Richard III
Richard III, né le et mort le , est le dernier roi d'Angleterre de la maison d'York, de 1483 à sa mort.
Pour les articles homonymes, voir Richard III (homonymie).
Richard III | ||
Portrait anonyme de Richard III, vers 1520, (Society of Antiquaries, Londres). | ||
Titre | ||
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Roi d'Angleterre | ||
– (2 ans, 1 mois et 27 jours) |
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Couronnement | en l'abbaye de Westminster |
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Prédécesseur | Édouard V | |
Successeur | Henri VII | |
Duc de Gloucester | ||
– (21 ans, 7 mois et 25 jours) |
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Prédécesseur | Création du titre | |
Successeur | Retour à la couronne | |
Lord Protecteur du royaume d'Angleterre | ||
– (1 mois et 16 jours) |
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Monarque | Édouard V | |
Biographie | ||
Dynastie | Maison d'York | |
Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Château de Fotheringhay, Northamptonshire (Angleterre) | |
Date de décès | (à 32 ans) | |
Lieu de décès | Bosworth, Leicestershire (Angleterre) | |
Sépulture | Cathédrale de Leicester | |
Père | Richard d'York | |
Mère | Cécile Neville | |
Conjoint | Anne Neville | |
Enfants | Édouard de Middleham Illégitimes : John de Gloucester Katherine Plantagenêt |
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Liste des monarques d'Angleterre | ||
Frère cadet du roi Édouard IV, titré duc de Gloucester en 1461, membre de la maison d'York, Richard participe comme la plupart de ses contemporains à la guerre des Deux-Roses. Élevé au métier des armes par Richard Neville dans son jeune âge, il se révèle, comme son professeur, un capitaine de grand talent. Dernier-né de Richard d'York, il est le soutien le plus fidèle et le plus capable du règne d'Édouard.
Après avoir été nommé régent du royaume à la mort soudaine de son frère, Richard s'empare du trône au détriment de ses neveux Édouard V et Richard de Shrewsbury, qu'il fait déclarer illégitimes et enfermer à la tour de Londres. Durant son bref règne, marqué par plusieurs soulèvements, il gouverne avec énergie et compétence. Il trouve la mort à la bataille de Bosworth contre le dernier prétendant de la maison de Lancastre, Henri Tudor, qui lui succède sur le trône.
La postérité garde de Richard l'image d'un tyran machiavélique et monstrueux, coupable d'infanticide, en premier lieu à travers le portrait que dressent de lui les chroniqueurs et historiens de la période Tudor. La pièce Richard III, œuvre de jeunesse de William Shakespeare, contribue à ancrer cette image, avec un personnage-titre particulièrement complexe, qui a notamment été interprété au cinéma par Laurence Olivier, Ian McKellen et Al Pacino. Plusieurs tentatives de réhabilitation de Richard ont vu le jour, notamment à travers la création de plusieurs associations dédiées à sa mémoire au XXe siècle.
Son corps est redécouvert en à Leicester, sous un parking recouvrant l'ancien prieuré franciscain Greyfriars porté disparu. Identifié grâce à des analyses ADN et d'autres preuves scientifiques, il est inhumé à nouveau lors d'une grande cérémonie à la Cathédrale Saint-Martin le .
Biographie
Jeunesse (1452-1469)
Richard naît le au château de Fotheringhay, dans le Northamptonshire. Benjamin des enfants du duc d'York Richard Plantagenêt et de son épouse Cécile Neville, il a trois frères aînés, Édouard, Edmond et Georges, et trois sœurs aînées, Anne, Élisabeth et Marguerite. Il passe son enfance auprès de sa mère, à Fotheringhay et peut-être dans d'autres résidences de la famille, à Ludlow, Sandal ou Baynard's Castle (en)[1].
Son père, le duc Richard, s'oppose à la reine Marguerite d'Anjou au sujet de la tutelle du roi Henri VI, que ses fréquentes crises de démence empêchent de gouverner le royaume. Lord Protecteur en 1454, puis à nouveau entre 1455 et 1456, Richard est contraint de s'enfuir en Irlande après sa défaite à Ludford Bridge en . Il est considéré comme un traître, et ses biens sont confisqués. La victoire de ses partisans à Northampton, en , lui permet de rentrer en Angleterre en septembre. Il est à nouveau Lord Protecteur, héritier du trône grâce à l'Acte d'Accord, mais son triomphe est de courte durée : il est vaincu et tué à Wakefield en décembre, aux côtés de son fils Edmond. Cécile Neville décide alors d'envoyer ses deux fils les plus jeunes (Georges et Richard) en sécurité aux Pays-Bas, auprès du duc de Bourgogne Philippe le Bon, tandis que l'aîné Édouard, devenu chef de la maison d'York, reprend la tête de la révolte[2].
Georges et Richard ne passent que quelques mois à l'étranger : Édouard triomphe des Lancastriens à Towton en , ce qui ouvre la voie à l'accession au trône de la maison d'York. Les jeunes princes assistent au couronnement d'Édouard IV le . Georges reçoit le titre de duc de Clarence, et quelques mois plus tard, le , le jeune Richard, âgé de neuf ans, est à son tour titré et devient duc de Gloucester[3].
En 1465, Richard entre dans la maisonnée du puissant comte de Warwick Richard Neville (surnommé le « faiseur de rois »), neveu de sa mère, pour parfaire son éducation[4]. Warwick est alors considéré comme le stratège le plus habile d'Angleterre. Le jeune prince passe les trois années qui suivent dans le Nord de l'Angleterre, notamment au château de Middleham, et fait la connaissance de sa future épouse Anne, la fille cadette du comte[4].
Au service de son frère (1469-1483)
En , le comte de Warwick, qui avait été l'un des principaux appuis d'Édouard IV lors de sa conquête du trône, se retourne contre lui avec le soutien du duc de Clarence, le propre frère du roi. Warwick se considère en effet comme bafoué après avoir vu son projet d'alliance française rejeté par Édouard IV lorsque celui-ci épouse Élisabeth Woodville, issue d'une famille d'allégeance lancastrienne. Quant à Clarence, héritier présomptif d'Édouard tant que le roi n'a pas d'enfants, il tente de faire passer son frère aîné pour un enfant illégitime. Clarence vient d'épouser Isabelle Neville, la fille aînée de Warwick, ce qui placerait les descendants de celui-ci sur le trône. Le roi fait appel à Richard, qu'il nomme connétable du royaume en octobre, bien qu'il n'ait alors que dix-sept ans. Édouard le nomme également à plusieurs postes importants dans le pays de Galles, une région plutôt lancastrienne. Le nouveau connétable participe à l'écrasement des révoltes suscitées par Warwick et contribue, par son soutien militaire et politique, au rétablissement d'Édouard après sa capture à la bataille d'Edgecote Moor. Bien que pardonnés, Warwick et Clarence se révoltent à nouveau en . Battus à nouveau à Losecoat Field, ils quittent l'Angleterre pour se réfugier en France, où Warwick s'allie à son ancienne adversaire Marguerite d'Anjou pour rétablir Henri VI sur le trône. Édouard est contraint de s'enfuir à la cour de Charles le Téméraire, son beau-frère ; Richard l'accompagne. Malgré son jeune âge, celui-ci joue un rôle déterminant dans la reconquête du royaume par Édouard en 1471 : il se distingue lors des batailles de Barnet le , où il commande l'avant-garde, puis de Tewkesbury le , où il commande l'aile gauche[5].
Après ces événements, Édouard IV octroie à Richard une partie des terres de Warwick, tué à Barnet, notamment les châteaux de Middleham, Penrith, Barnard (en) et Sheriff Hutton, et le nomme Gardien des Marches de l'Ouest. Ce n'est que le premier d'une série d'offices auxquels est nommé Richard dans les années qui suivent : intendant du duché de Lancastre, shérif du Cumberland, gardien des forêts du Nord… Le duc de Gloucester se crée peu à peu un réseau d'influence dans le Nord de l'Angleterre, reprenant en partie les anciennes relations de Warwick, mais il s'attire également l'inimitié de plusieurs personnages puissants de la région, notamment le comte de Northumberland Henry Percy, Lord Stanley et l'évêque de Durham Lawrence Booth. Il parvient à un compromis avec les deux premiers en 1474, et le troisième est nommé archevêque d'York en 1476, ce qui l'éloigne de Richard[6].
En , Richard épouse Anne Neville, la fille de Warwick. Alors âgée de seize ans, elle est déjà veuve du prince Édouard de Westminster, le fils d'Henri VI, tué à Tewkesbury. Ses tuteurs, George de Clarence et sa femme Isabelle, fille aînée du comte de Warwick, se sont assuré sa garde et entendent empêcher Anne de se marier. D'après The Crowland Chronicle Continuations, ils auraient emmené leur pupille à Londres déguisée en fille de cuisine. Toutefois, Richard parvient à retrouver puis épouser l'héritière de Warwick. Ce mariage lui permet de se présenter comme le détenteur légitime des domaines de la famille Neville que lui a concédés le roi, et surtout d'hériter du réseau d'influence de celui qui avait été le noble le plus puissant du royaume, en cette époque de fin de la féodalité en Angleterre. À la suite de cette union, les relations entre Clarence et Gloucester dégénèrent presque en guerre ouverte, et ce n'est qu'en 1475 qu'un compromis proposé par Édouard deux ans plus tôt est finalement ratifié par le Parlement[7].
En 1477, le duc de Clarence est arrêté et incarcéré à la tour de Londres : il aurait fomenté la mort du roi par sorcellerie. Jugé coupable par le Parlement, il est exécuté le , par noyade dans un tonneau de malvoisie selon la légende. Bien que Shakespeare blâme Richard pour avoir brouillé ses deux frères aînés, rien ne permet d'affirmer qu'il ait joué un quelconque rôle dans cette affaire[8].
Richard et Anne passent le plus clair de leur temps dans le Nord, principalement à Barnard Castle, Sheriff Hutton et Middleham. C'est dans ce dernier château que naît leur seul enfant, Édouard, en 1473 ou 1474. Durant la seconde moitié des années 1470, le duc de Gloucester gouverne la région avec justice et compétence, ce qui lui attire la loyauté de la population, et finance plusieurs établissements religieux, notamment à Middleham où il fonde une collégiale en 1478[9]. Il joue également un rôle important dans les escarmouches contre l'Écosse qui marquent la fin du règne d'Édouard, notamment en s'emparant de la ville frontalière de Berwick-upon-Tweed en 1482[10].
L'accession au pouvoir (1483)
Édouard IV meurt le , à l'âge de 41 ans. Son fils aîné, également prénommé Édouard, n'est âgé que de douze ans et se trouve alors à Ludlow, dans le pays de Galles, auprès de son oncle maternel Lord Rivers. Son jeune âge rend la mise en place d'une régence obligatoire, mais sa nature est source de débats : les Woodville souhaitent que le jeune Édouard soit immédiatement couronné, même s'il ne gouvernera le royaume qu'en nom jusqu'à sa majorité, tandis que Lord Hastings, chambellan du roi défunt, propose de nommer le duc de Gloucester protecteur du royaume. Un compromis est trouvé : Édouard sera couronné le , mais Richard présidera le conseil de minorité[11].
Celui-ci apprend la mort de son frère vers le . Il prend le chemin de Londres et arrive à Northampton le . Là, il retrouve le duc de Buckingham Henry Stafford, ainsi que Lord Rivers, qui se rend également à la capitale avec son pupille. Le lendemain matin, Rivers, Richard Grey (fils de la reine de son premier mariage) et d'autres membres importants de l'escorte d'Édouard sont mis aux arrêts par le duc de Buckingham. C'est ainsi que le jeune roi fait son entrée à Londres le , flanqué des ducs de Gloucester et de Buckingham. Richard est officiellement nommé protecteur du royaume le ou le , tandis que le couronnement de son neveu, installé à la tour de Londres, est fixé au 22 juin. Buckingham est récompensé de sa collaboration par l'octroi de nombreuses charges au pays de Galles. Craignant pour sa sécurité, la reine-mère s'est quant à elle enfermée en l'abbaye de Westminster (un sanctuaire) avec ses autres enfants[12].
Le , Richard fait arrêter lors d'un conseil de régence Lord Hastings, Lord Stanley, l'archevêque d'York Thomas Rotherham et l'évêque d'Ely John Morton, accusés de trahison. Hastings est aussitôt exécuté (payant sans doute sa fidélité au jeune roi), tandis que les trois autres sont envoyés en prison, puis finalement graciés. Richard fait encercler l'abbaye de Westminster et obtient le , grâce à la médiation de l'archevêque de Cantorbéry Thomas Bourchier, que lui soit remis son autre neveu, Richard de Shrewsbury, envoyé rejoindre son frère à la tour. Le couronnement est à nouveau reporté. Les intentions de Richard ne font alors plus guère de doute, d'autant qu'il a fait lever des troupes sur ses terres pour renforcer sa position. Pour justifier cette appropriation de la couronne, l'évêque de Bath et Wells, Robert Stillington, affirme le qu'Édouard se serait engagé auprès d'Éléonore Talbot avant de contracter un mariage avec Élisabeth Woodville ; cet engagement, s'il est avéré, rend le roi coupable de bigamie, et invalide donc à la fois son mariage avec Élisabeth et les prétentions de ses descendants sur le trône. Plus aucun obstacle ne se dresse devant Richard, qui accepte la couronne le et est couronné le à Westminster[13].
Le sort de ses neveux n'est pas connu avec certitude, mais il est probable qu'ils aient été assassinés dès l'. Pour l'histoire traditionnelle et officielle, notamment reprise par Shakespeare, Richard est le principal bénéficiaire de leur disparition, ne pouvant guère se permettre de laisser survivre des rivaux potentiels ; sa réputation en est irrémédiablement ternie[14]. Toutefois les ricardiens soutiennent qu'Henri Tudor, futur Henri VII, avait le même intérêt à se débarrasser des deux princes, surtout en faisant accuser Richard III pour fomenter une rébellion.
Roi d'Angleterre (1483-1485)
Peu après son couronnement, Richard III entreprend un voyage de plusieurs semaines dans son royaume qui le conduit jusqu'à York à la fin de l'été. C'est pour lui l'occasion de dispenser de nombreux privilèges aux villes traversées, et de se forger une réputation de souverain généreux et juste[15].
Cependant, l' est marqué par plusieurs soulèvements contre lui, et notamment celui du duc de Buckingham. Beaucoup parmi les révoltés sont d'anciens fidèles d'Édouard IV, choqués par le sort réservé à ses fils. Leur champion est Henri Tudor, le dernier représentant de la lignée de Lancastre, réfugié à la cour de François II de Bretagne. Au mois d'octobre, Buckingham prend les armes contre Richard, tandis qu'Henri se prépare à débarquer sur la côte sud du pays, mais la rébellion tourne court : le duc est capturé et exécuté le , la flotte d'Henri est contrainte à faire demi-tour à cause d'un orage, et les autres meneurs s'enfuient de l'autre côté de la Manche.
Malgré la clémence dont fait preuve Richard dans la répression, cette rébellion témoigne de son impuissance à rallier autour de sa personne les partisans traditionnels de la maison d'York[16]. La veuve d'Édouard décide elle-aussi de faire alliance avec la maison Tudor, en faisant jurer à Henri qu'il épousera Élisabeth d'York, la fille aînée du roi défunt, en cas de victoire. Richard, peu soutenu par la noblesse traditionnelle, est donc contraint de s'appuyer sur ses fidèles hommes du Nord pour gouverner, notamment les très impopulaires William Catesby, Richard Ratcliffe et Francis Lovell, stigmatisés dans le poème placardé sur les portes de la cathédrale Saint-Paul par William Collingbourne au mois de :
« Le chat, le rat et Lovell notre chien, règnent sur l'Angleterre sous la houlette d'un sanglier[17]. »
L'unique Parlement du règne de Richard se réunit de à . Les réformes proposées par Richard, qui touchent principalement à la protection du commerce, à la suppression de taxes impopulaires et à la réforme de certains points de l'arsenal judiciaire, sont votées sans grande opposition. Le Parlement vote également le Titulus Regius, un statut confirmant l'illégitimité des neveux de Richard et sa position comme détenteur légitime du trône. Cependant, si même les détracteurs de Richard s'accordent à dire qu'il gouverne avec énergie et compétence, il ne parvient pas à remplir les caisses du royaume, vidées par les expéditions écossaises de la fin du règne d'Édouard[18].
Après quelques escarmouches, Richard signe une trêve avec le roi Jacques III d'Écosse en . En effet, le principal objet de sa politique étrangère est l'élimination de la menace posée par Henri Tudor. Ainsi, il relance les activités de piraterie anglaises dans la Manche au début de l'année 1484, afin de contraindre le duc de Bretagne à lui livrer le prétendant lancastrien. François II accepte, mais Henri est prévenu et se réfugie en France en septembre, auprès de Pierre de Beaujeu et d'Anne de France, régents du royaume pour le jeune Charles VIII. De plus en plus de personnalités influentes désertent Richard et l'Angleterre pour le rejoindre[19].
Le prince de Galles, Édouard de Middleham, meurt en ou , à la grande douleur de ses parents. Sa mère Anne meurt à son tour le . La succession de Richard est ainsi gravement compromise, d'autant que la rumeur court qu'il aurait fait empoisonner sa femme afin d'épouser sa nièce Élisabeth, au point qu'il doit nier publiquement avoir eu cette intention[20]. Selon la Chronique de Croyland, il a été pressé de le faire par les ennemis des Woodville, qui craignent de devoir bientôt rendre les terres qui leur ont été confisquées. Son fils illégitime, John de Gloucester, est nommé capitaine de Calais le de cette même année.
Bosworth (1485)
Après plusieurs mois de préparatifs, Henri Tudor débarque au pays de Galles le . Richard apprend la nouvelle quatre jours plus tard, mobilise en hâte ses troupes et se porte à sa rencontre. Tudor, qui sait que Richard dispose de nombreux renforts à Nottingham et Leicester, le rejoint le plus rapidement possible avant qu'il réunisse toute son armée. Les deux armées se rencontrent le dans le Leicestershire, au sud du village de Market Bosworth. En dépit de son importance, la bataille de Bosworth est mal documentée, mais toutes les sources s'accordent à souligner la bravoure de Richard sur le terrain. Au sein de la mêlée, il conduit une charge directe contre Henri afin de l'éliminer. L'événement crucial est la trahison de Lord Stanley, jusqu'alors resté en retrait. Pris entre deux feux, Richard et sa garde rapprochée sont tués, et ses hommes se dispersent.
Henri est proclamé roi le soir même sous le nom d'Henri VII : c'est la fin de la guerre des Deux-Roses et le début de la période Tudor. L'acte Titulus regius est aussitôt abrogé, permettant d'unifier sur le trône les héritiers légitimes des maisons de Lancastre et d'York. Le corps de Richard, dénudé, est emporté à Leicester pour y être exposé à la vue de tous, avant d'être inhumé dans une chapelle franciscaine. Quelques années plus tard, vers 1494 ou 1495, Henri VII lui fait ériger une tombe, probablement détruite durant la dissolution des monastères en 1538[21].
Réputation
Il laisse à la postérité l'image d'un homme méchant, d'un monstre assassin des « deux princes » (Édouard et Richard) et de tous ceux qu'il voyait comme ses ennemis. S'il était, en effet, un homme ambitieux, les meurtres qui lui ont été attribués le furent sans que les historiens puissent le prouver. La pièce Richard III (1591 ou 1592), que Shakespeare lui a consacrée, a largement contribué à immortaliser cette funeste réputation, amplifiée par de nombreuses œuvres qui s'en inspirent. Cette déplorable renommée est considérée comme a priori infondée du point de vue des historiens d'aujourd'hui, les contemporains de Richard n'étant pas moins machiavéliques. Certains historiens, les ricardiens, tendent à faire droit à une réhabilitation, au moins partielle, de Richard III et à discerner une intrigue d'Henri Tudor destinée à noircir son prédécesseur[22].
Découverte et réinhumation du corps de Richard III
Découverte des restes du roi
En , des archéologues de l'université de Leicester entament des fouilles à la recherche des restes du roi sous un parc de stationnement de cette ville. Les historiens pensaient déjà que le roi avait été enterré à Leicester dans une chapelle qui fut démolie au XVIe siècle[23]. Un squelette est mis au jour le .
Des analyses anthropologiques menées d'une part par l'ostéologie (Richard III était réputé bossu, car souffrant depuis l'adolescence d'une scoliose, maladie qui laisse des traces sur la colonne vertébrale), d'autre part par des analyses ADN (l'ADN du squelette a été comparé avec celui de Michael Ipsen[24], ébéniste londonien, descendant en droite ligne d'Anne d'York, la sœur aînée de Richard[25],[26]), ont permis d'identifier formellement le squelette comme celui de Richard III[27]. L'annonce de ces résultats a été faite le par le département d'archéologie de l'université[28],[29].
Les examens du squelette donnent plusieurs renseignements sur la personne et la mort de Richard. Sa scoliose avait considérablement déformé sa colonne vertébrale, donnant au roi une posture inhabituelle, non pas courbée, mais asymétrique, avec une épaule plus haute que l'autre[30]. L'analyse de la mâchoire révèle que Richard avait perdu plusieurs molaires avant sa mort, probablement en raison de caries[30].
L'homme est mort de nombreuses blessures à la tête, mais aucune n'a été causée sur son visage même, ce qui permet aux scientifiques de reconstituer ce visage qu'aucun portrait contemporain n'a représenté[30]. En revanche, l'homme a vraisemblablement été tué par le coup d'une hallebarde à l'arrière du crâne, près de l'attache de la colonne vertébrale, causant une large fracture. Un autre coup, porté celui-ci par une arme pointue au sommet du crâne, légèrement vers l'arrière, peut aussi être considéré comme mortel[30]. Cinq autres blessures mineures ont aussi été relevées sur ce crâne.
Quelques jours après les analyses, une reconstitution du visage entreprise par des scientifiques de l'université de Dundee (Écosse) est présentée au public[31]. Le , la publication d'une étude réalisée par le Dr Piers D Mitchell, du département d'archéologie et d'anthropologie de l'université de Cambridge, révèle que Richard III était atteint d'ascaridiose[32].
En , la poursuite de l'examen de l'ADN de Richard III met en évidence une rupture dans la chaîne génétique de sa branche paternelle (lignée patrilinéaire, masculine, agnatique). En effet, le chromosome Y de son ADN (appartenant à l'haplogroupe G[33],[34]) n'est pas le même que celui de cinq membres actuels de la lignée des ducs de Beaufort, descendants en ligne agnatique (patrilinéaire, masculine) de Jean de Gand, frère aîné d'Edmond de Langley, lui-même réputé ancêtre en ligne agnatique de Richard III. Il y a donc eu un mâle illégitime parmi les descendants d'Édouard III[35].
Seconde inhumation de Richard III
Le , de nombreux habitants de Leicester, ainsi que de nombreuses personnes venues de toute l'Angleterre, suivent la procession qui mène son cercueil du champ de bataille de Bosworth jusqu'à la cathédrale de Leicester. Des milliers de personnes vont ensuite se recueillir devant le cercueil de Richard III exposé à la cathédrale de Leicester, avant son inhumation.
Le , le cardinal Vincent Nichols, archevêque catholique de Westminster, célèbre sa messe de requiem au prieuré de la Sainte-Croix de Leicester, puis, le , la cérémonie nationale est célébrée par l'archevêque de Canterbury, Justin Welby, primat de l'Église anglicane, en présence de descendants de Richard III — dont Richard de Gloucester, également cousin de la Reine, et l'acteur Benedict Cumberbatch, qui lit un poème en hommage à son aïeul — et des membres de la famille royale. Selon le cardinal Vincent Nichols, « Richard III était un roi catholique, dans un pays alors catholique, c'est pourquoi les deux Églises, catholique et anglicane, sont pleinement impliquées dans cette semaine de célébrations. »
Radio Vatican conclut alors « après avoir régné dans une Angleterre déchirée par la guerre, c'est donc par une nation apaisée que le roi Richard III a été accompagné vers sa dernière demeure[36]. »
Le , les restes du roi sont inhumés dans la cathédrale Saint-Martin de Leicester[37].
Généalogie
Ascendance
Famille
: Yorkiste
: Lancastrien
Adaptations
Historiographie et postérité littéraire
Les premiers textes consacrés à Richard III sont de nature historique : ainsi du récit de voyage du noble silésien Nicolas von Popplau, qui raconte sa rencontre avec le souverain, puis de la Chronique de Croyland et des Crowland Chronicle Continuations, anonymes et quasi contemporaines de Richard. Les deux biographies écrites par Thomas More, au début du XVIe siècle, l'une en anglais, l'autre en latin, pour la rédaction desquelles il a recueilli le témoignage d'un évêque ayant vécu personnellement les événements relatés, constituent deux ouvrages relativement fiables. Toutefois, il convient de ne pas oublier que Thomas More ne peut véritablement critiquer Henry Richmond, devenu Henri VII Tudor, car il vit et écrit sous le règne de la dynastie des Tudor (c'est un des proches conseillers du roi Henri VIII). De plus, les Tudor ont tenté de discréditer Richard III et d'assombrir sa réputation, afin d'asseoir leur propre légitimité. Henri VII aurait pu être considéré comme un régicide : la meilleure tactique pour éviter ces reproches était de rejeter l'accusation sur Richard III. L'épitaphe de Richard III, commandée par Henri VII, le désigne ainsi clairement comme l'assassin de ses neveux, Édouard V et Richard de Shrewsbury.
L'historiographie Tudor a servi de source à la tragédie de William Shakespeare, Richard III. C'est par cette pièce que Richard III, un roi de la fin du Moyen Âge qui n'a pas régné deux ans, a acquis une grande part de sa notoriété : elle a aussi largement contribué à la diffusion de la légende noire du roi usurpateur, meurtrier, tyrannique et fou.
Toutes les œuvres ne donnent pas pour autant cette mauvaise image : La Flèche noire de Robert Louis Stevenson le présente comme contrefait mais vaillant et droit : c'est grâce à lui que le héros du roman obtient justice. Dans le roman policier La Fille du temps (The Daughter of Time) de Josephine Tey, à travers l'enquête historique menée par un détective cloué sur son lit d'hôpital, l'autrice s'inspire des thèses qui visent à réhabiliter Richard III et attribuer à Henri VII la responsabilité de l'exécution secrète des fils d'Édouard IV. Du point de vue des historiens, les travaux de Paul Murray Kendall dans les années 1970 et la publication de sa biographie Richard III, ont permis de reconsidérer le règne.
La première biographie en français consacrée à Richard III est publiée par Aude Mairey, chercheuse au laboratoire de médiévistique occidentale de Paris, en 2011.
Représentations théâtrales
Depuis le XVIIIe jusqu'au début du XXe siècle, la version la plus souvent mise en scène de Richard III était celle de Colley Cibber, qui avait redécoupé la pièce de Shakespeare en ajoutant des scènes à partir d'extraits d'autres pièces de Shakespeare, tronquant des passages et ôtant des personnages, comme la reine Marguerite. En 2005, Philippe Calvario monte au théâtre Nanterre-Amandiers la pièce en français avec Philippe Torreton dans le rôle-titre, divisant les critiques[43],[44]. En 2015, Thomas Jolly entreprend la création de Richard III, qui clôt sa série shakesperienne. La pièce est jouée par sa troupe, la Piccola Familia.
Adaptations cinématographiques
Richard III est le héros souvent éponyme de nombreux films, dès les débuts du septième art, comme Richard III : a Shakespearian Tragedy, de William Rainous, 1908, Richard III, de William Benson, 1911 ou encore La Tour de Londres, de Rowland V. Lee, 1939. Laurence Olivier incarne le personnage principal dans le film de 1955, Richard III, dont il est également le réalisateur. Plus récemment, Richard Loncraine a tourné en 1995 Richard III (joué par Ian McKellen), qui transpose l'action dans une Angleterre des années trente qui bascule dans le fascisme. Al Pacino a réalisé Looking for Richard, un documentaire sur la mise en scène de la pièce et sur la diffusion de l'œuvre de Shakespeare.
Œuvres picturales
Paul Delaroche a peint en 1831 Les Enfants d'Édouard, et John Everett Millais, Les Princes de la Tour en 1878. Les deux tableaux sont centrés sur les personnages des jeunes princes, tandis que la présence de Richard n'est que suggérée par un rai de lumière, ce qui renforce la vulnérabilité des enfants face à une menace omniprésente et le caractère effrayant, monstrueux, de Richard, qui cristallise les peurs et les fantasmes.[réf. nécessaire]
Références
- Mairey 2011, p. 27-28.
- Mairey 2011, p. 32-36.
- Mairey 2011, p. 36.
- Mairey 2011, p. 38-39.
- Mairey 2011, p. 46-50.
- Mairey 2011, p. 51-60.
- Mairey 2011, p. 51-55.
- Mairey 2011, p. 64-66.
- Mairey 2011, p. 58-60.
- Mairey 2011, p. 70-71.
- Mairey 2011, p. 73-79.
- Mairey 2011, p. 80-83.
- Mairey 2011, p. 83-86.
- Mairey 2011, p. 105-113.
- Mairey 2011, p. 101-105.
- Mairey 2011, p. 115-124.
- Mairey 2011, p. 144-146.
- Mairey 2011, p. 125-131.
- Mairey 2011, p. 146-152.
- Mairey 2011, p. 153-154.
- Mairey 2011, p. 155-166.
- Le roi Richard III réhabilité après cinq siècles d'infamies, Le Point,
- « Sous un parking, les restes de Richard III », Le Figaro, .
- Richard III, la fin d'une énigme, documentaire, 2012.
- (en) « The Richard III Society ».
- (en) « University of Leicester - First academic paper on the discovery of Richard III published.»
- « Le corps de Richard III identifié » « Copie archivée » (version du 7 février 2013 sur l'Internet Archive), Sciences et avenir, .
- « Le squelette de Richard III a été authentifié », Florentin Collomp, Le Figaro, ; Le squelette trouvé sous un parking est celui de… Richard III, La Libre, .
- « Le squelette de Richard III identifié », Europe 1
- (en) « Richard III: The twisted bones that reveal a king », BBC England, .
- (en) « Face of Richard III revealed for first time », news.scotsman.com, .
- http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2813%2961757-2/fulltext.
- (en) Turi E. King, et al., « Identification of the remains of King Richard III », Nature Communications, vol. 5, no 5631, (DOI 10.1038, lire en ligne).
- (en) « Haplogroup G2a », sur Eupedia (consulté le ).
- « Richard III finalement identifié », .
- http://fr.radiovaticana.va/news/2015/03/26/langleterre_rend_hommage_au_roi_richard_iii,_d%C3%A9c%C3%A9d%C3%A9_en_1485/1132452.
- Le Monde/AFP, « Le Royaume-Uni inhumera Richard III en », Le Monde, (lire en ligne).
- Il est le quatrième fils d'Édouard III et né après Jean de Gand.
- Pour un arbre généalogique plus détaillé voir : maison de Plantagenêt.)
- Linda Alchin, Lords and Ladies : « King Henry II ».
- Mandy Barrow, « Timeline of the Kings and Queens of England: The Plantagenets ».
- Mark Needham, « Family tree of Henry (II, King of England 1154–1189) ».
- Brigitte Salino, « Philippe Torreton relève avec brio le défi de Richard III », Le Monde, (lire en ligne)
- Bruno Masi, « «Richard III», le massacre », Libération, (lire en ligne)
Bibliographie
- (en) Michael Hicks, Richard III : The Man Behind the Myth, Londres, Collins & Brown, , 176 p. (ISBN 1-85585-073-7).
- (en) Rosemary Horrox, Richard III : A Study in Service, Cambridge, Cambridge University Press, , 358 p. (ISBN 0-521-33428-4).
- Paul Murray Kendall, Richard III, Fayard, (ISBN 978-2-213-00746-5).
- Aude Mairey, Richard III, Paris, Ellipses, , 304 p. (ISBN 978-2-7298-6784-3).
Annexes
Articles connexes
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- Entetien d'Aude Mairey pour le magazine Histoire et Images Médiévales.
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