Société des agathopèdes

La Société Pantechnique et Palingénésique des Agathopèdes, appelée couramment Société des agathopèdes, est une société confidentielle, libérale, burlesque et d'agrément fondée à Bruxelles le par Antoine Schayes dans le prolongement de l'Ordre des agathopèdes datant du XVe siècle. Elle semble avoir disparu dans le dernier quart du XXe siècle.

Le Pentastigme, emblème des agathopèdes.

La Société des agathopèdes garde depuis ses origines des contacts et compte parfois des doubles appartenances avec la très secrète Société des douze dédiée comme elle à la gastronomie jointe à l'érudition.

Origine du terme « agathopède »

Le mot provient du grec ancien « agathós », un adjectif qui signifie « bon ». Dans la mythologie, la tragédie et la philosophie, agathós désigne l’homme bien né, brave et accompli. Au cours du IVe siècle av. J.-C., ce terme a acquis un sens politique. Un homme bon était alors un homme qui respectait ses devoirs de citoyen, en tant que membre de la cité.

Platon substantifie l'adjectif pour désigner une idéa située « au-delà de l'Être » (le Bien). Il nomme la théorie du Bien « agathologie » qui est pour lui la science suprême. La théorie des biens semble particulièrement correspondre à l'éthique chez les philosophes allemands Friedrich Schleiermacher et August Döring (de) qui considéraient l'agathologie comme « science centrale » (Zentralwissenschaft) philosophique.

Le suffixe « pède » vient de « paideia » (παιδεία) et signifie « éducation ».

Premier Ordre des agathopèdes

L'Ordre des agathopèdes[1], une société secrète, a été fondée à Bruxelles au milieu du XVe siècle et visait à combattre tant le fanatisme de l'Église catholique romaine que, par la suite, celui des Églises protestantes. Nombre de personnages, qui se distinguaient par leur rang ou leur talent, en sont devenus membres. Parmi eux, le prince d'Épinoy, le duc de Bournonville, le maréchal Maurice de Saxe, Pierre Paul Rubens[2] et Voltaire[3]. La Fraternité a disparu en 1837, à la mort de l'avocat Pins, qui, quelques mois avant son décès, avait initié son ami Antoine Schayes aux idées de l'Ordre.

Emblème

Le symbole des agathopèdes, est appelé « pentastigme », terme nouveau ignoré des dictionnaires de grec classique et composé à une époque non précisée des mots pente (cinq) et stigma (marque au fer rouge). Si la date de la création du mot n'est pas encore claire, sa première représentation graphique connue apparaît en 1393 dans une miniature[4] du Ménagier de Paris (1393) et consiste en cinq points, les quatre premiers disposés aux coins d'un carré imaginaire tenant sur une pointe et le cinquième en son centre. Le pentastigme est le symbole de la Connaissance[5].

Nouvelle Société des agathopèdes

Blason des Agathopèdes, vers 1850.

Antoine Schayes restaure l'Ordre des agathopèdes[6] le sous le nom de Société pantechnique et palingénésique des Agathopèdes, dont le premier chapitre s'est tenu le 4 novembre suivant. La Société des agathopèdes, constituée au départ par sept membres, était composée de brillants érudits désirant se distraire honnêtement en s'adonnant à la gastronomie ainsi qu'à la création de canulars. Les membres juraient d'être de braves compagnons. Les statuts précisaient que « le but des membres de l’association est de passer les soirées à l’abri des mouchards, du bruit, de la musique et autres incommodités ».

Malgré le caractère gaudriolesque de cette société de joyeux lurons, elle ne tarda pas à jouir d'un renom culturel prestigieux, principalement à cause des ouvrages de qualité publiés sous son égide et qui sont toujours recherchés par les bibliophiles.

Organisation

La société avait un président qui portait le nom de « Grand pourceau royal ».

Rituel

Chaque membre en entrant recevait lors de son « initiation » un nom d'animal, soit comestible, soit tiré du Roman de Renart.

Lors de l'ouverture des réunions, un massier devait porter la masse d'arme symbolique composée d'un manche en bois d'une longueur de 40 cm. avec aux extrémités les symboles de cette association : un cochon assis dans un fauteuil et un canard en plomb.

Blason et devise

Le blason de la société est :

Écartelé : au 1 d'argent à une ombre de tête de cochon contournée ; au 2 de gueules à trois canards contournés d'argent mal ordonnés ; au 3 bandé de douze pièces de sinople et d'argent ; au 4 à une ombre d'un visage humain moqueur naissant de l'angle du canton senestre soutenu d'une ombre de deux mains faisant le pied de nez (le tout rangé en barre).

La devise des Agathopèdes est « Tout pour un canard » et leur cri de guerre, « Amis comme cochons ».

Annuaire

L'association publiait chaque année un Annulaire (sic) agathopédique et saucial dans lequel figurait un calendrier dont les mois avaient des noms de denrées alimentaires comme raisinaire, boudinal, jambonose, truffose, petitpoisidor ou melonidor. L' Annulaire du Cycle IV portait comme mention Imprimé par les Presses Iconographiques à la Congrève de l'Ordre des Agath:.:, chez A. Labroue et Compagnie, rue de la Fourche 36, à Bruxelles.

Zwanze et Lieux de réunion

Vers , la fantomatique Société des Agathopèdes et l'Observateur montent une formidable zwanze qui allait attirer à l'Établissement géographique de Bruxelles, grâce à l'annonce suivante : « À la demande d'un grand nombre de personnes de Bruxelles qui s'occupent de mesmérisme, le célèbre Royaumir a consenti à donner en une seule séance, qui aura lieu après demain jeudi, à trois heures précises dans les magnifiques serres de l'Établissement géographique de M. Philippe Vandermaelen à Molenbeek-Saint-Jean. Prix d'entrée : 5 francs ». À cette occasion, un portrait du maître des lieux est dressé en ces termes : « Pendant ce temps, le brave Philippe Vandermaelen, un savant modeste toujours vêtu d'un bonnet grec et d'une petite veste rayée bleu et blanc qu'il paraissait avoir empruntée à quelque boucher des environs recevait dans ses salons, selon son habitude, les premiers visiteurs, qu'il amusait en leur montrant sa machine électrique et en leur offrant de monter sur le petit tabouret à pieds de verre, pour se faire tirer des étincelles électriques du bout du nez ». Vandermaelen éventa immédiatement la mystification et, en bon Bruxellois, « partit d'un immense éclat de rire »[7].

Dès , les Agathopèdes se réunissaient à Bruxelles, au café « Au Ballon », Cantersteen 18, puis en au « café de l'Univers » et ensuite, en , la société eut son propre local au numéro 10 Galerie de la Reine et enfin 8 Villa Hermosa[8]. Dès la séance terminée les membres se rendaient non loin de là au « restaurant Dubost ».[réf. nécessaire]

Lors des tenues de Chapitre, la réunion se faisait au restaurant « Chez Perin » et lors de la belle saison les membres émigraient à la campagne et principalement à Boitsfort. Ces repas étaient appelés « glandées », repas communicatifs menant à la Connaissance. Le « Panage » était une glandée dirigée par des dignitaires de rang supérieurs. La symbolique du chêne et du gland était liée au culte de Zeus et de Jupiter.[réf. nécessaire]

Membres notables de la société

Bibliographie

  • Jean Amalaure, « Les Agathopèdes à Bruxelles », dans: Le Folklore Brabançon, Bruxelles, no 235 de septembre 1982, p. 239 à 320
  • Jean Amalaure, Les Agathopèdes, Bruxelles, 1982 (Format 17 x 25 cm, tirage limité à 350 exemplaires tous numérotés sur papier Featherweight, en typographie ; 25 exemplaires grand luxe numérotés en chiffres romains I à XXV sur papier spécial relié cuir[14]
  • Annuaire agathopédique et saucial, Bruxelles, , Imprilmé par les presses iconographiques à la congrève de l'ordre des agath***, A. Labroue, Cycle IV, 1850. "Tirage limité au nombre sacramentel de 350 exemplaires seulement".
  • Annuaire de 1849.[15]provenant de la collection de Georges Petit.
  • Achille Comte, « Sociétés savantes étrangères », dans: La Patrie (journal), 6 janvier 1851
  • Emmanuel Hoyois, « La secte des Agathopèdes », dans: Documents et particularités historiques sur le Catalogue du comte de Fortsas, Mons, 1857, pages 195 à 206 Lire en ligne.
  • Paul Nève, Les pourceaux de Bruxelles peints par eux-mêmes, Bruxelles, 1863
  • Arthur Dinaux, « Les Agathopèdes » dans: Les sociétés badines, bachiques, littéraires et chantantes. Leur histoire et leurs travaux, volume 1, Paris : Bachelin Deflorenne, 1867 Lire en ligne p. 8-20
  • Eduard Maria Oettinger, Un agathopède de l’Empire, ou Essai sur la vie et les travaux gastronomico-littéraires de feu Grimod de la Reynière, Bruxelles & Leipzig : Kiessling, Schnée et Cie, 1854
  • Sainte-Beuve et la critique littéraire contemporaine, actes du colloque[16], Liège, 6 au 8 octobre 1969, Paris : Les Belles Lettres, 1972, Bibliothèque de la faculté de philosophie et lettres de l'université de Liège, fasc. CXCVIII
  • Alain Ferraton, libraire bruxellois, Vente publique, 2 octobre 2015, catalogue, lot 407 : masse d'arme symbolique de la Société des agathopèdes vendue 1 000 [17].
  • Pierre Cockshaw, « La société des Agathopèdes : de la légende à l'histoire », dans : Renier Chalon alias Fortsas, un érudit malicieux au mitan de XIXe siècle (éd. François de Callataÿ et Claude Sorgeloos), Mariemont : musée royal de Mariemont, 2008, p. 141 et seq.
  • Jean-Baptiste Baronian, Les Agathopèdes, dans Guide secret de Bruxelles, Editions Ouest-France, Rennes, 2019, p. 62-65.
  • Arenberg Auctions, catalogue des 16 et 17 octobre 2020, lot 1514, 5 médailles en métal conservées dans une boite ad hoc, Bruxelles.

Notes et références

  1. Arthur Dinaux, Gustave Brunet, Katherine Golden Bitting, Les sociétés badines, bachiques, littéraires et chantantes : leur histoire et leurs travaux, 1867.
  2. Rubens y a reçu le surnom de « lion », qui n'a plus jamais été attribué depuis lors.
  3. Voltaire fut reçu le 15 mars 1740.
  4. La plupart de ces miniatures sont connues d'après leur reproduction en noir et blanc de l'édition de 1847 : Le Ménagier de Paris. Traité de morale et d'économie domestique composé vers 1393 par un Parisien pour l'éducation de sa femme, Janet, Paris, 1847.
  5. Un symbole similaire apparaît à la même époque chez les Arabes, à la différence que les points sont disposés en étoile.
  6. Agathopède signifie bon enfant, y compris dans le sens de bon vivant
  7. « Fortsas et Royaumir : Zwanzes d'autrefois », Pourquoi pas ?, no 1113, , p. 2759-2761 (lire en ligne)
  8. Jean-Baptiste Baronian, Les Agathopèdes, 2019, page 64.
  9. Paul Delsemme, Les écrivains francs-maçons belges, Bibliothèques de l'ULB, Bruxelles 2004, page 79.
  10. Biographie de Félix Bovie.
  11. Biographie de Michiels, site de l'INHA
  12. Son surnom : Firadel le Léopard, ceci d'après un jeton en argent Ménagerie de Laurent Hart réalisé en 1850 faisant partie des collections du Cabinet des Médailles de Bruxelles. Ce jeton mentionne en outre quatuor de la lévraumaire et indique quatrième cycle.
  13. H. Dubois d'Enghien, La reliure en Belgique au XIXe siècle, Bruxelles, 1954.
  14. Description d'après un prospectus de souscription. Le livre ne figure pas dans la Bibliographie de Belgique et semble donc n'avoir jamais été édité.
  15. Vente chez Arenberg Auctions, Bruxelles, des 18 et 19 juin 2021, lot 935
  16. Lire en ligne p. 27.
  17. Alain Ferraton, vente publique du 2 octobre 2015, lot 407. Lire en ligne.

Articles connexes

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