Phénologie
La phénologie est l'étude de l'apparition d'événements périodiques (annuels le plus souvent) dans le monde vivant, déterminée par les variations saisonnières du climat.
Cet article possède un paronyme, voir Phrénologie.
On étudie surtout la phénologie des végétaux, mais aussi des animaux (notamment les oiseaux et les insectes), des champignons, et même, dans le monde non vivant, des glaciers.
En botanique, les événements périodiques sont par exemple la floraison, la feuillaison, la fructification, le changement de couleur des feuilles.
En zoologie, il s'agit par exemple du départ et de l'arrivée d'oiseaux migrateurs, de l'apparition des larves et des formes adultes des insectes. Par exemple, en 1883, les journaux de l’audomarois (L'Indépendant du Pas-de-Calais et Le mémorial artésien) annoncent l'arrivée inhabituellement précoce des premières hirondelles [1]. Les données disponibles montrent par exemple que beaucoup d'oiseaux (mais pas tous[2]) ont modifié leurs dates de migration à cause du réchauffement climatique[3],[4], avec cependant des variations, selon la position de l'espèce dans le réseau trophique notamment[5] et parfois aussi induites par des changements de températures différents selon les régions traversées en cours de migration[6].
La durée du jour (photopériode) est un des principaux facteurs influençant la phénologie de nombreuses espèces[7], et il semble que dans ces cas la réaction des espèces à la durée du jour soit génétiquement programmée[8], ce qui laisse moins de marge d'adaptation aux espèces concernées.
L'apparition anormalement décalée (« désynchronisation ») d'événements phénologiques est un indice de possibles modifications de divers facteurs, notamment des facteurs climatiques ou micro-climatiques, comme la température ou la teneur en eau du sol et de l'atmosphère.
Histoire
La phénologie est une science très ancienne (il était important pour les anciens agriculteurs / cueilleurs / chasseurs et pêcheurs de prévoir les dates de récolte, d'apparition des champignons ou des migrations animales, etc.).
De 1880 à 1945, en France, les stations météo relevaient aussi les dates de retour des oiseaux migrateurs et la floraison des lilas, puis la phénologie est tombée en relative désuétude à partir des années 1950[9]... avant de connaître un net regain d’intérêt par les études d'Emmanuel Le Roy Ladurie[10] et à cause du réchauffement climatique, lequel semble avoir déjà fortement modifié la phénologie de plantes et animaux (dates de migration).
Le réseau suisse d’observations phénologiques est créé en 1951 à l'Institut suisse de météorologie (ISM), actuellement MétéoSuisse. Des séries d'observations basées sur des plantes sauvages fournissent actuellement des données[11] concernant les changements climatiques[12].
Phénologie des plantes
La phénologie des végétaux comporte plusieurs événements majeurs : la floraison, la feuillaison, la chute des feuilles... De nos jours, les études portent principalement sur le début et la fin de la période de croissance, c'est-à-dire les moments de reprise ou d'arrêt de la photosynthèse. Cependant, certains végétaux ne présentent pas de phénologie très marquée, c'est le cas notamment des plantes sempervirentes ou des plantes présentes dans les zones chaudes et humides.
Facteurs déterminants
En fonction des régions, différents facteurs agissent sur la phénologie des plantes :
- dans les zones arctiques, boréales et tempérées, c'est principalement la température et la longueur du jour, bien que le manque d'eau puisse jouer un rôle important dans certaines régions.
- dans les zones tropicales sèches, c'est principalement la disponibilité en eau (la croissance des végétaux correspond alors à la durée de la saison humide). La température est aussi importante.
Phénologie et changement climatique
Conséquences du changement climatique sur la phénologie
Les changements climatiques impliquent une modification des températures et les précipitations et donc de la phénologie.
Avec des températures plus chaudes, on observera (et on observe déjà) dans les régions tempérées un printemps plus précoce et un automne plus tardif. À plus long terme, on pourra certainement observer également une extension des zones climatiques tropicales, ce qui modifiera le type de plante présent et les rythmes biologiques de celles qui survivront dans ces zones.
Chez les plantes, en zone non-équatoriale, les événements printaniers tels que la floraison, la feuillaison arrivent déjà de plus en plus tôt au printemps alors que les événements d’automne tels que la coloration et chute des feuilles tendent à se produire de plus en plus tard (localement, le phénomène dit de pollution lumineuse peut aussi être en cause, ralentissant aussi la chute des feuilles ; de plusieurs mois parfois sous les lampadaires). La phénologie a par exemple montré que les chênes ont en France gagné 10 jours de croissance supplémentaires par an entre 1962 à 1995[15].
Chez les arbres, en zone tempérée, et alors que la température moyenne n’a augmenté « que » de 0,6 °C en un siècle, le débourrement des arbres européens et nord-américains étudiés de 1974 à 2001 a déjà fortement évolué : les forestiers ou chercheurs ont noté[16] pour 8 essences (sur 10 étudiées) :
- une précocité accrue ; en moyenne de 2,9 jours par décennie (pour 17 essences suivies) ;
- une floraison avancée ; en moyenne de 3,4 jours par décennie (pour 46 essences suivies) ;
- une maturation des fruits avancée ; en moyenne de 9,7 jours par décennie.
Dans le même temps les arbres ont connu, sauf en période de forte sécheresse, une croissance accrue en diamètre (cernes plus larges).
Un autre indice phénologique a été constaté, bien que moins nettement marqué : c’est le recul de la date de coloration automnale des feuilles (de 0,7 jour par décennie sur 45 ans ; pour la période 1951 à 1996).
Il est possible que cette évolution pose déjà des problèmes écologiques, certains pollinisateurs par exemple pouvant se réveiller trop tard, après les pics de production de pollen.
La précocité du débourrement pourrait diminuer au XXIe siècle (1 à 6 jours par °C, selon les espèces et les zones géographiques et selon le scénario retenu du GIEC (+ 1 à 6 °C d’ici 2100).), voire se stabiliser en raison d’un froid hivernal insuffisant pour lever la dormance des bourgeons.
Ces modélisations laissent penser que des années à débourrement anormal pourraient survenir (débourrements trop tardifs avec éventuellement des feuilles malformées affectant la croissance et la santé des arbres).
Chez les animaux : Diverses espèces souffrent également des changements phénologiques, et cela risque de bouleverser des écosystèmes entiers comme Al Gore l'explique dans son film "Une vérité qui dérange". Un des symboles de ce problème est devenu l'Ours blanc qui ne peut survivre quand la banquise fond trop vite.
En France, deux programmes de sciences participatives proposent aux citoyens d'observer la phénologie des plantes et des animaux. Il s'agit de l'Observatoire des saisons pour les zones de plaine et du programme Phénoclim pour les zones de montagne.
Rétroactions sur le changement climatique
Si l'on s'intéresse aujourd'hui principalement aux dates de début et de fin des périodes de photosynthèse, c'est que ce phénomène est un élément très important du cycle du carbone, puisqu'il fait intervenir le CO2 qui est un important gaz à effet de serre. Ainsi, un changement de phénologie influera sur la concentration en CO2 de l'atmosphère et donc sur le climat de demain.
C'est aujourd'hui une des incertitudes majeures des modèles climatiques qui cherchent à expliquer et étalonner le réchauffement planétaire global. Dans les zones urbaines polluées, des arbres qui ont des feuilles plus longtemps dans l'année ne stockent pas nécessairement plus de carbone.
Phénologie et altitude
La phénologie s'intéresse aussi aux niveaux d'altitude ; ainsi au printemps 2007 en Europe, des noisetiers poussant à 250 mètres d’altitude ont fleuri en moyenne 43 jours avant ceux qui poussent à 1 250 mètres. Chez le frênes, à floraison beaucoup plus tardive, le décalage n’est que de 28 jours[17]. Ces 2 espèces sont des ressources alimentaires importantes par exemple pour l'ours ou l'écureuil roux.
Utilisation pratique de la phénologie
On peut utiliser la phénologie pour effectuer les travaux du jardin à la période propice et non d'après un calendrier fixe qui ne tient pas compte du climat spécifique du lieu. Cela permet d'avoir des repères pour semer ou planter. Ainsi la première période commence par la floraison du cornouiller mâle, de l'orme, du lilas et du tussilage et s'achève avec la floraison du prunellier et merisier sauvage. C'est pendant cette première période qu'on doit :
Bibliographie
- Les plantes au rythme des saisons : Guide d’observation phénologique, Éditions Biotope, .
Références
- Journal l’Indépendant, semaine du 31 mars au 6 avril 1883, Éphémérides reprises en 2008.
- A.P. Møller, D. Rubolini, E. Lehikoinen (2008), Populations of migratory bird species that did not show a phenological response to climate change are declining Proc. Natl. Acad. Sci. USA, 105, p. 16195–16200.
- C. Both, A.A. Artemyev, B. Blaauw, R.J. Cowie, A.J. Dekhuijzen, T. Eeva, A. Enemar, L. Gustafsson, E.V. Ivankina, A. Järvinen, et al., Large-scale geographical variation confirms that climate change causes birds to lay earlier Proc. Biol. Sci., 271 (2004), p. 1657–1662.
- O. Hüppop, W. Winkel Climate change and timing of spring migration in the long-distance migrant Ficedula hypoleuca in central Europe : The role of spatially different temperature changes along migration routes J. Ornithol., 147 (2006), p. 344–353
- C. Both, M. van Asch, R.G. Bijlsma, A.B. van den Burg, M.E. Visser Climate change and unequal phenological changes across four trophic levels : Constraints or adaptations ? J. Anim. Ecol., 78 (2009), p. 73–83.
- M. Ahola, T. Laaksonen, K. Sippola, T. Eeva, K. Rainio, E. Lehikoinen (2004) Variation in climate warming along the migration route uncouples arrival and breeding date Glob. Change Biol., 10 , p. 1–8.
- T. Coppack, F. Pulido, P. Berthold (2001), Photoperiodic response to early hatching in a migratory bird species Oecologia, 128 , p. 181–186.
- F. Pulido & Berthold P. (2004) Microevolutionary response to climate change ; Adv. Ecol. Res., 35 , p. 151–183.
- Science et Avenir, avril 2008, p. 37.
- Emmanuel Le Roy Ladurie, Abrégé d'histoire du climat du Moyen Âge à nos jours, entretiens avec Anouchka Vasak, Fayard, 2007.
- « Observations phénologiques | opendata.swiss », sur opendata.swiss (consulté le )
- « Les 70 ans du réseau suisse d’observations phénologiques - MétéoSuisse », sur www.meteosuisse.admin.ch (consulté le )
- Oteros, J., García-Mozo, H., Vázquez, L., Mestre, A., Domínguez-Vilches, E., Galán, C. (2013). Modelling olive phenological response to weather and topography. Agriculture Ecosystems & Environment, 179: 62-68. Link
- Oteros Jose (2014) Modelización del ciclo fenológico reproductor del olivo (Tesis Doctoral). Universidad de Córdoba, Córdoba, España Link
- Science et Avenir, avril 2008, p. 37, citant Isabelle Chuine du CNRS.
- Xavier Morin, Isabelle Chuine, 2007. « Réponse des essences ligneuses au changement climatique. Modification de la phénologie, des risques de gel et de la répartition des essences ligneuses nord-américaines ». Rendez-Vous techniques, hors-série no 3 « Forêts et milieux naturels face aux changements climatiques » : 15-20 (6 p., 2 fig., 5 réf.).
- MATHIEU G. [2007]. Phénoclim, quand les plantes parlent du climat, La Garance voyageuse 77 : 11-14 (4 p., 5 fig.).
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Observatoire Des Saisons
- Programme Phénoclim dans les Alpes
- Système d'Information Phénologique pour la Gestion et l'Étude des Changements Climatiques
- Système d’observation et d’expérimentation au long terme pour la recherche en environnement (SOERE) TEMPO - Réseau national d’observatoires de la phénologie
- Des observations satellites éclairent les secrets du verdissement des forêts tropicales sèches, CNES, .
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