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La notion de différentiabilité généralise celle de dérivées de fonctions réelles de variable réelle.

Application différentiable en un point

Soient une application de dans et un point de .

Définition : Application différentiable en un point

On dit que est différentiable au point s'il existe une application linéaire continue telle que (avec la notation o de Landau)

,

c'est-à-dire telle que l'application définie par

vérifie :

.

Si n'est pas définie sur tout entier mais seulement sur voisinage de , on adopte la même définition, après avoir prolongé à de façon arbitraire (la définition ne dépend clairement pas du choix du prolongement).

Propriétés et définition

Définition : Différentielle au point a

Si est différentiable en , l’application ci-dessus est unique. On la note et on l'appelle la différentielle de en .

Propriété

La différentiabilité de en implique la continuité de en .

Remarques
  • Si la définition du vecteur dérivé de au point est . Dans ce cas, les notions de différentiabilité et dérivabilité se confondent donc et . Cependant, on verra plus loin que si , l’existence de dérivées partielles en un point n'implique pas la différentiabilité ni même la continuité en ce point.
  • De même que pour les fonctions de dans , la propriété de différentiabilité est ponctuelle.
  • Si est linéaire continue alors elle est différentiable en tout point et .
Exemples de calcul d'une différentielle
Soient , et trois espaces vectoriels normés et une application bilinéaire. Si est continue alors elle est différentiable en tout point de , et .
En effet :
  • l'application est linéaire continue ;
  • ;
  • avec les notations du § suivant, .
Ceci s'applique par exemple :
  • pour , un espace euclidien, muni de son produit scalaire , et ce produit scalaire. En effet, cette application bilinéaire est continue (comme toute application multilinéaire sur un espace vectoriel normé de dimension finie ou, plus explicitement ici, par l'inégalité de Cauchy-Schwarz : ). On trouve donc : ;
  • et le produit vectoriel. Donc de même, .
Plus généralement (et par le même raisonnement), soient des e.v.n. et une application multilinéaire. Si est continue alors elle est différentiable en tout point et .

Rappels sur les applications linéaires continues

Dans la suite on aura besoin du théorème suivant, démontré dans la leçon sur les espaces vectoriels normés :

Théorème

Soit une application linéaire. Les assertions suivantes sont équivalentes :

  • est continue ;
  • est continue en ;
  • est bornée sur la boule unité ;
  • .
Fin du théorème

Si est continue, le plus petit réel tel que est égal à . On l'appelle la norme de l'application linéaire , ou norme de subordonnée (à la norme sur ), et on le note ou .

Plus généralement, si sont des espaces vectoriels normés, on définit, pour toute application -linéaire continue , un réel vérifiant .

Si sont de dimension finie, toute application -linéaire est continue (on peut le démontrer par exemple par récurrence sur n ; pour le cas n = 1, voir Espaces vectoriels normés/Dimension finie#Équivalence des normes et conséquences).

Composition

Théorème

Soient , et trois espaces vectoriels normés. Si est différentiable en et est différentiable en alors est différentiable en et

.
Fin du théorème
Trois applications du théorème
  • Sur un espace euclidien, la différentielle de l'application est donnée (voir supra) par , c'est-à-dire : .
  • De même, la différentielle au point de l'application de dans lui-même est .
  • Notons la norme euclidienne de . L'application est dérivable en tout . Ainsi, en tout point de , la différentielle de la norme euclidienne est donnée par .

Opérations algébriques

Le lemme suivant est immédiat mais très utile, entre autres pour analyser une fonction à valeurs dans .

Lemme

Une application (à valeurs dans un produit de espaces vectoriels normés) est différentiable en un point si et seulement si chacune de ses composantes (pour de à ) l'est, et alors, .

Fin du lemme

Les propriétés suivantes généralisent les règles usuelles correspondantes pour les fonctions numériques. Elles se déduisent immédiatement du lemme et du théorème de composition ci-dessus, et du calcul général précédent de la différentielle d'une application continue linéaire ou bilinéaire.

Propriété

Soient différentiables en . Alors :

  1. la somme est différentiable en et ;
  2. pour tout scalaire , est différentiable en et ;
  3. si :
    • le produit est différentiable en et ,
    • si , l'inverse est différentiable en et ,
    • si , le quotient est différentiable en et .
Exemple

Dans l'espace euclidien usuel , l'inversion , de dans lui-même, définie par

,

est différentiable et (d'après le dernier point ci-dessus, joint à la section précédente)

.
Fin de l'exemple

Différentielles des fonctions de Rp dans Rq

  • Soient et un point de . On appelle dérivée de au point suivant un vecteur le vecteur dérivé en (s'il existe) de la fonction :
    .
Si admet une différentielle en alors elle admet une dérivée en suivant n'importe quel vecteur , et .
  • Dans le cas et (le -ème vecteur de la base canonique de ), la dérivée au point suivant ce vecteur s'appelle la -ème dérivée partielle de au point :
    .
Si admet une différentielle en alors elle admet des dérivées partielles en ce point, et
.
  • Lorsque de plus , le lemme de la section précédente permet de développer un peu plus la différentielle au point (si elle existe) de l'application
sous forme matricielle :
,
est la matrice jacobienne de au point :
.

Voici un exemple de calcul : la fonction est différentiable en tout point et sa matrice jacobienne s'écrit : .

Remarques importantes :

De ce qui précède, si f est différentiable en un point a alors f admet des dérivées partielles en ce point mais la réciproque est fausse : On considère la fonction f : définie par si et si . On a et de même : les différentielles partielles existent bien, cependant les nombres 0 et 1 ont des antécédents dans tout voisinage V de l'origine ce qui prouve la discontinuité et donc la non-différentiabilité de f en ce point.

La différentiabilité d'une fonction en un point n'entraîne pas la continuité des dérivées partielles en ce point : la fonction si , prolongée par , est différentiable en avec et , cependant la fonction n'a pas de limite en .

Théorèmes d'égalité et d'inégalité des accroissements finis

L'expression « accroissement fini » provient d'une époque où en calcul différentiel on faisait une distinction entre les accroissements infinitésimaux dx et les accroissements « finis » x1 - x0.

On rappelle le théorème des accroissements finis pour les fonctions à valeurs réelles : Si une fonction continue est dérivable sur , alors il existe tel que .

Le segment de départ est ici supposé réel, mais on peut très facilement étendre ensuite le résultat à un segment d'un espace vectoriel normé, en le paramétrant et en appliquant le théorème de composition ci-dessus. L'égalité obtenue s'écrit alors : .

Augmenter la dimension de l'espace d'arrivée est en revanche impossible, comme le montre l'exemple de l'exercice 11.

On conserve cependant la propriété suivante :

Inégalité des accroissements finis pour les fonctions à valeurs vectorielles

Soient deux réels , et deux fonctions continues et , dérivables sur .

Si

alors

Fin du théorème

On en déduit immédiatement, en cascade, trois corollaires :

Corollaire 1

Soient deux réels , une fonction continue dérivable sur et un réel tel que

.

Alors,

.
Corollaire 2

Soit une application continue sur un segment et différentiable en tout point de . Alors,

.
Corollaire 3

Soit une application différentiable, étant un ouvert connexe de .

Si alors est constante.

Condition suffisante de différentiabilité d'une fonction définie sur un produit

Théorème

Si les dérivées partielles d'une application sont définies au voisinage d'un point et continues en ce point, alors est différentiable au point .

Fin du théorème

En effet, le cas général se déduit du cas , or plus généralement (si sont, comme , des espaces vectoriels normés) :

Lemme

Si les dérivées partielles d'une application sont définies au voisinage d'un point et continues en ce point, alors est différentiable au point .

Fin du lemme

Application deux fois différentiable, différentielle seconde

Soit f : U E F une fonction différentiable en un point a U. Il se peut que la fonction df : x dfx soit définie dans un voisinage V U avec a V et différentiable en a. Sa différentielle d(df)a se note alors d2fa et s’appelle la différentielle seconde ou d'ordre 2 de f en a : dfa+h = dfa +d2fa(h) +‖h‖E ε(h) avec . Il faut noter que d2fa (E, (E, F)) autrement dit, pour tout h E on a d2fa(h) (E, F). L'application (h, k) d2fa(h)(k) est linéaire à la fois en h et en k. Les espaces (E, (E, F)) et (E, E; F) (l'espace des applications bilinéaires continues de E × E dans F) sont isomorphes si bien que d2fa s'identifie à un élément de (E, E; F). En effet, l’application L : (E, (E, F)) (E, E; F)) définie par L(f)(h, k) = f(h)(k) est une application linéaire bijective, sa réciproque L-1 : (E, E; F)) (E, (E, F)) étant définie par L-1(g)(h)(k) = g(h, k). On notera donc par abus d'écriture d2fa(h)(k) = d2fa(h, k).

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