Matière première
Une matière première est une matière à l'état brut (matière extraite de la nature : notion de ressource naturelle), ou, après collecte, ayant subi une première transformation sur le lieu d'exploitation pour la rendre propre à l'échange international, utilisée dans la transformation de matériels finis ou comme source d'énergie.
Pour les matières destinées à l'alimentation, on parle plutôt de produit agricole vivrier et de produit de la chasse et de la pêche.
L'Organisation des Nations unies utilise le terme global de « produit de base » défini officiellement par la charte de La Havane en 1948 comme « tout produit de l'agriculture, des forêts, de la pêche et tout minéral, que ce produit soit sous une forme naturelle ou qu'il ait subi la transformation qu'exige communément la vente en quantités importantes sur le marché international »[1].
Le monde anglo-saxon emploie parfois le terme de commodity, commodité qui s'attache moins que la notion de matière première à un stade de transformation mais à une situation de marché et englobe des biens immatériels tels que l'électricité (en tant que « fourniture »), des prestations de services.
Exemples : pétrole, produits agricoles (blé, riz, maïs), gaz naturel, minerais et métaux, sable (pour le bâtiment, le verre ou le silicium pour circuit intégré), potasse, caoutchouc, etc.
Les matières premières demandent généralement un premier traitement ou affinage (passer du minerai au métal, ou de la betterave - ou de la canne à sucre - au sucre, par exemple) et sont considérées comme des consommations intermédiaires dans les processus de production.
Les échanges de matières premières représentaient environ un tiers du volume du commerce mondial en 2011[2]. Les matières premières peuvent être négociées de gré à gré, à travers des courtiers en ligne.
Le cours des matières premières
Les marchés des matières premières sont généralement volatils, du fait des rapports offre/demande qui fluctuent, des situations météorologiques, géographiques ou géopolitiques qui influent sur leurs cours.
Certaines bourses mondiales (Londres, Chicago…) vont coter les principales matières premières (métaux au LME, céréales au CBOT…). Les autres sont soumis au marché de gré à gré. Il est de ce fait difficile d'obtenir des cours sur des matières premières où les marchés sont plus restreints.
Les matières premières stratégiques
Certaines matières premières « de base », des métaux et terres rares et souvent précieux, mais indispensables à l'agriculture, l'industrie, la défense, la médecine, l'informatique, la construction, la transition énergétique et écologique, etc. sont dits stratégiques[3],[4].
La croissance démographique et économique, ainsi que le besoin de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de produire une énergie bas carbone et de pouvoir mieux stocker l'électricité impliquent une hausse de leur utilisation (et parfois des prix). L'extraction de ces ressource mal partagées dans le monde est parfois source de conflits géopolitiques et de fortes consommations d’énergie. Les alternatives, outre une décroissance soutenable sont notamment le développement de technologies low-tech, de substitution et/ou bioinspirées, ainsi qu'un meilleur recyclage et l'exploitation des déchets et anciennes décharges (économie circulaire).
Ce secteur évolue très vite : lors du passage du XXe au début du XXIe siècle, la production des métaux de base double en 15 ans, avec des taux de croissance pouvant atteindre 10 % par an pour quelques métaux « technologiques ». L'un des enjeux de la transition énergétique sera le découplage entre la consommation d'énergie et de matière rares et toxiques ou écotoxiques et le recyclage des matériaux précieux. L’accès aux ressources restera un enjeu géopolitique, social et environnemental.
Une étude menée en 2010 par deux ingénieurs français montre qu'il y a une tendance à la raréfaction des ressources en métaux. Les réserves, exprimées au niveau de production 2008, se situent pour la plupart des métaux entre 20 et 100 ans de production annuelle[5].
Le World Materials Forum (WMF), créé par Victoire de Margerie et Philippe Varin, a confié à des experts du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), de CRU Group et de McKinsey la mise au point d'un outil d'évaluation de la criticité des matériaux pour l'industrie mondiale. Selon cette évaluation, les matériaux présentant un « risque très élevé » sont le cobalt, le tungstène et trois terres rares : le praséodyme, le néodyme et le dysprosium ; trois ont une « haute probabilité de risque accru » : le nickel, le cuivre et le zinc[6].
Les matières premières dans l'Union européenne et au Canada
La Commission européenne a lancé une initiative Matières Premières en 2008.
Elle se préoccupe notamment :
- des aspects internationaux ;
- de l'approvisionnement durable dans l'Union européenne ;
- du recyclage et de l'utilisation efficace des ressources ;
- du partenariat d'innovation européen (en anglais) ;
- des matières premières critiques .
Cette initiative recueille les faits et chiffres (), et a organisé une consultation publique de juin à ().
Les matières premières en Afrique
L'Afrique dispose de 30 % des réserves mondiales des matières premières minérales non énergétiques mais cette richesse a paradoxalement un impact souvent négatif sur la croissance des pays africains. Ce phénomène, appelé « syndrome hollandais » ou « maladie hollandaise » ou encore la « malédiction des matières premières » s'explique lorsque l'économie de ces pays repose essentiellement sur cette exportation et en raison de leur gouvernance[7]. Un des exemples les plus flagrants est la République démocratique du Congo qualifiée de « scandale géologique » tant elle est riche en matières premières, minières notamment et que l'essentiel de la deuxième guerre du Congo s'est focalisée sur le contrôle de ces ressources naturelles[8].
Histoire des matières premières
L'histoire des matières premières remonte à la préhistoire, les hommes apprenant alors à utiliser des métaux et les travailler, activité qui a laissé de nombreuses traces archéologiques et à cueillir des produits agricoles. L'Antiquité a permis le développement de ces activités, tout comme la révolution industrielle qui a fait ses débuts au XVIIIe siècle en Angleterre. L'âge d'or des matières premières sera le XXe siècle, grâce à l'accélération de la production industrielle puis à son extension aux cinq continents. Avec le temps et l'évolution de l'industrie, les matières premières sont devenues l'élément de base des industries de transformation.
Conséquences environnementales de l'extraction des matières premières
Un rapport publié par l'OCDE en prévoit que la consommation de matières premières pourrait atteindre 167 Gt (milliards de tonnes) en 2060, soit 45 kg par jour et par personne, contre 90 Gt en 2017 et conclut que cette hausse sera insoutenable : « Il est probable que l'accroissement prévu de l'extraction et du traitement de matières premières telles que la biomasse, les combustibles fossiles, les métaux et les minerais non métalliques aggrave la pollution de l'air, de l'eau et des sols et concoure notablement au changement climatique ». Les émissions de gaz à effet de serre liées à la gestion des matières premières grimperont de 28 à 50 Gt d'équivalent CO2[9].
La Banque mondiale a publié en un rapport montrant que « la composition des technologies supposées alimenter le passage à une énergie propre - éolien, solaire, hydrogène et systèmes électriques - nécessite en fait significativement plus de ressources que les systèmes d'alimentation en énergie traditionnels ». La demande de métaux pourrait doubler avec le boom des technologies éoliennes et solaires, et le développement des batteries pour le stockage d'électricité pourrait entraîner un bond de 1.000 % de la demande de lithium, si le monde prend les mesures requises pour contenir l'élévation de la température nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels[10].
Notes et références
- Christophe Degryse, L'économie en 100 et quelques mots d'actualité, De Boeck, , p. 140
- « Les négociants moins fragiles que les banques », sur Agefi,
- Collège de France (2014), Ressources minérales et développement durable : des mutations pour préparer l'avenir, Georges Calas ; Symposium (vidéo
- Flor Diaz Pulido (2015) Conférence Matières premières : la politiques européenne ; Commission européenne, Belgique, 04 juin 2015, Colloque
- Philippe Bihouix et Benoît de Guillebon, Quel futur pour les métaux ? Raréfaction des ressources : un nouveau défi pour la société, EDP Sciences, 2010, p. 39
- Ces matières premières à haut risque pour l'industrie mondiale, Les Échos, 28 juin 2018.
- Bernard Tchibambelela, Le commerce mondial de la faim : stratégie de rupture positive au Congo-Brazzaville, Éditions L'Harmattan, , p. 183
- Pascal Boniface, La géopolitique : Les relations internationales, Éditions Eyrolles et tout le monde s'en fou, , p. 103
- La consommation mondiale de matières premières va doubler d’ici à 40 ans, Les Échos, 22 octobre 2018.
- Métaux : les besoins colossaux de la transition énergétique, Les Échos, 20 juillet 2017.
Voir aussi
Bibliographie
- Bastien Alex et Sylvie Matelly (dir.), Matières premières et relations internationales, IRIS, Armand Colin, 2011, 191 p. (ISBN 978-2200-92730-1) (dossier de La revue internationale et stratégique, hiver 2011, no 84, p. 51-131
- Jean-Pierre Boris, Commerce inéquitable, Hachette, 2005
- Charles-Alexandre Houillon, Matières premières et énergie : guide pratique, A. Franel, Paris, 2013, 188 p. (ISBN 978-2896033-86-7)
- Bernadette Mérenne-Schoumaker, Atlas mondial des matières premières : des ressources stratégiques, Autrement, Paris, 2013, 96 p. (ISBN 978-2-7467-3447-0)
- Philippe Chalmin, Rapport annuel Cyclope (Cycles et orientations des produits et des échanges)
Articles connexes
Liens externes
- Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, sur la mise en œuvre de l’initiative « Matières premières », juin 2013
- Centre d'analyse stratégique - Volatilité des prix des matières premières - Janvier 2011
- « MinéralInfo : Le portail français des ressources minérales non énergétiques » (consulté le ), site interministériel français
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