Paul Rives

Paul Jacques Marius Rives[1], né le à Saint-Papoul (Aude) et mort le à Ivry-sur-Seine (Seine)[2], est un homme politique et collaborateur français. Il est député socialiste de l'Allier de 1932 à 1942 en tant que membre de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO).

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Paul Rives

Paul Rives en 1932.
Fonctions
Maire de Bellerive-sur-Allier

(9 ans, 3 mois et 16 jours)
Élection 12 mai 1935
Prédécesseur Louis Champommier
Successeur Fernand Auberger
Conseiller général de l'Allier

(10 ans, 7 mois et 10 jours)
Élection
Réélection
Circonscription Canton d'Escurolles
Président Marx Dormoy
Isidore Thivrier
Armand Chaulier
Louis Verneiges
Groupe politique SFIO
Prédécesseur Jean-Baptiste Burlot
Successeur Fernand Auberger
Député français

(10 ans et 23 jours)
Élection 8 mai 1932
Réélection 3 mai 1936
Circonscription Allier
Législature XVe et XVIe (Troisième République)
Groupe politique SFIO
Biographie
Nom de naissance Paul Jacques Marius Rives
Date de naissance
Lieu de naissance Saint-Papoul (Aude, France)
Date de décès
Lieu de décès Ivry-sur-Seine (Seine, France)
Nationalité Française
Parti politique SFIO, RNP puis PSD
Profession Enseignant

Maires de Bellerive-sur-Allier

Biographie

Origines

Fils de Louis Rives, instituteur à Carcassonne, petit-fis de Jacques Rives, agriculteur à Saint-Papoul, il est étudiant au lycée Henri-IV à Paris.

Durant la Première Guerre mondiale, il est appelé sous les drapeaux dans l'infanterie en . Il est nommé caporal puis sergent. Envoyé au Centre d’instruction des élèves-aspirants de Joinville, il en sort aspirant en . Passé aussitôt dans l'aviation, il est promu sous-lieutenant et sert dans une escadre de bombardement. Dans la nuit du 25 au , son appareil est porté disparu lors d'une mission de bombardement aérien de nuit. L'avion est contraint à un atterrissage de nuit en territoire ennemi après un combat aérien et son équipage capturé. Atteint de trois blessures, Rives reste en captivité quelques semaines et est finalement rapatrié d'Allemagne en .

Après sa démobilisation, il participe aux rapatriements de Français puis reprend ses études à Toulouse et Strasbourg et devient professeur de philosophie au lycée Saint-Louis à Paris.

Après son retour à la vie civile, il poursuit une carrière militaire dans la réserve, au titre de laquelle il est nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1935 et capitaine en 1937[3].

Engagements politiques

Paul Rives fréquente un petit cercle d'étudiants socialistes lorsqu'il est élève en khâgne au lycée Henri-IV, aux côtés de Marcel Déat, son condisciple[4]. Membre du Grand Orient de France et de la SFIO, cet ancien professeur agrégé de philosophie détaché depuis 1924 au Bureau international du travail comme directeur adjoint de son bureau de Paris[5] est chargé en 1927 de la rubrique économique et sociale du quotidien socialiste Le Populaire[6].

Il est élu député de l'Allier en 1932, battant au second tour le député sortant, Hubert Pradon-Vallancy, après une candidature dans l'Aube quatre ans plus tôt[7]. Malgré sa vieille amitié pour Marcel Déat[8], il ne le suit pas dans sa scission des néo-socialistes en 1933 car il juge sa propre position trop fragile pour risquer la rupture[9]. Maire de Bellerive-sur-Allier de 1935 à 1944, Paul Rives est également conseiller général du canton d'Escurolles à partir de 1933 et vice-président du conseil général à partir de 1936. Il est réélu député en 1936, au second tour, une nouvelle fois contre Hubert Pradon-Vallancy[10]. Il dirige alors le périodique Le Travail de l’Allier[11].

Secrétaire général de la fédération de l'Allier de la SFIO de 1936 à 1937, face à son rival Marx Dormoy[12], il soutient en 1937 l'Espagne républicaine contre les franquistes : il co-signe une motion antifasciste de Jean Zyromski critiquant la politique de non-intervention dans la Guerre d'Espagne adoptée durant l'été 1936 par Léon Blum et affirmant la nécessité de supprimer « toutes les entraves existantes à l'approvisionnement libre et régulier du gouvernement républicain d'Espagne en armes »[13],[14] et est membre du bureau du Comité d'action socialiste pour l'Espagne, aux côtés notamment de Zyromski, Jean Longuet, Marceau Pivert, André Weil-Curiel, Jean Prader[15]. Ce qui le distingue des pacifistes ultras tels Félicien Challaye ou Léon Émery.

Rives appartient néanmoins à l'aile pacifiste, qui reste cependant fidèle au devoir de défense nationale, et anticommuniste de la SFIO animée par Paul Faure, son secrétaire général jusqu'en 1940. Membre de la Ligue des anciens combattants pacifistes[16], il est Munichois en 1938. Pour autant, il juge en 1938 que l'opposition entre pacifistes et « bellicistes » au sein de son parti est caricaturale[17] et, rapporteur du budget de l'Air, il appelle au développement de l'arme aérienne grâce à davantage de crédits militaires et une meilleure organisation industrielle, notamment dans le quotidien L'Œuvre[18]. En 1939, ses analyses de la guerre qui menace sont avant tout économiques; elles insistent sur l'affrontement entre le libéralisme économique, à bout de souffle et qu'il condamne, des démocraties et l'autarcie économique des régimes totalitaires allemand et italien et sur la nécessité d'une conférence internationale chargée de régler les problèmes économiques[19]. En , il évoque « l'impérieuse et tragique nécessité où nous sommes de consacrer toutes nos forces au surarmement national » car « l'intimidation » est selon lui un facteur de paix[20]. Il est l'un des cinq députés socialistes à rejoindre le le Comité de liaison contre la guerre, transpartisan, formé d'une dizaine de parlementaires, de droite (Jean-Louis Tixier-Vignancour, Georges Scapini, Michel Brille), du centre (Jean Montigny notamment), de gauche (dont Bergery, René Chateau, Louis Deschizeaux, Alexandre Rauzy, Armand Chouffet)[21],[6]. Il va jusqu'à collaborer durant la drôle de guerre, à la très anticommuniste et pacifiste agence de presse Inter-France, pourtant marquée à l'extrême droite et soutenue par des patrons conservateurs[22],[23],[24],[25].

Son rapport sur l'aviation française est lu à la Chambre des députés le ; il met en évidence ses graves lacunes[26].

Il a été un proche de la Ligue internationale contre l'antisémitisme et Les Cahiers antiracistes le rangent en 1944 parmi les antiracistes fervents de l'avant-guerre[27].

Ayant co-signé la déclaration du de Gaston Bergery, critiquant le régime parlementaire et réclamant d'une part un « ordre nouveau », autoritaire, national, social, anticommuniste et antiploutocratique et d'autre part la collaboration avec l'Allemagne[28], il vote en faveur de la remise des pleins pouvoirs au maréchal Pétain en , puis justifie publiquement son vote[29]. Il fait partie du comité d'organisation du parti unique, voulu par Déat et qui n'aboutit pas[30],[31].

Il s'engage ensuite fermement dans le soutien au maréchal Pétain et dans la voie de la collaboration franco-allemande[32], participant à plusieurs organes de presse collaborationnistes et rejoignant le Rassemblement national populaire (RNP) de Déat[33], en continuant de se revendiquer du socialisme. Il co-fonde ainsi avec Charles Spinasse, ancien ministre SFIO du Front populaire, en et co-dirige, avec le titre de rédacteur en chef, le quotidien L'Effort[34], implanté à Clermont-Ferrand puis à Lyon. Il y appelle à un « socialisme national » autoritaire[35]. Il collabore au quotidien parisien La France socialiste et à l'éphémère hebdomadaire parisien de Spinasse, Le Rouge et le Bleu (-). Il élimine ensuite de L'Effort Spinasse, directeur et P-DG du journal, et Julien Peschadour, autre ancien député SFIO, en 1942[36]. Il insiste, en 1942, sur la nécessité d’une victoire de l'Allemagne[37]. Il reste rédacteur en chef du journal jusqu'en [38].

Membre de la Commission administrative de l'Allier selon le décret du , il est nommé le au Conseil départemental, établi en et présidé par Louis Verneiges, maire d'Huriel[39]. Il demeure maire de sa commune jusqu'en 1944[6].

En , Marcel Déat, devenu ministre du travail, le nomme délégué général pour la zone sud de son ministère : Rives représente à Vichy Déat, qui souhaite rester à Paris[40],[41]. Cette année-là, il est aussi le directeur politique de l'éphémère hebdomadaire parisien « de la pensée socialiste française », Germinal. Après le débarquement de Normandie de , il écrit dans le numéro du , dans un article intitulé « Raisons de croire » :

« Ce qui est essentiel, c'est que la Wehrmacht ait gardé, ainsi qu'on le voit, tout son calme, une sérénité absolue. (...) La science allemande est en train de renouveler la stratégie militaire. (...) Et c'est pourquoi les allées et venues alternatives du front ne sont que l'aspect secondaire de la bataille qui se livre actuellement entre l'Europe et ses ennemis. (...) On dit que nous avons misé sur la mauvaise carte. (...) Nous avons misé sur l'Europe et sur une France intégrée dans l'Europe[42]. »

À la Libération, Paul Rives suit Déat en Allemagne et est exclu de la SFIO en . Il co-signe ce même mois un « manifeste des intellectuels français en Allemagne », à l'instar de Déat et Lucien Rebatet, dénonçant l'épuration en France et affirmant « leur foi dans la nécessité d'une Europe socialiste » et leur conviction que « la gigantesque bataille livrée par l'Allemagne est l'enfantement d'un continent où l'harmonieux développement des génies nationaux assurera la justice et la paix »[43]. Il participe alors à la création du Parti socialiste démocratique (PSD), structure regroupant des socialistes « épurés » de la SFIO[réf. nécessaire]. Il revient en France pour se constituer prisonnier et est détenu à la prison de Fresnes à partir de [44]. Il est condamné en 1947 par la cour de justice du Rhône à quatre ans de prison, 15 000 francs d'amende et à la dégradation nationale à vie[45],[46]. Il ne semble toutefois pas avoir été exclu de l'ordre de la Légion d'honneur[47].

Amnistié après son incarcération et réintégré dans l'enseignement, il rejoint le bureau du Mouvement social européen, d'orientation néofasciste, en 1952[6]. Il ne retrouve pas de mandat politique et meurt en 1967.

Notes et références

  1. Bulletin de naissance figurant dans son dossier de Légion d'honneur.
  2. Avis de décès inclus dans son dossier de Légion d'honneur.
  3. Bureau de recrutement de Carcassonne, classe 1915, Fiche matricule no  1627 de Paul Jacques Marius Rives, vues 316-317 de la numérisation.
  4. Jean-François Sirinelli, Génération intellectuelle: Khâgneux et Normaliens dans l'entre-deux-guerres, Fayard, 2014
  5. Le Populaire, 1er juillet 1932
  6. Notice du Maitron
  7. Le Petit Troyen, 22 mars 1928, La Dépêche de l’Aube, 6 avril 1928 (périodique communiste, hostile à Rives, Journal des débats politiques et littéraires, 24 avril 1928 (résultats du premier tour)
  8. Le Populaire, 9 juillet 1932 (Déat préside un banquet célébrant l'élection de Rives)
  9. Philippe Burrin, La dérive fasciste: Doriot, Déat, Bergery, 1933-1945, Seuil, 2003, p. 153
  10. Archives départementales de l'Allier : Le Front populaire dans l'Allier
  11. Notice de la BNF
  12. André Touret, Marx Dormoy (1888-1941) : maire de Montluçon, ministre du Front populaire, Créer, 1998
  13. Le Populaire, 13 mai 1939
  14. L'Espagne socialiste, 1937
  15. L'Espagne socialiste, 16 juin 1937
  16. L'Œuvre, 17 juin 1938, Ibid., 25 mai 1937
  17. L'Élan républicain, 19 octobre 1938, P. Rives, "Faire la paix"
  18. La Bourgogne républicaine, 22 avril 1938, P. Rives, "Pour avoir une aviation, faites des usines", L'Homme libre, 17 mai 1938, P. Rives, "Si nous voulons une aviation faisons des usines", L'Œuvre, 21 octobre 1938, P. Rives, "Grandeur et misère de notre armée de l'Air", Ibid., 23 octobre 1938, P. Rives, "Bilan de notre aviation militaire", Ibid., 26 octobre 1938, P. Rives, "Cinq mille avions ! Nous y travaillons. Mais comment ?", Le Midi socialiste, 10 janvier 1939, P. Rives, "Notre aviation"
  19. L'Homme libre, 24 avril 1939, p. Rives, "Sur l'enjeu véritable d'un conflit idéologique international", Ibid., 18 février 1939, P. Rives, "Les conditions politiques d'un règlement général", Ibid., 13 juin 1939
  20. L'Homme libre, 13 juin 1939, P. Rives, "Les chances des démocraties"
  21. David Bidussa et Denis Peschanski (dir.), La France de Vichy: Archives inédites d'Angelo Tasca, Feltrinelli, 1996, p. 144
  22. Nadine Fresco, Fabrication d'un antisémite, Seuil, 1999
  23. Marc Sadoun, Les socialistes sous l'occupation: résistance et collaboration, PFNSP, 1982, p. 14
  24. Dominique Sordet, « Six ans de combat », Inter-France, 1943, p. 19 (Lire en ligne)
  25. L'Effort, 21 octobre 1942, Paul Rives, "Journées Inter-France" (Ce qui aurait provoqué des remous selon lui, la signature d'une socialiste aurait été mal acceptée mais Sordet lui maintint son appui)
  26. Gérard Chauvy, Le drame de l’armée française du Front populaire à Vichy, Pygmalion, 2010
  27. Simon Epstein, Un paradoxe français. Antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, éd. Albin Michel, 2008, p. 209
  28. François-Marin Fleutot, Voter Pétain ?: Députés et Sénateurs sous la Collaboration (1940-1944), Pygmalion, 2015
  29. Le Midi socialiste, 9 août 1940
  30. youtube, archive vidéo de juillet 1940 postée le 12 juillet 2015
  31. Cyril Buffet, Rémy Handourtzel, La collaboration... à gauche aussi, Perrin, 1989
  32. Le Midi socialiste, 30 octobre 1940
  33. L'Œuvre, 23 juillet 1943
  34. Le Midi socialiste, 5 août 1940
  35. L'Action française, 3 décembre 1940, Ibid., 8 août 1941
  36. Vichy 1940-1944 : quaderni e documenti inediti di Angelo Tasca, éditions du CNRS/Feltrinelli, 1986, p. 472-473
  37. Simon Epstein, op. cit.
  38. Cyril Buffet, Rémy Handourtzel, op. cit.
  39. Rapports et délibérations / Conseil général/départemental de l'Allier, session du 5 février 1943
  40. Journal officiel, 15 avril 1944
  41. L’Œuvre, 27 mai 1944
  42. Germinal, 28 juillet 1944
  43. Jean-François Sirinelli, Intellectuels et passions françaises: Manifestes et pétitions au XXe siècle, Fayard, 1990
  44. Combat, 17 novembre 1945
  45. Le Monde, 18 janvier 1947.
  46. Combat, 17 janvier 1947
  47. « Cote 19800035/866/1751 », base Léonore, ministère français de la Culture

Sources

  • « Paul Rives », dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), sous la direction de Jean Jolly, PUF, 1960
  • Notice de Paul Rives dans Le Maitron (Lire en ligne)

Liens externes

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