Le Faisceau
Le Faisceau (1925-1928), dont le nom fait référence au fascisme italien, est un éphémère (3 ans) parti fasciste français. Il a été fondé par des personnalités très diverses : anciens combattants, un ancien syndicaliste et d'anciens monarchistes.
Pour les articles homonymes, voir Faisceau.
Le Faisceau | |
Présentation | |
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Direction | Georges Valois |
Fondation | 1925 |
Disparition | 1928 |
Vice-président | Jacques Arthuys |
Journal | Le Nouveau Siècle |
Successeur | Parti fasciste révolutionnaire |
Positionnement | Extrême droite |
Idéologie | Fascisme français Nationalisme français Socialisme national |
Histoire du Faisceau
Fondation du Faisceau
Le Faisceau fut fondé au terme d'une réunion salle Wagram le par Georges Valois, à la suite d'une scission avec l'Action française dont ils jugeaient les positions archaïques.
Sa direction rassemblait Georges Valois, Jacques Arthuys (vice-président), le lieutenant André d'Humières (délégué général et responsable de l'organisation paramilitaire), Philippe Barrès (délégué à la propagande, fils de Maurice Barrès) et Serge André (administrateur).
L'année qui suit sa création, le Faisceau rassemble près de 25 000 « Chemises bleues ».
Organisation du Faisceau
Le parti était composé de quatre « faisceaux » :
- le « Faisceau des combattants » ou « légions », regroupant les anciens combattants de la Première Guerre mondiale et des guerres coloniales, organisés en compagnies, sections et groupes ;
- le « Faisceau des producteurs », composé de corporations ;
- le « Faisceau des jeunes » avec les « Jeunesses fascistes » et le « Faisceau universitaire » ;
- le « Faisceau civique ».
Le Faisceau disposait d'un journal Le Nouveau Siècle, fondé le , ainsi que d'un uniforme et de rituels (défilés paramilitaires).
Crise et éclatement du Faisceau
Le Faisceau est abandonné par le patronat industriel du Nord, dont notamment Eugène Mathon, inquiet des discours de Valois en faveur des classes populaires[1].
Malgré un nombre considérable d'adhérents, le parti va éclater en 1928 après de graves dissensions internes.
Deux principaux débats sont à l'origine de la dissolution du Faisceau :
- L'alignement ou non sur le fascisme italien, que Georges Valois (issu à la fois des milieux de l'Action française et du syndicalisme révolutionnaire) juge de plus en plus réactionnaire par rapport à ses propres idéaux révolutionnaires ;
- L'écart considérable entre une volonté sociale révolutionnaire, sincère chez Valois qui s'est tourné ensuite vers la gauche, et le financement du Faisceau par le grand capital anticommuniste comme François Coty[2]. Valois lui-même se dit alors déçu du fascisme italien qui se trouve effectivement dans une période de libéralisme économique.
Idéologie du Faisceau
Ce mouvement se revendiquait d'un fascisme inspiré du modèle italien : il entendait faire la synthèse du nationalisme et du socialisme, c'est-à-dire d'instaurer une dictature nationale au-dessus de toutes les classes sociales, avec un chef proclamé par les anciens combattants (supposés représenter une élite morale) et acclamé par la foule.
Il s'agissait de combiner un modèle antiparlementaire, dominé par un exécutif fort, avec un syndicalisme totalement libre, ce point constituant néanmoins une différence fondamentale avec le fascisme italien.
L'idée d'une forme politique dominée par un pouvoir exécutif puissant et personnifié par le chef de l'État (nécessairement un homme d'action) qui aurait pour base électorale les déçus du parlementarisme constituait déjà le projet des boulangistes en 1889.
De telles idées ont permis au Faisceau de recruter des intellectuels attirés par l'aspect alors moderne, jeune, non-conformiste et révolutionnaire de ce fascisme à la française comme Philippe Lamour, Philippe Barrès, Paul Nizan.
Concurrençant l'Action Française à la droite extrême du spectre politique, le faisceau s'était attiré l'inimitié de ce mouvement politique et de son maître à penser Charles Maurras, qui pour souligner à la fois l'origine étrangère de la doctrine du Faisceau et la piètre estime en laquelle il tenait ses dirigeants orthographiait systématiquement "Fesso" chaque fois qu' il s'y référait. En Italien, le mot fesso est un terme vulgaire signifiant à peu près « couillon » ou « abruti ».
Après le Faisceau
Après l'éclatement du Faisceau en 1928, Georges Valois fonde le Parti républicain syndicaliste (PRS) le . Il voulait développer une nouvelle économie syndicaliste et coopérativiste. Parmi les membres on comptait notamment : Charles-Albert (ancien anarchiste devenu néo-jacobin), Jacques Arthuys, Hubert Bourgin et René Capitant (futur gaulliste de gauche). Ce mouvement rejoindra la gauche. Le PRS avait pour organe principal la revue les Cahiers Bleus où écrivaient notamment Édouard Berth, Marcel Déat, Bertrand de Jouvenel et Pierre Mendès France.
Les membres du Faisceau restés fidèles à l’Italie fasciste, fondent le Parti fasciste révolutionnaire (PFR), groupuscule animé par le docteur Pierre Winter[3]. Les principaux adhérents étaient: E. d’Eaubonne, Philippe Lamour, Maurice de Barral (ce dernier, haut fonctionnaire, militant des mouvements d’anciens combattants et mutuellistes, deviendra un compagnon de route du PCF sous la IVe République et l’un des dirigeants de l'Union progressiste et de Démocratie combattante). Le journal du PFR s'intitulait la Révolution fasciste.
L'universitaire spécialiste de l'antisémitisme Simon Epstein constate dans son ouvrage Un paradoxe français (2008), que le Faisceau, cette première organisation fasciste française, s’avèrera particulièrement fournie en futurs résistants et dirigeants de la Résistance : son fondateur Georges Valois mourra en déportation à Bergen-Belsen, Jacques Arthuys, sera dirigeant de l’Organisation civile et militaire (OCM) et mourra lui aussi en déportation, les journalistes Roger Giron (1900-1990) et Georges Oudard, anciens du Faisceau, écriront dans Vérités puis Combat clandestins, Philippe Barrès, fils de Maurice Barrès sera gaulliste, André d'Humières, Jacques Debû-Bridel, André Rousseaux, Philippe Lamour entre autres s'engageront aussi très activement dans la Résistance. Simon Epstein conclut, non sans une certaine ironie : « À lire les noms, à étudier les biographies et à évoquer les destins de ces membres du Faisceau, on en vient à penser — en forçant, bien sûr, la boutade à l'extrême — que si la France a collaboré, ce n'est pas d'avoir été trop fasciste, ce serait plutôt de ne pas l'avoir été assez… »[4].
Personnalités liées au Faisceau
- Georges Valois, ancien membre de l'Action française, rejoignit la gauche après le Faisceau. Il participa à la résistance et mourut en déportation.
- Jacques Arthuys, ancien membre de l'Action française et économiste, il rejoignit la Résistance et dirigea le mouvement OCM. Il mourut en déportation.
- André d'Humières, ancien combattant, pilote dans l'escadron « Jeanne d'Arc », rejoignit la Résistance.
- Philippe Barrès, fils de l'écrivain nationaliste Maurice Barrès, fut plus tard partisan de la France libre et fut élu député gaulliste (RPF) en 1951.
- Serge André, industriel du pétrole (source).
- Marcel Bucard, ancien membre de l'Action française, fasciste, militant d'extrême droite. Il créa le Francisme (1933) ; collaborateur notoire, il fut exécuté en 1946.
- Hubert Bourgin, intellectuel de droite, ancien membre de la Ligue des patriotes.
- Dr Thierry de Martel, fils de l’écrivaine nationaliste Gyp. Se suicide lors de l’entrée des Allemands à Paris en 1940.
- Hubert Lagardelle, leader syndicaliste révolutionnaire au Parti ouvrier français et à la CGT, il fut l'ami de Mussolini et devint ministre du Travail sous le Régime de Vichy.
- Marcel Delagrange, ancien maire PCF de Périgueux, puis haut responsable du Faisceau.
- Jacques Debû-Bridel, ancien membre de l'Action française, il rejoignit ensuite la Fédération républicaine. Résistant, il fut membre du CNR, puis gaulliste de gauche.
- Paul Nizan, écrivain et philosophe communiste, membre du PCF et ami de Jean-Paul Sartre. Il n'appartient au Faisceau que quelques mois.
- Philippe Lamour, ancien membre du Parti radical. Président des « Faisceaux universitaires », il devint un grand technocrate des Quatrième et Cinquième Républiques, notamment en ce qui concerne l'aménagement du territoire et la modernisation de l'agriculture.
- Bardy, responsable du CGT et du PCF avant d'adhérer au Faisceau.
- Pierre Dumas, ancien secrétaire général de la Fédération de l’habillement (CGT), puis membre de l'Action française.
- Le Corbusier, architecte franco-suisse.
- Pierre Winter, médecin et hygiéniste.
- François de Pierrefeu, ingénieur et urbaniste.
- Norbert Bézard, militant sarthois.
Notes et références
- Zeev Sternhell, Ni droite ni gauche. L'idéologie fasciste en France, Folio histoire, , p. 352
- Bernard Lanza, « Georges Valois : Du Cercle Proudhon au Nouvel Age », fragments-diffusion.chez-alice.fr
- Yves Guchet, Georges Valois. L'Action française - Le Faisceau - La République syndicale, Erasme, 1990, p. 259
- Simon Epstein, Un paradoxe français. Antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, éd. Albin Michel, 2008, p. 536.
Voir aussi
Bibliographie
- Olivier Dard (dir.), Georges Valois, itinéraire et réceptions, Bruxelles, Peter Lang, coll. « Convergences » (no 59), , 266 p. (ISBN 978-3-0343-0505-1, présentation en ligne).
- Zeev Sternhell, Ni droite ni gauche : l'idéologie fasciste en France, Paris, Gallimard, coll. « Folio. Histoire » (no 203), , 4e éd. (1re éd. 1983, Éditions du Seuil), 1075 p. (ISBN 978-2-07-044382-6, présentation en ligne), [présentation en ligne].
- Zeev Sternhell, « Anatomie d'un mouvement fasciste en France : le faisceau de Georges Valois », Revue française de science politique, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, no 1, , p. 5-40 (lire en ligne).
Articles connexes
- L'Action française
- Cahiers des États généraux (revue dirigée par Georges Valois)
- Fascisme français
- Fascisme
- Le Nouveau Siècle (quotidien dirigé par Georges Valois)
- Ligue d'extrême droite
- Parti communiste français
- Résistance
- Syndicalisme révolutionnaire
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