Pastis
Le pastis (bouillie, sous-entendu mélange, en provençal[1]) est une boisson alcoolisée aromatisée à l'anis et à la réglisse, variante de l'absinthe, apéritif traditionnel de la cuisine provençale et de la cuisine française.
Pour les articles homonymes, voir Pastis (homonymie).
Pastis Pastaga | |
Du pastis, des glaçons, et de l'eau fraîche | |
Pays d’origine | France |
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Ville d’origine | Avignon (Provence) |
Date de création | Début du XXe siècle |
Type | Boisson alcoolisée, apéritif |
Principaux ingrédients | Alcool agricole neutre, anis vert, anis étoilé, fenouil, réglisse |
Degré d'alcool | 40°, 45° |
Couleur | Jaune |
Parfum(s) | Anis, réglisse |
Variante(s) | Absinthe |
Description
Selon la réglementation européenne, le pastis est le résultat de l'aromatisation d'un alcool neutre d'origine agricole avec des extraits d'anis vert, d'anis étoilé, de fenouil, ou de toutes autres plantes contenant le même constituant aromatique principal, ainsi que par des extraits naturels issus du bois de réglisse. Cette aromatisation peut être obtenue par trois procédés (ou une combinaison des trois) :
- macération ou distillation,
- redistillation de l'alcool en présence de ces plantes,
- adjonction d'extraits naturels distillés de plantes anisées[2].
La boisson contient donc de l'anéthol (de 1,5 à 2 g/l) apporté par les plantes anisées, ainsi que des chalcones et de l'acide glycyrrhizique (de 0,05 à 0,5 g/l) apportés par la réglisse.
Le titre alcoométrique volumique minimal est de 40 % (45 % pour le pastis de Marseille)[2].
La teneur en sucre doit être inférieure à 100 g/l.
La couleur jaune du pastis est due à un colorant, souvent du caramel. Il existe des pastis blancs sans colorant. Certains producteurs (Germain, qui l'a inventé[3], Janot, etc.) ont même créé des pastis bleus.
Pastis « de Marseille »
Pour avoir droit à l'appellation « pastis de Marseille », le pastis doit avoir un titre alcoolique de 45 % et une concentration d'anéthol de 2 g/l[2]. Du fait de sa teneur en anéthol supérieure à celle d'un pastis commun, il est beaucoup plus sensible au froid. Un trouble apparaît à partir de 8, voire 10 °C. Dès qu'il est remis à température ambiante, le trouble disparaît rapidement, sans que le produit n'ait une quelconque altération de sa qualité, ni de son goût.
Consommation
Il se boit traditionnellement en apéritif, à compléter soi-même avec de l'eau fraîche et des glaçons selon son gout (généralement de cinq à sept volumes d'eau pour un volume de pastis). En France, la dose usuelle dans les cafés et brasseries est de 2 cl de pastis. Lorsque l'on fait le mélange en versant l'eau, on passe alors d'une couleur ambrée assez transparente à un jaune trouble un peu laiteux. Ce trouble est dû à une microémulsion de l'anéthol peu soluble dans l'eau par l'effet Ouzo ; si l'on attend quelques heures, le trouble disparaît. Ce phénomène, désigné sous le terme de « louchissement » (on dit que le pastis « louchit »), apparaît aussi lors de la réfrigération du pastis pur (on dit alors que le pastis « paillette »)[4].
En 2005, la consommation annuelle de boissons anisées en France est d'environ 135 millions de litres[5].
Histoire
Le 16 mars 1915 (durant la première Guerre mondiale) l'absinthe et des boissons similaires sont interdites en France[6]. En réaction, le fils d'un ancien industriel de l'absinthe, Jules-Félix Pernod dépose la marque Anis Pernod en 1918 (variante autorisée de l'absinthe). C'est donc le véritable inventeur du pastis[7] commercialisé à partir de son usine de Montfavet près d'Avignon.
Toutefois, très floue, la loi laisse des doutes et la production des boissons à base d'anis chute[réf. nécessaire]. En 1920, l'État autorise à nouveau la production et rétablit l'autorisation des consommations anisées dont le degré d'alcool est inférieur à 30°. Puis, en 1922, le degré est relevé à 40°. Une véritable frénésie s'empare alors de la Provence où tous les bars vendent du pastis. Chaque marque personnalise ses recettes en ajoutant à l'anis d'autres plantes aromatiques telles que le fenouil, l'anis vert, la réglisse, etc.
Paul Ricard fait preuve d'innovation en élaborant une recette incluant de l'anis étoilé, de l'anis vert et de la réglisse. Son slogan, « Ricard, le vrai pastis de Marseille », apparaît en 1932. C'est la première fois que le mot pastis apparaît sur l'étiquette d'un apéritif anisé. Un très large réseau de distribution permet à ses ventes de décoller et il devient le premier vendeur de pastis au détriment de Pernod[8].
En 1938, on autorise la production et la vente de pastis et boissons anisées titrant 45°.
Sous le Régime de Vichy le pastis est interdit en comme toutes les boissons au-dessus de 16° : l'usine Pernod est transformée en chocolaterie, Ricard produit du vermouth, des jus de fruits, des alcools carburants pour le maquis. À la Libération, la déception est d’autant plus grande que le nouveau gouvernement (principalement la ministre de la Santé Germaine Poinso-Chapuis, surnommée « chapeau pointu » par Paul Ricard) ne révoque que partiellement les dispositions de Vichy en n’autorisant que les apéritifs à 40° : une quarantaine de distillateurs clandestins produisent leur pastis. Une taxe est alors prélevée par leur syndicat pour financer d'éventuels procès. L'État soucieux de trouver de nouvelles recettes fiscales abroge la prohibition en 1949. En 1951, une loi interdit la publicité des produits anisés par affiche et par presse, Pernod relance sa boisson sous l'appellation de « Pastis 51 »[9] et envoie alors ses commerciaux[10] (appelés « structure de propagande » à l'époque) qui contournent cette interdiction en développant des produits dérivés (pot à eau, cendrier, bob)[8].
Commercialisation
Jusqu'à leur fusion en 1975, les sociétés Pernod et Ricard se livrent une concurrence rude sur le marché des boissons anisées qui atteint son apogée dans les années 1960. Le groupe Pernod Ricard domine aujourd'hui le marché mondial du pastis avec les marques Ricard et 51 (qui fut d'abord commercialisé en 1951 sous la marque Pernod 51, puis Pastis 51 de 1954 à 1999).
D'autres marques de pastis se partagent le reste du marché, notamment les Marseillais Duval et Casanis (tous deux la propriété du groupe Boisset et produits dans la même distillerie) et Berger (deux pastis, un blanc, Berger blanc et un jaune, Berger pastis de la société Gemaco de la maison Marie Brizard, détenue par le groupe Belvédère).
Depuis les années 1990, les marques dites « économiques » se sont approprié près de 40 % du marché français, parmi lesquelles Cigalis, la marque des hypermarchés Cora, ou encore la marque du maxidiscompteur Leader Price.
Des distillateurs locaux sont répartis dans l'arrière pays provençal ou méditerranéen. La société Cristal Limiñana, restée à 100 % familiale depuis 1884, fabrique dans son usine située à Marseille intra-muros le pastis Un Marseillais. La distillerie Janot, à Aubagne, produit différents pastis, dont la distribution est centrée en région PACA. Les Distilleries et Domaines de Provence avec leur Pastis Henri Bardouin, médaillé d'or du concours agricole de 2008, visent le marché haut de gamme des pastis plus complexes et raffinés[11]. L'artisanal Pastis des Homs produit à Nant (Aveyron) obtient deux fois la médaille d'or du concours général agricole[12].
En 2016, la distillerie Larusée à Fenin crée le premier pastis artisanal de Suisse et obtient deux médailles d'or au Paris International Trophy et au Palmarès National de l'AVGF (Académie des Vins et de la Gastronomie Française) en 2019.
Dénominations régionales
Le pastis est aussi appelé un jaune ou un flai (et non fly) dans le sud de la France. Il peut également s'appeler fenouil, pommade, flan, voire plus récemment flambi si la proportion d'eau est faible. On peut entendre dire qu'un pastis est « gras » lorsque la proportion d'alcool est importante. S'il est vraiment très gras, on l'appelle « yaourt ». On dit aussi pastaga dans le sud-est de la France, plus particulièrement du côté de Marseille.
Il est courant de demander « un Ricard » du nom de la société historique ayant réussi à lier le nom de sa marque à cette boisson dans l'esprit collectif.
La momie ou mominette est un pastis servi dans un petit verre. Dans certaines régions, c'est aussi une « demi-dose ». Un Gainsbourg (une des boissons préférées de l'artiste Serge Gainsbourg) est un double pastis 51, c'est-à-dire un 102. On utilise également le nombre 153 pour qualifier un triple pastis (3/4 de pastis, 1/4 d'eau).
Boissons apparentées
Dans le bassin méditerranéen, les Balkans et le Caucase, on trouve d'autres boissons aromatisées à l'anis (en général de couleur blanche ou transparente et sans réglisse, ce qui les rend plus proches du berger blanc) :
Quelques fabricants de pastis
- Pastis 12/12 de Saint-Tropez
- Pernod Ricard fabricant de Ricard, Pastis 51, Pernod, Pacific
- Henri Bardouin (Distilleries et Domaines de Provence)
- Le Pastis d'Avignon (Distillerie Manguin, Avignon)
- La Pastisserie Pastis Lis Estello
- Pastis Dami
- Pastis Meskad - Distiloire
- Pastis Berger
- Pastis Casanis
- Pastis Duval
- Pastis Girard
- Distillerie Janot - Maunier Lou Garagaï
- Distillerie des Alpes, Routin
- Larusée (en Suisse)
- Pastis de Nice
- Distillerie Eyguebelle-Ælred
Autres variétés de boissons anisées
Cocktails
- La mauresque (ou moresque), à base de pastis et de sirop d'orgeat, aussi appelée « EPO » eau, pastis, orgeat) par analogie avec l'érythropoïétine (EPO), parfois utilisée par des sportifs comme agent dopant.
- La tomate, à base de pastis et de sirop de grenadine.
- Le perroquet, à base de pastis et de sirop de menthe.
- Le rourou, à base de pastis et de sirop de fraise.
- Le Stoptou, mélange de picon et de pastis,
- Le sazerac, à base de pastis (parfois remplacé par de l'absinthe ou du Pernod) et de whisky de seigle ou de cognac…
- Le Prince des villes, à base de Berger Blanc exclusivement et de sirop de pêche, servi dans un verre à bière.
- La limonette, à base de pastis et de limonade. Un verre, deux pailles.
- Le mazout, à base de pastis et de Coca-Cola.
- Le pélican, à base de pastis et de sirop de pêche.
- Le pétrole, à base de pastis et de bière.
Gastronomie
Le pastis (ou toute autre forme d'alcool, anisé ou non) peut entrer dans la confection d'un certain nombre de recette de cuisine, comme les gambas flambées au pastis, poulet au pastis, moules au pastis, salade niçoise au pastis, brochettes de thon au pastis, melon au pastis, daurade ou loup au pastis, coupe de fraises au pastis, rouget au pastis, moutarde au pastis, soupe d'agrumes au pastis, omelette au pastis, la crème glacée au pastis[13],[14],[15]... La cuisson supprime généralement toute trace d’alcool dans le plat fini.
Au cinéma
- 2006 : Camping, de Fabien Onteniente, lors d'un apéritif avec Claude Brasseur, Mathilde Seigner, Franck Dubosc, Mylène Demongeot, Frédérique Bel[16]...
Notes et références
- « pastis », sur fr.wiktionary.org, .
- Règlement (CE) 110/2008 concernant la définition, la désignation, la présentation, l'étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses
- « Maintenant, on va boire le pastis bleu », sur ladepeche.fr, .
- Julie Lasterade, « Arrêtons le martyre du pastis ! », sur liberation.fr,
- « Le déclin du pastis, trop français, semble inéluctable », sur Le Monde,
- Loi du 16 mars 1915 relative à l’interdiction de la fabrication, de la vente en gros et au détail, ainsi que de la circulation de l’absinthe et des liqueurs similaires (lire en ligne)
- « Le pastis a été inventé à Avignon, oui môssieu ! », sur LaProvence.com, (consulté le )
- Marie-Claude Delahaye, « Absinthe et pastis », émission La Marche de l'Histoire, 30 mars 2012
- « Histoire » « Pernod (...) créé un nouveau pastis, appelé Pernod 51 en référence à son année de naissance ».
- Voir la carrière de Charles Pasqua qui termine comme directeur général des ventes en 1962.
- « Le boom du pastis artisanal » L'Express.fr, 31 mai 2011
- Christian Goutorbe, « Le pastis du Larzac à la conquête de la France », ladepeche.fr, (consulté le )
- Marie-Claude Delahaye, Cuisine au pastis, à l'absinthe et liqueurs de Provence, Saint-Rémy-de-Provence, Équinoxe, coll. « Carres Gourmands », , 143 p. (ISBN 978-2-84135-777-2 et 2-84135-777-5)
- Collectif, Pastis : 30 recettes gourmandes sucrées et salées, Paris, Solar, , 61 p. (ISBN 978-2-263-06130-1 et 2-263-06130-4)
- Mireille Sanchez, Tout ô pastis : 30 recettes gourmandes sucrées et salées, Paris, Solar, coll. « La Cuisine Méditerranéenne de Mireille », , 61 p. (ISBN 979-10-93510-87-3)
- [vidéo] Pastis par temps bleu sur YouTube
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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