Le Vieux Fusil

Le Vieux Fusil est un drame franco-allemand réalisé par Robert Enrico, sorti en salles le en France. Écrit par Enrico avec Pascal Jardin et Claude Veillot, l'action du film se déroule peu après le débarquement en Normandie le .

Le Vieux Fusil
Photo des châteaux de Bruniquel (Tarn-et-Garonne) qui ont servi comme lieu de tournage du film.
Réalisation Robert Enrico
Scénario Pascal Jardin
Robert Enrico
Claude Veillot
Acteurs principaux
Sociétés de production Artistes Associés
Mercure Productions
TIT Filmproduktion
Pays d’origine France
Allemagne de l'Ouest
Genre Drame
Durée 103 minutes
Sortie 1975


Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Le film raconte l'histoire d'un médecin, incarné par Philippe Noiret, qui venge les morts violentes de son épouse (interprétée par Romy Schneider), et de sa fille, sauvagement assassinées par des soldats SS qui se sont installés dans le château d'un petit hameau où elles étaient réfugiées, en éliminant méthodiquement, un à un, les SS. Le film est marqué par des scènes d'une violence implacable, entremêlée par des séquences de flashbacks, remémorant une histoire d'amour brisée tragiquement.

Inspiré du massacre d'Oradour-sur-Glane le et tourné dans le Tarn-et-Garonne, Le Vieux Fusil a initialement divisé les critiques de cinéma lors de sa sortie, mais est devenu un succès commercial, devenant le cinquième plus grand succès au box-office français en 1975.

En 1976, le film, nommé dans neuf catégories lors de la première cérémonie des César, triomphe en remportant trois prix (meilleur film, meilleur acteur pour Philippe Noiret, meilleure musique pour François de Roubaix). Il obtient le César des Césars en 1985, signe de son caractère particulièrement remarquable.

Synopsis

Accroche

Peu après le débarquement de Normandie, en juin 1944, l'histoire d'un médecin vengeant la mort de sa femme et de sa fille, sauvagement assassinées par un détachement de soldats SS stationnés dans le château du petit hameau où elles s'étaient réfugiées.

Résumé détaillé

Pendant la Seconde Guerre mondiale, à Montauban, en 1944, Julien Dandieu, chirurgien pacifiste et humaniste convaincu, mène une vie bourgeoise avec son épouse Clara et sa fille Florence, née d'une précédente union. Participant à la Résistance française en soignant de façon risquée des maquisards dans son hôpital, il est régulièrement menacé par la milice. Afin de les mettre à l'abri jusqu'à la fin de la guerre, il envoie Clara et Florence au hameau de la Barberie, château familial situé à proximité d'un petit village de campagne de la région.

Ne pouvant supporter leur absence, Julien décide de les retrouver, les croyant en sécurité. À son arrivée, il découvre que le village est vide. Tous les villageois ont été regroupés dans l'église et assassinés par balle. Son inquiétude envers ses proches va s'accentuer jusqu’à ce qu'il découvre les cadavres de sa fille, tuée par balle, et de Clara, violée – c'est du moins ce qu'il imagine – et brûlée vive au lance-flammes, par une des sections de la SS Panzer Division Das Reich. Celle-ci stationne dans la région avant de se rendre en Normandie en renfort à la suite du Débarquement, traversant le village sur sa route et occupant le château, après avoir massacré sauvagement tous les villageois.

Détruit, ivre de douleur et de haine, Julien se reprend peu à peu pour ensuite se venger froidement et méthodiquement en devenant une redoutable et impitoyable « machine à tuer ». Connaissant bien les passages secrets du château, il s'arme du vieux fusil que son père utilisait jadis pour chasser le sanglier. Ainsi, il va exterminer, un par un, tous les membres de la section SS responsables du massacre. Sa chasse à l'homme est ponctuée de retours en arrière retraçant les moments de bonheur vécus avec Clara et sa fille.

Après avoir éliminé la majorité des bourreaux nazis (sauf un tué par l'officier des SS au moment où il s'apprêtait à déserter), et ce malgré une blessure au bras, Julien parvient à accomplir seul – il n'hésite pas pour cela à mentir à un groupe de résistants pour retarder leur intervention – sa vengeance jusqu'à son terme, en tuant le chef du groupe au lance-flammes.

Au même moment, les membres de la Résistance débarquent dans le petit village. François, collègue et meilleur ami de Dandieu, qui se trouve également sur les lieux, le retrouve et le ramène en ville en voiture. Sur le chemin du retour, Julien semble au départ prompt à nier la tragédie qui vient de se produire, pour finalement fondre en larmes.

Fiche technique

 Sauf indication contraire ou complémentaire, les informations mentionnées dans cette section peuvent être confirmées par la base de données d'Unifrance.

Distribution

Production

Scénario

Le Vieux Fusil est librement inspiré d'un fait historique réel : lors du débarquement de Normandie en juin 1944, la Panzer division SS Das Reich est appelée en renfort en Normandie. Excédée par les harcèlements des résistants français qui font tout pour freiner sa progression, elle sème la terreur et la mort sur son passage. Des membres du 1er bataillon du régiment Der Führer commettent le massacre d'Oradour-sur-Glane au cours duquel ils assassinent 642 civils, hommes, femmes et enfants et mettent le feu au village.

Par ailleurs, il y a plusieurs similitudes entre l'ambiance de plomb qui régnait sur le Limousin en et le film.

Au début du film, des soldats allemands marchent devant des pendus, ce qui rappelle les pendaisons de Tulle le et de Montauban le .

Casting

À l'origine, le rôle principal devait être interprété par Lino Ventura, qui avait déjà tourné sous la direction de Robert Enrico à trois reprises (Les Grandes Gueules, Les Aventuriers et Boulevard du rhum). Dans ses mémoires, Philippe Noiret écrira que Ventura aurait décliné la proposition de Pascal Jardin parce qu'il trouvait que le personnage était initialement un homme trop tranquille et pacifique qui ne correspondait pas à son image de « dur à cuire »[3]. Selon Robert Enrico, c'est le « coup de foudre amoureux » frappant le personnage de Dandieu qui lui aurait posé problème[4].

Le rôle fut finalement confié à Philippe Noiret, qui avait également tourné sous la direction d'Enrico dans Le Secret. Robert Enrico confia également à Stefan Moriamez dans son interview en 2002 qu'il avait pensé à Catherine Deneuve pour le rôle de Clara.

Le nom du héros joué par Philippe Noiret – Julien Dandieu – a été utilisé l'année précédente pour celui du film La Race des seigneurs (Pierre Granier-Deferre, 1974), incarné par Alain Delon. Il s'agit peut-être d'une idée de Pascal Jardin, qui a travaillé sur le scénario des deux œuvres.

Tournage

Trois châteaux ont servi de décor pour le film : le château de Bonaguil[5], en Lot-et-Garonne, et les châteaux de Bruniquel[6], en Tarn-et-Garonne. De plus, plusieurs scènes au début du film ont été tournées à Montauban[7].

Le film fut également tourné à Paris[8] ; la scène de la rencontre a été tournée à Montparnasse, au restaurant brasserie La Closerie des Lilas.

Biarritz a servi de décor pour la scène de la plage.

Accueil du public et critique

Lors de sa sortie en salles, Le Vieux Fusil a enregistré 3 365 471 entrées en France[9], dont 958 178 entrées à Paris[10], confortant Philippe Noiret et Romy Schneider dans leurs statuts de stars du cinéma en France.

En première semaine, le film fait un démarrage modeste avec 7 225 entrées et une septième place au box-office[11], mais remonte à la troisième place la semaine suivante avec 128 557 entrées, pour un total de 200 813 entrées[12]. Il atteint la deuxième place du box-office français lors de sa quatrième semaine à l'affiche avec 199 630 entrées, pour un cumul de 546 241 entrées[13]. Après près d'un mois à la deuxième place, il rétrograde à la troisième place début avec 199 267 entrées, pour un cumul de 1 191 720 entrées[14]. Il atteint le cap des deux millions d'entrées le [15].

Il s'agit du dernier film mis en musique par François de Roubaix, mort trois mois après la sortie en salles. Lors de la 1re cérémonie des César, il obtient à titre posthume le César de la meilleure musique. À cette même cérémonie, le film a obtenu le César du meilleur film et le César du meilleur acteur pour Philippe Noiret.

Toutefois, le film divisa la critique cinéphile[16]. Louis Skorecki cite dans Libération les propos de Jean-Pierre Oudart qui, dans les Cahiers du cinéma, reproche à Robert Enrico de tenir « un discours [...] abject sur la dernière guerre, sur le nazisme et Vichy » et de « faire prendre plaisir à une chasse à l'homme qui dure trois quarts d'heure »[17]. Il prend parti lui-même, en 2001, contre le film affirmant : « on a du mal à pardonner à Robert Enrico, serviteur académique du pire cinéma français, les indécences obscènes du Vieux Fusil »[17]. La prestation de Noiret est saluée, La Croix le qualifiant de « géant timide aux colères de cyclone », mais les invraisemblances du scénario, la lourdeur des flash-back et surtout le manichéisme du film sont reprochés[16]. Mais au fil des années, Le Vieux Fusil est désigné par le public comme l'un des films préférés des Français et est régulièrement diffusé à la télévision[16].

Analyse

Le film tire toute son originalité de sa manière de traiter un thème classique de la littérature et du cinéma : la vengeance. C'est l'un des rares films de justice expéditive (Rape and revenge) français, sorti peu de temps après la référence américaine du genre, Un justicier dans la ville[18]. Par le massacre de la division Das Reich, Julien Dandieu ne fait pas que répondre à un instinct animal, mais à un besoin de compréhension et de guérison de sa propre douleur (il est d'ailleurs chirurgien). Il tuera un à un les SS comme il laissera échapper de sa mémoire les instants heureux de sa vie de famille, en remontant à l'origine de cette vie ; ainsi, sa dernière vision est celle de sa rencontre avec Clara : pourquoi a-t-elle voulu de lui ? Parce que la guerre était imminente… Manière de relativiser l'horreur absolue en se prouvant à soi-même l'inanité des rencontres, l'inanité de la guerre, l'inanité de la vie. En ce sens, la musique de François de Roubaix accompagnant la famille faisant une promenade à vélo renforce ce lien étrange entre cet absurde existentiel et ce bonheur humain qui demeure éternellement dans la mémoire. Pourtant, à entendre ses divagations finales dans le camion, cette vengeance semble lui avoir à moitié fait perdre la raison.[19]

Hommages

Une allusion au Vieux Fusil est faite dans le film C'est arrivé près de chez vous de Rémy Belvaux et André Bonzel en 1992. Dans le film, Ben, l'assassin interprété par Benoît Poelvoorde saisit la chevelure d'un homme et le tue en frappant plusieurs fois sa tête contre un lavabo, reproduisant ainsi l'exécution d'un des soldats allemands (Antoine Saint-John) par le personnage de Philippe Noiret dans Le Vieux Fusil. Ben ponctue alors son acte macabre de la remarque suivante : « Ça ne vous rappelle rien ? Le Vieux Fusil...? Philippe Noiret...? Bon film. »

Le roman d'Alexis Jenni, L'Art français de la guerre (prix Goncourt en 2011), évoque le film ; il en fait une analyse, cohérente avec le propos du livre, et décapante, permettant de saisir la complexité des réactions de l'opinion, critiques et spectateurs face à la loi du Talion : « Les spectateurs, les yeux ouverts dans l'obscurité de la salle, sont forcés à la violence; ils sont rendus complices de la violence faite aux coupables...[20]  ».

Distinctions

Bibliographie

Stefan Moriamez, Le Vieux fusil : film de Robert Enrico tourné à Montauban, revue Arkheia, no 4, Montauban, 2002.

Vidéographie

Restauration en HD 4K

  • Film restauré en 4K à l'initiative de LCJ Éditions et Productions en 2015 par les laboratoires Eclair.
  • Film numérisé et restauré avec le soutien du CNC dans le but de sauvegarder et de diffuser l’œuvre dans les meilleurs standards techniques actuels.

Notes et références

Notes

  1. Lors de sa sortie en salles en 1975, le film fut interdit aux moins de 13 ans (équivalant de l'interdit aux moins de 12 ans lors du changement de palier de classification en 1990).

Références

  1. « Visa et Classification : fiche œuvre LE VIEUX FUSIL », sur cnc.fr (consulté le )
  2. (de) « Das alte Gewehr », sur filmportal.de (consulté le )
  3. Philippe Noiret, Mémoire cavalière, Paris, Robert Laffont, , 527 p. (ISBN 978-2-253-12421-4), p. 311
  4. Robert Enrico, Au cœur de ma vie, Saint-Cyr sur Loire, Christian Pirot Éditeur, , 317 p. (ISBN 2-86808-225-4), p. 183
  5. « Souvenirs du «Vieux Fusil» », sur De Romy Schneider... à Sarah Biasini (consulté le ).
  6. « L’impact du « Vieux Fusil » à Bruniquel », sur De Romy Schneider... à Sarah Biasini (consulté le ).
  7. S. Pommier et P.JB. Benichou, Romy Schneider, PAC, Coll. « Têtes d'Affiche », p. 158
  8. http://cinema.encyclopedie.films.bifi.fr/index.php?pk=48388
  9. (fr) « Le Vieux Fusil - Box-office », sur Jp's Box-office (consulté le ).
  10. (fr) « Le Vieux Fusil - Box-office », sur Box office story, (consulté le ).
  11. Box-office français du 26 août 1975
  12. Box-office français du 2 septembre 1975.
  13. Box-office français du 16 septembre 1975.
  14. Box-office français du 7 octobre 1975.
  15. Box-office français du 11 novembre 1975.
  16. Marie Soyeux, « « Le Vieux Fusil », un triomphe populaire », sur La Croix, (consulté le )
  17. Louis Skorecki, « Le Vieux Fusil », sur Libération.fr, (consulté le ).
  18. Que justice soit faite : les 10 meilleurs justiciers expéditifs du cinéma, Première, le 19 décembre 2010
  19. Hugues Tertrais, « Chapitre VII. Une opération « blanche » pour la France ? », dans La piastre et le fusil, Institut de la gestion publique et du développement économique (ISBN 978-2-11-091055-4, lire en ligne), p. 345–396
  20. Chapitre Commentaires VI, éditions Gallimard, coll. « Blanche », 2011, p. 481.
  21. (fr) « Le Vieux Fusil (édition limitée) », sur DVDFr, .
  22. (fr) « Le Vieux Fusil (édition simple) », sur DVDFr, .
  23. « Le Vieux fusil - DVD » [vidéo], sur DVDFr (consulté le ).
  24. « Le Vieux fusil - Blu-ray » [vidéo], sur DVDFr (consulté le ).

Liens externes

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