683 à 1715, et le roi est personnellement responsable du départ des riches industriels huguenots (1685-1700), qui vont enrichir l'Europe protestante du nord, dont la Prusse et l'Angleterre. Mais, tant que Colbert est resté aux affaires, les budgets ont été à peu près maîtrisés et équilibrés ; les déficits ne cessent de s'accumuler après lui.

Le terme de « colbertisme » désigne aujourd'hui sa doctrine économique, mais aussi à tort un excès de l'intervention de l'État dans l'économie en comparaison des autres pays occidentaux ; a contrario, la Révolution française et les lois d'Allarde (), Le Chapelier (juin 1791) puis la loi Goudard () « qui supprime toute l'ancienne réglementation manufacturière ainsi que les inspecteurs de Colbert, instaurent bel et bien une totale liberté d'entreprendre »[25].

Les manuels d'histoire du XXe siècle (Malet et Isaac) ont forgé l'image populaire d'un homme entièrement dévoué à sa tâche et se frottant les mains de plaisir lorsqu'il était surchargé de travail.

Statuaire

Paul Gayrard, Statue de Colbert, Paris, palais du Louvre, cour Napoléon[26].

Une statue de Colbert par Jacques-Edme Dumont[27] est érigée devant le palais Bourbon à Paris ; une autre, de Paul Gayrard, dans la cour Napoléon du palais du Louvre.

Dans sa ville natale se trouve le Monument à Jean-Baptiste Colbert par Eugène Guillaume, inauuré en 1860 dans le square Colbert, devant la gare.

Dénonciations de Colbert comme esclavagiste

En , une tribune du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), signée par plusieurs personnalités, demande le retrait du nom de Colbert de l'espace public, et notamment que les collèges et lycées à ce nom soient débaptisés et renommés[28]. D'autres analyses relèvent que Colbert, dans un contexte où de nombreuses nations de l'époque, européennes, africaines et moyen-orientales, pratiquaient l'esclavage sans cadre, a posé des règles, dont certaines adoucissaient le sort des esclaves par rapport à la période précédente, bien que le Code noir assimilait les esclaves au statut indigne de biens meubles[29].

En , l'ancienne Garde des sceaux Christiane Taubira estime le débat simpliste :

« Au pays qui se prétend le cœur des Lumières, sur ces sujets-là, la raison disparaît ! Il ne reste que l’affectif ! Pourquoi ne pourrait-on réfléchir au rôle de Colbert dans la rédaction du Code noir ? Ce qui ne veut pas dire que Colbert n’était que cela. Mais débattons ! Il ne s’agit pas de faire la chasse à d’éventuels coupables survivants, il n’y en a plus. Même les personnes qui portent le nom de grandes familles d’armateurs négriers ou esclavagistes ne sont pas concernées — mais si elles veulent nous ouvrir leurs archives, elles sont les bienvenues. Sans doute aurions-nous dû être capables de faire retomber la pression, de débattre, peut-être avec passion, mais de débattre[30]. »

En , dans une tribune du journal Le Monde, Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage, appelle à ce que les lieux à l’Assemblée nationale ou au ministère de l’économie portant le nom de Colbert soient rebaptisés :

« Comment comprendre […] que dans les locaux de l’Assemblée nationale, le cœur battant de notre démocratie, une salle porte encore le nom de Colbert, qu’on ne savait pas être une figure de notre vie parlementaire ni de la République ?[31] »

Le , la statue de Colbert par Jacques-Edme Dumont est vandalisée devant l'Assemblée nationale[32].

Dans une tribune, Jean-Christian Petitfils estime que la volonté d’effacer la figure de Colbert signifie juger le passé à l’aune de la morale d’aujourd’hui, et donc s’interdire de le comprendre et se donner bonne conscience à peu de frais[33].

Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand (LRM), affirme quant à lui : « Revisiter l’histoire ou vouloir la censurer dans ce qu’elle a de paradoxal parfois est absurde[34]. »

Notes et références

Notes

  1. Comme le montre l'historien Jean-Louis Bourgeon, l'ascension des Colbert s'étale sur cent cinquante ans, la famille s'emparant de la moindre occasion et se distinguent par un dynamisme incroyable. Chaque génération offre plusieurs membres capables de maintenir l'ensemble et d'en promouvoir les meilleurs.
  2. Le nom de « Colbert » vient d'un mot latin, collibertus (qui donne aussi, en français du Moyen Âge, « culvert »), signifiant « affranchi ». Le grammairien Gilles Ménage ayant signalé cette étymologie subira une certaine inimitié de la part de Colbert
  3. En 1681, la France compte 176 bâtiments de guerre alors que, quelques années auparavant, elle en avait à peine une cinquantaine.

Références

  1. Barthélemy de Laffemas, Encyclopædia Universalis.
  2. Famille Colbert consulté le 2 juillet 2019.
  3. Jean-Louis Bourgeon, Les Colbert avant Colbert. Destin d’une famille marchande. Travaux du Centre de Recherches sur la Civilisation de l’Europe moderne, Paris-Sorbonne. Paris, Presses universitaires de France, 1973, 270 p.
  4. Meyer et Acerra 1994, p. 36-52.
  5. Archives nationales.
  6. « Monument funéraire de Colbert », notice sur pop.culture.gouv.fr.
  7. Philippe Lefrançois, Paris souterrain, coll. « Encyclopédie pittoresque », Les Éditions internationales, 1950, p. 59.
  8. Lequel existe toujours.
  9. Alain Valtat, Histoire du Plessis-Robinson, Plessis-Robinson, Imprimerie Marianne, auto-édition, Ier trimestre 1972, p. 11.
  10. Marie-Laure Legay, La banqueroute de l’État royal. La gestion des finances publiques de Colbert à la Révolution, Paris, EHESS, , 323 p.
  11. Histoire de la douane française consulté le .
  12. Colin Ronan, Histoire mondiale des sciences [« The Cambridge Illustrated History of the World's Science »], Paris, Éditions du Seuil, , 710 p., p. 494
  13. Jean-Baptiste Colbert, « Lettres patentes pour l'établissement d'une école académique dans toutes les villes du royaume ; Saint Germain, novembre 1676 », dans Pierre Clément, Lettres, instructions et mémoires de Colbert, Paris, Imprimerie impériale, (notice BnF no FRBNF30255976, lire en ligne).
  14. Jacquart 1996, p. 192.
  15. Annales de l'École nationale des Eaux et Forêts, consulté le .
  16. « Pourquoi rendre publics les transferts immobiliers ? »
  17. Jean-Baptiste Colbert, Testament Politique : Où L'on voit tout ce qui s'est passé sous le Regne de Louis Le Grand jusqu'en l'année 1684. Avec des remarques sur le Gouvernement du Roiaume, Henri van Bulderen, La Haye, , 501 p. (lire en ligne), p. 474-475.
  18. Gérard Chouin, Eguafo, un royaume africain « au cœur françois » (1637-1688), Paris, Afera éditions, pp. 99-127.
  19. (en) Gérard Chouin, « Minor Sources? Two Accounts of a 1670-1671 French Voyage to Guinea: Description, Authorship and Context », in: History in Africa, no 31, 2004, pp. 133-155.
  20. François-Guillaume Lorrain, « Ce n'est pas Colbert le concepteur du Code noir qu'on honore », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  21. Le texte de cet édit, publié, entre autres, dans Recueil d’édits, déclarations et arrests de Sa Majesté concernant l’administration de la Justice & la Police des Colonies françaises de l’Amérique, & les Engagés, Paris, 1744, page 81 et suivantes, est disponible sur le site Gallica
  22. Le Code noir, Bibliothèque nationale de France.
  23. « Le Code noir - Recueil d'édits, déclarations et arrêts », sur axl.cefan.ulaval.ca (consulté le ).
  24. Amans-Alexis Monteil, Histoire des Français des divers états : XVIIe siècle, Wouters, 1843. Consulter en ligne.
  25. Philippe Minard, « Economie de marché et Etat en France : mythes et légendes du colbertisme », Economie politique, , §34 (lire en ligne).
  26. L'original en pierre de 1808 a été remplacé par un copie en 1989.
  27. Louis-Georges Tin, « Mémoire de l’esclavage : “Débaptisons les collèges et les lycées Colbert !” », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
  28. « Faut-il brûler Colbert ? », Le Figaro Magazine, semaine du , p. 36.
  29. Sonya Faure et Catherine Calvet, « Christiane Taubira : “Le mythe français de l’égalité, un mythe noble, empêche de revenir sur le crime de l’esclavage” », sur liberation.fr, (consulté le ).
  30. « Comment comprendre que dans les locaux de l’Assemblée nationale, une salle porte encore le nom de Colbert ? » sur lemonde.fr, .
  31. « La statue de Colbert vandalisée devant l’Assemblée nationale » sur lemonde.fr, .
  32. Jean-Christian Petitfils, « Colbert et le “Code noir” : la vérité historique », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
  33. Le Monde avec AFP, « La statue de Colbert vandalisée devant l’Assemblée nationale », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).

Annexes

Ouvrages anciens

  • Courtilz de Sandras La Vie de Jean-Baptiste Colbert Ministre d'état sous Louys XIV Roy de France , Cologne, 1695.
  • Jean Baptiste Colbert ministre et secrétaire d'Estat, dans Charles Perrault, Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle, chez Antoine Dezallier, 1697, tome 1, p. 37-38 (lire en ligne)
  • Pierre Clément, Histoire de Colbert et de son administration, Librairie académique Didier et Cie libraires-éditeurs, Paris, 1874, réimpression Slatkine, Genève, 1980 tome 1, tome 2
  • Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Jean-Baptiste Colbert » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, (lire sur Wikisource).
La France à l'époque de Louis XIV
  • Daniel Dessert, Argent, pouvoir et société au Grand Siècle, Paris, Fayard, 1984 (ISBN 2-213-01485-X).
  • Thierry Sarmant et Mathieu Stoll, Régner et gouverner : Louis XIV et ses ministres, Paris, Perrin, 2010 (ISBN 978-2-262-02560-1).
  • Martine Biard, Postes et messageries en Languedoc de Louis XIV à la Révolution de 1789, préface de Louis Secondy, Paris, Aparis-Edilivre, 2011 (ISBN 978-2-8121-3641-2).
  • Lucien Bély (dir.), Dictionnaire Louis XIV, Paris, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1405 p. (ISBN 978-2-221-12482-6).
La famille Colbert
  • Luc-Normand Tellier, Face aux Colbert : les Le Tellier, Vauban, Turgot… et l'avènement du libéralisme, Presses de l'université du Québec, 1987, 816 pages. Lire en ligne
  • François de Colbert, Histoire des Colbert du XVe au XXe siècle, Grenoble, 2000, lire en ligne, prix Hugo 2002 de l'Institut de France.
  • Jean-Louis Bourgeon, Les Colbert avant Colbert : destin d'une famille marchande, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Publications de la Sorbonne. Nouvelle série. Recherches » (no 6), , 270 p. (présentation en ligne).
    Réédition : Jean-Louis Bourgeon, Les Colbert avant Colbert : destin d'une famille marchande, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Dito », , 2e éd., 270 p. (ISBN 2-13-038906-6).
Colbert
  • Inès Murat, Colbert, Paris, Fayard, , 456 p. (ISBN 2-213-00691-1, présentation en ligne).
  • Jean Meyer, Colbert, Paris, Hachette, , 369 p. (ISBN 2-01-005674-4, présentation en ligne).
  • Jean Villain (préf. Pierre Chaunu), La fortune de Colbert, Paris, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, coll. « Histoire économique et financière de la France. Série Études générales », , IX-404 p. (ISBN 2-11-087651-4, présentation en ligne).
  • Jean Jacquart, « Colbert », dans Henri Méchoulan et Joël Cornette (dir.), L'État classique : regards sur la pensée politique de la France dans le second XVIIe siècle, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, coll. « Histoire des idées et des doctrines », , 504 p. (ISBN 2-7116-1275-9), p. 181-220.
  • Marie-Laure Legay, La banqueroute de l'État royal : la gestion des finances publiques de Colbert à la Révolution française, Paris, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, coll. « En temps et lieux » (no 26), , 323 p. (ISBN 978-2-7132-2292-4, présentation en ligne).
  • Philippe Minard, La fortune du colbertisme : État et industrie dans la France des Lumières, Paris, Fayard, , 497 p. (ISBN 2-213-60046-5, présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • Michel Vergé-Franceschi, Colbert (1619-1683). La politique du bon sens, Payot, 2003, réédité en Livre de poche Payot, Paris, 2005.
  • Olivier Pastré, La Méthode Colbert ou le patriotisme économique efficace, Paris, Perrin, 2006.
  • Daniel Dessert, Le Royaume de Monsieur Colbert (1661-1683), Paris, Perrin, 2007 (ISBN 978-2262023676)
  • François d'Aubert, Colbert, la vertu usurpée, Paris, Perrin, 2010.
  • François d'Aubert, Colbert, Paris, Tempus Perrin, coll. « Tempus », , 624 p. (ISBN 978-2-262-04825-9).
  • (en) Jacob Soll, The Information Master : Jean-Baptiste Colbert's State Intelligence System, Ann Arbor, University of Michigan Press, coll. « Cultures of Knowledge in the Early Modern World », , XI-277 p. (ISBN 978-0-472-11690-4, présentation en ligne).
  • Daniel Dessert, Colbert ou le mythe de l'absolutisme, Paris, Fayard, coll. « Biographies Historiques », , 320 p. (ISBN 978-2-213-70496-8)
  • Thierry Sarmant et Mathieu Stoll, Le grand Colbert, Tallandier, 2019.
  • Yann Gaillard Adieu Colbert, 286 p., C. Bourgeois, Paris, 2000 (ISBN 2-267-01539-0)
Le département de la Marine

Articles connexes

Liens externes

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