Produit intérieur brut

Le produit intérieur brut (PIB) est l'indicateur économique qui permet de quantifier la valeur totale de la « production de richesse » annuelle effectuée par les agents économiques (ménages, entreprises, administrations publiques) résidant à l'intérieur d'un territoire.

Ne doit pas être confondu avec Production intérieure brute.

Pour les articles homonymes, voir PIB.

Le produit intérieur brut est le principal indicateur de la mesure de la production économique réalisée à l’intérieur d'un pays et l'un des agrégats majeurs des comptes nationaux.

Le PIB reflète donc l'activité économique interne d'un pays et la variation du PIB d'une période à l'autre est censée mesurer son taux de croissance économique.

Il diffère du revenu national brut (RNB) qui ajoute au PIB (produit intérieur brut) les entrées nettes de revenus de facteurs en provenance de l'étranger (revenus de facteurs provenant du reste du monde diminués des revenus de facteurs payés au reste du monde).

La composition de cet indice est dans certains cas sujette à caution ou à suspicion, en particulier lorsque les gouvernements y voient un outil politique et qu'ils ont la capacité d'influencer la production de cet indicateur[1].

La notion de PIB fait l'objet de contestations :

  • le PIB comme indicateur de production de richesse ne considère qu'une partie de la valeur créée par l'activité économique[2] et de plus qu'une valeur déterminée de façon comptable ;
  • les activités dites « négatives » (par exemple des dépenses liées aux accidents domestiques, industriels ou routiers) sont comptabilisées, tandis que les activités positives à la fois non marchandes et non administratives, comme l'art ou les activités altruistes (par exemple le logiciel libre) ou les activités bénévoles, ou encore la production domestique assurée au quotidien au sein de la famille, ne le sont pas ;
  • les défenseurs de l'environnement et du développement durable critiquent le produit intérieur brut comme mesure de la « production de richesse » : bien que la production économique consomme en partie le capital naturel, le PIB ne tient pas compte des effets de cette consommation[3].

Le Comité d'experts des Nations unies sur la comptabilité environnementale-économique (UNCEEA) travaille à définir un indicateur qui tienne compte des effets sur l'environnement, le Produit intérieur brut vert et à faire du Système de comptabilité environnementale économique (SEEA) un standard international pour l'année 2010 et à promouvoir sa mise en œuvre dans les pays.

Une commission de 22 experts présidée par Joseph E. Stiglitz a mené une réflexion sur la mesure de la croissance à la demande de la Présidence de la République française en 2008.

Histoire

William Petty est le premier à avoir l’idée de mesurer le revenu national, pour critiquer les taxes levées sur les propriétaires fonciers pour financer les guerres anglo-néerlandaises entre 1652 et 1674, qu’il estimait injustes[4]. Charles D'Avenant développe cette méthode en 1695[5].

À la demande du congrès américain en 1932, Simon Kuznets crée une comptabilité nationale aux États-Unis, et invente le produit intérieur brut, en 1934 afin de mesurer l'effet de la Grande Dépression sur l'économie[6],[7]. On ne dispose en effet à cette époque d'aucun indicateur synthétique. Kuznets met dès cette date en garde contre l’utilisation du PIB comme d’un indicateur de bien-être[8]. L’adoption de l’indicateur par le Département du Commerce des États-Unis, sous la direction de Milton Gilbert (en), achève d’intégrer les idées de Kuznets aux institutions. Après la conférence de Bretton Woods, en 1944, le PIB devient le principal outil pour mesurer l’économie d’un pays[9]. À l’époque, le Produit national brut est privilégié par rapport au PIB, dont il diffère en cela qu’il mesure la production par les ressortissants du pays à l’intérieur et à l’extérieur du territoire, plutôt que la production sur le territoire national. Le passage du PNB au PIB comme indicateur privilégié a lieu en 1991 aux États-Unis, la plupart des autres pays suivant ensuite cet exemple. Le rôle joué par les mesures du PIB dans le déroulement de la Seconde Guerre Mondiale a joué un rôle central dans l’acceptation ultérieure du PIB comme indicateur de progrès et de développement national[10].

En France, le PIB est introduit après la Seconde Guerre mondiale, tout comme la comptabilité nationale.

L’histoire du concept de PIB doit être distinguée de l’histoire des changements dans la manière de le mesurer. La valeur ajoutée par les entreprises est relativement facile à calculer à partir de leurs comptes, mais la valeur ajoutée par le secteur public, la finance, et par la création de capital immatériel l'est moins. Ces activités sont de plus en plus importantes dans les économies développées, et les conventions internationales régissant leur estimation et leur inclusion ou exclusion du PIB changent régulièrement, afin de suivre au mieux les transformations de l’économie. Ainsi, selon les termes de Diane Coyle, « Le chiffre du PIB est donc le produit d’un vaste agglomérat de statistique et d’un ensemble complexe de procédures appliquées aux données pour les faire rentrer dans le cadre conceptuel prédéfini »[11].

Définition donnée par l'Insee

L'agrégat PIB représente le résultat final de l'activité de production des unités productrices résidentes d'un pays. Cette notion peut se définir de trois manières :

  1. Le PIB est la somme des valeurs ajoutées brutes des différents secteurs institutionnels ou des différentes branches d'activité, augmentée des impôts moins les subventions sur les produits (lesquels ne sont pas affectés aux secteurs et aux branches d'activité) ;
  2. Le PIB est la somme des emplois finaux intérieurs de biens et de services (consommation finale effective, formation brute de capital fixe, variations de stocks), plus les exportations, moins les importations ;
  3. Le PIB est la somme des emplois des comptes d'exploitation des secteurs institutionnels : rémunération des salariés, impôts sur la production et les importations moins les subventions, excédent brut d'exploitation et revenu mixte.

Modes de calcul du PIB

L'appellation exacte du PIB est : « le produit intérieur brut aux prix du marché ». Sa valeur comptable est issue d'un compte de résultat (charges et produits) et non du bilan (actif-passif).

  • Il ne mesure que le flux de production, et non un stock de capital ou de dettes (comme l'adjusted net savings de la Banque mondiale).
  • Il ne prend pas non plus en compte le flux de déplétion (qui en ferait un indicateur net et non brut), celui-ci nécessitant des imputations faisant intervenir des conventions arbitraires et des données qui ne sont souvent pas disponibles de façon continue sur des durées aussi longues.

Le PIB mesure la valeur de l'ensemble des biens et services produits sur le territoire d'un pays donné au cours d'une période donnée (en général, une année, parfois un trimestre), quelle que soit la nationalité des producteurs présents sur ce territoire.

Le PIB (produit intérieur brut) se distingue :

  • du PIB calculé « au coût des facteurs » qui ne tient pas compte des impôts indirects ou des subventions d'exploitation.
  • du PNB (Produit national brut). Rappel : PNB = PIB + revenus des facteurs en provenance de l'extérieur − revenus des facteurs versés à l'extérieur. Les revenus issus des avoirs détenus à l'extérieur ne sont pas inclus dans le PIB, mais sont en revanche ajoutés au PNB pour former le revenu national brut.

Composantes marchandes ou non marchandes

Le PIB recense à la fois la production marchande et la production non marchande, composée exclusivement de services. En France, le PIB non marchand est presque exclusivement le fait des administrations publiques (sécurité, justice, santé, enseignement). Par convention, il est évalué à son coût de production (voir services non marchands). Le PIB peut se décomposer de trois manières (voir un exemple, pour la France) :

Composantes vues sous l'angle de la production

Le PIB est égal à la somme des valeurs ajoutées des agents économiques résidents, calculée aux prix du marché, à laquelle on ajoute la part de la valeur ajoutée récupérée par l'État (taxe sur la valeur ajoutée et droits de douane) et de laquelle on soustrait les subventions ;

PIB = Somme des valeurs ajoutées + TVA + Droits et taxes sur les importations – Subventions sur les produits

Si potentiellement trois méthodes coexistent pour calculer le PIB d'un pays ou d'une région (via la production, la dépense ou le revenu), la première méthode (approche par la production) est utilisée pour des raisons pratiques. Selon cette technique, on additionne toutes les valeurs ajoutées issues des comptes de résultats fournis par les entreprises, et les administrations publiques.

Composantes vues sous l'angle des dépenses

Le PIB est égal à la somme des emplois finaux intérieurs de biens et de services, c'est-à-dire : la consommation finale effective (CF), l'investissement (formation brute de capital fixe (FBCF)) et les variations de stocks (VS). Cette définition se déduit de l'égalité comptable entre les ressources de l'économie (PIB) et les emplois qui sont faits de ces ressources.

En situation d'autarcie, on a (équilibre Ressources - Emplois) :

PIB = CF + FBCF + VS

Dans une économie ouverte les importations (notées M) s'ajoutent aux ressources, les exportations (notées X) aux emplois, si bien que la relation ci-dessus devient :

PIB + M = CF + FBCF + VS + X

La dernière relation peut se réécrire :

PIB = CF + FBCF + VS + X - M

Ou, en omettant les variations de stock et en développant la consommation finale :

PIB = C + G + I + (X - M)
  • Consommation (C)
  • Investissements (I)
  • Dépenses publiques courantes (G)
  • Exportation (X)
  • Importation (M)

À titre d'exemple, en 2004 dans l'Europe des Vingt-Cinq, 59 % du PIB était consacré aux dépenses de consommation finale des ménages, 21 % aux dépenses de consommation finale des administrations publiques, et 19 % à l'investissement[12].

Composantes vues sous l'angle des revenus

Le PIB est égal à la somme des revenus bruts des secteurs institutionnels : rémunération des salariés (RS), impôts sur la production et les importations moins les subventions (T), excédent brut d'exploitation et revenus mixtes (EBE).

PIB = (S + B + I + Rn + A ) + (Tn + D ) « facteurs d'ajustements »
  • Rémunération des salariés (S)
  • Bénéfices des sociétés avant impôts (B)
  • Intérêts et revenus divers de placement (I)
  • Revenus nets des entreprises (Rn)
  • Ajustement de la valeur des stocks (A)
  • Taxes nettes (Tn)
  • Dépréciation (D)

Mesure du PIB en volume et en valeur

Le PIB réel ou en volume est la valeur du PIB en ne tenant pas compte des variations des prix, c'est-à-dire de l'inflation. Le PIB réel a l'avantage de montrer les variations à la hausse et à la baisse dans le volume (les quantités) de la production de biens et services. C'est la valeur utilisée lorsque l'on mesure la croissance du PIB.

En effet, on ne peut pas savoir uniquement en observant le PIB nominal (en valeur), si la hausse de l'indicateur provient d'une hausse des prix, d'une hausse de la production ou dans quelles proportions ces deux variations se combinent.

Lorsqu'on calcule le volume du PIB, les trois approches qui permettaient de calculer le PIB nominal (demande, production et revenus) ne sont plus équivalentes. L'approche par la demande est privilégiée. Les volumes des grandeurs qui entrent dans la définition du PIB par l'approche par la production sont toutefois définis de telle sorte que le volume du PIB calculé par cette approche coïncide avec le volume obtenu en utilisant l'approche par la demande : le volume de valeur ajoutée est défini comme la différence entre le volume de la production et le volume des consommations intermédiaires ; le volume des taxes et subventions est défini comme le volume des produits taxés tandis que le prix correspondant est le prix du produit que multiplie le taux de taxe ou de subvention[13]. L'approche par les revenus n'est pas utilisée : elle ne permettrait pas de prendre en compte l'évolution de la productivité des facteurs de production.

Soit le prix d'un bien au cours d'une période (par exemple, une année) et la quantité de ce bien demandée au cours de la période (demande finale, investissement et exportations nettes) ; alors :

Le PIB réel est constitué par la valeur des biens demandés au cours de la période mesurés à prix constants (année de base notée ), soit :

Le manuel des comptes nationaux de 2008 recommande de réactualiser l'année de base chaque année. Le volume du PIB est alors calculé sur la base du taux de croissance annuel appliqué au volume de l'année précédente. On parle d'indice chainé.

Le déflateur du PIB est le rapport entre le PIB nominal et réel.

Utilisation de la notion de PIB

Variations du PIB

Une augmentation à court terme du PIB correspond à une expansion, tandis qu'une diminution indique une récession. L'augmentation à long terme du PIB par habitant est un indicateur de croissance économique.

PIB par habitant

Le PIB par habitant (ou per capita) est la valeur du PIB divisée par le nombre d'habitants d'un pays. Il est plus efficace que le PIB pour mesurer le développement d'un pays ; cependant, il n'est qu'une moyenne donc il ne permet pas de rendre compte des inégalités de revenu et de richesse au sein d'une population. En général, un pays est considéré comme « développé » lorsqu'il dépasse les 20 000 dollars US de PIB par habitant, vers 2006.

Cet indicateur n'est pas égal au revenu par tête.

Il est un bon indicateur de la productivité économique, mais il ne rend compte qu'imparfaitement du niveau de bien-être de la population ou du degré de réussite d'un pays en matière de développement. Il ne montre pas quelle est la répartition du revenu d'un pays entre ses habitants.

Dérivé du PIB, il ne reflète pas les atteintes causées à l'environnement et aux ressources naturelles par les processus de production, et ne tient pas compte du travail non rémunéré qui peut être effectué au sein des ménages ou des communautés, ni de la production à mettre au compte de l'économie souterraine.

Le PIB par habitant n'est pas construit comme un indicateur de la qualité de vie (cette dernière, bien plus subjective, est difficilement mesurable, même si certains indicateurs comme l'indice de développement humain (IDH) ambitionnent de l'évaluer).

PIB mondial

Après une hausse de 3,7 % en 2007, puis de 2 % en 2008, le PIB mondial a chuté de 1,1 % en 2009 à la suite de la crise économique mondiale de 2008 (un peu plus que ce qu'attendait le FMI[14]), avec d'importantes disparités, les pays riches devant affronter en 2009 un recul de 3 à 3,5 % de leur PIB (toujours selon les estimations annoncées du FMI). C'est la baisse la plus forte depuis l'après-guerre, malgré l'importance des efforts publics, notait le FMI.

Le PIB mondial aurait été selon le FMI[15] de 57 937 milliards de dollars en 2009 contre 60 689 milliards en 2008.

Comparaisons internationales

On peut comparer les PIB de plusieurs pays, initialement exprimés en monnaie nationale, selon deux méthodes :

  • au taux de change courant : on utilise le taux de change moyen sur la période d'étude ;
  • à parité de pouvoir d'achat (PPA) : on utilise un panier de biens standard, et le taux de conversion est le rapport des prix de ce panier entre les devises.

Les comparaisons en PPA sont en principe plus favorables aux pays pauvres que celles au taux de change courant, du fait de la faiblesse mécanique de leurs devises : si le prix des produits échangeables est souvent comparable d'un pays à l'autre, celui des produits non échangeables, notamment les services, est généralement moins élevé dans les pays pauvres (effet Balassa-Samuelson) ; les devises des pays dotés de places financières majeures (Suisse, Royaume-Uni) ou de ressources minières très importantes (Norvège) sont habituellement surévaluées par rapport à leur valeur en PPA. Les comparaisons en PPA sont généralement préférées car elles permettent par ailleurs de s'affranchir des variations parfois brutales des taux de change.

Cette comparaison permet d'analyser l'évolution des parts des différents pays dans le PIB mondial, ou de groupes de pays, répartis par exemple en fonction de la langue dominante[16], de la zone géographique ou du niveau de développement.

Le calcul du PIB varie d'un pays à l'autre concernant la prise en compte de certains secteurs de l'économie : par exemple, le Royaume-Uni et l'Espagne prennent en compte les recettes de l'économie souterraine  conformément aux recommandations de l'Union européenne. Or, les marchés de la drogue et de la prostitution représentaient environ 0,5 % du PIB britannique en 2013, et 0,85 % du PIB espagnol en 2010[17],[18]. En France, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) refuse d'intégrer la drogue et les réseaux de prostitution dans son calcul car, à l'inverse d'Eurostat, l'institut estime qu'il ne s'agit pas d'activités économiques librement consenties par le consommateur dépendant des drogues comme par les prostituées contrôlées par des réseaux. L'Insee estime par ailleurs que les autres formes de prostitution sont déjà comptabilisées au sein d'autres activités économiques[18]. L'Insee a toutefois accepté de changer de pratique à la demande d'Eurostat[19].

Limites du PIB et défauts dans sa détermination

PIB passé en revue par la « Commission Stiglitz »

La « Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social », dite « Commission Stiglitz »[20] s'est réunie entre avril 2008 et septembre 2009. Elle avait pour objectif de développer une « réflexion sur les moyens d'échapper à une approche trop quantitative, trop comptable de la mesure de nos performances collectives » et d'élaborer de nouveaux indicateurs de richesse. Une première version de ses douze recommandations a été mise en ligne en [21].

Le Forum pour d'autres indicateurs de richesse (FAIR) a publié une première note soulignant les apports du premier chapitre de ce rapport et critiquant en même temps la méthode de travail « très opaque » de la Commission ainsi que les limites de ses propositions[22].

PIB et développement durable

Par définition, le PIB est un indicateur de flux et ne tient pas compte de la valeur estimée des actifs et passifs (le patrimoine) publics et privés. Il ne mesure donc pas les externalités positives ou négatives qui font évoluer cette valeur et qui contribuent donc à un gain ou à une perte de moyens.

Pour Dominique Méda[23], il présente trois grandes limites : il ne tient pas compte de temps et d'activités essentielles pour le développement de la société comme le temps avec les proches, temps pour les activités politiques, temps domestique ; il n'est pas affecté par les inégalités dans la participation à la production ou à la consommation ; il ne tient pas compte des dégradations apportées au patrimoine naturel.

Le PIB tient compte des ressources naturelles (énergie, matières premières) consommées dans les processus de production en comptabilité nationale par les consommations intermédiaires. Cependant, la comptabilité nationale ne distingue pas, dans les consommations intermédiaires, les ressources renouvelables des ressources non renouvelables (c'est-à-dire celles qui relèvent d'une utilisation de revenu et celles qui relèvent d'une destruction de capital[24]), ou les produits recyclés des autres produits achetés. Jean-Marc Jancovici critique ainsi le fait que le PIB ne permet pas d'évaluer la consommation du capital naturel ni d'anticiper longtemps à l'avance les risques environnementaux[25].

Dans le cas d'une production polluante, suivie d'un processus de dépollution, le PIB comptabilise deux productions, qui s'annulent partiellement. Ce que Leopold Kohr nomme « le standard de l'aspirine : en augmentant le PIB nous attrapons des migraines, alors nous produisons de l'aspirine pour soulager les migraines et nous félicitons que cette augmentation supplémentaire du PIB a augmenté notre niveau de vie »[26]. Le PIB est neutre vis-à-vis d'un progrès technique qui va dans le sens de la conception de processus industriels propres, l'emploi de matériaux recyclés, et d'une façon générale l'anticipation des risques environnementaux. Le PIB n'envoie aucun signal d'alerte sur la dégradation de l'environnement.

Ainsi, le PIB ne permet pas de mesurer l'impact de la production sur le capital naturel. La croissance économique mesurée par le PIB ne rend donc pas bien compte du respect ou non des principes de développement durable ni de ses effets sur l'environnement. Le PIB a néanmoins été sélectionné par l'Insee parmi les onze indicateurs de développement durable retenus dans le cadre de la stratégie nationale de développement durable française[27].

Certains auteurs[28] soulignent les limites de la croissance économique comme mesure de la bonne santé d'un pays ou d'une économie, ou contestent le bien-fondé[29] ou même la possibilité physique[30] de perpétuer la croissance économique telle qu'elle est définie par la variation du PIB. Dominique Méda a proposé dès 1999 dans Qu'est-ce que la richesse ? de recourir à d'autres indicateurs que le PIB. Patrick Viveret considère également qu'il faut reconsidérer les instruments de mesure de la richesse[31].

Élisabeth Laville estime qu'il est important de remettre en cause l'acception institutionnelle du PIB comme principal indicateur de la performance économique, qui s'avère un frein important pour les entreprises et les autres acteurs économiques dans la transition de l'approche financière classique à une approche de triple performance (triple bottom line en anglais, que l'on peut traduire littéralement par « triple résultat net »), intégrant leurs performances environnementales et sociales. Elle pense que la France pourrait faire des propositions dans ce sens[32].

Les productions omises par le PIB

Le PIB ne comptabilise pas ou comptabilise de manière approchée un certain nombre d'éléments pourtant réels. Parmi les éléments les plus importants on peut citer :

  1. l'autoproduction (ou autoconsommation) de richesses. Certaines productions sont créées et consommées au sein-même des ménages, sans passer par aucun échange de type marchand : ainsi, par exemple, la production domestique (fruits ou légumes récoltés dans le jardin familial) ou les activités domestiques assurées par les mères et pères de famille ou les femmes et hommes au foyer (cuisine, ménage, courses, entretien familial, etc.). Selon le périmètre de définition retenu pour ces tâches dites domestiques, la valeur de la production de ces activités non prises en compte dans la comptabilisation économique nationale peut être considérable : ainsi la valeur des services produits par les ménages pour leur propre usage pourrait ajouter 35 % à la richesse nationale en France vers 2009 selon les travaux de la commission Stiglitz[33]. En conséquence la croissance du PIB pourrait — de façon masquée et artificielle — être affectée par les effets des seules variations des habitudes de vie, en particulier le passage de l'auto-consommation à la consommation marchande[34]. Une étude Insee[35] confirme cette analyse en indiquant que l'ordre de grandeur de la production domestique non prise en compte (calculée pour l'année 2010) équivaut à la valeur ajoutée de la production manufacturière française pour la même année de référence.
  2. Le travail au noir est mal mesuré : sa valeur ajoutée est incluse dans le PIB sur la base d'estimations.
  3. Le bénévolat, qui est un service non marchand, est également très mal mesuré : sa valeur ajoutée est comptabilisée essentiellement à partir des coûts de personnel, lesquels par nature ne sont pas représentatifs de la contribution effective pour la société globale des activités bénévoles.
  4. La contribution réelle des services non marchands et de l'administration publique à la production économique pose également problème : en l'absence de facturations, il est délicat de chiffrer ce type de services. Pour contourner cette difficulté, la pratique est de les comptabiliser dans le PIB selon la convention que leur valeur est égale à leur coût. Cette façon de faire fait l'impasse sur la valeur ajoutée (si le service rendu a plus de valeur que son coût de production) ou le gaspillage (dans le cas contraire, c'est-à-dire si le service est produit pour plus cher que ce qui serait possible pour un même service) ; ainsi, pour ces services, une amélioration du processus permettant de le produire à moindre cout introduit paradoxalement une baisse du PIB, tandis qu'une dégradation du processus augmente facialement le PIB. Le fait d'utiliser des méthodes différentes de valorisation d'un même service selon qu'il est rendu par un opérateur marchand ou un opérateur non marchand introduit une distorsion dans le calcul du PIB selon le fonctionnement de l'opérateur.

PIB et bien-être

Le PIB n'est pas construit comme un indicateur du bien-être, de bonheur, ou de qualité de vie. Ainsi, certaines consommations font gonfler le PIB alors que, de toute évidence, elles ne reflètent pas une amélioration du bonheur des habitants[36]. Cependant, en dessous d'un certain seuil (environ 15 000 dollars par an et par personne), l'augmentation du PIB par habitant est fortement corrélée à l'augmentation du bien-être de la population, selon une étude publiée en 2001 par l'université de Princeton[37].

Autres limites

Dans le cas d'une catastrophe naturelle (ouragan, tremblement de terre), le PIB ne comptabilise les destructions d'actifs (maisons, routes…) qu'indirectement, à la hauteur de l'impact sur la production (donc moins que la perte nette des actifs). En revanche, le PIB prend en compte les reconstructions qui font suite à la catastrophe (souvent financées par des aides nationales ou internationales). Considérer cette prise en compte comme un défaut est discutable : la capacité à faire face à une catastrophe naturelle constitue bien une richesse économique, qu'il semble donc normal de comptabiliser (au même titre que la santé par exemple).

La création d'activités, même socialement inutiles, peut cependant être bénéfique en provoquant l'utilisation de facteurs non employés et une augmentation de la demande agrégée. Ainsi, John Maynard Keynes appelait sous forme de boutade à employer des chômeurs à creuser des trous et d'autres chômeurs à les reboucher[38].

Frédéric Bastiat décrivait une autre limite de la mesure de la richesse avec son sophisme de la vitre cassée publié en 1850. Prenant l'exemple d'une vitre, il montrait que la société s'appauvrissait de la valeur de cette vitre quand celle-ci était brisée. Il concluait « la société perd la valeur des objets inutilement détruits », ou « destruction n'est pas profit ». Reprenant à leur compte ces réflexions Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice écrivent de manière imagée que « si un pays rétribuait 10 % des gens pour détruire des biens, faire des trous dans les routes, endommager les véhicules, etc., et 10 % pour réparer, boucher les trous, etc., il aurait le même PIB qu'un pays où ces 20 % d'emplois (dont les effets sur le bien-être s'annulent) seraient consacrés à améliorer l'espérance de vie en bonne santé, les niveaux d'éducation et la participation aux activités culturelles et de loisir[39]. »

Autres indicateurs

Développement humain

Comme d'autres indicateurs économiques, le PIB n'a pas vocation à mesurer le niveau de développement humain des pays. L'Indice de développement humain (IDH), inspiré des travaux d'Amartya Sen, a été créé pour tenter d'appréhender le bien-être social.

Happy Planet Index

Le « Happy Planet Index », ou indice de la planète heureuse, est un indicateur économique alternatif au PIB. Il classe 178 pays d'après 3 indicateurs : l'empreinte écologique, l'espérance de vie et le degré de bonheur des populations. Ainsi, ce classement donne une image très différente de la richesse et de la pauvreté des nations.

PIB vert

Des économistes ont pensé à mesurer un « Produit intérieur brut vert », pour lequel serait soustrait du PIB conventionnel la valeur de la baisse du stock de ressources naturelles. Une telle méthode de comptabilisation permettrait de mieux savoir si une activité économique accroit ou fait baisser la richesse nationale lorsqu'elle utilise des ressources naturelles[40]. Cependant, les économistes estiment qu'il serait très difficile de mesurer correctement un tel indicateur.

PIB régional ou PIB urbain

Une mesure de PIB régional, ou de « produit urbain brut », est parfois présentée. Son utilisation est critiquée car les échanges commerciaux (imports et exports) avec les autres régions d'un même pays ne sont pas mesurés. Le calcul se fait alors avec l'approche productive (somme des valeurs ajoutée).

Cet indicateur ne reflétera alors que la production de la zone, et non la richesse, puisqu'un quartier résidentiel où la production est faible aura un PIB local très faible, même si le revenu des habitants est élevé.

L'attribution des fonds structurels européens, basée sur les PIB régionaux, voit donc certaines régions résidentielles à faible PIB par habitant mais peu sinistrées (chômage faible, résidents travaillant dans une région limitrophe) emporter les fonds sur des régions industrielles à plus fort PIB mais à la richesse effective plus faible (chômage important, emplois précaires…)[réf. nécessaire].

Liste de pays par leur PIB

Les données peuvent varier (légèrement) suivant les modes de calcul du FMI, de la Banque mondiale, de l'OCDE, de la CIA

Liste des dix plus grandes puissances économiques mondiales en 2014, d'après le FMI, classées en valeur nominale puis en parité de pouvoir d'achat[41] :

Rang Pays PIB nominal[42]
(millions de $)
Rang Pays PIB (PPA)
(millions de $)
1 États-Unis18 569 1001 Chine17 617 321
2 Chine11 199 1452 États-Unis17 418 925
3 Japon4 616 3353 Inde7 375 898
4 Allemagne3 859 5474 Japon4 750 771
5 Royaume-Uni2 945 1465 Allemagne3 721 551
6 France2 846 8896 Russie3 564 549
7 Brésil2 353 0257 Brésil3 263 832
8 Italie2 147 9528 Indonésie2 676 081
9 Inde2 049 5019 France2 580 750
10 Russie1 857 46110 Royaume-Uni2 548 889

Note : le PIB de l'Union européenne, prise dans son ensemble et comparée aux autres États indépendants, est le deuxième au monde après celui des États-Unis (nominal) ou de la Chine (PPA).

PIB nominal en 2015
PIB en PPA en 2015
PIB nominal et en PPA dans le monde (chiffres du FMI pour 2005).
PIB nominal par habitant en 2015[43]
  • > 64 000 US$
  • 32 000 – 64 000 US$
  • 16 000 – 32 000 US$
  • 8 000 – 16 000 US$
  • 4 000 – 8 000 US$
  • 2 000 – 4 000 US$
  • 1 000 – 2 000 US$
  • 500 – 1 000 US$
  • < 500 US$
  • unavailable
  • PIB en parité de pouvoir d'achat (PPA) par habitant en 2014[44]

    PIB par habitant de quelques pays en 2012 :

    PaysPIB/hab
    (US$)
    Rang mondial
    Luxembourg 106 406 1
    Qatar 104 756 2
    Norvège 99 170 3
    Suisse 78 881 4
    Australie 67 304 5
    Danemark 56 426 6
    Suède 54 815 7
    Canada 52 300 8
    Singapour 52 052 9
    États-Unis 51 704 10
    Japon 46 707 12
    Allemagne 41 866 21
    France 41 223 22
    Russie 14 302 47
    Brésil 11 359 60
    Chine 6 071 87
    Inde 1 499 139
    Burundi 282 180

    PIB par habitant en Europe

    Le tableau suivant indique, à partir des données d'Eurostat, le PIB par habitant en standard de pouvoir d'achat (SPA), de 2009 à 2018, dans les cinq pays les plus peuplés de l'Union européenne (Allemagne, France, Italie, Espagne et Pologne), ainsi que les autres pays francophones de l'UE (Belgique, Luxembourg) et aux États-Unis, au Japon, au Royaume-Uni et en Turquie. L'unité (100) correspond pour chaque année à l'Union européenne des 27 : ce graphique permet donc de voir comment ces pays ont évolué les uns par rapport aux autres mais pas de déterminer la hausse ou la baisse du PIB par habitant d'une année à l'autre dans un pays donné.

    Comparaison des PIB par habitant en SPA de quelques pays de l'UE (+ États-Unis, Japon, Royaume-Uni et Turquie)[45]
    Pays200920102011201220132014201520162017201820192020
    Luxembourg258260267263264272272272263261259266
    États-Unis148147145148147148149143141141140136
    Allemagne118121124124125127125125124123120121
    Belgique118121119121121121121120118118118117
    France109109109108110108107106104104106103
    Royaume-Uni110111108110111111111109107106104102
     Union européenne (27 pays)100100100100100100100100100100100100
    Italie10810610510310098979898979694
    Japon1041061041071081061069996939191
    Espagne1019693919091919293919186
    Pologne606366676768696970717376
    Turquie485357596265686666635964

    Notes et références

    1. « PIB, les chiffres de l'économie chinoise sont-ils tronqués ? », La Tribune, (consulté le ).
    2. Voir par exemple Dominique Méda : Qu'est-ce que la richesse, Aubier, 1999 ou La Mystique de la croissance. Comment s'en libérer, Flammarion, 2013 ; Jean Gadrey : Adieu à la croissance, Les Petits Matins, 2010
    3. Voir par exemple Ernst Friedrich Schumacher : le chapitre 1, « Le Problème de la Production », de Small is beautiful (1973) porte essentiellement sur cette problématique.
    4. Petty Impressive, The Economist, 21 décembre 2013.
    5. (en) Diane Coyle, « Warfare and the invention of GDP », sur The Globalist, (consulté le ).
    6. Casser le thermomètre de la croissance ? - Le Figaro, 11 juin 2009.
    7. Simon Kuznets, le père des comptes nationaux [PDF]
    8. « Eloi Laurent : « Sortir de la croissance, c’est revenir à la réalité » », sur Mediapart, (consulté le ).
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    11. Coyle, Diane., GDP : A Brief but Affectionate History, , 168 p. (ISBN 978-0-691-15679-8 et 0691156794, OCLC 848756125, lire en ligne), p. 6.
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    20. Le professeur Joseph E. Stiglitz (Université Columbia) en était le président, le Professeur Amartya Sen (Harvard University) en était le conseiller, et le Professeur Jean-Paul Fitoussi (IEP) le coordinateur.
    21. Rapport [PDF]
    22. Voir article publié sur le site de la revue Alternatives économiques.
    23. Dominique Méda, Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse, Flammarion, Champs-Actuel, 2008
    24. Ernst Friedrich SchumacherSmall is beautiful (1973)
    25. Jean-Marc Jancovici Sommes-nous déjà en décroissance ?
    26. cité par Mark R Tool Institutional Theory and Policy (1988)
    27. Développement durable - Site de l'Insee
    28. Jean Gadrey, Au-delà du PIB, quelles mesures alternatives ?
    29. Meadows & al., Limits to Growth: The 30-Year Update, 2004, Chelsea Green Publishing (ISBN 1-931498-51-2)
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    31. Reconsidérer la richesse — Rapport de mission de Patrick Viveret pour le Mouvement pour un développement solidaire (MDS)
    32. Élisabeth Laville, L'entreprise verte, Village Mondial, page 292
    33. Casser le thermomètre de la croissance ?, Le Figaro, 15 juin 2009, page 24.
    34. (en) Draft summary - Commission Stiglitz [PDF]
    35. Publiée en 2012.
    36. Leopold Kohr — Toward a new measurement of living standards. The American Journal of Economics and Sociology (1956) et The overdeveloped nations (1977)
    37. Bruno S. Frey et Alois Stutzer, Happiness and Economics, Princeton University Press, décembre 2001
    38. John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, chap. 10.
    39. Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice, Les nouveaux indicateurs de richesse, La Découverte, 2005, p. 21.
    40. Joseph E. Stiglitz et Carl E. Walsh, Principes d'économie moderne, 2e édition, Éd. De Boeck, Bruxelles, 2004.
    41. (en)IMF - World Economic Outlook Database April 2015
    42. (en-US) « PIB ($ US courants) | Data », sur donnees.banquemondiale.org (consulté le ).
    43. Source : FMI ; à défaut, Banque Mondiale.
    44. Source : FMI (octobre 2015)
    45. (en) « GDP per capita in PPS », sur Eurostat (indice, UE-27 = 100).

    Voir aussi

    Bibliographie

    • Dominique Méda, Qu'est-ce que la richesse ?, Aubier , 1999 puis Champs-Flammarion, 2001.
    • Dominique Méda, Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse, Flammarion, Champs-Actuel, 2008.
    • Jean-Paul Piriou, La comptabilité nationale, éditions La Découverte, Repères, 2006.

    Articles connexes

    Indicateurs

    Réflexions

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