Rue Mouffetard

La rue Mouffetard, familièrement nommée « la Mouffe », est une voie du 5e arrondissement de Paris.

5e arrt
Rue Mouffetard

Commerçants au croisement des rues Mouffetard et de l'Arbalète.
Situation
Arrondissement 5e
Quartier Saint-Victor
Jardin-des-Plantes
Val-de-Grâce
Sorbonne
Début Rue Thouin
Fin Rue Censier
rue Pascal
Morphologie
Longueur 650 m
Largeur m
Historique
Création Ier siècle
Ancien nom Rue Saint-Marcel
rue Saint-Marceau
Géocodification
Ville de Paris 6524
DGI 6581
Géolocalisation sur la carte : 5e arrondissement de Paris
Géolocalisation sur la carte : Paris
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Situation et accès

Il s'agit d'une des rues les plus anciennes de Paris, qui daterait probablement du Bas-Empire au IIIe siècle. Très pittoresque, c'est l'un des axes du Quartier latin les plus fréquentés en raison de ses nombreux restaurants. Longue de 650 mètres, elle descend en pente douce de la montagne Sainte-Geneviève vers l'église Saint-Médard et l'ancien pont sur la Bièvre recouverte au XIXe siècle. C'est la rue principale du faubourg Saint-Médard.

Origine du nom

Elle porte le nom de l'ancien lieu-dit Mont Cétard, devenu par corruption Mouffetard[1].

Historique

La rue Mouffetard fait partie d'une voie qui aurait été créée sous le Bas-Empire pour relier directement le pont de l'île de la Cité (actuel Petit-Pont) à la nécropole qui se développait à l'emplacement du futur faubourg Saint-Marcel. Cette voie correspondait également au tracé de l'actuelle rue Descartes et aboutissait au gué sur la Bièvre près de l'actuelle église Saint-Médard où l'on rejoignait la voie de Lutèce à Lyon.

La création de cette voie correspond à l'abandon progressif de la cité gallo-romaine de la rive gauche à partir du milieu du IIIe siècle jusqu'à la fin du IVe siècle pour une occupation limitée aux 10 hectares de l'île de la Cité. À cette époque, l'île est fortifiée pour faire face aux incursions germaniques. Ce rempart est construit en utilisant les pierres des monuments de la rive gauche. Cette voie qui contourne par l'est la cité abandonnée est privilégiée par rapport à celle dont le tracé correspond en partie à celui de l'actuelle rue Lhomond reliant le forum à l'angle des rues Saint-Jacques et Soufflot au gué sur la Bièvre[2].

La voie subit des modifications de son tracé au XIIIe siècle sur une butte (le mont Cetard[3]) constituée d'immondices et d’alluvions accumulées au cours des siècles. Son nom pourrait être le résultat d'une déformation de « mont Cétard » (issu de Mons Cetarius ou Mons Cetardus, en français « Mont-Cétard », altéré en « Mont-Fétard »), mais il provient plus probablement, d'une déformation du mot « moufette », ce dernier signifiant alors « exhalaison pestilentielle » ou « odeur insoutenable[4] ». Édouard Fournier (1860) indique, pour soutenir cette hypothèse, que sur la rive droite se trouvait également un mont constitué de boues appelé « la butte Bonne-Nouvelle », et qu'elle possédait elle aussi un chemin appelé « Mouffetard », devenu depuis la rue de Cléry.

Cette rue porta parfois d'autres noms : au début du XVIIe siècle, c'était la « rue Saint-Marcel » puis « rue Saint-Marceau ». Il est cité sous le nom de « Grand rue de Moustar » dans un manuscrit de 1636.

Familièrement, elle est nommée « la Mouffe »[réf. nécessaire]. La partie comprise entre la rue Croulebarbe et la barrière d'Italie s’appelait au XVIIIe siècle « rue Gautier-Renaud », du nom d’un propriétaire qui y demeurait[5].

Le petit cimetière derrière l'église Saint-Médard (emplacement de la rue de Candolle), au bas de la rue Mouffetard, fut le théâtre au XVIIIe siècle du curieux épisode des convulsionnaires de Saint-Médard.

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, la rue Mouffetard traversait la Bièvre près de l'église Saint-Médard par le pont aux Tripes ainsi nommé par le passage des bouchers parisiens qui abattaient les animaux au bord de la rivière au Moyen Âge[6]. La rue remontait ensuite au sud jusqu'à la barrière d'Italie (devenue la place d'Italie). Elle avait alors une longueur de plus de 1 500 mètres et faisait partie de l'ancien 12e arrondissement. Les travaux d'Haussmann l'ont amputée de sa partie la plus au sud pour construire la rue de Bazeilles et l'avenue des Gobelins.

Contexte commercial

La rue Mouffetard est réputée pour son animation et la densité de ses petits commerces en tous genres. Le haut de la rue Mouffetard, jusqu'à la place de la Contrescarpe et le début de sa descente vers Saint-Médard, est essentiellement composé de commerces de bouche, cafés-restaurants, brasseries, services de restauration rapide et bars se succédant. De nuit, c'est la partie la plus touristique et active.

Le bas de la rue Mouffetard, qui commence au croisement avec la rue Jean-Calvin, est occupé par un marché quotidien de primeurs et par des commerces de proximité traditionnels destinés aux habitants du quartier : boucheries, poissonneries, fromagers, boulangeries, maraîchers, cavistes, traiteurs, épiciers, quincaillers, ainsi que quelques bars et cafés de quartier. Elle accueille également un cinéma de quartier de deux salles nommé L'Épée de bois et classé art et essai.

Bâtiments remarquables et lieux de mémoire

  • No 1 : enseigne de l'ancien cabaret de La Pomme de Pin.
  • No 6 : enseigne d'une ancienne boucherie classée à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques[7].
  • No 14 : enseigne de l'ancien magasin de cafés Au Nègre joyeux, déposée après une polémique durant l'été 2018.
  • No 52 : le couloir de l'entrée est pavé de vieilles pierres tombales.
  • No 53 : il y fut découvert en 1938 le « trésor de la rue Mouffetard », caché par Louis Nivelle, avocat au Parlement de Paris sous Louis XV et composé de 3 556 pièces d'or[8].
  • La fontaine du Pot-de-Fer située au No 60, à l'angle de la rue du Pot-de-Fer. Alimentée à l'origine (1624) par l'aqueduc d'Arcueil, l'édifice actuel date du XVIIIe siècle. Elle est depuis 1925 classée aux monuments historiques[9].
  • No 61 : caserne Monge de la Garde républicaine. Le couvent des religieuses hospitalières de Notre-Dame de la Miséricorde, fermé à la Révolution, est détruit dans les années 1820 pour être remplacé par une la caserne Mouffetard, qui prend son nom actuel en 1933. Jusque dans les années 1880, l'entrée principale de la caserne se trouvait rue Mouffetard.
  • No 69 : Le Vieux Chêne, un ancien bal datant de 1864 et réputé le plus ancien bar de Paris. Il remplaçait un club révolutionnaire de 1848[10].
  • No 72 : boutique de produits photographiques Artista, fondée avant 1889[11].
  • No 73 : le théâtre Mouffetard.
  • Ancien No 91 : autrefois, à l'angle, s'élevait un vieux cabaret à l'enseigne de L'Épée-de-bois, qui donna son nom à la rue adjacente[12].
  • No 122 : une ancienne enseigne est peinte en relief, À la bonne source, sur la façade (inscrite aux monuments historiques)[13].
  • No 134 : façade peinte classée[14] ( sgraffito). Figurant des animaux et des végétaux et réalisée vers 1930, elle a été commandée par un boucher installé au rez-de-chaussée, désireux d'attirer des clients[15]
  • No 140 : sous les combles, Jean Grave animait la rédaction des Temps nouveaux (1895-1914)[réf. nécessaire].
  • No 141 : l'église Saint-Médard datant du XVe siècle, classée depuis 1906 aux monuments historiques[16].
  • À l'angle du square Saint-Médard se trouvait la fontaine Censier, détruite en 1867-1868.

Dans les arts

Littérature

Le , le marquis de Sade fut arrêté dans sa garçonnière rue Mouffetard[réf. nécessaire].

Victor Hugo, Les Misérables, Tome 2

Dans Les Misérables, Tome 2, Victor Hugo décrit la fuite du personnage Jean Valjean dans les rue tortueuses avoisinant la rue Mouffetard à cette époque :

« Jean Valjean décrivit plusieurs labyrinthes variés dans le quartier Mouffetard, déjà endormi comme s’il avait encore la discipline du moyen âge et le joug du couvre-feu [...]. »

Georges Duhamel, Confessions de minuit

Georges Duhamel, dans Confession de minuit (1920), premier volume de Vie et aventures de Salavin, fait faire ainsi la description par son héros, Louis Salavin, de la rue Mouffetard à proximité de laquelle il habite :

« Comme une veine de nourriture coulant au plus gras de la cité, la rue Mouffetard descend du nord au sud, à travers une région hirsute, congestionnée, tumultueuse.

Amarré à la montagne Sainte-Geneviève, le pays Mouffetard forme un récif escarpé, réfractaire, contre lequel viennent se briser les grandes vagues du Paris nouveau. J'aime la rue Mouffetard. Elle ressemble à mille choses étonnantes et diverses : elle ressemble à une fourmilière dans laquelle on a mis le pied ; elle ressemble à ces torrents dont le grondement procure l'oubli. Elle est incrustée dans la ville comme un parasite plantureux. Elle ne méprise pas le reste du globe : elle l'ignore. Elle est copieuse et vautrée, comme une truie.

Le pays Mouffetard a ses coutumes propres et des lois qui n'ont plus ni sens ni vigueur au-delà du fleuve Monge. L'étranger qui, venu du centre, se fourvoie dans la rue Blainville ou place de la Contrescarpe est, à certaines heures, aspiré comme un fétu par le maelström mouffetardien. Et, tout de suite, la cataracte l'entraîne.

La rue Mouffetard semble dévouée à une gloutonnerie farouche. Elle transporte sur des dos, sur des têtes, au bout d'une multitude de bras, maintes choses nourrissantes aux parfums puissants. Tout le monde vend, tout le monde achète. D'infimes trafiquants promènent leurs fonds de commerce dans le creux de leurs mains : trois têtes d'ail, ou une salade, ou un pinceau de thym. Quand ils ont troqué cette marchandise contre un gros sol, ils disparaissent, leur journée finie.

Sur les rives du torrent s'accumulent les montagnes de viandes crues, d'herbes, de volailles blanches, de courges obèses. Le flot ronge ces richesses et les emporte au long de la journée. Elles renaissent avec l'aurore[17]. »

Léon Daudet, Paris vécu. Rive gauche

Dans la deuxième série de ses souvenirs parisiens, qui concerne la rive gauche et qui a paru en 1930, Léon Daudet fait de la rue Mouffetard une description qui suggère qu'au début du XXe siècle, la voie est toujours fidèle à son nom :

« La rue Mouffetard, qui va de la place de la Contrescarpe et de la rue Lacépède à l'avenue des Gobelins, est, au point de vue de la crasse, de la sordidité, de la puanteur, et aussi de l'ancienneté, du relief et de la couleur, une des plus remarquables de Paris. Là voisinent, coagulés dans une sorte de magma, des chiffonniers, des revendeurs, des filles, des maquereaux, des tire-laine, des êtres sans âge, sans sexe, non sans fumet, couverts de haillons d'une couleur ramenée au vert et au jaune, des chiens de tout poil et des rats de toute sorte. C'est un grouillement localisé, une sorte de survivance villonienne. »

 Léon Daudet, Paris vécu. Rive gauche, Gallimard, 1930, pp. 50-51.

Pierre Gripari, Contes de la rue Broca

Pierre Gripari dans « La sorcière de la rue Mouffetard » de ses Contes de la rue Broca (1967) y fait apparaître une sorcière qui veut manger une petite fille avec de la sauce tomate afin de devenir plus jolie[18].

Musique

En 2018, Patrick Bruel sort une chanson intitulée Rue Mouffetard. Elle est écrite par Vianney et fait référence au frère de Patrick Bruel, qui habite dans cette rue.

Cinéma

La rue Mouffetard est particulièrement présente dans :

Signalons également un reportage réalisé par Etienne Lalou et diffusé sur la RTF le 08/01/1959, disponible via la chaine Youtube de l'INA: Mémoires de la rue Mouffetard

Notes et références

  1. » Rue Mouffetard », www.v2asp.paris.fr.
  2. Didier Buisson, Paris, ville antique, Éditions du Patrimoine, Monum, Éd. du Patrimoine, , 161 p. (ISBN 2-85822-368-8), p. 18 et 58-59.
  3. Jean de La Tynna, Dictionnaire topographique, étymologique et historique des rues de Paris, Paris, 1812, p. 320. « Elle a été bâtie sur un terrain qui, au XIIIe siècle, se nommait mont Cétard (Mons Cetarius ou Mons Celardus), d'où viennent par altération son ancien nom mont Fêtard, et son nom actuel Moufetard : on lui a donné aussi, en divers temps, ceux de Saint-Marcel, de Saint-Marceau et vieille ville Saint-Marceau. »
  4. Édouard Fournier, Énigme des rues de Paris, E. Dentu, 1860, p. 51. « Les exhalaisons malsaines qui s'échappaient de cet amas de gadoues, et qui portent depuis très longtemps le nom spécial de moffettes ou mouffettes, avaient fait donner à la longue rue qu'infectait leur voisinage le nom de Mouffetard, qui renferme en lui son étymologie véritable, bien qu'on lui en ait cherché une foule d'autres. Or, le chemin qui se trouvait sur le versant méridional de l'autre monticule […] et que nous désignerons désormais par le nom de butte Bonne-Nouvelle, qu'il garde depuis le XVIIe siècle, avait aussi reçu primitivement cette appellation significative de Mouffetard. »
  5. Pierre Lazare et Félix Lazare, Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments (réimpr. 1844) (notice BnF no FRBNF32357628, lire sur Wikisource), « Mouffetard (rue) ».
  6. Marcel Brongniart, La Paroisse Saint-Médard, A. et J. Picard, , 33 p., p. 22.
  7. Notice no PA00088396, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  8. Pierre de Boishue, « Les valeurs inestimables de la Monnaie de Paris », Le Figaro Magazine, semaine du , pp. 74-81.
  9. Notice no PA00088429, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  10. Panneau Histoire de Paris, 69 rue Mouffetard.
  11. « Artista », Télérama, 5 juillet 2017 (en ligne).
  12. François Caradec, Guide de Paris mystérieux, Tchou, 1978, p. 512.
  13. Notice no PA00088460, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  14. Notice no PA00088487, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  15. « TOP 10 des maisons insolites à Paris », pariszigzag.fr, consulté le 12 juillet 2021.
  16. Notice no PA00088417, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  17. Confession de minuit dans Vie et aventures de Salavin, édition Omnibus, 2008, chap. 5 (ISBN 978-2-258-07585-6), p. 33-34.
  18. Gripari Pierre, Contes de la rue Broca, La Table ronde, (ISBN 2-7103-0024-9, OCLC 23392475, lire en ligne).
  19. http://fr.fantrippers.com/fanspot/8741-le-verre-a-pied
  20. Miramax, « Amélie | ‘The Phone Booth’ (HD) - Audrey Tautou, Maurice Bénichou | MIRAMAX » (consulté le ).
  21. (en) Meryl as Julia, Nora Ephron up close - Kathleen Flinn, CookFearless.com, 28 juin 2012

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

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