Bataille de Budapest
La bataille de Budapest (en hongrois : Budapest ostroma) est un siège qui se déroula du 29 décembre 1944 au 13 février 1945, au terme duquel les forces soviétiques et roumaines prirent la ville de Budapest aux soldats de la Wehrmacht et aux SS allemands, et aux forces hongroises, lors de la Seconde Guerre mondiale. Ce fut l'un des sièges les plus sanglants de la guerre, comparable, du point de vue du nombre de morts, aux sièges de Berlin et de Stalingrad.
Date | Du 29 décembre 1944 au 13 février 1945 |
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Lieu | Budapest, Hongrie |
Issue | Victoire soviétique |
Reich allemand Royaume de Hongrie | Union soviétique Royaume de Roumanie |
Karl Pfeffer-Wildenbruch Iván Hindy | Rodion Malinovski Fiodor Tolboukhine Ivan Afonine Teodor Tulaş |
180 000 (90 000 pour la défense de la ville) entre militaires hongrois et allemands | 500 000 (170 000 pour l'assaut de la ville) entre Soviétiques et Roumains |
~ 40 000 civils tués Estimation basse : ~ 48 000 morts, ~ 51 000 prisonniers, Estimation haute : ~ 150 000 tués ou prisonniers | Estimation basse : ~ 70 000 tués, Estimation haute : ~ 160 000 tués |
Batailles
Front de l’Est
Prémices :
Guerre germano-soviétique :
- 1941 : L'invasion de l'URSS
Front nord :
Front central :
Front sud :
- 1941-1942 : La contre-offensive soviétique
Front nord :
Front central :
Front sud :
- 1942-1943 : De Fall Blau à 3e Kharkov
Front nord :
Front central :
Front sud :
- 1943-1944 : Libération de l'Ukraine et de la Biélorussie
Front central :
Front sud :
- 1944-1945 : Campagnes d'Europe centrale et d'Allemagne
Allemagne :
Front nord et Finlande :
Europe orientale :
Campagnes d'Afrique, du Moyen-Orient et de Méditerranée
Coordonnées 47° 29′ 54″ nord, 19° 02′ 27″ est
Situation générale
À la fin de 1944, la Hongrie demeure l'un des seuls alliés du Troisième Reich. Des efforts désespérés sont donc entrepris pour conserver dans l'alliance allemande ce pays dont les richesses sont nécessaires au Reich et à son effort de guerre, d'autant plus que la dernière raffinerie de pétrole de l'Axe encore intacte se trouve dans le sud-ouest du pays.
Le , l'Allemagne force le régent hongrois Miklós Horthy à remettre ses pouvoirs, et à nommer Premier ministre Ferenc Szálasi, chef du parti fasciste hongrois, les Croix Fléchées (Nyilaskereszt). Tout espoir d'une issue pacifique pour la Hongrie est perdu.
Ordre de bataille
Ordre de bataille soviétique
- Deuxième front ukrainien (maréchal Rodion Malinovski) : 53 divisions d'infanterie, 2 corps blindés, 2 corps mécanisés, 2 corps de cavalerie.
- Troisième front ukrainien (maréchal Fiodor Tolboukhine, commandant aussi les troupes roumaines du général Teodor Tulaş[N 1]) : 31 divisions d'infanterie, 1 corps blindé, 2 corps mécanisés, 1 corps de cavalerie, 1 brigade d'infanterie.
Ordre de bataille germano-hongrois
La majeure partie de l'armée royale hongroise s'étant ralliée au régime qui se met en place à partir du 16 octobre 1944, les troupes qui défendent la ville et ses abords sont composées d'unités mixtes allemandes et hongroises.
Elles comptent, sous le commandement de Karl Pfeffer-Wildenbruch, 42 divisions d'infanterie, 4 de cavalerie, 2 brigades mixtes cavalerie et engins motorisées, 9 divisions blindées et 4 divisions motorisées. Ces unités sont renforcées en décembre 1944 par le IVe Panzerkorps SS, prélevé sur le front de la Vistule[1], puis, le , par quatre divisions, prélevées sur le front de l'Ouest[2]. Ces multiples prélèvements sur le front de la Vistule ont des conséquences préjudiciables pour les autres fronts : les Soviétiques sont ainsi informés du renforcement du front de Budapest par des éléments transférés depuis la Vistule dès le lendemain du début du transfert[3].
À ces unités terrestres s'ajoutent les forces aériennes du royaume de Hongrie, recomposées entre l'automne et l'hiver 1944, puis renforcées au fil des mois. Ainsi, le royaume aligne 32 escadrilles de chasse dans la défense de sa capitale[4].
Budapest, enjeu politique
Objectif soviétique
Budapest constitue une cible majeure pour les Soviétiques. Dès la fin du mois d'octobre, une consigne de la Stavka ordonne la prise de la ville[5].
En effet, la conférence de Yalta approche et Staline souhaite montrer sa puissance à Winston Churchill et Franklin D. Roosevelt. Il envoie donc des directives au général Rodion Malinovski, lui ordonnant de prendre la ville le plus vite possible.
Le 29 décembre 1944, Rodion Malinovski envoie deux émissaires pour négocier la capitulation de la ville. Ces émissaires ne reviendront jamais. Plusieurs hypothèses sont envisagées. Certains historiens anglais et hongrois pensent que les émissaires ont été exécutés. D'autres pensent qu'ils ont été accidentellement tués sur le chemin du retour. En tout cas, les commandants soviétiques considèrent cet acte comme un refus et commencent le siège de la ville.
Budapest et les Allemands
Pour le Reich, le contrôle de la Hongrie, appuyé sur un régime totalement soumis au Reich, constitue un élément stratégique pour la conduite de la guerre.
La plaine hongroise est en effet productrice d'hydrocarbures et constitue, à l'automne 1944, la dernière source d'approvisionnement du Reich. En effet, depuis la perte des gisements roumains, en août 1944, le royaume de Hongrie fournit la majeure partie des hydrocarbures nécessaires à l'effort de guerre du Reich[6].
De plus, Budapest et la Hongrie occidentale constituent le dernier rempart avant la conquête de l'Autriche, que Hitler et Jodl privilégient, au détriment de la Prusse et de l'Allemagne orientale, chères à Guderian[7].
Opérations autour de la ville
Le 29 octobre 1944, l'Armée rouge et les forces roumaines commencent leur offensive sur Budapest. Les troupes germano-hongroises multiplient les contre-offensives afin de tenter l'éloigner l'Armée Rouge de la capitale hongroise[5]. Plus de 1 000 000 d'hommes se divisent en deux corps se ruant en direction de la ville, dans le but de la couper du reste des troupes germano-hongroises, concentrées dans l'Ouest du pays. Le caractère massif de ces opérations menées par les Soviétiques et les Roumains en Hongrie induit les services de renseignement allemands en erreur : en octobre, puis en novembre 1944, Gehlen propose une analyse faisant de la poussée soviétique dans la plaine hongroise l'une des tenailles destinées à écraser le Reich dans les délais les plus rapides[8].
Le 7 novembre 1944, les troupes alliées entrent dans Budapest par les faubourgs est, à 20 km de la Vieille Ville, puis se mettent en défense. Très peu d'habitants décident de quitter la ville.
Le 19 décembre, après une pause, les Alliés reprennent leur offensive. Le 26 décembre, la route reliant Vienne à Budapest est coupée par l'Armée rouge, encerclant ainsi la ville.
Le sort des Juifs dans Budapest menacée puis encerclée
Les Juifs ayant survécu aux déportations du printemps et de l'été précédent vivent regroupés dans deux ghettos, l'un peuplé de 32 000 Juifs hongrois, l'autre, le ghetto international, peuplé de 150 000 Juifs officiellement ressortissants d’États neutres, placé sous la protection précaire de diplomates suisses, suédois, portugais et espagnols[9].
Cinquante mille Juifs sont alors évacués vers Vienne au cours de marches forcées, encadrées par des gendarmes hongrois, puis, dans le Reich, des SS allemands, dans le but d'ériger des fortifications dans Vienne, elle aussi menacée par l'Armée rouge[10]. Organisés en bataillons de travail, 35 000 Juifs et plusieurs milliers de Roms restant à Budapest sont alors affectés à la construction de lignes de défense ; ces Juifs et Roms deviennent alors la cible privilégiée des Croix fléchées, qui les assassinent en grand nombre lors de leur retraite vers la ville[11], malgré des velléités de protection de la part du gouvernement militaire de la cité assiégée[10]. Rendus furieux par les défaites essuyées par les armées allemandes et hongroises, les escadrons du parti des Croix fléchées assassinent par fusillade, sur les berges du Danube, ou par noyade les Juifs de la ville assiégée, ainsi que les Roms, les opposants au régime fasciste et les soldats qui refusent de combattre ; les corps sont abandonnés sur place ou jetés dans le fleuve[12].
Les offensives allemandes de dégagement
L'offensive soviéto-roumaine débute dans les quartiers est, avançant à travers Pest, profitant des larges avenues centrales pour accélérer la progression. Les défenseurs allemands et hongrois, écrasés, essayent de gagner du temps. Finalement ils se retirent pour raccourcir leurs lignes, en espérant tirer profit de la nature accidentée de Buda.
Après l'offensive des Ardennes, le haut-commandement allemand procède à un dernier renversement des priorités, redéployant ainsi ses troupes face aux Soviétiques. Dans le cadre de ce changement stratégique, les unités demandées par Guderian depuis l'automne sont déployées en Hongrie[N 2],[13]. Les Allemands décident d'organiser plusieurs offensives pour débloquer Budapest et sécuriser les puits de pétrole hongrois, dernière source d'approvisionnement du Reich en hydrocarbures[13]. Au mois de janvier 1945, les Allemands lancent trois offensives successives, sous le nom d'Operation Konrad. Les opérations Konrad I, II et III constituent des tentatives germano-hongroises pour libérer la garnison encerclée de Budapest.
Les opérations Konrad I et Konrad II
Le 1er janvier, l'opération Konrad I est lancée. La 3e Panzerdivision SS Totenkopf allemand attaque de Tata à travers le terrain accidenté du nord de Budapest pour briser le siège soviétique. Simultanément, des forces Waffen-SS frappent à l'ouest de Budapest tentant d'obtenir un avantage tactique. Le , le commandement soviétique envoie quatre divisions de plus pour contenir la menace. Cette action soviétique bloque l'offensive près de Bicske, à moins de 20 kilomètres au nord de Budapest. Le 12 janvier, les Allemands sont forcés de reculer.
Le 7 janvier, les Allemands lancent l'opération Konrad II. La 3e Panzerdivision SS Totenkopf allemand attaque depuis Esztergom vers l'aéroport de Budapest. Elle essaie de capturer celui-ci pour améliorer le ravitaillement aérien de la cité. L'offensive est arrêtée à proximité de l'aéroport.
L'opération Konrad III
Après l'échec de ces deux tentatives, les Allemands ne s'avouent pas encore vaincus. À partir du 11 janvier, dans le plus grand secret, le IV.SS.Panzer Korps du général Gille est envoyé un peu plus au sud pour lancer une dernière offensive pour sauver la garnison de Budapest, Konrad III. A priori, l'Axe a regroupé un ensemble de troupes impressionnant pour lancer son offensive, il regroupe ainsi 3 corps d'armée :
- le IV SS Panzer Korps avec deux divisions SS : la Wiking et la Totenkopf ;
- le III. Panzerkorps avec 3 divisions blindées : les 1, 23 et 3 ;
- le I. Kavallerie-Korps avec une brigade de cavalerie et deux divisions d'infanterie.
Cet ensemble est renforcé avant l'offensive par deux Schwere Panzer-Abteilung (littéralement bataillon de chars lourds), composés de Tiger II, de plusieurs unités d'artillerie et des divisions hongroises du 8e Corps d'armée hongrois. Mais cette liste ne doit pas cacher la force réelle des unités engagées dans cette opération : au total, pour Konrad III, les forces allemandes alignent 6 000 fantassins et 300 blindés, soit deux fois moins que les Soviétiques.
L'offensive est lancée le 18 janvier, au matin, par une aube froide et brumeuse. Contre toute attente, les assaillants ouvrent rapidement une brèche à travers les champs de mines, les combats sont âpres, notamment autour de la ville de Székesfehérvár. Le lendemain l'offensive se poursuit. Le premier moment de surprise passé, les Soviétiques se ressaisissent et préparent des contre-attaques. Mais le 20, leur contre-attaque blindée échoue et les forces de l'Axe continuent de progresser vers le Danube, qui est atteint ce même jour par la 3e Panzerdivision, semant la panique dans les arrières soviétiques. Le 22, Szekesfehérvar finit par tomber, mais la garnison réussit à s'échapper. Cependant ces succès ne peuvent masquer l'état déplorable des unités allemandes, déjà en sous-effectif avant le début de l'offensive. Le 22, elles ne comptent plus que 123 blindés pour toutes les unités engagées, dont 27 pour les deux divisions SS, sans compter les chars Tigre. Néanmoins les Allemands reçoivent le renfort d'une petite Abteilung de 36 chars Panther qui vient renforcer les SS et leur permet de poursuivre leur offensive vers Budapest. Mais les Soviétiques ont rassemblé des réserves et contre-attaquent avec 2 corps mécanisés de la Garde et un corps blindé composé de chars soviétiques T-34/76.
Les troupes allemandes sont à bout de souffle, mais le 24 les SS parviennent à repousser les assauts soviétiques. Même incomplètes, les unités allemandes gardent une impressionnante efficacité guerrière qui leur permet de continuer à avancer. La division SS Wiking s'empare de deux têtes de pont sur la rivière Vali, mais ne peut les exploiter immédiatement, faute de réserves. Les Allemands ne sont plus qu'à 30 km de Budapest et de sa garnison encerclée. Le 25, la Totenkopf et la 1re Panzerdivision percent les lignes soviétiques à Petend, mais doivent reculer dès le 26, car les positions conquises sont la cible de contre-attaques puissantes.
Chute de la ville
Les Allemands sont à bout de force et le 27, les Soviétiques lancent une offensive qui force les Allemands à abandonner les positions conquises durant Konrad III. La garnison de Budapest, qui ne tient plus que Buda[14], sans plus aucun espoir de secours, se rend le 13 février. L'Axe perd ainsi près de 190 000 soldats aguerris : 138 000 partent en captivité, 50 000 ont été tués dans les combats à l'extérieur et l'intérieur de la ville assiégée[15].
Notes et références
Notes
Références
- Lopez 2010, p. 17.
- Lopez 2010, p. 18.
- Lopez 2010, p. 142.
- Olasz 2013, p. 238.
- Kershaw 2012, p. 179.
- Lopez 2010, p. 30.
- Lopez 2010, p. 19.
- Lopez 2010, p. 145.
- Friedländer 2008, p. 784.
- Friedländer 2008, p. 783.
- Evans 2009, p. 761.
- Friedländer 2008, p. 785.
- Kershaw 2012, p. 229.
- Masson 1994, p. 459.
- Kershaw 2012, p. 329.
Voir aussi
Bibliographie
- (fr) Richard J. Evans, Le Troisième Reich, 1939-1945, Paris, Flammarion, coll. « Au fil de l'Histoire », , 1102 p. (ISBN 978-2-08-120955-8).
- (fr) Saul Friedländer, Les Années d'extermination : L'Allemagne nazie et les Juifs. 1939-1945, Paris, Seuil, , 1032 p. (ISBN 978-2-7578-2630-0).
- (fr) Ian Kershaw, La Fin : Allemagne, 1944-1945, Paris, Seuil, , 665 p. (ISBN 978-2-02-080301-4).
- Jean Lopez, Berlin : Les offensives géantes de l'Armée Rouge. Vistule - Oder - Elbe (12 janvier-9 mai 1945), Paris, Economica, , 644 p. (ISBN 978-2-7178-5783-2).
- (fr) Philippe Masson, Histoire de l'Armée allemande. 1939-1945., Paris, Perrin, (ISBN 978-2-262-00844-4).
- (fr) Lajos Olasz, « La force aérienne hongroise durant la deuxième guerre mondiale », Stratégique, vol. 1, no 102, , p. 221-239 (lire en ligne ).
Articles connexes
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