Offensive Lvov-Sandomir
L’offensive Lvov-Sandomir[alpha 1] (en ukrainien : Львівсько-Сандомирська операція, en russe : Львовско-Сандомирская стратегическая наступательная операция) est une offensive de l'Armée rouge (menée principalement par le 1er front d'Ukraine) qui eut lieu du au contre la Wehrmacht et ses alliés en Ukraine occidentale et en Pologne orientale sur le front de l'Est lors de la Seconde Guerre mondiale.
Date |
- (1 mois et 16 jours) |
---|---|
Lieu | Ukraine occidentale (Lvov) / Pologne orientale (Sandomir) |
Issue | Victoire soviétique |
Reich allemand Royaume de Hongrie | Union soviétique |
Josef Harpe (Groupe d'armées A) Walter Model[1] Raul Federikin (groupe d'armées Nord Ukraine) | Ivan Konev (1er front ukrainien) |
900 000 hommes 900 véhicules blindés 6 300 canons[2] | 1 002 200 hommes[3] 1 979 véhicules blindés 11 265 canons |
55 000 tués, disparus ou capturés | 65 001 tués, disparus ou capturés 224 295 blessés 1 269 chars 289 avions[3] |
Batailles
Front de l’Est
Prémices :
Guerre germano-soviétique :
- 1941 : L'invasion de l'URSS
Front nord :
Front central :
Front sud :
- 1941-1942 : La contre-offensive soviétique
Front nord :
Front central :
Front sud :
- 1942-1943 : De Fall Blau à 3e Kharkov
Front nord :
Front central :
Front sud :
- 1943-1944 : Libération de l'Ukraine et de la Biélorussie
Front central :
Front sud :
- 1944-1945 : Campagnes d'Europe centrale et d'Allemagne
Allemagne :
Front nord et Finlande :
Europe orientale :
Campagnes d'Afrique, du Moyen-Orient et de Méditerranée
Contexte historique
Les stratèges allemands étaient convaincus que la planification soviétique prévoyait encore au sud, où le front se trouvait à 70 km de Lvov et offrait la route la plus directe vers Berlin. La situation de l'Allemagne, déjà critique, devient désespérée après le débarquement de Normandie en . En Italie, les Alliés prennent Rome le . De plus, ceux-ci accentuent les raids sur les industries et les installations allemandes.
Le , soit trois années exactement après le déclenchement de l'opération Barbarossa, les Soviétiques lancent l'opération Bagration, une énorme offensive destinée à libérer la Biélorussie. Les Allemands qui ne s'attendaient pas à une attaque sur ce front n'ont laissé que 800 000 hommes face à 2,3 millions de Soviétiques. Les Soviétiques, qui possèdent dix fois plus de chars et sept fois plus d'avions, éventrent les lignes allemandes. Le front allemand percé, Minsk, le siège de l'administration du Commissariat général de Ruthénie blanche, tombe le . Le groupe d'armées Centre volatilisé sous le choc de l'attaque, l'Armée rouge atteint rapidement l'ancienne frontière avec la Pologne, capture des dizaines de milliers de soldats, dont 17 généraux[4].
À la fin août, les pertes allemandes sont le double de celles des Soviétiques[5][réf. incomplète]. L'offensive en direction de Lvov lancée le met rapidement en déroute les forces allemandes dans l'Ouest de l'Ukraine.
Préparation
Dès le mois de , le contrôle d'une tête de pont sur la Vistule, à Sandomir, constitue l'objectif stratégique des offensives d'été soviétiques[6].
Le , après une réunion d'état-major à Moscou à laquelle participe Staline, Koniev reçoit la directive no 220122 qui définit ses objectifs : atteindre Lvov puis la haute Vistule en passant par la région de Lublin[7].
Cette offensive, dont l'objectif final est alors assez éloigné, doit se dérouler en deux temps : dans un premier temps, la prise de Lvov et le franchissement du San à Przemyśl, puis dans un second temps, la marche sur la Vistule à Sandomir[8], objectif fixé le , soit treize jours après le début de l'opération[9].
Dans sa préparation opérationnelle et tactique, Koniev n'envisage pas l'encerclement de poches allemandes, mais la rupture du front allemand en plusieurs points[10].
Forces en présence
Dans cette opération, vont s'affronter le groupe d'armées Nord Ukraine, encore solide, commandé à partir du par Joseph Harpe et le premier front ukrainien, dirigé par Ivan Koniev.
Composé de deux armées Panzer, les 1re et 4e Panzerarmee, et d'une armée hongroise, le groupe d'armée Nord Ukraine est affaibli par les ponctions opérées en son sein, à la demande des autres fronts, polonais et français[11] : c'est donc avec moins de 900 chars d'assauts, soit 60 % de l'effectif total de ces matériels cinq semaines plus tôt, 1 550 pièces d'artillerie et 840 000 soldats, dont un quart de Hongrois démotivés[12], que Harpe et ses hommes vont devoir affronter le premier front d'Ukraine d'Ivan Koniev. À ces effectifs s'ajoutent près de 600 avions de chasse et avions spécialisés dans le combat anti-char ; à ces avions s'ajoute la possibilité de puiser parmi les appareils stationnés à Varsovie[13].
Abondamment renforcé par la direction soviétique, le premier front ukrainien n'est cependant pas le mieux loti dans les offensives soviétiques de l'été 1944 : cependant, avec plus de 2 000 véhicules blindés, Koniev dispose d'une supériorité de 2 pour 1 par rapport aux Germano-Hongrois[14]. Par contre, les moyens en artillerie mis à sa disposition sont écrasants : près 14 000 pièces lourdes, dont 6 300 massées sur les 25 kilomètres de zones de percée, soit une concentration de 244 pièces par kilomètre dans les zones de percée[8]. À ces concentrations importantes, s'ajoutent 3 246 avions de combat : 679 bombardiers, 1 419 chasseurs et 1 046 bombardiers d'assaut[15].
Ces concentrations, en dépit des mesures d’intoxication de l'adversaire, sont connues de part et d'autre[16],[17].
Enjeux et objectifs
Par une offensive majeure dans ce secteur, les Soviétiques espèrent la réalisation de plusieurs objectifs, militaires, politiques et économiques. Aux yeux de certains historiens, l'offensive soviétique en direction de Sandomir constitue le principal objectif stratégique et politique des Soviétiques de l'été 1944, l'opération Bagration étant au départ conçue comme un piège destiné à envoyer en Biélorussie des unités stationnés en Galicie[18].
Objectifs militaires
Lvov constitue, en , un objectif militaire important, puisque la ville accueille l'état-major du groupe d'armées Nord-Ukraine. Mais c'est aussi un important nœud ferroviaire pour les communications entre le Reich et ses alliés balkaniques[8].
Sandomir constitue également un objectif militaire point de départ d'une route vers la Silésie, un des grands centres industriels du Reich.
Objectifs politiques
Sandomir, ville sur la Vistule, constitue, selon Staline, un objectif politique de première importance, puisque la ville s'étend de part et d'autre de la Vistule, constituant ainsi une tête de pont sur l'avant-dernier obstacle sur la route de Berlin.
De plus par la multiplicité des coups portés à une Wehrmacht de plus en plus débordée, la fermeté des alliances allemandes, avec la Hongrie, la Slovaquie et avec la Roumanie, pourrait aussi être ébranlée, selon les calculs des responsables soviétiques[19].
Objectifs économiques
Parmi les objectifs à saisir pour les Soviétiques, les puits de pétrole de Galicie, qui fournissent 500 000 tonnes de pétrole brut par an[11]. Mais la Silésie, du moins une menace plus directe sur la Silésie (hors de portée de l'aviation anglo-américaine), constitue aussi un objectif à moyen terme pour les concepteurs de cette opération[11].
Déroulement des opérations
Cette offensive stratégique, menée par Ivan Koniev, se déroule selon deux offensives distinctes, la première autour de Lvov et Przemyśl, la seconde en direction de Sandomir et du San, affluent de la Vistule.
Les troupes soviétiques commencent à gagner leurs positions de départ à partir du [16]. En dépit de quatre jours de combats furieux, alternance de succès et d'échecs partiels des deux armées en lutte, le , la percée est obtenue dans le secteur de Zolochev[20].
Brody est rapidement encerclée et prise, les tentatives allemandes pour se dégager se soldant par un échec sanglant[21].
Le , le front tenu par le groupe d'armées Nord Ukraine présente une physionomie particulière : disloqué au nord de Lvov, certaines de ses unités sont positionnées en défense autour de la ville, tandis que les unités au sud de la ville n'ont pas encore essuyé de grosses attaques soviétiques[22].
Le , le San est atteint, puis, le , Lvov et Przemyśl sont prises par les troupes de Koniev, tandis que les Polonais sont engagés dans l'opération Burza : la libération des villes polonaises avant l'arrivée des troupes soviétiques a échoué[22].
Le 27, Staline modifie les ordres donnés à Koniev et lui ordonne de prendre Sandomir[23]. Des têtes de pont sont ainsi conquises sur la Vistule, mais leur survie demeure précaire, maintenue uniquement grâce à la puissance de feu de l'artillerie lourde massée de l'autre côté du fleuve[24].
En dépit de multiples contre-attaques allemandes, tenues en échec par l'artillerie soviétique, la tête de pont s'agrandit progressivement et atteint le 70 kilomètres de large pour 50 de profondeur[24].
Bilan
Le , l'ordre est donné aux armées soviétiques de se mettre en position défensive sur cette partie du front.
Pertes
Les pertes allemandes s'élèvent à 90 000 tués, disparus, blessés ou prisonniers ; le Reich déplore également la perte de 300 avions de combat, 350 chars et canons d'assaut[25]. En face, les pertes soviétiques s'élèvent à 65 000 tués et 224 295 blessés. Les Soviétiques perdirent également 1 269 chars et 289 avions selon certains[3], 510 selon d'autres[25] lors de l'offensive. Le succès de l'opération permet de préparer l'offensive Vistule-Oder sur le front polonais.
Conséquences opérationnelles
Au terme de cette opération, la Galicie a été rapidement conquise par l'Armée rouge[26], en dépit des obstacles naturels et du mordant des troupes de l'Axe qui contre-attaquent dès qu'elles ont la possibilité de le faire.
Plus encore, l'envoi sur la haute Vistule de huit divisions allemandes, prélevées de secteurs plus calmes du front de l'Est, auprès du groupe d'armées Sud Ukraine, assure le succès de l'offensive lancée plus au sud contre les positions roumaines en Moldavie à partir du [25], comme les unités prélevées pour colmater les brèches créées par l'offensive en Biélorussie avait assuré le succès de celle-ci[11].
Enfin, la tête de pont de Sandomir est utilisée lors de la grande offensive d'hiver lancée à partir du [25].
Notes et références
Notes
Références
- Lopez 2014, p. 290.
- Zaloga 1996, p. 74.
- Glantz et House 1995, p. 299.
- Masson 1994, p. 393.
- Krivosheev 1997.
- Lopez 2014, p. 75.
- Lopez 2014, p. 298-299.
- Lopez 2014, p. 291.
- Lopez 2014, p. 299.
- Lopez 2014, p. 300.
- Lopez 2014, p. 292.
- Lopez 2014, p. 293.
- Lopez 2014, p. 297.
- Lopez 2014, p. 301.
- Lopez 2014, p. 303.
- Lopez 2014, p. 304.
- Lopez 2014, p. 295.
- Lopez 2014, p. 53.
- Lopez 2014, p. 54.
- Lopez 2014, p. 309.
- Lopez 2014, p. 310.
- Lopez 2014, p. 312.
- Lopez 2014, p. 318.
- Lopez 2014, p. 319.
- Lopez 2014, p. 320.
- Lopez 2014, p. 317.
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) David M. Glantz et Jonathan House, When Titans Clashed : How the Red Army Stopped Hitler, Lawrence (Kansas), University Press of Kansas, (ISBN 0-7006-0899-0).
- (en) Rolf Hinze, To the Bitter End: The Final Battles of Army Groups A, North Ukraine, Centre, Eastern Front 1944-45, 2006.
- (en) G. I. Krivosheev, Soviet Casualties and Combat Losses, Greenhill, , 290 p. (ISBN 1-85367-280-7).
- Jean Lopez, Opération Bagration : La revanche de Staline (1944), Paris, Economica, , 409 p. (ISBN 978-2-7178-6675-9).
- Philippe Masson, Histoire de l'Armée allemande. 1939-1945, Perrin, (ISBN 2-262-01355-1). .
- (en) Samuel W. Mitcham Jr., Crumbling Empire: The German Defeat in the East, 1944, 2001.
- (en) Robert Dr Watt, Feeling the Full Force of a Four Point Offensive: Re-Interpreting The Red Army's 1944 Belorussian and L'vov-Przemyśl Operations. The Journal of Slavic Military Studies. Routledge Taylor & Francis Group (ISSN 1351-8046).
- (en) S. Zaloga, Bagration 1944 : The The Destruction of Army Group Centre, Osprey Publishing, , 96 p. (ISBN 1-85532-478-4).
Articles connexes
Liens externes
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