Maladie et mort de Georges Pompidou

Élu président de la République française en 1969, Georges Pompidou meurt le à l’âge de 62 ans, des suites de la maladie de Waldenström, une forme rare de cancer du sang. Alors qu’il en était atteint depuis plusieurs années et que son apparence changeait durant son mandat, le chef de l’État n’avait pas publiquement révélé sa maladie.

Georges Pompidou en 1969, année de son élection à la présidence de la République française.

Contexte

À la tête du pays depuis 1959, le général de Gaulle démissionne à la suite de la victoire du « non » au référendum constitutionnel de 1969, ce qui entraîne une élection présidentielle anticipée. Au second tour du scrutin, l’ancien Premier ministre gaulliste Georges Pompidou l’emporte face au président centriste par intérim, Alain Poher. Élu pour un septennat, le nouveau chef de l’État a 57 ans.

Évolution de la maladie

Diagnostic

Avant même son accession à l’Élysée, Georges Pompidou se plaignait de légères fatigues et de maux de tête. Des saignements de nez et des états grippaux à répétition le conduisent à réaliser des examens, qui révèlent qu'il est atteint de la maladie de Waldenström, un cancer hématologique caractérisé par des lymphoplasmocytes proliférant au niveau de la moelle osseuse et synthétisant une immunoglobuline monoclonale.

Le visage du président Pompidou, gonflé par le traitement de sa maladie, choque lors du sommet franco-américain de Reykjavik, en 1973.

Selon le médecin Jean Bernard, Georges Pompidou était atteint de la maladie de Waldenström depuis 1968 et le savait probablement au moment de son entrée à l’Élysée ; il estime que s’il avait renoncé à son mandat présidentiel, la progression de sa maladie n'aurait pas été aussi rapide[1]. D’après la CIA, sa maladie a été diagnostiquée seulement à l’été 1971, mais le service de renseignement ignore sa nature jusqu'au moins 1972[2],[3] ; la CIA aurait notamment analysé les urines du président français lors de son voyage en Islande, en , pour connaître sa maladie.

Traitements

Dès le début de l’année 1973, la maladie et les médicaments, notamment les corticoïdes, rendent son visage extrêmement gonflé, lui font prendre du poids et ralentissent sa démarche[4]. Le chef de l’État se consacre essentiellement à la politique étrangère et délègue de plus en plus, notamment au secrétaire général de la présidence de la République, Édouard Balladur[5],[6]. Son changement d’apparence surprend lors de ses entretiens avec des dirigeants étrangers : c’est le cas pour la première fois en , lorsqu’il rencontre Léonid Brejnev à Minsk, puis en à Reykjavik, où il se rend pour échanger avec Richard Nixon contre l’avis de ses médecins ; le président américain confiera d’ailleurs à son entourage : « Celui-là n'en a plus pour longtemps ».

Georges Pompidou limite au maximum les réceptions et déplacements, après lesquels il est souvent contraint de s’aliter plusieurs jours. Sa rencontre avec Léonid Brejnev à Rambouillet à la fin du mois de est particulièrement éprouvante. Il rencontre cependant Mao Zedong, en Chine, le . À partir de l'hiver suivant, il se retire dans son appartement de l'île Saint-Louis et est placé sous une assistance médicale permanente, la septicémie ayant envahi son organisme[7]. Au début de l’année 1974, ses « grippes » se multiplient.

Communication officielle

Alors que les rumeurs sur son état de santé se multiplient, les déclarations officielles font en effet état de simples « grippes »[4]. Lors d'une conférence de presse, le président Pompidou annonce même qu'il envisage de briguer un second mandat à l'occasion de l’élection présidentielle prévue en 1976[3].

Cependant, pour la première fois sous la Cinquième République, un communiqué officiel, signé le par son médecin personnel, Jean Vignalou, informe sur la santé du président[2]. Un communiqué du fait état d'une « lésion bénigne d'origine vasculaire, située dans la région ano-rectale, et hyperalgique par intermittence », la maladie de Waldenström étant caractérisée par des hémorragies importantes[8]. Des rumeurs sur une possible démission de Georges Pompidou commencent à circuler[9].

Le , le premier grand dîner annuel offert en l'honneur du corps diplomatique est annulé en raison de son état de santé.

Mort et obsèques

L'hôtel particulier du 24, quai de Béthune (Paris), où meurt Georges Pompidou.

Du fait des complications infectieuses provoquées par la prednisone, Georges Pompidou meurt d'une septicémie dans son appartement parisien du deuxième étage de l'hôtel d'Hesselin, au 24 quai de Béthune, sur l'île Saint-Louis, le à 21 h[10]. Sa mort est annoncée le soir même. À l'exception de Pierre Messmer, principalement pour récupérer les codes nucléaires[11], Claude Pompidou ne veut recevoir aucune personnalité publique pour se recueillir au quai de Béthune devant la dépouille de son mari[12].

Le , des obsèques nationales sont célébrées en la cathédrale Notre-Dame de Paris, lors d'une cérémonie présidée par le cardinal Marty, archevêque de Paris, en la présence d'une cinquantaine de chefs d'État. Son inhumation se déroule à Orvilliers (Yvelines), dans la plus stricte intimité et sans « fleurs, ni couronnes, ni monument funéraire », avec « une simple dalle de pierre », comme souhaité par le président défunt dans son testament rédigé en . Son enterrement est à l'image de son épitaphe, composée juste après son élection à la présidence : « Les peuples heureux n'ont pas d'histoire ; je souhaiterais que les historiens n'aient pas trop de choses à dire sur mon mandat[13]. »

Suites, polémiques et conséquences

Lors de son élection à la présidence de la République, François Mitterrand promet la transparence sur son état de santé mais fait publier des bulletins médicaux falsifiés, cachant un cancer pendant une grande partie de sa présidence.

Après sa mort, la question de la capacité de Georges Pompidou à exercer ses fonctions est soulevée. S'il avait semble-t-il renoncé à s'impliquer dans la politique intérieure française, laissant Édouard Balladur s’en occuper, il tenait à continuer à intervenir en matière de politique étrangère, « domaine réservé » du chef de l’État sous la Cinquième République. Cependant, même dans ce domaine, sa maladie semble avoir diminué ses capacités. En , il se montre relativement discret dans la gestion de la guerre du Kippour.

Une polémique intervient par la suite au sujet du secret tenu autour de sa maladie. La classe politique « convient » alors que les futurs présidents de la République devront rendre compte de leur état de santé. Cependant, François Mitterrand, qui s'était engagé durant sa campagne de 1981 à publier des bulletins de santé réguliers, dissimulera lui aussi, après son accession au pouvoir, la gravité de la maladie dont il souffrait[7].

Dans la culture populaire

À la télévision, les derniers mois de la vie de Georges Pompidou sont relatés dans le téléfilm historique Mort d'un président (2011)[14].

Notes et références

  1. Michèle Cotta, Cahiers secrets de la Ve République, tome II (1977-1986), Fayard, 2008, p. 199.
  2. Cyriel Martin, « Santé du chef de l'Etat : les lourds secrets de la République », sur lepoint.fr, .
  3. Nouzille, Vincent., Les Dossiers de la CIA sur la France (1958-1981) : dans le secret des présidents, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », , 589 p. (ISBN 978-2-8185-0016-3 et 2818500168, OCLC 755944837, lire en ligne).
  4. « La santé des présidents: un flou persistant », Libération, 27 juillet 2009.
  5. Édouard Balladur, Le Pouvoir ne se partage pas : conversations avec François Mitterrand, Fayard, 2009, p. 21.
  6. Raphaëlle Bacqué, L'Enfer de Matignon : ce sont eux qui en parlent le mieux, Points, 2010, p. 232.
  7. Philippe Kohly, documentaire La France malade du pouvoir, émission Histoire immédiate, 2012.
  8. François d'Orcival, Le Roman de l'Élysée, Éditions du Rocher, , p. 287.
  9. André Passeron, « Certitudes… », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
  10. POMPIDOU Georges Jean Raymond né le 05/07/1911
  11. Frédéric Turpin, Pierre Messmer : Le dernier gaulliste, 2020
  12. Un jour, un destin, épisode Georges Pompidou, la maladie du pouvoir.
  13. Frédéric Abadie et Jean-Pierre Corcelette, Georges Pompidou. Le désir et le destin, Nouveau Monde Éditions, , p. 637.
  14. (en) « Mort d'un président », sur Internet Movie Database, (consulté le ).

Voir aussi

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