Royaume zianide de Tlemcen

Le royaume de Tlemcen ou royaume zianide de Tlemcen (en berbère : ⵉⵣⵉⴰⵏⵉⵢⵏ, en arabe : الزيانيون) est un royaume berbère[1],[2], établi après la disparition du califat almohade en 1236. Il est gouverné par les sultans de la dynastie zianide qui règnent depuis Tlemcen au Maghreb central (actuelle Algérie).

Royaume zianide de Tlemcen
(ar) مملكة تلمسان
(ber) ⵜⴰⴳⵍⴷⴰ ⵏ ⵉⵣⵉⴰⵏⵉⵢⵏ

12351556


Drapeau du royaume zianide (1235-1338, 1488-1556)
Le royaume de Tlemcen à son apogée en 1325
Informations générales
Statut Monarchie
Capitale Tlemcen
Langue(s) Berbère, Arabe maghrébin
Religion Islam (sunnisme, soufisme), judaïsme, christianisme
Monnaie Dinar
Histoire et événements
1235 Indépendance vis-à-vis du califat almohade
1554 Adhésion à l'État d'Alger
Sultan
(1er) 1236-1283 Yaghmoracen Ibn Ziane
(Der) 1550-1556 Al Hassan ibn Abou Hammou

Entités précédentes :

Entités suivantes :

Tlemcen était une plaque tournante de la route commerciale nord-sud reliant Oran sur la côte méditerranéenne à l'ouest du Soudan. Le royaume, en raison de sa position centrale au Maghreb, pris comme dans un étau, entre les royaumes mérinides et hafsides[3], tombe à plusieurs reprises sous la domination de leurs rivaux mérinides, qui occupent Tlemcen sans pouvoir s’y établir durablement au XIVe siècle[4]. Il tombe également sous la suzeraineté hafside à la fin du XVe siècle. Les zianides réussissent malgré cela à fonder un État prospère et indépendant. Au début du XVIe siècle, le sultan zianide reconnait la suzeraineté espagnole dans un contexte où les royaumes du Maghreb sont de plus en plus morcelés.

Cette décision controversée sera le déclenchement d'une lutte entre prétendants appuyé soit par les Espagnols soit pas les Barberousses qui font entrer un temps le royaume dans l'orbite du sultanat d'Alger dès 1518 avant son annexion définitive en 1554 par ce dernier devenu la régence d'Alger sous tutelle ottomane.

Origine

Les Banu Zayan sont une tribu berbère zénète[5],[6],[7],[8] originaire des Aurès[9]. D’origine nomade, ils étaient refoulés au XIe siècle par les hilaliens jusqu’aux confins du Maghreb al-Aqsa (actuel Maroc)[5], ils s’allient à Abd al-Mumin qui les installe dans la partie occidentale de l’Oranie, ils se comportaient en tant que vassaux des Almohades[5]. Selon une autre hypothèse, les Zianides seraient les descendants d'el Qâsim (qui sont descendant des Idriss), mais cette hypothèse n'est pas attestée par Yaghmoracen Ibn Ziane, le fondateur de la dynastie, car, ayant entendu des généalogistes qui voulaient le faire descendre de Mahomet, qui était une pratique courante chez les dynasties islamiques d'Afrique du nord[10], il s'exprima en langue berbère locale (zénète) et dit à peu près ceci : « Nous avons obtenu les biens de ce monde et le pouvoir par nos épées et non par cette ascendance. Quant à son utilité dans l'autre monde, elle dépend de Dieu seul[11] ».

Dans sa classification des différentes tribus Zénètes de par leur nombre et leur puissance militaire au sein de l'empire almohade, Ibn Khaldoun place les mérinide (Banû Marîn) en premier, les zayyânides (Banû Zayyân) en deuxième tandis qu'en troisième place, les Banu Tujin[12].

Histoire

Probable portrait d'un roi zianide et à gauche, drapeau zianide, sur le portulan de (pt)Mecia de Viladestes (cartographie majorquine), 1413

Lors du déclin des Almohades, le gouverneur de l’Ifriqiya proclame son indépendance en 1236, après avoir rompu avec Marrakech dès 1229[13]. Au Maghreb central, l’un des chefs des Abdelwâdides (ou Zianides), est investi par le calife almohade comme gouverneur de Tlemcen en 1227. En 1236, le pouvoir tribal échoit aux mains de Yaghmoracen Ibn Zian[4]. Dès 1240, il cesse de reconnaître le califat almohade et se pare du titre d’émir des musulmans. Yaghmoracen affronte les Almohades qui désirent récupérer Tlemcen et résiste aux ambitions de ses voisins Hafsides[4]. Yaghmoracen était aimé par la population. Son armée se composait d'archers kurdes et chrétiens : il est fait mention d'un corps de 2 000 lanciers chrétiens, probablement une milice espagnole[14]. Les Zianides n'imposeront pas une doctrine quelconque, mais la population imposera le malékisme[15]. Ils participent au développement de la ville de Tlemcen, ils construiront des palais, des bibliothèques, des écoles, des foundouks, ils créent aussi de beaux jardins et de grands parcs et font de grands travaux d'irrigation. Les sciences et les arts se sont développés pendant leur règne[16].

La capitale zianide eut à résister plusieurs fois aux assauts mérinides. Sous le règne du sultan zianide Abou Saïd Othman, elle eut à se défendre contre un siège qui dura huit années (du au ). Ibn Khaldoun rapporte : « Malgré cela, ils ont persévéré dans leur résistance. Oh ! combien ils ont été admirables de persévérance, d'abnégation, de courage et de noblesse[17] ! »

Débarrassé du péril mérinide, Abou Zeyan s'attacha à remettre de l'ordre dans son royaume. Il razzia les tribus berbères de l'Est qui avaient appuyé les Mérinides et chassa les Arabes du Sersou[18]. À la mort d'Abou Zeyan, les ruines accumulées par l'attaque d'Abou Yaacoub étaient loin d'être relevées. Son frère Abou Hammou Moussa Ier s'employa à réparer les remparts, creuser des fossés, accumuler des réserves dans ses silos et remplir les caisses du trésor. Toutes ces mesures tendaient à mettre la ville à l'abri d'un nouveau siège. Il réussit à maintenir les Mérinides au-delà d'Oujda, reprit la politique d'expansion dans la vallée du Chélif et poussa jusqu'à Béjaïa et Constantine. Il périt assassiné à l'instigation de son fils (1318)[18].

Citadelle de Temzezdekt à El Kseur, bâtie lors du grand siège de Béjaïa par les Zianides.

Sous Abû Tâshfîn, les Zianides vont tenter de déloger les Hafsides avec l'aide des tribus arabes Solaïm et des Dawawida issues des Banu Hilal. Le calife hafside ne se sauva de ces attaques qu'en suscitant une contre-intervention des Mérinides sur Tlemcen ; au cours de la lutte, il avait été quatre fois chassé de sa capitale. La protection des Mérinides et le ralliement du principal chef arabe des Beni Solaïm, le cheikh Hamza as-Sulaymi, lui permirent de reconquérir son royaume, province par province[19].

Abû Tâshfîn entreprend les sièges de Béjaïa et de Constantine, puis fonde dans la vallée de la Soummam une place forte, Tamzizdikt, près de Béjaïa. Mais le souverain hafside Abou Bekr réussit à obtenir l'intervention des Mérinides. Une attaque simultanée sur les deux flancs réduisit Abû Tâshfîn à la défensive. Sa situation était d'autant plus grave que les tribus des Sowaïd et des Beni Yaacoub avaient abandonné la cause zianide. Tlemcen subit à nouveau, un siège de près de deux années et fut prise d'assaut par le sultan de Fès, Abou-l-Hassan. Le roi, trois de ses fils et son général en chef tombèrent les armes à la main (1337)[18].

Sous la règne de Abû Hammû II (1359-1389), monarque cultivé, né et élevé en al-Andalus, le pouvoir zianide se renforce. Mais par la suite, la dynastie se maintient difficilement, elle résiste aux tentatives d’expansion des Marinides et des Hafsides au XVe siècle, sans parvenir à établir un pouvoir central fort, triomphant sur les querelles tribales internes[4].

En 1512, le souverain zianide Abou Hammou Moussa accepte d’être le vassal du roi d’Espagne[20], ce qui provoque l'hostilité de la population qui appelle à son secours Arudj Barberousse[21].

En 1518, Abou Hammou, sultan zianide, règne sur Tlemcen, tout en reconnaissant la suzeraineté espagnole et leur procurant le ravitaillement nécessaire à la place d'Oran, ce qui provoque le mécontentement des habitants de Tlemcen qui appelèrent au secours Arudj Barberousse, « sultan d'Alger », renommé pour ses succès contre les Espagnols pour les libérer, Arudj Barberousse, avec l'aide de 5 000 Berbères, combat les Espagnols à Tlemcen, sous le commandement de Dom Martin d'Argote, mais est défait après 6 mois de farouche résistance, les Espagnols rétablissent l’ancien sultan Abou Hammou sur le trône[22],[23]. Ces derniers s'emparent de la Kalaa des Beni Rached et tuent Ishaq, un frère d'Aroudj[24]. En 1550, un nouveau roi zianide est renversé, il se réfugie auprès des Espagnoles d’Oran[25]. Tlemcen est prise définitivement en 1554 par Salah Rais[26],[27], ce qui marque la fin de la dynastie zianide et l'annexion de leur possessions[28],[20].

Territoire

Carte des États méditerranéens au XIVe siècle parmi lesquels le royaume zianide[29].

La dynastie zianide dominait la moitié occidentale de l'Algérie actuelle, alors que la dynastie hafside dominait la moitié orientale[30]. Les limites entre les aires zianide et hafside suivent une ligne courant de l'ouest du Béjaïa au Hodna et au Zab, même si à l'ouest de cette ligne, les tribus vivent en quasi-autonomie[31] et à l'est, les Zianides tentent d'élargir leur influence[32].

Après la conquête de Médéa en 1289, l’État zianide s’étendait depuis à la Moulouya à l’Ouest jusqu'à la Soummam à l’Est, mais l’unité du royaume était fragilisée par la révoltes tribales et les menaces de ses deux voisins[33]. Ainsi, les Mérinides occupent Tlemcen de 1337 à 1348, de 1352 à 1359 et sans pouvoir s’y établir durablement, la réoccupent périodiquement notamment en 1360 et 1370[4]. Les trois États maghrébins : Hafsides, Zianides et Mérinides, étaient fluctuants et rivalisent pour établir leur emprise sur tout le Maghreb[32].

Splendeur et déclin

À l'apogée de la dynastie, leur capitale Tlemcen avait atteint le plus haut degré de prospérité, sa population était d'environ 125 000 habitants, elle était décorée de monuments publics et importants, elle était un foyer de lumière selon les historiens les plus renommés[34]. Les rois Zianides aimaient la science, l'art et les lettres[34]. Ils avaient une cour nombreuse et brillante, une armée disciplinée et aguerrie[34], la ville de Tlemcen était aussi considérée comme l'une des villes le mieux policées et les plus civilisées au monde[34].

Les souverains zianides étaient connus pour la bonne administration de l’époque, ainsi que de la clairvoyance politique et surtout de leur esprit de tolérance. Leur capitale Tlemcen était d'ailleurs la seule ville de l’occident musulman où les juifs ont élu domicile au cœur même de la cité. Contrairement à ce qui est admis dans les autres cités du Maghreb, le sultan Zianide a permis à la communauté juive de construire des temples[35]. L’un des derniers rois de Grenade Abou Abdîl, finira ses jours à Tlemcen en 1494[35].

La Mosquée du Mechouar, construite par le sultan zianide Abou Hammou Moussa Ier.

Charles Brosselard cite les Zianides : « Ils laissèrent une trace brillante de leur passage, se distinguant par leur esprit d'entreprise, leur bravoure chevaleresque dans les combats, une politique habile et tolérante, et par la protection aussi généreuse qu'éclairée qu'ils accordaient au commerce, aux sciences, aux arts et aux lettres. Quelque chose de considérable nous frappe à leur égard, c'est qu'ils poursuivent avec une invincible opiniâtreté la réalisation d'un grand dessein qui consistait à organiser un État autonome dans des limites géographiques bien définies[36] ». Il a également défini Tlemcen comme « une des villes les mieux policées et les plus civilisées du monde ».

À partir du milieu du XVe siècle, le Maghreb connait une décadence, le royaume zianide se fragmente et s’affaiblit par les querelles familiales, les émirs installés à Oran et Ténès luttent contre les souverains de Tlemcen, les ports forment des petites républiques : Alger, Dellys, etc., dans les Hauts plateaux, les confédérations tribales sont indépendantes de tout pouvoir central. Au niveau socio-économique, la citadinité recule et l’agriculture connait une régression[27].

Après la chute de Grenade en 1492, les puissances ibériques (Espagne et Portugal), se renforcent économiquement et militairement. Les Espagnols s’emparent de plusieurs ports du littoral et obligent les villes de Ténès, Mostaganem et Cherchell de payer tribut, Alger livra l'île qui contrôlait son port. Les populations sont mécontentes de leurs chefs incapables de les défendre. Des mouvements soufis émergent et leurs chefs deviennent de plus en plus influents[27]. Au début du XVIe siècle, l'activité commerciale qui avait vivifié la capitale du Maghreb Central pendant plusieurs siècles décline. La modification du commerce maritime européen, la conquête d’Oran par les Espagnols, les difficultés internes engendrent l’essoufflement de la dynastie zianide.

Économie

Minaret de la Grande Mosquée d'Alger, construit par le sultan Zianide Abû Tâshfîn

Située au croisement de deux grandes routes de négoce et d’échange est-ouest et nord-sud, la capitale zianide possédait depuis la plus haute antiquité trois ports actifs et réputés : Rachgoun, Honaine et Oran. Les commerçants de Tlemcen avaient la réputation d’être « pécunieux, opulents en possessions, hommes justes, ayant en singulière recommandation la loyauté et l’honnêteté de leurs affaires et prenant merveilleusement grand plaisir à tenir la cité garnie », écrivait, au début du XVIe siècle, Léon l'Africain[37]. Le trafic saharien a connu un renouveau grâce à l'amitié entre les Zianides et les Maaqil du Tafilalet[15]. Elle recevait du Soudan et du Niger: ivoires, esclaves, poudres d'or, cuirs et dattes du Tafilalet et de la Mauritanie[38].

Tlemcen entretenait des rapports suivis avec les ports chrétiens de la Méditerranée, notamment Pise, Gênes, Florence et Venise en Italie, Barcelone sur les côtes de la Catalogne ainsi que l’Aragonais, enfin la Provence avec Marseille[38].

Les marchands européens achetaient des grains, de la laine, de la cire, des peaux, de l’huile, des fruits secs, des plumes d’autruche, des épices, du corail, etc. Ils vendaient, en retour, des draps, de la toile, du fer et de l’argent, de la quincaillerie, de la mercerie, etc[38]. Il existait 3000 boutiques et environ 2000 marchands chrétiens et des négociants et banquiers juifs[38].

Au départ, les rapports se situaient au niveau des marchands zianides et européens ; mais bientôt, l’importance de ces échanges et leur volume s’accrurent au point que les gouvernants jugèrent, sinon utile, du moins prudent de réglementer ces relations. Dès lors, des conventions diplomatiques furent conclues pour fixer les garanties entre les parties. Les premiers accords commerciaux ratifiés furent ceux qui lièrent le royaume zianide à la République de Pise dès 1230, puis en 1265. Avec sa rivale, Gênes la maritime, furent paraphés des protocoles en 1236 et en 1251, avec Venise en 1251 et en 1252.

Même aux heures de crise, Tlemcen ne cessa d'être fréquentée par les négociants, qui s'y approvisionnaient de produits du Soudan[15], c'était une place de transit pour les marchandises africaines et européennes, qui se débitaient dans le vieux quartier de la Qaïçariya. Au début du XVIe siècle, Léon l'Africain insistait sur la loyauté renommée des commerçants de la capitale zianide[39].

Dinar zianide du Royaume Zianide de Tlemcen

Les Zianides eurent des échanges divers avec l'Espagne musulmane et apporteront aides militaires contre la Reconquista. Les Nasrides signent des traités de paix et des alliances avec les souverains Zianides, ils deviennent alors alliés contre la Couronne d'Aragon et leur concurrents Mérinides[40]. Tlemcen était aussi une ville d’industrie, elle était réputée pour le travail des artisans, elle devient le foyer d’une brillante civilisation et centre de consommation pour une aristocratie raffinée, qui causera sa décadence[41].

Le royaume possédait sa propre monnaie, le « Dinar Zianide OR (4,61g) », frappé à Tlemcen sous le règne du sultan Abdel Rahman Abou Tachfine Ier 1318-1337. Dans tout le royaume des Zianides, ce n'est qu'à Tlemcen, la capitale, que la monnaie était frappée. Du fait de son expérience, la famille Beni Mellah (en arabe بني ملاّح), originaire de Cordoue, était chargée de la production de la monnaie, symbole de puissance et d'indépendance. Les successeurs de Yaghmoracen Ibn Ziane ont toujours confié cette tâche à la même famille : elle consiste à faire fondre de l'or et l'argent puis, après les avoir précieusement mesurés et pesés, à les verser dans des moules spéciaux pour en faire des dinars d'or ou des dirhams d'argent.

Culture

Intérieur du Palais El Mechouar, à Tlemcen.

Plusieurs princes zianides aimèrent s'entourer de savants et d'artistes, Tlemcen eut la réputation d'une cité intellectuelle[42]. Charles André Julien cite : « On y cultiva avec succès, assurait Ibn Khaldoun, qui l'avait longtemps habitée, les sciences et les arts ; on y vit naître des savants et des hommes illustres, dont la réputation s'étendit aux autres pays[43]. ». Ses poètes se complaisaient aux louanges classiques, habiles et maniérées, des souverains[43]. Sa société est décrite par Georges Marçais comme « polie, dévote et cultivée »[43]. Tlemcen était toute pénétrée de ce mysticime oriental qui devait triompher, en réaction contre l'invasion étrangère[43].

Tlemcen était également une ville religieuse et un centre d'études musulmanes, elle attirait des pèlerins et comptait cinq collèges et médersas et des écoles pour fonctionnaires, théologiens, juristes, administrateurs et sociologues dont celle d’El-Eubad[41]. À cette période, une tendance d’orthodoxie se propageait dans les medersas où s’enseignait une nouvelle école malékite fidèle aux enseignements du passé. Elle est largement influencée par la fraction andalouse du pouvoir politique[6].

Le soufisme se développe, avec le culte des walîs et autres chorfas. On commence à célébrer la fête du mawlid. C'est dans cette atmosphère inspirée que se développe l'école musicale gharnati[44]. Sous Abou Hammou Moussa II, un monarque cultivé, la vie de la Cour y est la plus brillante. Il organise des réceptions fastueuses et fait de la célébration de la nuit du mawlid une fête solennelle, avec joutes poétiques emphatiques[45].

Dynastie zianide

Patrimoine

Un homme de Tlemcen.

Le patrimoine zianide se situe principalement dans la capitale Tlemcen. Plusieurs oratoires sont édifiés notamment à proximité de mausolées de saints personnages tels que la mosquée Sidi Abû l-Hasan fondée en 1296, la mosquée d’Awlâd al-Imâm fondée en 1310 et la mosquée Sidi Ibrâhîm[4]. S'ils n’ont pas construit beaucoup de nouvelles mosquées, ils ont apporté l’entretien, la restauration et l’agrandissement d’édifices préexistants. Ainsi, plusieurs mosquées du territoire Zianides ont été dotées de minarets tels que la grande mosquée de Tlemcen, d’Agadir[4] et celle d'Alger.

Yaghmoracen Ibn Zian a fait des rénovations de la mosquée bâtie par Idrîs Ier en 790, il construit le minaret qui comportera 127 marches et aura une hauteur de 25 m[46] et il a également construit le palais El Mechouar, qui servait de résidence officiels des princes zianides et comportait leurs habitations, leur mosquée et des magasins[43]

La fin du XIIIe siècle et le début du XIVe siècle virent l'érection de deux autres mosquées Tlemcénienne : Sidi Bel Hasan et Ulad al-Imam, forts petites l'une et l'autre, mais dont la première compte comme une des ouvres la plus séduisante que l'époque Zianide nous ait laissées[47]

Les Zianides ont laissé une panoplie de modèles vestimentaires, principalement pour les femmes. Cela comprend notamment, selon certaines sources, les éléments la chedda de Tlemcen.[réf. nécessaire]

D'après Ibn Khaldoun, le Coran réuni dans un manuscrit par Othman ibn Affan fut récupéré par les Zianides et faisait partie de leur butin de guerre[48]. Le Coran en question avait été sauvegardé par Abderrahmen, fondateur des Omeyades en Espagne, puis les Almoravides le trouvent en Espagne. Le livre tomba dans les mains des Almohades lorsqu'ils détrônèrent les Almoravides. Le manuscrit fut conservé chez les Mérinides de Fès jusqu'en 1336, lorsqu'ils furent attaqués par les Zianides de Tlemcen.

Religion

Le minaret de la Grande Mosquée de Nedroma, date de la période zianide.

Dans le royaume Abd al-wadide , nous retrouvons des traits religieux proches de ceux du Maghreb extrême et de l'Ifriqiya : l'orthodoxie religieuse y règne à peu près partout sous la forme du rite malikite aux XIIe, XIVe, et XVe siècles. En tant que centre d'études musulmanes, Tlemcen est toute pénétrée graduellement de ce mysticisme oriental qui finit par triompher dans tout l'Occident musulman en réaction contre l'invasion étrangère qui commence par l'installation des Portugais à Ceuta en 1415 et qui amène les Espagnols à annexer tout Al-Andalus en 1492[49].

Quant au culte des saints, à Tlemcen, on vénère Sidi Wahhab, le compagnon du Prophète qui, venu à la suite de Uqba Ibn Nafi, avait croyait-on été enterré dans la ville ; on vénère également Sidi al-Dawdi, le grand saint du Xe siècle et surtout Sidi Bou Madyan, le «Maitre du pays», le saint dont le tombeau attirait des pèlerins de tout le Maghreb. Enfin nous savons que le sultan Abu Zayyan II (1394-1399) composa lui-même un traité sur la religion, exaltant le Soufisme[50]

À Tlemcen, il était courant que les princes dont les corps étaient destinés à une nécropole donnée réservaient dans celle-ci une place aux hommes qu'ils avaient vénérés de leur vivant. À titre d'exemple, nous pouvons citer la dépouille du savant al-Marzuk, mystique, théologien et grammairien qui fut inhumé en 1439 dans le cimetière destiné à l'origine aux rois de Tlemcen. Il se trouve que le culte de ce saint homme a survécu à la renommée profane des souverains du pays : dans les traditions populaires actuelles, Yaghmoracen Ibn Ziane le fondateur de la dynastie n'est plus qu'un nom peu connu d'ailleurs auquel ne s'attache aucun souvenir a contrario de Sidi Marzuk ou Sidi Bou Madyan dont les mémoires sont encore vives[51].

Armée

L'armée zianide dérivait de l'armée almohade, néanmoins, aucun noyau almohade n'y subsistait. La composition de l'effectif militaire illustre deux groupes : Des Berbères et des « étrangers » : Orientaux, Andalous, Chrétiens. L'élément principal était cela dit celui fourni part les tribus. Les contingents étaient donc très variables, leur nombre dépendait du degré de soumission de chaque tribu et des péripéties qui pourront les mettre hors de l'autorité monarchique. Devant les fluctuations de la politique, certaines tribus, préféraient parfois servir aux ordres des Hafsides ou des Mérinides. Ce fut en particulier, le cas du groupe zénète des Banu Tudjin qui collabora, au XIIIe siècle, avec les souverains Hafsides Abou Zakariya Yahya (1228-1249) et al-Mustansir (1249-1277). Beaucoup plus important et sûr était l'appui militaire des Arabes nomades. Leur intervention fut souvent primordiale dans les guerres inter-berbères[52].

L'efficacité de l'armée tlemcénienne reste donc très réduite par les fluctuations et l'incertitude de son recrutement d'où l'appel à des contingents plus fixes venus de l'étranger. Il est attesté s'agissant du Maghreb et de Al-Andalus que l'usage troupes mercenaires chrétiennes dans les luttes internes est un fait récurrent[53]. À Tlemcen, une milice chrétienne apparait pour la première fois (selon la documentation) peu après l'arrivée au pouvoir de Yaghmoracen Ibn Ziane. Ses origines sont liées à l'incorporation de quelque 2 000 soldats chrétiens issus de l'armée almohade, armée ayant été sévèrement battue à la bataille de Las Navas de Tolosa[54].

Drapeaux

Notes et références

  1. (en) Gloria Lotha, Marco Sampaolo, « ʿAbd al-Wādid Dynasty », Encyclopædia Britannica,, (lire en ligne)
  2. (en) Anthony Appiah et Henry Louis Gates, Encyclopedia of Africa, Oxford University Press, , 1392 p. (ISBN 978-0-19-533770-9, lire en ligne)
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  4. (en) Y. B., « Les Abdelwâdides », Qantara, (lire en ligne)
  5. Julien 1994, p. 512
  6. Ramaoun 2000, p. 23.
  7. Chitour 2004, p. 59
  8. Amar Dhina, Cités musulmanes d'Orient et d'Occident, vol. 15, Entreprise Nationale du Livre, , 141 p. (lire en ligne), p. 84
  9. AWAL, vol. 1-3, Centre d'études et de recherches Amazigh, (lire en ligne), p. 1
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  11. Ibn Khaldūn, Le livre des exemples, Gallimard, (lire en ligne), p. 387
  12. Jamil. M. Abun-Nasr, A history of the Maghrib in the Islamic period, Cambridge University Press, , 455 p., p. 134
  13. Julien 1994, p. 485
  14. Victor Piquet, Les civilisations de l'Afrique du Nord : Berbères, Arabes, Turcs : avec 4 cartes hors texte, A. Colin, (lire en ligne), p. 171
  15. Ramaoun 2000, p. 22.
  16. Ibn Khaldoun (trad. de l'arabe), Histoire des Berbères, Alger, Berti, (ISBN 2-7053-3635-4), p. 1043
  17. Sid-Ahmed Bouali, Les deux grands sièges de Tlemcen, éd. ENAL, Alger, 1984
  18. Charles-André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord. Des origines à 1830, éd. Payot, Paris, 1966, p. 158
  19. Charles-André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord. Des origines à 1830, éd. Payot, Paris, 1966, p. 104
  20. Chitour 2004, p. 61
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  22. Chitour 2004, p. 212
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  35. Fouad Ghomari, « La médina de Tlemcen: l’héritage de l’histoire », webjournal, (ISSN 1827-8868, lire en ligne [PDF])
  36. Charles Brosselard, Mémoire épigraphique et historique sur les tombeaux des émirs Beni-Zeiyan, et de Boabdil, dernier roi de Grenade, découverts à Tlemcen, Ernest Leroux, (lire en ligne), p. 6
  37. Claude Emmanuel Henri Marie Pimodan, Oran, Tlemcen, Sud-Oranais (1899-1900), Paris : H. Champion, (lire en ligne), p. 53
  38. Simon 2011, p. 175
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  45. Meynier 2010, p. 199.
  46. Le Petit Futé Algérie. Par Collectif, Dominique Auzias, Jean-Paul Labourdette, Marie-Hélène Martin. Publié par Petit Futé, 2008. (ISBN 2-7469-2196-0). page294
  47. Atallah DHINA, Les États de l'occident musulman au XIIIe, XIVe, et XVE siècles, Alger, Office des publications universitaires - Alger, , 595 p., p. 295
  48. Ibn Khaldoun (trad. de l'arabe), Histoire des Berbères, Alger, Berti, (ISBN 2-7053-3635-4), p. 1050
  49. Atallah DHINA, op cit, p. 315
  50. Athalla DHINA, op cit. p315.
  51. Atallah DHINA, op cit. p315-316.
  52. Atallah DHINA, op cit. p. 434-435
  53. María Dolores López Pérez, « Émigrer pour faire la guerre : la présence militaire catalano-aragonaise au Maghreb médiéval », Entre histoire des idées et histoire sociale, , p. 56-71
  54. Charles Emmanuel Dufourcq, « Les Espagnoles et le Royaume de Tlemcen aux treizième et quatorzième siècles », Butlletí de la Reial Acadèmia de Bones Lletres de Barcelona, , p. 35-36 (lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

  • Gilbert Meynier, L’Algérie, cœur du Maghreb classique : De l’ouverture islamo-arabe au repli (698-1518), Paris, La Découverte, , 358 p. (ISBN 978-2-7071-5231-2)
  • Charles-André Julien, Histoire de l’Afrique du Nord : Des origines à 1830, Paris, Édition Payot, , 865 p. (ISBN 978-2-228-88789-2)
  • Chems Eddine Chitour, Algérie : le passé revisité, Casbah Editions, , 318 p. (ISBN 978-9961-64-496-6)
  • Hassan Ramaoun, L’Algérie, histoire, société et culture, Alger, Casbah Editions, , 351 p. (ISBN 9961-64-189-2)
  • Jacques Simon, L'Algérie au passé lointain : De Carthage à la régence d'Alger, Paris, L'Harmattan, , 231 p. (ISBN 978-2-296-13964-0, lire en ligne)
  • Atallah Dhina, Le royaume Abdelouadide à l'époque d'Abou Hammou Moussa Ier et d'Abou Tachfin Ier, Office des Publications Universitaires (OPU), ENAL, Alger, 1985, 277 p.
  • Y. Ibn Khaldoun, Histoire Des Béni Abd El-Wad, Rois De Tlemcen.
  • M. Et-Ettenessi, Histoire Des Béni Zayane.
  • Ch. Brosselard, Les Inscriptions Arabes De Tlemcen, In Revue Africaine.
  • G. Et W. Marçais, Tlemcen.
  • Sid Ahmed Bouali, Les Deux Grands Sièges De Tlemcen.

Articles connexes

Liens externes

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